RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 3
ARRÊT DU 04 Juillet 2017
(n° , 05 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 16/07830 et 16/09351
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 Avril 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 14/03519
APPELANTE à titre principal (16/07830)
INTIMÉE à titre incident (16/09351)
Association AGS CGEA IDF OUEST
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représenté par Me Arnaud CLERC, avocat au barreau de PARIS, toque : T10 substitué par Me Charlotte CASTETS, avocat au barreau de PARIS, toque : T10
INTIMEE à titre principal (16/07830)
APPELANTE à titre incident (16/09351)
Madame [H] [S] épouse [D] [Y]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
née le [Date naissance 1] 1965 en ETHIOPIE
représentée par Me Candice VIER CAZIER, avocat au barreau de PARIS, toque : D1837
INTIMES
Me [K] [P] [K] (SCP [P] [K]) - Mandataire ad'hoc de la SARL IMMO PROP
[Adresse 3]
[Adresse 3]
non comparant
Monsieur [I] [W] anciennement liquidateur amiable de la SARL IMMO PROP
[Adresse 4]
[Adresse 4]
non comparant
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Mai 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Daniel FONTANAUD, Président de chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Daniel FONTANAUD, Président de Chambre
Madame Isabelle VENDRYES, Conseillère
Madame Laurence SINQUIN, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier : Madame Valérie LETOURNEUR, lors des débats
ARRET :
- réputé contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Daniel FONTANAUD, Président et par Madame Valérie LETOURNEUR, Greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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Exposé du litige
Madame [H] [S], épouse [D] [Y], engagée initialement le 1er septembre 2002 par la société BBC NETTOYAGE en qualité d'agent de service par contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel, a vu son contrat de travail transféré à la société SARL IMMO PROP à compter du 1er septembre 2012 suite à la reprise du marché de nettoyage par cette société. La salariée a saisi le Conseil de Prud'hommes de PARIS le 10 mars 2014 d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail. Son dernier salaire mensuel brut s'élevait à 1341,75 euros.
La société IMMO PROP a fait l'objet d'une liquidation amiable a compter du 3 avril 2014 et désignait Monsieur [I] [W] en qualité de liquidateur amiable. La société a ensuite fait l'objet d'une liquidation judiciaire par jugement du 24 octobre 2014, Maître [K] ayant été désigné liquidateur.
Par jugement du 4 avril 2016, le Conseil de prud'hommes de PARIS a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Madame [D]-[Y], fixant la date de rupture au 3 avril 2014, et a fixé sa créance entre les mains de la SCP [P] [K] aux sommes suivantes :
- Rappel de salaire de janvier 2014 au 3 avril 2014 : 4 159,42 €
- Congés payés afférents : 415,94 €
- Indemnité compensatrice de congés payés 447,25 €
- Indemnité compensatrice de préavis : 2 683,50 €
- Congés payés afférents : 268,35 €
- Indemnité de licenciement : 3 436,22 €
- Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 10 734 €
Le conseil de prud'hommes a dit la créance opposable à l'AGS CGEA IDF OUEST.
Le [Adresse 5] (CGEA) d'Ile de France Ouest, Unité déconcentrée de l'UNEDIC en a relevé appel.
Par conclusions visées au greffe le 22 mai 2017 au soutien de ses observations orales auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne ses moyens, l'AGS CGEA IDF OUEST demande d'infirmer le jugement en ce qu'il a fixé la date de la résiliation judiciaire au jour de la liquidation amiable, de constater que Madame [D] [Y] sollicite la fixation de la résiliation judiciaire en 2017, de juger que les indemnités de rupture reconnues à Madame [D] [Y] ne seront pas couvertes par la garantie de l'AGS. L'AGS demande en conséquence de prononcer sa mise hors de cause.
Par conclusions visées au greffe le 22 mai 2017 au soutien de ses observations orales auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne ses moyens, Madame [D] [Y] sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail, fixé au passif les sommes de 2683,50 euros à titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 268,35 euros à titre de congés payés afférents, et jugé que sa créance est opposable à L'AGS. Elle sollicite l'infirmation pour le surplus et demande de fixer au passif de la société IMMO PROP les sommes suivantes :
- 32.202.00 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;
- 55.513,29 euros à titre de rémunérations d'octobre 2013 jusqu'au prononcé de la résiliation judiciaire;
- 5.551,63 euros à titre de congés payés afférents au rappel de rémunération;
- 2.683,50 euros à titre d'indemnité de préavis;
- 268,35 euros à titre de congés payés sur préavis;
- 4.786,69 euros à titre d' indemnité légale de licenciement;
- 742,48 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés;
- 1.340,75 euros à titre de dommages et intérêts pour non règlement des salaires;
- 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle sollicite la remise de bulletins de salaire et d'une attestation Pôle emploi sous astreinte de 200 euros par jour de retatd.
Maître [K] [K], SCP [P] [K], en sa qualité de mandataire Ad hoc de la société IMMO PROP SAS et Monsieur [I] [W], anciennement liquidateur amiable de la société IMMO PROP, régulièrement convoqués, ne sont ni présents, ni représentés.
Pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.
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MOTIFS
Sur la jonction des instances
En application de l'article 367 du code de procédure civile, il convient, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, d'ordonner la jonction des instances inscrites au répertoire général du greffe sous les numéros RG 16/07830 et 16/09351 et de dresser du tout un seul et même arrêt.
Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail
L'AGS expose que la liquidation de la société, tant amiable que judiciaire, n'entraîne pas en elle-même la rupture du contrat de travail et fait valoir qu'en l'absence d'une rupture du contrat de travail, et dans la mesure où Madame [D] [Y] sollicite la résiliation judiciaire avec effet en 2017 et que la liquidation judiciaire est intervenue le 24 octobre 2014, les indemnités de rupture n'ont pas à être couvertes par la garantie de l'AGS puisqu'en application de l'article L.3253-8 2° du code du travail, cette garantie ne couvre les créances résultant de la rupture des contrats de travail que lorsque celle-ci est intervenue dans les 15 jours de la liquidation judiciaire, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
Madame [D] [Y] expose qu'à compter de janvier 2014, elle n'était plus payée et qu'elle a dénoncé cette situation sans jamais recevoir d'explication de la part de son employeur. Elle soutient que la société IMMO PROP a ainsi manqué à ses principales obligations et a rendu impossible la poursuite du contrat de travail. Outre le non~paiement des salaires et le défaut de délivrance de bulletins de paye depuis janvier 2014 ainsi que l'absence de fourniture de directive ou de travail depuis cette date, elle rappelle qu'elle n'a pas fait l'objet d'un licenciement pour motif économique malgré la procédure de liquidation amiable, puis la liquidation judiciaire. Elle ajoute qu'elle n'a pas obtenu les documents de fin de contrat et l'attestation POLE EMPLOI. L'intéressée demande néanmoins que la date d'effet de la résiliation judiciaire soit fixée, non au jour de la décision de placer la société en liquidation amiable, soit le 3 avril 2014, mais à la date de la décision de la Cour.
En l'espèce, au vu des éléments versés au débat, les manquements, qui ne sont d'ailleurs pas discutés, sont établis et d'une gravité suffisante pour justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur et produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. En effet, la salariée n'a pas été rémunérée à partir du mois de janvier 2014. La relation de travail avait alors effectivement cessé à la date de la liquidation amiable de la société, soit le 3 avril 2014, et la salariée ne se trouvait alors plus à la disposition de son employeur. Or s'il est exact que la résiliation judiciaire produit en principe effet au jour où le juge la prononce dès lors qu'à cette date le salarié est toujours au service de son employeur, ce n'était pas le cas en l'espèce. C'est donc à juste titre que les premiers juges ont prononcé la résiliation judiciaire en fixant la date de rupture au 3 avril 2014 et en arrêtant à cette date la créance de la salariée à titre de rappel de salaire, d'indemnité compensatrice de préavis, d'indemnité de licenciement, et d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. En conséquence, c'est aussi à juste titre que le conseil de prud'hommes a jugé que la créance de la salariée était opposable à l'AGS CGEA IDF OUEST qui est tenue en l'espèce à garantir ces sommes, la rupture étant ainsi intervenue préalablement à la liquidation judiciaire de la société.
Compte tenu du salaire de référence de la salariée, de son ancienneté, des circonstances de la rupture de la relation de travail et des conséquences qui ont suivi, et au vu des pièces produites, les premiers juges ont procédé à une juste évaluation en fixant la créance de Madame [D] [Y] aux sommes suivantes :
- Rappel de salaire de janvier 2014 au 3 avril 2014 : 4 159,42 €
- Congés payés afférents : 415,94 €
- Indemnité compensatrice de congés payés 447,25 €
- Indemnité compensatrice de préavis : 2 683,50 €
- Congés payés afférents : 268,35 €
- Indemnité de licenciement : 3 436,22 €
- Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 10 734 €
C'est aussi à juste titre ont ordonné à la SCP [P] [K] de remettre à Madame [D] [Y] des documents de fin de contrat conformes. Il n'y a pas lieu d'ordonner une astreinte en l'état.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Ordonne la jonction de la procédure inscrite au répertoire général de la Cour sous le numéro 16/09351 à celle portant le numéro 16/07830,
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,
Déclare le présent arrêt opposable à l'AGS CGEA dans la limite des garanties légales et des plafonds applicables,
Y ajoutant,
Dit que les condamnations au paiement de créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal à saisine du conseil de prud'hommes et que les condamnations au paiement de créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition du présent arrêt,
Autorise la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil,
Ordonne à la SCP [P] [K] en sa qualité de mandataire Ad hoc de la société IMMO PROP de remettre à Madame [D] [Y] de bulletins de paye correspondant aux rappels de salaires et une attestation Pôle Emploi mentionnant l'ancienneté au 1er septembre 2002,
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la SCP [P] [K] en sa qualité de mandataire Ad hoc de la société IMMO PROP à payer à Madame [D] [Y] en cause d'appel la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
DEBOUTE les parties du surplus des demandes,
LAISSE les dépens à la charge de la société IMMO PROP en liquidation judiciaire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT