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14/06/2017 | FRANCE | N°15/01468

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 14 juin 2017, 15/01468


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6



ARRÊT DU 14 Juin 2017

(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/01468



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 Décembre 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL section RG n° 13/01267









APPELANTE

SA CREDIT LYONNAIS

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me Nicolas DURA

ND GASSELIN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0505







INTIME

Monsieur [I] [V]

[Adresse 2]

[Localité 2]

comparant en personne, assisté de Me Geneviève ALESSANDRI, avocat au barreau de HAUT...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRÊT DU 14 Juin 2017

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/01468

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 Décembre 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL section RG n° 13/01267

APPELANTE

SA CREDIT LYONNAIS

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me Nicolas DURAND GASSELIN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0505

INTIME

Monsieur [I] [V]

[Adresse 2]

[Localité 2]

comparant en personne, assisté de Me Geneviève ALESSANDRI, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : PN121 substitué par Me Sarah ANNE, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : 33

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 09 Mai 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Marie-Luce GRANDEMANGE, Présidente de chambre, rédactrice

Mme Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, Conseillère

Mme Séverine TECHER, Vice-Présidente Placée

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Eva TACNET, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Mme Marie-Luce GRANDEMANGE, Présidente et par Madame Eva TACNET, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Monsieur [I] [V] a été embauché par la SA Crédit Lyonnais par contrat de travail à durée indéterminée le 1er juillet 1976. Il s'est vu décerner le 2 janvier 2009, par le ministère du travail, des relations sociales de la famille et de la solidarité la médaille d'honneur du travail de vermeil pour 30 années de service.

Le 02 mai 2013, Monsieur [V] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Créteil en paiement d'une gratification pour la médaille du travail de trente ans d'ancienneté et de dommages-intérêts pour discrimination et résistance abusive.

Par décision en date du 18 décembre 2014, le Conseil de Prud'hommes a condamné la SA Crédit Lyonnais à lui payer les sommes suivantes :

- 2925 € à titre de gratification pour la médaille du travail de 30 ans d'ancienneté,

- 1200 €sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

et a débouté Monsieur [V] de ses autres demandes et la SA Crédit Lyonnais de sa demande reconventionnelle.

Le 5 février 2015 la SA crédit lyonnais, a interjeté appel de cette décision notifiée le 13 janvier 2015.

Par conclusions déposées le 9 mai 2017, développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, la SA Crédit Lyonnais conclut à la réformation du jugement entrepris.

Elle demande à la cour de débouter Monsieur [V] de l'intégralité de ses demandes et de le condamner à lui payer une indemnité d'un montant de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions déposées le 9 mai 2017 développées oralement et auxquelles il est expressément fait référence, Monsieur [V] demande la confirmation du jugement entrepris sauf en ce qu'il a rejeté sa demande en paiement de dommages-intérêts pour discrimination, il sollicite à ce titre une somme de 3000 € outre celle de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, avec intérêts de droit à compter de la citation introductive d'instance et capitalisation des intérêts.

MOTIVATION

* Sur la recevabilité des demandes de M. [V]

Contrairement à ce que soutient la SA Crédit Lyonnais lorsque la validité ou l'adaptation d'un accord collectif est soulevée à l'occasion d'un litige d'ordre individuel le conseil de prud'hommes est compétent pour en connaître. La fin de non-recevoir invoquée, qui procède au surplus d'une confusion entre exception d'incompétence et fin de non-recevoir, sera écartée et les demandes de Monsieur [V] déclarées recevables.

* Sur le versement de la gratification liée à la médaille du travail de vermeil 

Monsieur [V] prétend avoir acquis le droit de percevoir cette prime dès le 1er juillet 2006, et considère que l'employeur ne pouvait le priver de cet avantage acquis et incorporé à son contrat de travail.                                                                                          

Contrairement à ce qu'il soutient aucune disposition contractuelle ne prévoyait le versement de cette gratification, elle ne résultait jusqu'au 01 janvier 2011 que d'un usage en vigueur au sein de la société.

Aux termes de celui-ci, tel qu'il est produit par M. [V], les salariés titulaires de la médaille d'honneur du travail de l'État (appelée diplôme) encore en activité au sein de l'entreprise au moment de l'obtention de celle-ci pouvaient demander à l'employeur une gratification à leurs 25 ans, 35 ans, 43 ans et 48 ans d'activité à condition d'être titulaire respectivement des médailles d'argent, de vermeil, d'or et de la grande médaille d'or de l'État. Pour en bénéficier le salarié devait toujours être présent dans l'entreprise au moment de la demande, soit cinq ans ou 8 ans après l'accomplissement du temps de services prévu pour l'obtention des dites médailles. Il s'en déduit que le bénéfice de cet avantage, en vertu d'un usage, était conditionné non seulement par l'obtention d'un diplôme mais également par une condition distincte et spécifique relative à l'ancienneté.

Or, d'une part M. [V] n'a obtenu le diplôme de la médaille vermeil (30 ans de service), que le 02 janvier 2009, et ne pouvait, en vertu de l'usage ci-dessus rappelé, en demander le paiement avant d'avoir atteint 35 ans de services, soit le 01 juillet 2011. Au demeurant il ne démontre, ni ne prétend, avoir effectué une telle demande avant la signature de l'accord d'entreprise du 24 janvier 2011.

Ainsi, contrairement à ses prétentions Monsieur [V] n'avait aucun droit acquis au paiement de la gratification pour l'obtention de la médaille vermeil avant l'entrée en vigueur de l'accord du 24 janvier 2011, soit le 01 mai 2011.

Il ne peut prétendre au paiement de cette gratification sur ce fondement.

M. [V] ajoute que la règle prévue par cet usage, différant de cinq ans le paiement de la gratification pour la médaille d'honneur vermeil est illégale, ce qui aurait pour effet de la rendre exigible dès le 01 juillet 2006. Cependant, outre le fait qu'il n'a été titulaire de cette médaille que le 02 janvier 2009, il ne développe aucun moyen précis de nullité de la règle posée par l'usage d'entreprise quant aux conditions et aux modalités de paiement de ces gratifications et procède par simple voie d'affirmation, le cumul de conditions liées à l'obtention d'un diplôme et à l'ancienneté, n'a rien d'illégal.

L'accord collectif du 24 janvier 2011 issu de la négociation entre la direction du Crédit Lyonnais et deux organisations syndicales, la CFDT et le SNB, comporte diverses mesures salariales collectives et individuelles pour l'année 2011 et prévoit de nouvelles modalités d'attribution de la gratification liée à la médaille d'honneur du travail d'État.

Lorsqu'un accord collectif ayant le même objet que l'usage d'entreprise est conclu entre l'employeur et une ou plusieurs organisations représentatives de l'entreprise qui ont vocation à négocier pour l'ensemble des salariés et anciens salariés, cet accord a pour effet de mettre fin à cet usage sans qu'il y ait lieu à dénonciation.

Dès lors l'accord collectif du 24 janvier 2011 a mis fin à l'usage antérieur, et Monsieur [V] ne peut se prévaloir des règles applicables en vertu de cet usage pour obtenir le paiement de la gratification 'médaille vermeil'.

M. [V] prétend ensuite que les dispositions transitoires prévues par l'accord d'entreprise du 24 janvier 2011 sont illégales, lui sont inopposables et instaurent une mesure discriminatoire directe ou indirecte liée à l'âge.

Les différences de traitement entre catégories professionnelles, ou entre des salariés exerçant au sein d'une même catégorie professionnelle, des fonctions distinctes, opérées par voie de convention ou d'accord collectifs, négociés et signés par les organisations syndicales représentatives, investies de la défense des droits et intérêts des salariés et à l'habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote, sont présumées justifiées de sorte qu'il appartient à celui qui les conteste de démontrer qu'elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle.

En revanche, tant en application de l'article L 1132-1 du code du travail que de la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, un accord collectif ne peut instaurer une différence de traitement fondée sur l'âge qui ne soit objectivement et raisonnablement justifiée par un objectif légitime et à la condition que les moyens mis en 'uvre pour le réaliser soient appropriés et nécessaires.

M. [V] prétend que les dispositions transitoires conduisent à le priver de la gratification vermeil, conditionnée par l'obtention de la médaille d'honneur pour 30 ans de services, alors que d'autres salariés percevront une prime pour leurs 30 ans, 35 ans ou 40 ans d'ancienneté.

Préliminairement on peut observer que tant l'usage antérieur que l'accord collectif du 24 janvier 2011 ne lient pas le versement de la gratification litigieuse à l'âge mais à des conditions d'ancienneté et d'obtention du diplôme de la médaille d'honneur.

Surtout, il apparaît qu'en vertu de l'usage antérieur les salariés, présents dans l'entreprise, pouvaient prétendre au paiement d'une gratification lorsqu'ils avaient 25 ans, 35 ans, 43 ans et 48 ans d'activité, sous condition de détention des diplômes respectivement des médailles d'argent, de vermeil, d'or et de grand or.

L'accord du 24 janvier 2011 aligne le moment de versement de la gratification, c'est à dire la condition relative à l'ancienneté dans l'entreprise, avec le calendrier d'obtention des diplômes, désormais, à compter du 01 janvier 2011 les salariés peuvent prétendre au paiement d'une gratification lorsqu'ils atteignent 20 ans, 30 ans, 35 ans et 40 années de services à la condition de justifier dans les douze mois de l'obtention de la médaille d'honneur correspondante.

Le dispositif transitoire, critiqué par M. [V] comme discriminatoire, mis en oeuvre à compter du 01 mai 2011, permet à des salariés, qui n'ont perçu aucune prime dans les cinq années précédentes, mais qui auraient pu en percevoir une si le dispositif adopté par l'accord d'entreprise avait déjà été en vigueur, et qui de surcroît ne peuvent prétendre au paiement d'aucune gratification dans les cinq années à venir, de percevoir une gratification au titre de la médaille acquise au cours des cinq ans précédents l'entrée en vigueur de l'accord.

Cette mesure ne concerne que deux classes d'âge de salariés, ceux ayant entre 21 et 24 ans d'ancienneté, et ceux ayant entre 41 et 42 ans d'ancienneté lors de l'entrée en vigueur de l'accord d'entreprise. Ces salariés ne pouvaient plus prétendre au paiement de la gratification due à 25 ans et 43 ans de services en raison de la fin de l'usage antérieur, sans être pour autant éligibles au paiement de la gratification due à 20 ans de services, remplaçant celle due à 25 ans, ou à celle due à 40 ans de services remplaçant celle due à 43 ans de services, ils ne pouvaient davantage prétendre dans les cinq ans suivants au paiement de la gratification due à 30 ans de services, ou à 48 ans de services cette dernière ayant été supprimée pour tous les salariés.

M. [V] n'était pas éligible à ce dispositif transitoire puisqu'il a perçu la gratification pour 35 années d'ancienneté, désormais conditionnée par l'obtention du diplôme or et non plus du diplôme vermeil, gratification qu'il a perçue en août 2012. Soutenir que cette disposition lui est inopposable est sans objet puisqu'en tout état de cause elle ne lui est pas applicable.

En tout état de cause elle ne le prive d'aucun avantage, elle n'a aucun caractère discriminatoire à son égard, et son adoption par les partenaires sociaux répond à un objectif d'équité parfaitement légitime, il est destiné à éviter que les deux classes d'âge susvisées soient privées d'un avantage du fait de l'application dans le temps de deux règles successives, et le moyen adopté pour atteindre cet objectif apparaît nécessaire et approprié.

Ce dispositif transitoire instaure également une règle de non cumul des gratifications en 2011 auquel pourrait conduire la coexistence des dispositifs. L'usage antérieur ayant pris fin au premier mai 2011, cette règle ne s'applique pas davantage à M. [V] qui n'a jamais acquis le droit de percevoir une gratification après 35 ans de services au titre de la médaille vermeil, en application de l'usage antérieur.

De plus cette règle est la même pour tous les salariés, elle est identique quelque soit leur âge ou leur classe d'âge. Au demeurant, M. [V] ne précise pas quels sont les salariés, qui seraient traités différemment de lui en raison de ce critère.

Contrairement à ce qu'il soutient, de façon très générale, M. [V], et les salariés ayant entre 31 ans et 34 ans de services comme lui, n'ont pas été privés par l'accord collectif d'une gratification à la différence de salariés appartenant à d'autres classes d'âge.

Il est exact que l'accord d'entreprise conduit à ce que les salariés ayant, comme M. [V], entre 31 et 34 ans d'ancienneté au 01 mai 2011 perçoivent une gratification lorsqu'ils atteignent trente cinq ans d'ancienneté, non plus au titre de la médaille vermeil mais de la médaille d'or, toutefois ces salariés percevront également une gratification après 40 ans de service, au titre de la grande médaille d'or, et non après 43 ans au titre de la médaille d'or comme antérieurement ; la gratification perçue sous l'empire de l'ancienne règle après 48 ans de services au titre de la grande médaille d'or ayant été supprimée pour tous en raison de l'évolution de l'âge de départ à la retraite qui la rendait obsolète. De fait, au regard de son âge M. [V] percevra dans le nouveau système trois gratifications au total comme dans l'ancien.

Il est constant que les salariés qui atteindront leurs 30 ans d'ancienneté, après l'entrée en vigueur de l'accord, pourront, à la condition d'être encore présents dans l'entreprise, prétendre au versement d'une gratification après 30 ans, 35 ans et 40 ans d'ancienneté.

Cet accord collectif instaure, pour l'avenir et pour l'avenir seulement, une mesure plus favorable aux salariés que l'usage antérieur, puisqu'il crée une nouvelle gratification conditionnée par une ancienneté de 30 ans de services, outre l'obtention d'un diplôme, avec maintien des gratifications à 35ans et 40 ans (au lieu de 43 ans) et suppression pour tous de celle prévue à 48 ans de services. L'accord litigieux ne prévoit pas de rétroactivité de cette mesure.

Il ne prive pas M. [V] d'une gratification mais ne lui permet pas de cumuler l'avantage lié aux anciennes modalités de paiement des gratifications avec le nouveau. L'accord collectif litigieux crée un avantage dont ne bénéficie pas M. [V] mais ne lui procure aucun désavantage.

Aucune discrimination indirecte, ni a fortiori directe, fondée sur l'âge, n'est caractérisée.

Il y a donc lieu d'infirmer le jugement entrepris et de débouter M. [V] de sa demande en paiement d'une gratification pour trente ans de services et de le confirmer en ce qu'il a rejeté sa demande en paiement de dommages intérêts pour discrimination et résistance abusive.

* Sur les autres demandes

M. [V] qui succombe conservera la charge de ses frais irrépétibles, tant en première instance qu'en appel, et sera condamné aux dépens de la procédure de première instance et d'appel.

L'équité et les circonstances de la cause commandent de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la SA Crédit Lyonnais qui se verra allouer la somme de 400 € à ce titre.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

REJETTE la fin de non recevoir soulevée par la SA Crédit Lyonnais,

RÉFORME le jugement déféré en ce qu'il a condamné la SA Crédit Lyonnais au paiement d'une somme à titre de gratification et d'une indemnité pour frais irrépétibles à M. [V],

et statuant de nouveau,

DÉBOUTE M. [V],

CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus,

Y ajoutant,

CONDAMNE M. [V] à verser à la SA Crédit Lyonnais la somme de 400 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. [V] aux dépens de la procédure de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 15/01468
Date de la décision : 14/06/2017

Références :

Cour d'appel de Paris K6, arrêt n°15/01468 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-06-14;15.01468 ?
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