Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 10
ARRÊT DU 03 JUILLET 2017
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 15/04903
Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Janvier 2015 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 12/16932
APPELANTS
Monsieur [Z] [U]
demeurant [Adresse 1]
[Adresse 2]
né le [Date naissance 1] 1948 à [Localité 1]
SCI OLYMPUS
ayant son siège social [Adresse 3]
[Adresse 4]
N° SIRET : 384 170 577
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentés par Maître Marie-Catherine VIGNES de la SCP SCP GRV ASSOCIES, avocate au barreau de PARIS, toque : L0010
Ayant pour avocat plaidant Maître Vincent OLLIVIER, avocat au barreau de PARIS, toque : D0846
INTIMÉE
MADAME LA COMPTABLE, RESPONSABLE DU SERVICE DES IMPÔTS DES PARTICULIERS DE PARIS 15ÈME JAVEL
chargée du recouvrement
ayant ses bureaux [Adresse 5]
[Adresse 2]
Représentée par Maître Véronique JOBIN de l'AARPI JOBIN - GRANGIE - Avocats Associés, avocate au barreau de PARIS, toque : R195
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Avril 2017, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Edouard LOOS, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Edouard LOOS, Président
Madame Christine SIMON-ROSSENTHAAL, Conseillère
Madame Sylvie CASTERMANS, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffière, lors des débats : Mme Clémentine GLEMET
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Edouard LOOS, président et par Madame Cyrielle BURBAN, greffière à qui la minute a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
M. [Z] [U], gérant de sociétés spécialisées dans le domaine de l'immobilier, et son épouse, Mme [V] [I] épouse [U], ont constitué entre eux la SCI Olympus par acte du 27 novembre 1991, [Z] [U] apportant notamment à la SCI un bien immeuble sis à [Adresse 6], cadastré section [Cadastre 1] FV n° [Cadastre 2] et [Cadastre 2], lots 4, 11, 12, évalué en pleine propriété à la somme de 1 000 000 F (152 449,01 euros).
Par la suite, les époux [U] ont fait l'objet, au titre des années 1989, 1990 et 1991, d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle engagé en 1992, ayant abouti à une rectification au titre de l'impôt sur le revenu d'un montant de 2 186 717 euros, mise en recouvrement les 31 décembre 1994 et 30 avril ainsi que le 31 décembre 1995.
Le juge de l'exécution près le tribunal de grande instance de Paris a délivré une ordonnance sur requête le 23 décembre 1993, visant à autoriser des saisies conservatoires à hauteur de 30 300 000 F à l'encontre des époux [U].
Par ailleurs, M. [Z] [U] a été condamné le 21 février 1996 pour fraude fiscale par le tribunal de grande instance de Paris, suite à soustraction frauduleuse à l'établissement ou au paiement total ou partiel d'impositions dues par plusieurs sociétés qu'il dirigeait au titre des exercices 1990 et 1991, notamment l'EURL « JP [U] ».
Dans le cadre d'une demande de sursis de paiement, M. [U] a proposé le 17 avril 1997 une garantie composée notamment d'une caution de la SCI Olympus à hauteur de 450 000 francs, jugée insuffisante et rejetée par l'administration fiscale le 3 juillet 1997. Finalement, cette dernière a inscrit, les 18 septembre et 9 octobre 1997, des hypothèques sur les deux biens immobiliers de la SCI Olympus, dans la limite fixée par la caution du 23 juin 1997.
Parallèlement, le recours formé par les époux [U] aux fins d'obtenir la décharge de ces impositions supplémentaires et des pénalités pour man'uvres frauduleuses a été rejeté par le tribunal administratif de Paris dans son jugement du 21 mars 2005, confirmé par la cour administrative d'appel de Paris par arrêt du 26 septembre 2007 , le conseil d'état rejetant le pourvoi par arrêt du 14 janvier 2011.
Les poursuites en vue du recouvrement, diligentées par voie de saisie mobilière à l'adresse des époux [U], aboutissaient le 3 juin 2010 à l'établissement d'un procès-verbal de carence. Les avis à tiers détenteur auxquels le comptable public a également eu recours n'ont pas permis d'apurer en totalité la créance fiscale, qui s'élève aujourd'hui à 2 171 984,33 euros.
Un plan de règlement prévoyant le versement de mensualités de 450 € était octroyé le 4 juin 2012.
Par actes en date des 16 et 19 novembre 2012, le service des impôts des particuliers de Paris 15e a fait assigner monsieur [U] et la SCI Olympus devant le tribunal de grande instance de Paris, aux fins de faire constater que l'apport du bien immobilier par monsieur [U] à la SCI réalisé par acte du 27 novembre 1991 lui est inopposable, sur le fondement de l'action paulienne (art. 1167 c.civ.).
* * *
Vu le jugement prononcé le 15 janvier 2015 par le tribunal de grande instance de Paris qui a :
- reçu le responsable du service des impôts des particuliers de Paris quinzième arrondissement Javel en ses demandes ,
- jugé que l'apport consenti par [Z] [U] au profit de la société Olympus, société civile immobilière au capital de 213 428,62 euros, inscrite au registre du commerce et des sociétés de Nanterre sous le numéro 384 170 577, dont le siège social est sis [Adresse 7], est intervenu en fraude des droits de son créancier, le responsable du service des impôts des particuliers de Paris 15ème Javel,
- déclaré inopposable au responsable du service des impôts des particuliers de Paris 15ème Javel. l'acte d'apport en société constaté par acte de maître [D] [V], notaire à [Localité 2], le 27 novembre 1991, acte publié au service de publicité foncière de Paris 7ème bureau, volume 1992 p n° 804-805, portant sur les biens et droits immobiliers ci-après désignés dépendant d'un immeuble collectif 28 et [Adresse 8], composé d'un bâtiment unique, élevé sur sous-sol à usage de caves et réserve, locaux techniques, d'un rez de chaussée avec hall d'entrée, ascenseurs et dégagements et d'une boutique et quatre étages avec au quatrième l'accès à la terrasse du cinquième étage cadastré section FV n°[Cadastre 3],
Les biens et droits objets des présentes consistant en : lot numéro 4 : au sous sol, une cave ; lot numéro 11 : au quatrième étage, un appartement comprenant entrée, dégagement, salle de séjour, cuisine, salle de bains, water-closets, deux chambres, étant précisé que ce lot n'est pas desservi par l'ascenseur ; lot numéro 12 : au cinquième étage avec accès par escalier partant du quatrième étage, une pièce et la jouissance exclusive et particulière de la terrasse du cinquième étage de l'immeuble, étant précisé que ce lot n'est pas desservi par l'ascenseur,
- ordonné la publication du jugement à intervenir au Service de Publicité Foncière de [Localité 3] 7ème Bureau,
- jugé que le responsable du service des impôts des particuliers de Paris 15ème Javel pourra convertir l'hypothèque judiciaire provisoire prise sur lesdits biens immobiliers en hypothèque judiciaire définitive,
- débouté [Z] [U] et la société civile immobilière Olympus de leurs demandes,
- condamné in solidum [Z] [U] avec la société Olympus à payer au responsable du service des impôts des particuliers de Paris 15e arrondissement, Javel, la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du cpc, de même qu'aux entiers dépens de l'instance,
Vu l'appel de M. [U] et de la SCI Olympus le 3 mars 2015,
Vu les conclusions signifiées le 2 juin 2015 par M. [U] et la SCI Olympus,
Vu les conclusions signifiées le 16 juillet 2015 par Mme la comptable , responsable du service des impôts des particuliers de Paris 15ème Javel,
M. [U] et la SCI Olympus demandent à la cour de statuer ainsi qu'il suit :
- infirmer la décision déférée en toutes ses dispositions et statuant de nouveau,
- débouter le responsable du service des impôts des particuliers de Paris 15ème Javel en toutes ses demandes,
- condamner le responsable du service des impôts des particuliers de Paris 15ème Javel au paiement, à chacun des appelants, de la somme de 30 000 euros, au visa des dispositions de l'article 32-1 du code de procédure civile et en réparation du préjudice emporté par l'exercice abusif de son droit d'ester en justice,
- condamner le responsable du service des impôts des particuliers de Paris 15ème Javel au paiement de la somme de 15 000 euros à chacun des appelants par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ,
- condamner le responsable du service des impôts des particuliers de Paris 15ème Javel en tous les dépens de première instance et d'appel.
Les appelants font valoir que le comptable public n'a pas apporté la preuve de l'insolvabilité de monsieur [U] à la date de l'acte litigieux, au regard de ses revenus pour les années 1989 à 1991 et des parts qu'il détenait dans des sci, sociétés fiscalement transparentes dont il était l'unique actionnaire et dont l'actif était facile à réaliser. Ils soutiennent que les premiers juges ont ainsi inversé la charge de la preuve et méconnu les dispositions des articles 1167 et 1315 du code civil.
Monsieur [U] et la SCI Olympus indiquent que la condition tenant à la connaissance par le débiteur du préjudice causé au créancier n'est pas remplie, puisque l'acte d'apport litigieux est antérieur de quatre mois au premier avis de vérification de situation fiscale personnelle qu'il a reçu, et qu'il ne pouvait imaginer que la rectification le concernerait personnellement et non sa société.
Monsieur [U] ajoute qu'il était convaincu que les résultats de sa société ne devaient pas être soumis à l'impôt sur les revenus en 1991, au regard de l'option pour l'impôt sur les sociétés exercée pour l'EURL « JP [U] » en 1989.
Il précise que l'arrêt du Conseil d'Etat du 14 janvier 2011 n'a pas retenu de pénalités pour man'uvres frauduleuses à ce sujet mais seulement pour d'autres chefs de rectification, pour conclure que l'apport de l'immeuble à la SCI Olympus ne peut être qualifié de fraude concertée à l'avance en vue de porter préjudice à un créancier futur.
Les appelants soutiennent également que l'apport litigieux n'emportait aucune conséquence préjudiciable à l'administration, qui pouvait procéder à la saisie de la totalité des parts de la SCI Olympus détenues par les deux membres du foyer fiscal , M. [U] et son épouse, tenus solidairement au paiement de la créance fiscale.
