Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 3
ARRÊT DU 14 JUIN 2017
(n° , 11 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 15/15133
Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Janvier 2015 -Tribunal de Grande Instance de Paris - RG n° 10/07135
APPELANTE :
SA MARCADET DISTRIBUTION 75 prise en la personne de ses représentants légaux
Immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 351 564 158
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représentée par Me Laurence TAZE BERNARD, avocat au barreau de PARIS, toque : P0241
Assistée de Me Bertrand RACLET de l'AARPI OPERA AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0055
INTIMÉE :
SARL SOVAL prise en la personne de ses représentants légaux
Immatriculée au RCS de Caen sous le numéro 847 250 503
[Adresse 2]
[Localité 2]
Représentée par Me Frédéric BURET, avocat au barreau de PARIS, toque : D1998
Assistée de Me Jacques GUILLEMIN de la SELAS SAUTIER -GUILLEMIN- MEUNIER, avocat au barreau de PARIS, toque : R022
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 Mars 2017, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Chantal BARTHOLIN, Présidente de chambre, chargée du rapport et Madame Marie-Brigitte FREMONT, Conseillère.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Chantal BARTHOLIN, Présidente de chambre
Madame Agnès THAUNAT, Présidente
Madame Marie-Brigitte FREMONT, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier : lors des débats : Madame Marie-Gabrielle HARDOIN
ARRÊT :
- contradictoire,
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Chantal BARTHOLIN, présidente de chambre et par Madame Anaïs CRUZ, greffier présent lors du prononcé.
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Faits et procédure :
Par acte sous seing privé du 28 mars 1989, la société DOP 4, alors filiale de la S.A. Promodes, aux droits de la quelle se trouve aujourd'hui la S.A.R.L. Soval a consenti à la société SAEL aux droits de laquelle est venue la S.A. Marcadet distribution 75, un bail commercial d'une durée de neuf années, portant sur divers locaux dépendant de l'immeuble situé [Adresse 3], moyennant un loyer annuel hors taxes et hors charges de 85.676,35 euros.
Suivant acte sous seing privé en date du 27 août 1989, la S.A. Marcadet Distribution 75 est titulaire d'un contrat de franchise à l'enseigne « Champion », conclu avec la société Promodes, qui a fusionné avec la société Carrefour au cours de l'année 1999.
Par acte sous seing privé en date du 31 août 1992, la S.A. Marcadet Distribution 75 a conclu un contrat de location-gérance du fonds de commerce au profit de la société Marcadet Exploitation.
Le bail a été renouvelé pour une nouvelle durée de neuf années à compter du 1er juillet 2000 moyennant un loyer annuel hors taxes et hors charges de 100.490,43 euros à la suite d'un jugement rendu par le Juge des loyers commerciaux le 20 juin 2005.
Par acte d'huissier de justice en date du 29 décembre 2008, la S.A.R.L. Soval a notifié à la S.A. Marcadet Distribution 75, un congé avec refus de renouvellement et offre d'une indemnité d'éviction à effet du 30 juin 2009.
Suivant ordonnance en date du 19 mai 2009, le juge des référés a désigné Mme [K] [B] et M. [C] [I], en qualité d'experts, avec mission de donner leur avis sur le montant de l'indemnité d'éviction due à la S.A. Marcadet Distribution 75 et sur le montant de l'indemnité d'occupation dont cette dernière est redevable depuis le 1er juillet 2009.
Le juge des référés a précisé dans les motifs de sa décision que « la spécificité de l'activité de supermarché sous l'enseigne Champion conduit à prévoir que les experts devront se faire communiquer les conditions de rachat des enseignes Champion par le groupe Carrefour à [Localité 1] intra-muros et plus généralement des transactions ayant pour objet des supermarchés de même type notamment par les sociétés du groupe Carrefour Promodes ».
La S.A.R.L. Soval a fait appel de l'ordonnance de référé et par arrêt en date du 13 avril 2010, la cour d'appel de Paris a confirmé l'ordonnance. La société bailleresse a régularisé un pourvoi en cassation qui a été rejeté le 26 mai 2011.
Les sociétés du groupe Carrefour ont formé tierce opposition contre l'arrêt du 13 avril 2010 et le 22 mars 2011, la cour d'appel a estimé infondée la rétractation de l'arrêt du 13 avril 2010.
Le groupe Carrefour a communiqué les actes de cession des fonds de commerce Halion, les communications concernant Hamon Invest et les parts sociales UNIVU ont été obtenues par les experts, à la suite de la décision du juge de l'exécution du 12 juin 2012.
