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30/06/2017 | FRANCE | N°15/20640

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 1, 30 juin 2017, 15/20640


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 1





ARRÊT DU 30 JUIN 2017



(n° , 5 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : 15/20640



Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Septembre 2015 -Tribunal de Grande Instance de SENS - RG n° 14/00671





APPELANTS



Monsieur [I] [A]

né le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 1]



demeurant [Adres

se 1]



Représenté et assisté sur l'audience par Me Cyril GUITTEAUD de la SCP EVRARD & ASSOCIES, avocat au barreau de SENS



Madame [P] [J] Veuve [A]

née le [Date naissance 2] 1927 à [Localité 1]

...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 1

ARRÊT DU 30 JUIN 2017

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 15/20640

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Septembre 2015 -Tribunal de Grande Instance de SENS - RG n° 14/00671

APPELANTS

Monsieur [I] [A]

né le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 1]

demeurant [Adresse 1]

Représenté et assisté sur l'audience par Me Cyril GUITTEAUD de la SCP EVRARD & ASSOCIES, avocat au barreau de SENS

Madame [P] [J] Veuve [A]

née le [Date naissance 2] 1927 à [Localité 1]

demeurant [Adresse 1]

Représentée et assistée sur l'audience par Me Cyril GUITTEAUD de la SCP EVRARD & ASSOCIES, avocat au barreau de SENS

INTIMÉE

Madame [C] [S]

née le [Date naissance 3] 1952 à [V]

demeurant [Adresse 2]

Représentée par Me Jean-marc BORTOLOTTI de la SCP DUMONT BORTOLOTTI COMBES JUNGUENET, avocat au barreau de FONTAINEBLEAU

Assistée sur l'audience par Me Bernard DUMONT, avocat au barreau de FONTAINEBLEAU

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Juin 2017, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Dominique DOS REIS, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Dominique DOS REIS, Présidente

Monsieur Dominique GILLES, Conseiller

Madame Sophie REY, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : M. Christophe DECAIX

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

- rendu par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Dominique DOS REIS, Présidente, et par M. Christophe DECAIX, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*

* *

Mme [C] [S] est propriétaire à [Localité 2] d'une propriété comportant, sur l'arrière, un jardin muni d'une porte ouvrant sur une venelle ou sentier longeant les parcelles appartenant à M. [I] [A] et à sa mère Mme [P] [J] veuve [A] (consorts [A]), pour rejoindre une ruelle menant à la [Adresse 2].

Suivant arrêt irrévocable du 22 septembre 2005, cette Cour a dit que le sentier longeant le jardin situé à l'arrière de la parcelle [Cadastre 1] et ouvrant sur la ruelle qui conduit à la [Adresse 2] était la propriété des consorts [A] et que Mme [S] bénéficiait d'un droit de passage sur ledit sentier, afin de rejoindre la ruelle donnant accès à la [Adresse 2].

Un nouveau litige s'est alors élevé entre, d'une part, Mme [S], d'autre part, les consorts [A], M. [A] ayant implanté sur son terrain une clôture et des arbustes restreignant la largeur du passage à 1 mètre. Mme [S] qui contestait cette initiative a obtenu, par ordonnance de référé du 30 mars 2013, la désignation de M. [Q] en qualité d'expert à l'effet de déterminer l'emprise de la servitude de passage permettant une desserte normale du fonds dominant, et de fournir tous éléments permettant d'avoir une connaissance détaillée de la configuration des lieux et de l'état d'enclave. Le rapport d'expertise a été déposé le 17 janvier 2014 et Mme [S] a assigné, par acte extra-judiciaire du 8 avril 2014, les consorts [A] à l'effet de les voir condamner à supprimer lesdits arbustes et clôtures et à lui payer la somme de 8.000 € de dommages-intérêts, outre une somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 18 septembre 2015, le tribunal de grande instance de Sens a :

- ordonné à M. [A] et à sa mère, Mme [P] [J] veuve [A], de retirer la clôture installée par eux ainsi que tout arbuste, de façon à permettre un exercice normal du droit de passage sur une largeur de trois mètres sur le sentier, propriété des consorts [A], longeant le jardin situé à l'arrière de la parcelle [Cadastre 1] et ouvrant sur la ruelle qui conduit à la [Adresse 2], dans le mois de la signification du jugement et sous astreinte de 100 € par jour de retard passé ce délai,

- condamné les consorts [A] à payer à Mme [S] la somme de 1.000 € à titre de dommages-intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

- rejeté la demande de dommages-intérêts formée par les consorts [A],

- ordonné l'exécution provisoire,

- condamné les consorts [A] à payer à Mme [S] la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus des entiers dépens.

M. [I] [A] et Mme [P] [J] veuve [A] ont relevé appel de ce jugement dont ils poursuivent l'infirmation, demandant à la Cour, par dernières conclusions signifiées le'25 octobre 2016, de :

vu l'article 701 du code civil,

- débouter Mme [S] de ses demandes,

- homologuer le rapport d'expertise de M. [Q] en ce qu'il a fixé l'assiette et le tracé de la servitude de la servitude de passage grevant leur fonds,

- condamner Mme [S] à leur payer une somme de 3.000 €,

- infiniment subsidiairement, condamner Mme [S] à leur payer une somme de 8.000 € correspondant à la modification de l'assiette de la servitude de passage,

- la condamner en toute hypothèse aux dépens.

Mme [S] prie la Cour, par dernières conclusions signifiées le'3 mai 2017, de :

- confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions, sauf sur le quantum des dommages-intérêts,

- dire que l'assiette du passage sera celle résultant de la remise en état des lieux ainsi que constatée dans le procès-verbal de constat établi le 12 juillet 2016 à la requête de consorts [A],

- condamner M. [A] à lui payer, sur le fondement de l'article 1382 du code civil, la somme de 8.000 € de dommages-intérêts,

- condamner solidairement les consorts [A] à lui payer une somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus des entiers dépens.

SUR CE

LA COUR

Si l'article 701 du code civil interdit au propriétaire du fonds servant de diminuer l'usage de la servitude ou de la rendre plus incommode, suivant l'article 702 du même code, celui qui a un droit de servitude ne peut en user que suivant son titre, sans pouvoir faire ni dans le fonds qui doit la servitude ni dans le fonds à qui elle est due, de changement qui aggrave la condition du premier';

La servitude de passage litigieuse étant d'origine conventionnelle ainsi que l'a relevé la Cour dans son arrêt du 22 septembre 2005, après avoir examiné les divers titres de propriété récognitifs de servitude dont il résultait que la parcelle appartenant à Mme [S] tenait au «'sentier commun à plusieurs'ayant accès à la rue », il convient de déterminer, en l'absence de titre constitutif, quelle était l'intention des parties constituantes quant à l'assiette du passage litigieux qualifié aux actes récognitifs de «'sentier'», étant observé que, selon les constatations de l'expert [Q], le fonds de Mme [S] dispose d'un accès direct en véhicule à la voie publique jusqu'à l'intérieur de sa cour avec garage permettant une utilisation normale de sa propriété, laquelle n'est nullement enclavée, de sorte que, selon l'avis de cet expert, «'un passage piéton avec brouette par le sentier est suffisant pour permettre une utilisation normale du jardin à l'arrière'»';

Pour affirmer que la largeur de l'assiette de la servitude est de trois mètres, Mme [S] excipe de l'usage «'immémorial'» du passage sur trois mètres de largeur par des camions et tracteurs et fait valoir que ce passage présente pour son fonds une utilité certaine, comme l'a constaté la Cour dans son arrêt du 22 septembre 2005, en facilitant les livraisons de bois ou de divers matériaux';

Toutefois, la Cour relève :

- en premier lieu, que les titres récognitifs de la servitude de passage bénéficiant au fonds de Mme [S] (acte de donation-partage du 16 décembre 1996, titres des riverains en date des 25 juin 1966, 19 mai 200 et 19 juillet 2003) sont muets sur l'assiette de cette servitude et que l'expert n'a retrouvé trace ni de poteau ni de borne en marquant les limites,

- en deuxième lieu, que le qualificatif du passage de «'sentier'» exclut toute volonté des constituants de créer une servitude permettant le passage de véhicules, un sentier étant dans son acception littérale et d'ailleurs la plus courante, un «'chemin étroit pour les piétons et les bêtes'»,

- en troisième lieu, que le mode d'exercice d'une servitude discontinue ne peut, pas plus que le droit lui-même, s'acquérir par prescription acquisitive, donc par usage, même «'immémorial'», sauf si cet usage «'immémorial'» était prouvé avant la promulgation du code civil, ce qui n'est pas le cas, étant rappelé qu'une simple tolérance, même de très longue durée, n'est pas créatrice de droit,

- en quatrième lieu, que, suivant les us et coutumes du canton de [Localité 3] relatés par M. [Q], «'Il est d'usage de passer à pied sur les terrains non clos, non préparés ni ensemencés. D'après l'usage, la largeur du droit de passage est avec brouette ou avec bestiaux, de 1 mètre, en voiture, de 2 mètres'», l'expert en déduisant qu'une emprise minimale de 1 mètre est suffisante pour permettre une utilisation normale du jardin cultivé sur la parcelle de Mme [S], cadastrée Section [Cadastre 2],

et il résulte de ces divers éléments que la prétention émise par Mme [S] de voir fixer à trois mètres de largeur l'assiette du passage pris sur le terrain des consorts [A] qui y exploitent des pépinières n'est étayée par aucun élément justificatif quant à la volonté des parties constituantes de créer une servitude sur une telle largeur, qu'au contraire, le terme «'sentier'» exprime leur intention de restreindre ce passage à celui des piétons et des bêtes, qu'en conséquence, le jugement étant infirmé en toutes ses dispositions, Mme [S] sera déboutée de ses demandes, dès lors que la clôture posée par M. [A] respecte la largeur d'1 mètre du sentier'et n'entrave pas le passage de Mme [S] vers la ruelle donnant accés à la [Adresse 2]';

Il sera, enfin rappelé que le présent arrêt infirmatif emporte restitution de toutes sommes perçues en vertu de l'exécution provisoire assortissant le jugement, assorties des intérêts au taux légal à compter de sa signification';

En équité, Mme [S] sera condamnée à régler à consorts [A] une somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme le jugement,

Statuant à nouveau,

Dit que la servitude de passage bénéficiant au fonds de Mme [S] sur le fonds de consorts [A] ne peut excéder la largeur d'un mètre,

Déboute Mme [S] de ses demandes,

Rappelle que le présent arrêt infirmatif emporte restitution de toutes sommes perçues en vertu de l'exécution provisoire assortissant le jugement, assorties des intérêts au taux légal à compter de sa signification,

Condamne Mme [S] à payer aux consorts [A] une somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toute autre prétention,

Condamne Mme [S] aux dépens de première instance et d'appel incluant les frais d'expertise de M. [Q] et dit qu'ils pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 15/20640
Date de la décision : 30/06/2017

Références :

Cour d'appel de Paris G1, arrêt n°15/20640 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-06-30;15.20640 ?
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