Les appelants indiquent que l'administration fiscale a bénéficié d'un cautionnement de la SCI Olympus qui a été exécuté, lui ayant par ailleurs accordé des délais de paiement, et qu'elle a attendu 20 ans pour solliciter l'inopposabilité de l'apport, ce qui démontre sa mauvaise foi.
Mme la comptable , responsable du service des impôts des particuliers de Paris 15ème Javel, demande à la cour de statuer ainsi qu'il suit :
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel,
- condamner solidairement M. [U] avec la SCI Olympus à payer à la responsable du service des impôts des particuliers de Paris 15ème Javel la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner solidairement M. [U] avec la SCI Olympus au paiement des entiers dépens de l'appel.
Le comptable public fait valoir que les parts sociales détenues à l'époque par M. [U] demeurent des actifs plus difficilement négociables que des immeubles et qui n'atteindraient pas leur valeur en tenant compte du passif des sociétés. Il ajoute que les mesures conservatoires prises n'ont pas permis d'appréhender les revenus significatifs perçus par M. [U] sur cette période.
.Le comptable public invoque l'importance des minorations de revenus de M. [U] sur la période 1989-1991, conséquence de la vérification concernant l'EURL « JP [U] » au cours de laquelle il a été constaté l'absence de comptabilité et des honoraires non déclarées notamment, pour considérer qu'à la date du fait générateur de la créance fiscale, celui-ci avait conscience que ses revenus seraient soumis à un redressement fiscal pour des montants importants, et qu'il y avait donc lieu de protéger son patrimoine immobilier. L'intimé ajoute que le refus du bénéfice de l'option à l'IS ne peut expliquer l'absence de déclarations à l'impôt sur les sociétés par l'EURL « JP [U] » et que les montants dus par M. [U] proviennent également de revenus issus d'autres SCI , non déclarés.
Le comptable public rappelle que des mesures conservatoires ont été prises avant la mise en recouvrement et que dans l'intervalle de la réclamation contentieuse ayant perduré jusqu'en 2005, des garanties ont été demandées, puis de nouvelles mesures conservatoires n'ayant pas permis d'apurer le solde de sa créance, et qu'il ne saurait lui être reproché d'avoir engagé la présente procédure en respectant une graduation des poursuites.
SUR CE,
Considérant qu'il résulte de l'article 1167 du code civil que les créanciers 'peuvent aussi, en leur nom personnel, attaquer les actes faits par leur débiteur en fraude de leurs droits (...)';
Considérant que, par de justes motifs que la cour adopte, les premiers juges ont parfaitement caractérisé le fait que, le 27 novembre 1991, jour de signature de l'acte par lequel M. [U] a fait apport à la SCI Olympus du bien immobilier lui appartenant situé [Adresse 9] celui-ci disposait de biens ayant une valeur insuffisante pour lui permettre de répondre de sa dette fiscale d'un montant de 2 171 984 euros ; qu'ils ont relevé que si les avis de vérification des années 1989, 1990 et 1991 avaient été notifiés aux époux [U] après l'acte de cession soit en l'espèce le 2 mars 1992 , le fait générateur de la créance était antérieur puisqu'il portait sur les minorations de déclarations de revenus suivantes :
* année 1989 : perception de 7 823 073 francs pour 362 680 francs déclarés,
* année 1990 : perception de 11 274 563 francs pour 382 000 déclarés,
* année 1991 : perception de 7 966 257 francs pour 150 000 déclarés ;
Considérant qu'il est indifférent que la créance n'ait pas présenté un caractère exigible au jour de passation de l'acte ; qu'une fraude concertée à l'avance en vue de porter préjudice à un créancier futur a ainsi été démontrée ; qu'à tout le moins M. [U] avait connaissance du préjudice ainsi causé au créancier par l'acte litigieux, le tiers acquéreur en l'occurrence la SCI Olympus ayant pour associés les époux [U] ayant nécessairement également connaissance du préjudice ainsi causé au créancier ;
Considérant que, contrairement à ce que soutient M. [U], l'acte litigieux a porté préjudice au trésor puisqu'il ne lui permettait plus d'appréhender un bien immobilier appartenant à son débiteur mais des parts sociales dont l'acquisition est moins attractive que l'acquisition d'un bien immobilier ;
Considérant que l'exécution du cautionnement de la SCI Olympus au profit du SIP de Paris 15ème Javel n'a pas permis d'apurer la créance de l'administration fiscale ;
Considérant qu'il se déduit de ce qui précède que le jugement déféré doit être confirmé en toutes ses dispositions ;
PAR CES MOTIFS :
La cour,
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions;
CONDAMNE solidairement M. [Z] [U] et la SCI Olympus à payer au responsable du service des impôts des particuliers de Paris 15e arrondissement, Javel, la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
REJETTE toutes autres demandes;
CONDAMNE solidairement M. [Z] [U] et la SCI Olympus aux dépens.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT
C. BURBAN E. LOOS