Le rapport d'expertise a été déposé le 30 avril 2013.
Par jugement en date du 15 janvier 2015, le tribunal de grande instance de Paris a :
- dit que par l'effet du congé comportant refus de renouvellement signifié le 29 décembre 2008, le bail a pris fin le 30 juin 2009 ;
- dit que l'éviction entraîne la perte du fonds exploité par la S.A. Marcadet Distribution 75 dans les locaux appartenant à la S.A.R.L. Sovial situés à [Adresse 3] ;
- fixé à la somme de 11.220.172 euros le montant de l'indemnité d'éviction toutes causes confondues due par la S.A.R.L. Soval à la SA Marcadet Distribution 75 outre les frais de licenciement qui seront payés sur justificatifs ;
- dit que la S.A. Marcadet Distribution 75 est redevable à l'égard de la S.A.R.L. Soval d'une indemnité d'occupation à compter du 1er juillet 2009 ;
- fixé le montant de cette indemnité d'occupation à la somme annuelle de 272.757 euros hors taxes hors charges ;
- dit que l'indemnité d'occupation est indexée en fonction de la variation de l'indice Insee du coût de la construction, à compter du 1er juillet 2010 jusqu'à la restitution des locaux ;
- dit que la compensation entre le montant de l'indemnité d'éviction et de l'indemnité d'occupation s'opérera de plein droit ;
- condamné la S.A.R.L. Soval à restituer à la S.A. Marcadet Distribution 75 l'éventuelle différence entre le montant de l'indemnité d'occupation calculée et les sommes payées par la société locataire à ce titre pendant la même période ;
- débouté la S.A.R.L. Soval et la S.A. Marcadet Distribution 75 du surplus de leurs demandes ;
- condamné la S.A.R.L. Soval à payer à la S.A. Marcadet Distribution 75 la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamné la S.A.R.L. Soval aux entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise et dit qu'ils seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;
- dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire.
La S.A. Marcadet Distribution 75 a relevé appel de ce jugement le 13 juillet 2015 et par ses dernières conclusions, signifiées le 8 mars 2017, demande à la Cour de :
Constater qu'à la suite du congé comportant refus de renouvellement du bail et offre de paiement d'une indemnité d'éviction délivré le 29 décembre 2008, le bail consenti à la société Marcadet Distribution 75 a pris fin le 30 juin 2009 ;
Fixer à la somme de 20.815.000 euros le montant de l'indemnité d'éviction due à la société Marcadet Distribution 75 en application de l'article L. 145-14 du Code de commerce, les frais de licenciement étant portés pour mémoire ;
Fixer à la somme de 151.984 euros le montant de l'indemnité d'occupation annuelle due par la société Marcadet Distribution 75 à compter du 1er juillet 2009, et ce sans indexation ;
Ordonner la restitution à la société demanderesse de la différence entre le montant de l'indemnité d'occupation ainsi calculée et les sommes payées par la société Marcadet au bailleur à ce titre pendant la même période, et, subsidiairement, pour le cas où le montant de l'indemnité d'occupation serait fixé à un montant supérieur au montant des sommes payées par la société Marcadet au bailleur à ce titre pendant la même période, ordonner alors la compensation entre le solde de l'indemnité d'occupation et l'indemnité d'éviction ;
Condamner la société Soval au paiement de la somme de 80.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Condamner la société Soval aux entiers dépends qui comprendront les frais d'expertise, dont le recouvrement sera poursuivi par Maître Laurence Taze Bernard conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
La S.A.R.L. Soval a formé un appel incident et, par ses dernières conclusions en date du 9 mars 2017, elle demande à la Cour, au visa des articles L. 145-14 et L. 145-28 du Code de commerce, de :
Débouter la société Marcadet Distribution 75 de son appel.
Recevoir la société Soval en appel incident ; l'y déclarer fondée.
Confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 15 janvier 2015 en ce qu'il a fixé le montant de l'indemnité d'occupation annuelle du par la société Marcadet Distribution 75 à compter du 1er juillet 2009 à la somme hors taxes et hors charges de 272.757 euros et en indexant cette indemnité d'occupation à compter du 1er juillet 2010 jusqu'à la restitution des locaux, en fonction de la variation de l'indice INSEE du coût de la construction.
L'amender pour le surplus, et statuant de nouveau :
Fixer le montant de l'indemnité d'éviction due par la société Soval à la société Marcadet Distribution 75 à la somme de 5.185.757 euros ;
Condamner la société Marcadet Distribution 75 au paiement d'une somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
La condamner aux entiers dépens de procédure de première instance et d'appel dont le recouvrement, pour ceux le concernant, sera directement poursuivi par Me Frédéric Buret Avocat à la Cour, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
SUR CE,
Les locaux dont s'agit sont situés [Adresse 3] dans [Localité 1] au rez-de-chaussée d'un immeuble d'habitation, et pour plus ample description, il convient de se référer au jugement.
La société Marcadet Distribution précise sans être contestée que le fonds de commerce appartenant à la société Marcadet Distribution depuis de nombreuses années est exploité par la société Marcadet Exploitation locataire gérante, sous l'enseigne Champion appartenant au groupe Carrefour qui est propriétaire des murs par le biais de la société Soval filiale à 100% du groupe Carrefour et fournisseur exclusif du fonds laquelle a donné congé, souhaitant développer dans les murs un concept rénové de supermarchés sous la nouvelle enseigne Carrefour market ;
I- Sur l'indemnité d'éviction :
La S.A. Marcadet Distribution 75 souligne, au soutien de son appel la spécificité du marché parisien et celle de la clientèle parisienne, qui bénéficie d'un pouvoir d'achat nettement plus élevé que la moyenne nationale et privilégie les commerces de proximité.
Elle fait valoir que l'opération de reprise du fonds litigieux par la société Soval et le groupe Carrefour constitue une opération stratégique compte tenu de l'importance de la surface locative mais aussi de la rentabilité du fonds de commerce estimé à 9,25% au titre de l'année 2012, contrairement à la rentabilité moyenne des franchisés Carrefour Market qui ne dépasse pas 0,84%, seuls 12% d'entre eux ayant une rentabilité dépassant 2% au titre de la même année.
Sur l'indemnité principale, l'appelante critique le manque de cohérence de la position adoptée par les premiers juges qui, pour fonder leur décision, ont pratiqué une moyenne des différentes méthodes proposées par les experts, sans tenir compte de l'inadaptation de la première méthode, écartée par les experts, et du correctif apporté dans le cadre de celle-ci, les experts n'ayant par ailleurs pas préconisé de procéder à une moyenne, qui aboutit à une dénaturation de la valeur du fonds expertisé.
S'agissant de l'approche des experts, la S.A. Marcadet Distibution 75 critique la première méthode dite classique suivant les barèmes qui ne rend pas compte de la rareté du marché parisien des fonds de commerce de supermarchés, y compris en appliquant le correctif de valorisation proposée par les experts,
Elle fait valoir quant à la méthode par l'EBE, que le tribunal a ôté du calcul l'avantage loyer et les experts de leur coté n'ont pas pris en compte les redevances versées à la holding de sorte que cette estimation est déséquilibrée, que le tribunal ne pouvait pas retenir des valeurs encore plus faibles que celles retenues par les experts ;
Que, dans la méthode par comparaison avec les prix de cession, une première estimation par comparaison avec les seules références produites spontanément par le Groupe Carrefour aboutit à une valorisation de 12.036.015 euros ; qu'une seconde estimation par moyenne entre les références produites spontanément par le Groupe Carrefour et les références litigieuses obtenues sous la contrainte d'une astreinte, aboutit à une valorisation de 14.722.553 euros, cette dernière méthode étant celle retenue en définitive par les experts dans leurs conclusions ;
Que si la méthode de comparaison est adaptée, un correctif est nécessaire dans la mesure où, d'une part, les deux référence du groupe Halion, produites spontanément par le Groupe Carrefour, ne sont pas à la hauteur de la valeur du fonds litigieux, dans la mesure où elles sont très en retrait des autres références de cessions de titres, dont la production n'a été obtenue que sous la contrainte d'une astreinte, et, d'autre part, le coefficient de 8 retenu par les experts est faible au regard de la rareté de la surface des locaux litigieux et de la rentabilité hors-norme du fonds litigieux, de sorte que l'appelante demande de retenir un coefficient de 12, plus en adéquation avec le fonds litigieux, le deuxième terme du calcul (majoration pour différence de rentabilité) s'élevant dès lors à : 676.975 (valeur de base + majoration) x 12 = 8.123.700 euros, soit une valeur finale du fonds de : 9.306.752 + 8.123.700 = 17.430.452 euros. Elle fait par ailleurs observer que l'expert [V], consulté amiablement, a établi la valorisation du fonds selon une méthode équivalente à 21.000.000 euros, et demande par conséquent à la Cour de retenir une valeur du fonds de commerce litigieux de 17.430.452 euros, qui constitue un minimum.
La S.A.R.L. Soval, à titre liminaire , critique la méthodologie des experts en raison de leur personnalité, tous deux financiers, différente de celle des experts spécialisés dans l'évaluation des fonds de commerce et contraire à la jurisprudence.
Elle soutient que l'approche des experts est purement financière, ces derniers proposant de retenir une valeur globale de 15.358.897 euros, hors frais de réinstallation évalués par eux à la somme de 1.032.885 euros, omettant ainsi de s'interroger sur le point de savoir si, compte tenu des circonstances économiques actuelles, la société Marcadet Distribution 75 serait susceptible de trouver aujourd'hui pour ce fonds de commerce, qualifié par les experts de « vieillissant » et implanté selon eux dans un quartier de commercialité moyenne, un acquéreur moyennant un prix de 15.000.000 euros selon la fourchette haute de leur évaluation en raison notamment de l'absence de perspective de développement, d'un risque accru de concurrence en raison de la mutation de l'organisation du commerce et de la distribution dans les grandes agglomérations, enfin des difficultés de financement pour l'acquisition d'un bien mobilier, sans aucune autre garantie pour l'établissement prêteur qu'un nantissement sur le fonds de commerce ;
Sur la détermination de l'indemnité d'éviction, la société Soval soutient que les experts judiciaires ne pouvaient donc survaloriser cet emplacement en raison de sa rareté, s'agissant d'une artère du 18ème arrondissement, de commercialité très moyenne, sans aucune perspective de développement à terme, pour un commerce de proximité qui subit la concurrence de très nombreux commerces alimentaires.
Que la spécificité du marché parisien avancé par la société Marcadet Distribution 75 ne justifie pas que soit exclue la méthode retenue par la jurisprudence, notamment parisienne, pour la détermination de l'indemnité principale, fondée sur la moyenne de plusieurs méthodes, la première sur les barèmes professionnels basés sur le chiffre d'affaire, la deuxième fonction de la rentabilité du fonds déterminée à partir d'un EBE corrigé, la troisième fondée sur des éléments de comparaison de cession de fonds de commerce, à supposer qu'ils fussent similaires. Elle soutient que la société Marcadet Distribution 75 persiste dans ses affirmations selon lesquelles l'installation de nouveaux supermarchés dans [Localité 1] présenterait de multiples difficultés liées à l'absence d'emplacements disponibles, à des contraintes d'urbanismes et à l'opposition de certaines copropriétés, ce qui renforcerait la valeur des emplacements, alors que l'autorité de la concurrence a souligné que la distribution alimentaire parisienne est un marché en croissance continue depuis 2000 puisque de 2000 à 2011, le nombre de commerces alimentaires de moins de 400 m² a presque doublé ; quant aux supermarchés, leur nombre est passé de 247 à 264 entre 2007 et 2011.
S'agissant de la première méthode, l'intimée souligne que les experts ont retenu un pourcentage de base de 40%, (contrairement au pourcentage retenu dans le rapport amiable par MM. [Y] et [M] de l'ordre de 30% du chiffre d'affaire HT) sans tenir compte : du caractère vieillissant du fonds de commerce situé dans une artère de commercialité moyenne, avec un chiffre d'affaire stagnant voire même en baisse ces dernières années, du caractère incertain des perspectives économiques sur le devenir de ce fonds de commerce, de la concurrence que subit le fonds de quatre supermarchés Franprix et de deux discounters DIA. Elle demande par conséquent à la Cour de retenir un pourcentage de 30% sur un chiffre d'affaire moyen HT sur la période 2010/2012, soit une somme de : 15.043.887 x 30% = 4.513.166 euros.
S'agissant de la méthode fondée sur la rentabilité de l'entreprise, la S.A.R.L. Soval rappelle que les experts ont retenu un coefficient de 8, contrairement à MM. [Y] et [M] qui dans leur rapport amiable, retiennent un coefficient multiplicateur de 5,5 sur l'EBE retraité, que le coefficient multiplicateur de 8, qui constitue la fourchette haute pour les commerces alimentaires, n'est pas justifié dans le cas d'espèce dans la mesure où l'enseigne Champion, au demeurant tombée en déshérence, n'est pas la propriété de la société Marcadet Distribution 75. Dans ces conditions, par cette approche, la valeur du fonds s'établit à la somme de : 977.784 (EBE retraité) x 5,5 = 5.377.867 euros.
S'agissant de la méthode par comparaison, la S.A.R.L. soutient que seules les cessions des fonds de commerce situés [Adresse 4] et [Adresse 5], intervenues toutes deux en 2005, peuvent éventuellement servir de comparatif pour les raisons précitées, que ces deux cessions se sont faites sur la base d'un ratio de 36% pour [Localité 3] et de 37% pour Barbès du chiffre d'affaire TTC réalisé par ces deux supermarchés à l'époque, que néanmoins, ces cessions sont antérieures à la crise des subprimes de 2008 et de la crise grecque de 2009 qui ont eu des répercussions significatives en France avec une croissance devenue atone et une explosion du chômage de sorte que l'évaluation selon cette méthode comparative ne saurait être supérieure à la somme de : 15.043.887 x 37% = 5.666.238 euros.
Qu'en résumé, le montant de l'indemnité principale ne saurait être supérieur à la moyenne des résultats issues de ces trois méthodes, à savoir (4.513.166 + 5.377.867 + 5.666.238) / 3 = 5.185.757 euros.
Ceci exposé, il convient de rappeler en substance :
- que la surface pondérée qui n'est pas contestée et qui constitue une donnée susceptible d'influencer la valeur, est de 1 357m², étant cependant observé que les locaux ne disposent pas de parking automobile suffisant pour attirer une clientèle lointaine et que le stationnement dans les rues avoisinantes est réglementé de telle manière que la zone de chalandise est celle d'un commerce alimentaire de proximité dans [Localité 1] ; que l'autorité de la concurrence a d'ailleurs souligné que les commerces alimentaires, quelle que soit leur taille, à l'exception des hypermarchés, ont une zone de chalandise qui varie en 3 et 500 m² ;
- qu'il existe cependant une spécificité du marché parisien en raison de la présence d'une importante clientèle urbaine qui n'utilise pas la voiture pour effectuer ses courses et qui dispose d'un pouvoir d'achat supérieur à celle qui fréquente habituellement ces surfaces, d'où la concurrence importante que se livrent les enseignes pour la conquéte des emplacements dans la capitale ;
Les premiers juges ont estimé que l'estimation du fonds de commerce selon la méthode dite classique par le chiffre d'affaires permettait de retenir une somme de 6 619 312 euros, compte tenu d'un chiffre d'affaires TTC moyen des trois dernières années de 16 548 280 euros en moyenne, correspondant à un pourcentage de 40% usuellement appliqué à des estimations de fonds de commerce de type supermarché, de préférence au taux de 30% retenu par les experts consultés amiablement par la société Soval ;
Il n'y a cependant pas lieu, ainsi qu'il a été à bon droit jugé, de suivre les experts judiciaires dans leur argumentation consistant à retenir que cette approche par le chiffre d'affaires est inadaptée dans la mesure où l'excédent brut d'exploitation moyen est de 1 137 013 euros par an et qu'il convient en conséquence d' apporter un correctif en fonction de résultats très supérieurs à un niveau considéré comme déjà bon pour ce type de commerce à partir de 3,5% ; cette correction aboutit en effet comme l'ont justement relevé les premiers juges, à opérer, dés le stade de l'expertise, une confusion de deux méthodes d'évaluation, celle par le chiffre d'affaires et celle par la rentabilité ;
S'agissant d'apprécier le fonds par sa rentabilité, les experts ont retenu un excédent brut moyen de 1 144 013 euros, retraité pour tenir compte de la charge de l'entretien nécessaire des locaux estimée à 16 000 euros/a, de la taxe foncière de 9000 euros/an, de l'avantage loyer de 159 220 euros multiplié par un coefficient de situation de 7,5 ;
Or si l'excédent brut peut être retraité pour tenir compte du fait que le loyer payé est inférieur à la valeur locative ( le loyer - en réalité l'indemnité d'occupation - ) payé de 2010 à 2012 a été en moyenne de 143 391 € HT par an quand la valeur locative a été estimé pour la même période à 302 611 euros, ce qui constitue effectivement un avantage loyer de 159 220 euros par an), il n'y a cependant pas lieu à ce stade de capitaliser cet avantage en fonction de la situation des locaux ;
Aucune des parties ne conteste en revanche le retraitement de l'EBE pour tenir compte de la vétusté des installations et leur défaut d'entretien (absence de nettoyage, accumulation de détritus, non renouvellement des peintures), se traduisant par une réduction anormale des charges d'exploitation ainsi que de l'imposition de la taxe foncière pesant sur la locataire ;
Les experts ne sont pas en outre sérieusement contredits quand ils estiment que les redevances payées par la société Marcadet distribution et Marcadet exploitation sont justifiées par des charges de direction et de gestion supportées par la holding JPF et n'ont pas à être déduites de l'excédent brut d'exploitation.
Dans ces conditions, c'est de façon justifiée que les experts ont apprécié le montant de l'EBE retraité à 977 794 euros ; en appliquant un coefficient de capitalisation de 8 correspondant à celui appliqué à l'exploitation d'un fonds sous enseigne nationale, les experts parviennent à un chiffre de valorisation de 7 822 352 euros.
Les experts ont ensuite examiné à juste titre les valeurs de cessions de fonds de commerce, dont les opérations dites Hamon invest et UNIVU qui portent sur l'acquisition par des sociétés du groupe Carrefour, d'actions détenues par d'autres sociétés afin de parvenir à détenir 100% du capital ;
La société Marcadet soutient que c'est cette dernière méthode dite par comparaison des prix de cession qu'il convient de retenir car elle reflète le mieux la valeur du fonds dans la mesure où la valorisation des titres est fondée sur le seul résultat d'exploitation des fonds, qu'il ne s'agit pas de prise de parts de marché, qui aurait pu justifier une surévaluation, que l'hésitation des experts qui repose sur une hypothétique politique stratégique du Groupe Carrefour dans ces acquisitions, ou sur l'existence d'autres éléments d'actifs, qui pourrait venir troubler la valeur des seuls fonds de commerce, n'est aucunement fondée dans la mesure où les fonds en questions étaient déjà sous l'enseigne du Groupe Carrefour, ce dernier étant déjà le fournisseur de marchandises et le franchiseur des fonds litigieux, qu'il s'agissait seulement pour le Groupe Carrefour d'acquérir les 50% restants de ces fonds, pour en maîtriser la propriété intégrale et l'exploitation.
Mais, les experts soulignent à juste titre qu'il ne s'agit pas de valorisation de fonds mais d'acquisition d'actions et que dans le premier cas (opération Hamon invest), le prix payé tient compte d'autres éléments que la valeur intrinsèque des fonds et prend en compte les capitaux propres et certains éléments corporels des fonds, que dans le second cas (UNIVU), si le fonds de commerce a représenté le principal actif , il a été tenu compte des éléments corporels et du stock, et qu'est entré en outre dans la détermination du prix, non nécessairement limité à la valeur du fonds, la prise en compte de la clause de non concurrence et de la garantie de bilan.
Il s'ensuit que ces deux opérations doivent être écartées comme non significatives de la valeur des fonds eux mêmes ;
Les experts ont également examiné les autres cessions par Halion SA à Carrefour de deux fonds de commerce de supermarché à l'enseigne Champion, situés [Adresse 5] et [Adresse 4] au prix de 10 454 284 € (éléments immatériels sans la boulangerie) pour l'un et de 5 366 853 € (éléments immatériels) pour l'autre, les deux cessions étant intervenues en 2005 ; les deux experts ont estimé que ces cessions représentaient des références valables tant en ce qui concerne la localisation, la surface, l'activité, la période et il a été vu plus avant qu'il existait un marché parisien des fonds de commerce de supermarchés caractérisée par une concurrence entre les enseignes compte tenu de la rareté des emplacements, des contraintes d'urbanisme ainsi que de la qualité et des habitudes de la clientèle ; ils ont estimé que le fonds de commerce de Marcadet Distribution dispose cependant d'une meilleure rentabilité que les deux fonds cédés ;
Les experts ont alors procédé à la valorisation du fonds à la somme de 1 236 015 euros en appliquant strictement le même mode d'évaluation que pour les fonds dits Halion (chiffre d'affaires HT, coefficient de valorisation de 36,66%) mais en appliquant un correctif de rentabilité ; à cet égard, l'allégation par la société Soval quant à l'absence de perspective de développement du fonds en question dans un environnement concurrentiel est contredite par la volonté du groupe Carrefour de procéder à diverses acquisitions dans le même secteur, l'accroissement du nombre de fonds de cette nature n'ayant pas pour effet de diminuer leur valeur dans un contexte de croissance constante de la demande ;
Or par la méthode classique dite par le chiffre d'affaires, en tenant compte du chiffre d'affaires TTC et d'un coefficient de 40%, c'est le chiffre évoqué plus haut de 6 619 312 euros qu'il convenait selon les experts de retenir comme valeur de base du fonds soit une valeur nettement inférieure à celle d'un fonds semblable disposant d'une moindre rentabilité ;
Il convient en conséquence, pour tenir compte des prix de cession de la société Halion qui doivent entrer dans la détermination de la valeur du fonds, d'appliquer à la méthode classique d'évaluation, un coefficient de capitalisation de 55% du chiffre d'affaires TTC, qui tient compte de la rentabilité du fonds litigieux par comparaison avec lesdits fonds SA, ce qui procure la somme de 9 101 554 euros qui constitue l'indemnité d'éviction principale.
I-2 Sur les indemnités accessoires :
S'agissant des frais de réemploi, la S.A. Marcadet distribution 75 estime que le jugement critiqué retient à juste titre que des frais de remplois doivent être alloués à hauteur d'un montant forfaitaire de 10% de la valeur du fonds. La société Soval estime au contraire que la société Marcadet Distribution dont l'objet social est l'exploitation du commerce considéré, et dont le capital social est détenu par la famille [R] à 66% et par la société Profidis filiale de Carrefour à 34%, ne pourra pas se réinstaller, qu'elle doit se dissoudre, compte tenu du refus de M. [R] d'exploiter une enseigne Carrefour market et de la minorité de bocage de la société Profidis ;
Or, il n'est pas suffisamment démontré que la société Marcadet Distribution va se dissoudre et qu'elle ne puisse, acquérant les actions de Profidis, se reinstaller sous une autre enseigne ; il s'ensuit que les frais de remploi doivent lui être alloués à hauteur de 10% de l'indemnité principale soit la somme de 910 155 euros.
S'agissant des frais de réinstallation qui ne se confondent pas avec les investissements ( agencements et travaux) non amortis lesquels n'ont pas à être indemnisés distinctement, il convient de se référer aux motifs du jugement qui seront confirmés, les premiers juges ayant justement retenu un taux de vétusté applicable au devis de travaux de réinstallation de 50% pour tenir compte de l'absence de tout investissement destiné à maintenir les lieux en bon état d'entretien, les experts ayant relevé le défaut de propreté et de nettoyage des lieux, l'absence de réfection des peintures notamment, ce qui ne peut être excusé par la procédure d'éviction, s'agissant d'un supermarché alimentaire.
Le trouble commercial a été justement évalué par les experts puis le tribunal à la somme de 284 253 euros représentant 3 mois d'excédent brut d'exploitation non corrigé, la somme de 568 000 euros demandée par la société Marcadet Distribution n'étant pas justifiée en ce qu'elle tient compte du temps de l'expertise, qui sera examiné au titre de la précarité des conditions d'exploitation, alors qu'il n'est pas démontré que la société ait eu à pâtir spécialement de ce temps sur ses résultats commerciaux ;
S'agissant des frais de déménagement, la somme de 40.000 euros retenue par le jugement critiqué sera confirmée, eu égard à l'importance des surfaces en cause, peu important qu'il s'agisse d'une perte du fonds et non d'un transfert, qui expose de toute façon le preneur à déménager les éléments mobiliers lui appartenant.
Ainsi, l'indemnité d'éviction s'établit à : indemnité principale [valeur du fonds (9 101 554)] + indemnités accessoires [frais de remploi (910 155) + trouble commercial (284 253) + frais de déménagement et administratifs (40.000) + frais de réinstallation (852 775) + frais de licenciement (mémoire)] = 11 188 737 euros.
II- Sur l'indemnité d'occupation :
Les experts ont déterminé le montant de l'indemnité d'occupation, entériné par le tribunal, de la manière suivante : surface pondérée (1 357 m²), prix du mètre carré pondéré (223 € H/an) dont à déduire abattement pour précarité de 10% (soit 201 € HT/an).
La S.A. Marcadet Distribution 75 conteste l'abattement de 10% et demande à ce que soit retenu un abattement de 50% compte tenu d'une part de l'abandon de l'enseigne « Champion » par le Groupe Carrefour, mettant ainsi la locataire en difficulté, et d'autre part, de la durée anormale de la procédure en fixation de l'indemnité d'éviction résultant de l'obstruction du Groupe Carrefour dans la communication de pièces.
Elle demande que l'indemnité d'occupation, courue à compter du 1er juillet 2009, soit fixée à un montant annuel de 112 € (prix du mètre carré pondéré 223 € x 0,5) x 1 357 = 151 984 euros et que s'agissant d'une indemnité, il n'y a pas lieu à indexation de ladite indemnité, l'indexation étant un mécanisme purement contractuel ; elle demande à la Cour de réformer le jugement sur ce point.
La S.A.R.L. Soval fait valoir que les experts ont retenu une valeur locative annuelle au m² boutique de 223 euros hors taxes pour une surface pondérée de 1 357 m² au 1er janvier 2008, que pour retenir cette valeur locative, les experts se sont appuyés sur le loyer du supermarché exploité par la société UNIVU, [Adresse 6], chiffre qui résulte selon eux du protocole de cession au Groupe Carrefour des parts sociales de la société UNIVU par la famille [H], que si effectivement le montant du loyer a été fixé au 30 mars 2007 lors de la conclusion de ce bail à la somme annuelle hors taxes de 520 000 euros, la surface pondérée de ce supermarché n'est pas de 2 331m² comme indiqué par les experts mais de 2 021 m² pour une surface réelle de 2 521 m², ainsi qu'il ressort du rapport amiable dressé à la demande de la société UNIVU par Mme [C], ce qui représente une valeur locative au m² GLS de 257 euros le m².
Elle souligne à juste titre que les experts, à l'exception de cette référence, se sont également appuyés sur six éléments de comparaison concernant des boutiques disposant d'une surface inférieure à 100 m² sans indiquer la nature des commerces exercés et la date de prise d'effet du bail, alors que les experts auraient dû faire une approche de la valeur locative en tenant compte des loyers de moyennes et grandes surfaces situées à [Localité 1].
Il suit de ce qui précède que la référence locative du supermarché de la rue de Cignancourt exploité par la famille [H] est pertinente ainsi que l'ont retenu les premiers juges mais que la valeur unitaire, compte tenu de la surface pondérée de 2021m², est de 257,29 € et non de 223 € ; que la valeur locative unitaire de renouvellement des locaux litigieux sera donc retenue pour 250 €/m² ;
La S.A.R.L. Soval fait remarquer sur ce point que c'est la société Marcadet Distribution 75 qui d'une part, a sollicité la désignation de deux experts judiciaires et non pas d'un seul, ce qui n'a fait qu'alourdir le déroulement des opérations d'expertise et, d'autre part, est à l'origine des incidents qu'a connu cette procédure d'expertise en sollicitant la communication de documents inutiles. L'intimée rappelle enfin que la société Marcadet distribution 75 avait la possibilité de contracter un nouveau contrat de franchise pour lui permettre d'exploiter son fonds de commerce sous l'enseigne Carrefour Market dans des conditions particulièrement avantageuses, définies par l'autorité de la concurrence dans une décision du 16 décembre 2011 (autorité saisie à la requête de la société Marcadet Distribution 75 qui prétendait que le Groupe Carrefour profitait de l'état de dépendance économique à son égard pour l'empêcher de sortir du réseau, grief rejeté par l'autorité), ce qu'elle a refusé. La S.A.R.L. SOVAL demande par conséquent à la Cour de retenir le coefficient habituel en pareille matière de 10%.
Or, il résulte du rapport d'expertise que la résistance de la bailleresse, ayant formé divers recours contre l'ordonnance lui enjoignant de communiquer certaines pièces utiles à la détermination de l'indemnité d'éviction, a entraîné un allongement de la procédure d'expertise de plus d'une année de telle sorte que la précarité subie par la locataire dans ses conditions d'exploitation résultant du congé excède ce qui est habituel et justifie de retenir un coefficient de 20%.
L'indemnité d'occupation s'élève ainsi à : (250 € x 0,80 ) x 1357m² = 271 400 € au 1er janvier 2008; il n'y a pas lieu au surplus à indexation de cette indemnité d'occupation.
III- Sur les autres demandes :
La S.A. Marcadet Distribution 75 demande à la Cour de condamner la société Soval au paiement de la somme de 80.000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, en raison des importants frais irrépétibles exposés par elle pour faire valoir ses moyens en justice, face à l'inertie du Groupe Carrefour.
Les entiers dépens seront supportés par la société Soval qui est à l'origine du congé et il y a lieu en équité d'allouer à la société Marcadet Distribution une somme de 20 000 € (au lieu de 10 000 euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Réformant le jugement déféré, en ses dispositions concernant le montant des indemnités d'éviction et d'occupation et en ce qui concerne l'indemnité allouée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau :
Fixe à la somme de 11 188 737 euros le montant de l'indemnité d'éviction, toutes causes confondues, due par la S.A.R.L. Soval à la SA Marcadet Distribution 75, outre les frais de licenciement qui seront payés sur justificatifs ;
Dit que la S.A. Marcadet Distribution 75 est redevable à l'égard de la S.A.R.L. Soval d'une indemnité d'occupation à compter du 1er juillet 2009 et fixe le montant de cette indemnité d'occupation à la somme annuelle de 271 400 € euros hors taxes hors charges ;
Dit n'y avoir lieu à indexation de l'indemnité d'occupation ;
Condamne la S.A.R.L. Soval à payer à la S.A. Marcadet Distribution 75 la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
La condamne aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE