RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 6
ARRÊT DU 14 Juin 2017
(n° , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/01080
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 26 Novembre 2014 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de PARIS RG n° 12/03808
APPELANTE
Société AIR SEYCHELLES LIMITED
[Adresse 1]
[Adresse 2]
[Adresse 3]- SEYCHELLES
représentée par Me Fabien MAUDUIT, avocat au barreau de PARIS, toque : R035
INTIMÉE
Madame [L] [O]
[Adresse 4]
[Adresse 5]
née le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 1] SEYCHELLES
comparante en personne, assistée de Me Pierre-philippe FRANC, avocat au barreau de PARIS, toque : D0189
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Mai 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Benoît DE CHARRY, Président de chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M Benoît DE CHARRY, Président de chambre
Mme Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, Conseillère
Mme Séverine TECHER, vice-présidente placée
Greffier : Mme Clémence UEHLI, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Monsieur Benoît DE CHARRY, Président et par Madame Clémence UEHLI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES
Madame [L] [O] a été engagée par la société AIR SEYCHELLES par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er avril 1990 en qualité de responsable administratif.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale du transport aérien ' Personnel au sol.
Madame [L] [O] percevait en dernier lieu une rémunération mensuelle de 3100 euros.
La société AIR SEYCHELLES occupait à titre habituel au moins onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles.
Par lettre en date du 16 décembre 2011, Madame [L] [O] a été convoquée à un entretien préalable fixé au 5 janvier 2012.
Par lettre en date du 16 janvier 2012, Madame [L] [O] a été licenciée pour motif économique.
Contestant notamment son licenciement, Madame [L] [O] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris qui, par jugement en date du 26 novembre 2014 auquel la Cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a condamné la société AIR SEYCHELLES à lui payer la somme de 40 000 euros euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société AIR SEYCHELLES a relevé appel de ce jugement par déclaration parvenue au greffe de la cour le 29 janvier 2015.
La société AIR SEYCHELLES soutient que la rupture du contrat de travail est fondée par un motif économique avéré et qu'elle a fait de son mieux pour proposer des possibilités de reclassement à la salariée.
En conséquence, elle sollicite :
- l'infirmation du jugement et le rejet des demandes de Madame [L] [O],
- à titre subsidiaire, la limitation à 17 171,04 euros du montant de l'indemnité visée à l'article L.1235-3 du code du travail,
- la condamnation de Madame [L] [O] à lui payer 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
En réponse, Madame [L] [O] fait valoir que le motif économique n'est pas avéré, que la société AIR SEYCHELLES a agi avec une légèreté blâmable et n'a pas fait le moindre effort de reclassement notamment au sein de la société ETIHAD.
En conséquence, elle sollicite la confirmation du jugement et la condamnation de la société AIR SEYCHELLES à lui payer 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS
Vu le jugement du conseil de prud'hommes, les pièces régulièrement communiquées et les conclusions des parties, visées par le greffier et soutenues oralement à l'audience, auxquels il convient de se référer pour plus ample information sur les faits, les positions et prétentions des parties.
Sur le licenciement
La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige est ainsi rédigée :
« En effet, la société Air Seychelles enregistre un résultat déficitaire depuis plusieurs années, à savoir une perte de 3,7 millions d'euros en 2008-2009, de 5,5 millions d'euros en 2009-2010, de 0,6 millions d'euros en 2010-2011 une prévisions de perte de l'ordre de 12 millions d'euros pour l'exercice 2011-2012.
Dans ces circonstances, la compagnie ne peut plus continuer à opérer des lignes déficitaires. Notre ligne Paris-Mahé ayant enregistré un déficit de 4 millions d'euros en 2010-2011 et de 8 millions d'euros durant les huit derniers mois, la fermeture de cette ligne est désormais inévitable.
Dans ces conditions nous sommes contraints de fermer le bureau de Paris et le licenciement pour motif économique de l'ensemble du personnel est en conséquence nécessaire. »
Le motif économique du licenciement doit s'apprécier à la date de celui-ci.
Madame [L] [O] fait valoir qu'au moment de son licenciement, la société AIR SEYCHELLES venait de conclure un accord avec la société ETIHAD, aux termes duquel cette société a injecté 45 millions d'euros dans la société AIR SEYCHELLES, de sorte que la reprise par ETIHAD et l'apport de capitaux importants excluent toutes difficultés économiques.
Or ce n'est que le 23 janvier 2012, soit postérieurement au licenciement, qu'un protocole d'entente a été signé entre le gouvernement des Seychelles et Etihad Airways, pour que cette dernière prenne une participation de 40 % dans la société Air Seychelles et ce n'est que le 15 mars suivant que les parties ont signé un accord d'investissement.
La société AIR SEYCHELLES produit aux débats ses résultats comptables qui traduisent des résultats d'exploitation durablement et gravement déficitaires, non seulement pour ce qui regarde la ligne Paris-Mahé, mais encore pour la société dans son ensemble. Ses pertes annuelles se sont élevées à 3,7 millions d'euros au 31 mars 2008, à 5,3 millions d'euros au 31 mars 2009, à 788 000 euros au 31 mars 2010, à 10,7 millions d'euros au 31 mars 2011 et à 15,6 millions d'euros au 31 mars 2012.
Le caractère récurrent de ces pertes, leur montant et leur considérable augmentation au cours des deux derniers exercices, caractérisent l'existence de difficultés économiques graves et durables, justifiant la fermeture du bureau de Paris, corrélativement à la fermeture de la ligne aérienne Paris-Mahé, elle-même gravement déficitaire, et le licenciement de l'ensemble des salariés de ce bureau.
Madame [L] [O] soutient que la société AIR SEYCHELLES a été pour le moins d'une légèreté blâmable en procédant au licenciement de nombreux salariés au moment même où elle concluait un accord de réorganisation avec un apport massif de capitaux.
Au jour du licenciement, l'accord entre la société AIR SEYCHELLES et ETIHAD n'était pas intervenu et il n'est versé aux débats aucune pièce venant établir qu'un tel accord, quoique non formalisé, était cependant acquis, de sorte que l'employeur n'a pas agi avec une légèreté blâmable.
Sur la recherche de reclassement
Madame [L] [O] soutient que la société AIR SEYCHELLES n'a pas fait le moindre effort de reclassement notamment au sein de la société ETIHAD qui fait partie du même groupe et emploie de nombreux employés en France.
La société AIR SEYCHELLES répond qu'elle a rempli son obligation de reclassement.
Le licenciement économique d'un salarié ne peut intervenir que si son reclassement dans l'entreprise ou dans le groupe auquel elle appartient est impossible. En cas d'appartenance à un groupe, l'employeur doit étendre sa recherche de reclassement à toutes les entreprises de ce groupe dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation leur permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.
Sauf fraude, ici non invoquée par Madame [L] [O], les possibilités de reclassement s'apprécient au plus tard à la date de licenciement.
L'intégration de la société AIR SEYCHELLES au groupe ETIHAD est postérieure à la date à laquelle Madame [L] [O] a été licenciée. En conséquence, la société AIR SEYCHELLES n'était pas tenue de rechercher à reclasser Madame [L] [O] au sein de ce groupe.
La société AIR SEYCHELLES avait fermé son unique bureau en France, de sorte qu'elle ne disposait pas de postes disponibles sur le territoire national.
Madame [L] [O] n'avait pas répondu au questionnaire par lequel son employeur lui demandait si elle acceptait de recevoir des offres de reclassement dans un pays étranger, de sorte que son silence valait refus.
Dans ces conditions, la société AIR SEYCHELLES a satisfait à son obligation de recherche de reclassement.
Le licenciement économique de Madame [L] [O] est justifié.
Il y a donc lieu d'infirmer la décision déférée.
Sur les frais irrépétibles
Pour des motifs tirés de l'équité, il y a lieu de dispenser Madame [L] [O] de verser à la société AIR SEYCHELLES une quelconque somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Sur les dépens
Partie succombante, Madame [L] [O] est condamnée au paiement des dépens.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
INFIRME le jugement en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau et ajoutant,
DÉBOUTE Madame [L] [O] de l'ensemble de ses demandes,
DÉBOUTE la société AIR SEYCHELLES de sa demande au titre des frais irrépétibles,
CONDAMNE Madame [L] [O] aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT