Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 5
ARRET DU 04 JUILLET 2017
(n° 2017/ 227 , 11 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 16/12907
Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Mai 2016 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 12/15687
APPELANTE
SAS BOURGEOIS ENTREPRISE TRAVAUX PUBLICS agissant poursuites et diligences de son Président en exercice et/ou tous représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 1]
[Adresse 1]
N° SIRET : 572 174 944 00015
Représentée par Me François TEYTAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : J125
Assistée de Me Philippe GOOSSENS de la SELARL ALTANA, avocat au barreau de PARIS, toque : R021, substitué par Me Caroline DIOT de la SELARL ALTANA, avocat au barreau de PARIS, toque : R021
INTIMÉES
SA AXA FRANCE IARD ès qualités d'assureur de la société ETOILE DU CENTRE agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 2]
[Adresse 2]
N° SIRET :722 057 460 01971
Représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111
Assistée de Me Pascal CHAUCHARD de la SELARL CHAUCHARD ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : C0128
SA AXA CORPORATE SOLUTIONS ès qualités d'assureur de la société GRDF prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège
[Adresse 3]
[Adresse 3]
N° SIRET : 399 227 354 00129
Représentée par Me Joyce LABI de la SCP COURTEAUD PELLISSIER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0023
Assistée de Me Sabiha SERMET de la SCP COURTEAUD PELLISSIER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0023
La SMA (nouvelle dénomination de la SMABTP) prise en la personne de son Président du Conseil d'Administration domicilié en cette qualité au siège
[Adresse 4]
[Adresse 4]
N° SIRET : 775 684 764 00019
Représentée par Me Patricia HARDOUIN de la SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056
Assistée de Me Patrick FIZELLIER de la SELARL FIZELLIER ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0198
SA AXA FRANCE IARD ès qualités d'assureur de la société STPS, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 2]
[Adresse 2]
N° SIRET :722 057 460 01971
Représentée par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151
Assistée de Me Frédéric DOCEUL de la SELAS LHUMEAU GIORGETTI HENNEQUIN & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0483
SA GAZ RESEAU DISTRIBUTION FRANCE (GRDF) prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège
[Adresse 5]
[Adresse 5]
N° SIRET : 444 786 511 00022
Représentée et assistée de Me Benoît LAVAGNE D'ORTIGUE de l'AARPI LAVAGNE OUHIOUN GUYON AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0517
SA SOFILOGIS prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège
[Adresse 6]
[Adresse 6]
N° SIRET : 702 006 230 00164
Représentée et assistée de Me Sophie COMMERCON, avocat au barreau de PARIS, toque : A0344
SA ALLIANZ IARD ès qualités d'assureur de la société SOFILOGIS, venant aux droits de GAN EUROCOURTAGE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 7]
[Adresse 7]
N° SIRET : 542 110 291 00011
Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034
Assistée de Me Christophe LAVERNE de la SCP RAFFIN, avocat au barreau de PARIS, toque : P133
SOCIETE DES TRAVAUX PUBLICS SANGALLI ( STPS) prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 8]
[Adresse 8]
[Adresse 8]
N° SIRET :316 357 805 00035
Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
Assistée de Me Arnault BUISSON FIZELLIER de l'AARPI BFPL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0496
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 23 Mai 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Catherine LE FRANCOIS, Présidente de chambre, entendue en son rapport
Monsieur Christian BYK, Conseiller
Madame Patricia LEFEVRE, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Madame Catherine BAJAZET
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
- signé par Madame Catherine LE FRANCOIS, présidente et par Madame Catherine BAJAZET, greffier présent lors de la mise à disposition.
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La société d'HLM SOFILOGIS, était propriétaire d'un immeuble comprenant au rez de chaussée des locaux à usage commercial, un restaurant exploité par la société ETOILE DU CENTRE et aux étages supérieurs quatre logements, bien situé [Adresse 9], assuré auprès de la société GAN EUROCOURTAGE, aux droits de laquelle se trouve la société ALLIANZ IARD.
A la demande de la société GAZ RÉSEAU DE DISTRIBUTION FRANCE (ci après, la société GRDF) la société DES TRAVAUX PUBLICS SANGALLI (ci après, la société STPS SANGALLI) a posé durant le mois de février 2007 une canalisation de gaz traversant la [Adresse 10], perpendiculairement à l'immeuble propriété de la société SOFILOGIS.
Le Conseil Général de la [Localité 1] a confié l'exécution de travaux d'aménagement de voirie à un groupement d'entreprises dont le mandataire est la société APPIA Est Ile de France.
Le 9 mai 2007, la société BOURGEOIS a été chargée de l'exécution de travaux de terrassement, voirie et assainissement entre la [Adresse 11] et [Adresse 12].
Le 30 octobre 2007, la canalisation de gaz posée par la société SANGALLI a été arrachée. En raison d'une inflammation du mélange air-gaz une explosion s'est produite, suivi d'un incendie ayant provoqué le décès d'une personne et les blessures de nombreuses autres. Ce sinistre a gravement endommagé l'immeuble propriété de la société d'HLM SOFILOGIS. Celui-ci a été démoli puis reconstruit.
Désigné en qualité d'expert par ordonnance du juge des référés du tribunal de grande instance de Bobigny du 18 avril 2008, Monsieur [M] a clos son rapport le 17 janvier 2011. Son travail sur pièces peut être résumé ainsi :
- la société GAZ DE FRANCE a fourni un plan sommaire à la société SANGALLI,
- cette canalisation a été enfouie à une profondeur inférieure à 80 cm sous la moitié de la chaussée (côté impair),
- sa présence était signalée par un grillage de couleur jaune,
- son arrachement est dû à une fausse manoeuvre du conducteur de la pelleteuse, salarié de la société BOURGEOIS Entreprise Travaux publics.
Par acte du 29 février 2008, la société SOFILOGIS a assigné la société BOURGEOIS et son assureur, la société SMABTP devant le tribunal de grande instance de Paris.
La société GAN EUROCOURTAGE aux droits de laquelle se trouve la société ALLIANZ IARD, assureur de la société d'HLM SOFILOGIS et la société AXA FRANCE IARD, assureur de la société ETOILE DU CENTRE ET DE LOCATAIRES DE LOGEMENTS sont intervenues volontairement à l'instance.
La société STPS SANGALLI, et son assureur, la société AXA FRANCE IARD, la société GRDF et son assureur, la société AXA CORPORATE SOLUTIONS ont été assignés en garantie.
Par jugement du 9 juillet 2012, le tribunal des conflits a décidé que la juridiction de l'ordre judiciaire était compétente pour connaître du litige opposant la société d'HLM SOFILOGIS à la société BOURGEOIS Entreprise Travaux Public.
Par jugement du 13 mai 2016, le tribunal de grande instance de Paris a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire condamné in solidum la société BOURGEOIS et la société SMABTP, celle-ci dans les limites de ses obligations contractuelles, à payer à la société d'HLM SOFILOGIS la somme de 149 536,53 euros avec intérêts au taux légal à compter du jour du jugement, à la société ALLIANZ IARD les sommes de 168 497, avec intérêts au taux légal à compter du 22 novembre 2010, 1 012 394 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 9 février 2011, et 332 868 euros,avec intérêts au taux légal à compter du 30 juin 2015, à la société AXA FRANCE IARD les sommes de 293 923 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 19 juillet 2009, 13 300 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 20 juillet 2010, et 42 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 12 juin 2008 et a ordonné la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil.
Le tribunal a également condamné in solidum la société BOURGEOIS et la société SMABTP, celle-ci dans les limites de ses obligations contractuelles, à payer aux sociétés SOFILOGIS, ALLIANZ et AXA FRANCE la somme de 10 000 euros chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et les entiers dépens. Le tribunal a également condamné la SMABTP, dans la limite de ses obligations contractuelles, plafond et franchise, à garantir la société BOURGEOIS à hauteur des condamnations prononcées à l'encontre de celle-ci et a rejeté les autres demandes des parties notamment les appels en garantie de la société BOURGEOIS et de la SMABTP.
Par déclaration du 10 juin 2016, la société BOURGEOIS a interjeté appel.
Par ordonnance du conseiller de la mise en état du 12 décembre 2016, la société BOURGEOIS a été déclarée irrecevable en sa demande de sursis à statuer et déboutée de sa demande subsidiaire de communication de pièces.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 23 décembre 2016, elle sollicite l'infirmation du jugement, demandant à la cour à titre principal de juger que la théorie des troubles anormaux de voisinage n'est pas applicable au litige, à titre subsidiaire de juger que les faits commis par les sociétés SANGALLI et GRDF revêtent les caractéristiques de la force majeur, au constat des fautes de la société STPS et des fautes et du fait des choses pour la société GRDF de débouter les sociétés SOFILOGIS, AXA FRANCE, ès qualités d'assureur de la société ETOILE DU CENTRE et ALLIANZ IARD venant aux droits de la société GAN EUROCOURTAGE ès qualités d'assureur de la société SOFILOGIS de toutes leurs demandes. A titre subsidiaire, elle sollicite la garantie des société GRDF et STPS et de leurs assureurs les sociétés AXA FRANCE IARD et AXA CORPORATE SOLUTIONS en demandant à la cour de déterminer l'exacte part de responsabilité de chacun des co-responsables dans la survenance du dommage et la garantie de la SMABTP. Elle demande enfin à la cour de condamner les sociétés SOFILOGIS, AXA FRANCE et ALLIANZ IARD, GRDF, SANGALLI, AXA FRANCE IARD, et AXA CORPORATE SOLUTIONS à lui verser la somme de 40 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens.
Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 27 septembre 2016 et le 18 octobre 2016 à Maître LABI et le 22 novembre 2016 à la SCP GRAPOTTE BENETREAU, la SMA, nouvelle dénomination sociale de la SMABTP, sollicite l'infirmation du jugement, demandant à la cour d'écarter la théorie des troubles du voisinage et au constat de l'absence de faute de la société BOURGEOIS, de rejeter l'ensemble des demandes à l'encontre de cette société, de juger que les sociétés SOFILOGIS, ALLIANZ, ETOILE DU CENTRE et AXA seront tenues de lui restituer les sommes qui lui ont été versées au titre de l'exécution provisoire, avec intérêts légaux à compter de la date des paiements, de condamner les sociétés STPS SANGALLI et GRDF ainsi que leurs assureurs respectifs, les sociétés AXA FRANCE IARD et AXA CORPORATE SOLUTIONS à la garantir de l'ensemble des condamnations qui pourraient êtreprononcées à son encontre. Elle sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a dit que toute condamnation prononcée à son encontre ne saurait l'être que dans les limites de sa police d'assurance, en ce compris franchise et plafond et la condamnation de toute partie succombante à lui payer la somme de 20 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 19 octobre 2016, la société d'HLM SOFILOGIS soulève l'irrecevabilité de la thèse de la société BOURGEOIS relative à l'inapplicabilité de la théorie du trouble anormal du voisinage comme présentée pour la première fois en cause d'appel sur le fondement de l'article 564 du code de procédure civile et demande la condamnation solidaire ou à défaut in solidum de la société BOURGEOIS et de la SMABTP à lui payer la somme de 149 536,53 euros correspondant à la perte de loyers arrêtés provisoirement au 28 février 2014, augmentée des intérêts de droit, et celle de 12 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, subsidiairement, elle demande la condamnation des sociétés GRDF et STPS et leurs assureurs respectifs, les sociétés AXA CORPORATE SOLUTIONSS et AXA FRANCE IARD au paiement des mêmes sommes.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 10 février 2017, la société ALLIANZ IARD, assureur de la société SOFILOGIS, sollicite la confirmation jugement, demandant à la cour de condamner in solidum les sociétés BOURGEOIS et SMABTP à lui verser la somme de 1 5113 759 euros réglée à son assurée le montant des intérêts au taux légal sur le montant de la condamnation à compter du déboursé des sommes concernées (soit au 22 novembre 2010 pour les sommes de 100 000 euros et 68.497 euros, au 9 février 2011 pour la somme de 1 012 354 euros, et au 30 juin 2015 pour la somme de 332 868 euros), outre la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus des entiers dépens. A titre subsidiaire, elle demande à la cour de condamner les sociétés GRDF, SANGALLI, AXA CORPORATE SOLUTION, et AXA FRANCE IARD aux mêmes sommes.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 18 novembre 2016, la société AXA FRANCE prise en sa qualité d'assureur de la société ETOILE DU CENTRE, Monsieur [C] [P], Madame [K] [R] et les consorts [U] sollicite la confirmation du jugement et la condamnation de la société BOURGEOIS, in solidum avec son assureur à lui payer la somme de 10 000 euros au titre des frais irréptibles d'appel, outre les dépens.
Dans ses dernières écritures notifiées le 10 novembre 2016, la société GRDF sollicite la confirmation du jugement, sollicitant la condamnation de la société BOURGEOIS et de son assureur la SMABTP à lui payer la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 24 avril 2017, la société AXA CORPORATE SOLUTIONS, assureur de la société GRDF sollicite la confirmation du jugement, demandant à la cour de condamner solidairement les sociétés BOURGEOIS et SMABTP à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus des entiers dépens. A titre subsidiaire, elle demande à la cour de condamner solidairement les sociétés SANGALLI et AXA FRANCE à la garantir de toute condamnation pouvant intervenir à son encontre au titre de l'action en garantie.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 30 mars 2017, la société SANGALLI sollicite, sous divers dires et constats qui sont la reprise de ses moyens, la confirmation du jugement, demandant à la cour si celle-ci devait la condamner à garantir les sociétés BOURGEOIS et SMA des condamnations prononcées à leur encontre, de condamner la société AXA FRANCE IARD à la garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre au titre du recours en garantie formé par les sociétés BOURGEOIS et SMA et demande en tout état de cause la condamnation in solidum des sociétés BOURGEOIS et SMA à lui verser la somme de 40 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus des entiers dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 27 janvier 2017, la société AXA FRANCE IARD, assureur de la STPS sollicite la confirmation jugement, demandant à la cour de condamner toute partie succombante à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus des entiers dépens. Pour le surplus, elle soulève la prescription biennale à l'encontre de son assurée, l'absence de faute de celle-ci et à titre subsidiaire demande à la cour de condamner solidairement les sociétés BOURGEOIS et SMABTP à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 15 mai 2017.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la responsabilité
Considérant que la société BOURGEOIS et son assureur la SMA, nouvelle dénomination sociale de la SMABTP, soutiennent qu'alors que la théorie des troubles du voisinage est une limite au droit de propriété, elle ne s'impose qu'aux propriétaires privés relevant de l'article 544 du code civil et n'est pas applicable lorsque, comme en l'espèce, le trouble s'est produit non pas sur un fonds privé appartenant à un propriétaire privé mais sur le domaine public, ajoutant que faute de voisinage , au sens du code civil, la théorie est inapplicable, qu'ils ajoutent que la théorie des troubles du voisinage est inapplicable aux entrepreneurs de travaux publics et qu'elle ne doit pas pouvoir s'appliquer aux entrepreneurs qui ne sauraient voir leur responsabilité engagée que pour faute ;
Considérant que la société SOFILOGIS rétorque que l'argumentation de la société BOURGEOIS est irrecevable sur le fondement de l'article 564 du code de procédure civile, comme étant nouvelle en cause d'appel et soutient que le fait que les dommages aient été causés à l'occasion d'un marché de travaux publics ne fait pas obstacle à la théorie du trouble anormal du voisinage, que la société ALLIANZ IARD, venant aux droits de la société GAN EUROCOURTAGE , assureur de la société SOFILOGIS et la société AXA FRANCE prise en sa qualité d'assureur de la société ETOILE DU CENTRE, Monsieur [C] [P], Madame [K] [R] et les consorts [U] soutiennent qu'en l'état du droit positif et de la jurisprudence, tout entrepreneur exécutant effectivement des travaux litigieux devient un voisin occasionnel répondant des dommages anormaux subis par un propriétaire ;
Considérant qu'en application de l'article 563 du code de procédure civile, 'Pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves' ;
Considérant que l'argumentation de la société BOURGEOIS, soutenue par son assureur, sur l'inapplicabilité de la théorie des troubles anormaux de voisinage et l'attribution de la qualité de voisin occasionnel constitue non pas une demande nouvelle prohibée par l'article 564 du code de procédure civile mais un moyen nouveau au soutien de la demande de débouté que celle-ci avait présentée devant les premiers juges ce dont il résulte qu'elle est recevable ;
Considérant qu'en application du principe selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage, l'entrepreneur, y compris de travaux publics, est responsable de plein droit, en qualité de voisin occasionnel, du trouble anormal causé, nonobstant le fait que l'origine du dommage soit situé sur le domaine public alors que la responsabilité de la puissance public pour troubles de voisinage pourrait être engagée, en dehors de toute faute, sur la seule constatation que le dommage excède les inconvénients normaux ;
Considérant qu'il résulte des opérations d'expertise que l'immeuble de la société SOFILOGIS a été incendié à la suite de l'inflammation d'un mélange air gaz, le gaz provenant de la canalisation ' P63 arrachée par un préposé de la société BOURGEOIS aux commandes d'une pelleteuse, qu'il est dès lors établi que la société SOFILOGIS a subi un trouble anormal dans la mesure où son immeuble a été gravement endommagé puisqu'il a fallu le démolir et le reconstruire et que ce trouble présente un lien de causalité directe avec l'activité de l'entrepreneur alors que c'est en effectuant des travaux de terrassement que le préposé de la société BOURGEOIS a arraché la canalisation de gaz, que dès lors il est établi que la société BOURGEOIS a subi un trouble anormal de voisinage imputable à la société BOURGEOIS ;
Considérant que la société BOURGEOIS soutient qu'en présence d'une responsabilité de plein droit, le fait d'un tiers peut être exonératoire s'il revêt les caractéristiques de la force majeure, qu'elle expose qu'il n'était pas prévisible que la canalisation de gaz qui a été heurtée se trouve non seulement à la mauvaise profondeur mais au surplus non indiquée par un filet jaune avertisseur ;
Mais considérant qu'il résulte des pièces produites que la société BOURGEOIS connaissait l'existence de la canalisation puisque la société GRDF lui avait remis un plan sommaire la mentionnant ainsi que l'établit le récépissé de déclaration d'intention de commencement des travaux établi par GRDF le 12 juin 2007 et qu'elle avait l'obligation de 'vérifier sur place la position exacte des ouvrages existants de distribution de gaz' avant d'exécuter ses propres travaux ainsi que cela résulte de l'article 2.4 des recommandations techniques émises par l'association française du gaz jointes au récépissé du 12 juin 2007, et que 'les sondages exploratoires doivent être poursuivis avec précaution à l'aide d'outils à main ou par un dispositif d'aspiration des terres' ainsi que cela résulte de l'article 2.4.3 du même document, tandis que l'article 0.03.02e divers du cahier des clauses techniques particulières lui imposait 'la recherche de la position effective en X, Y et Z des ouvrages des concessionnaires dans l'emprise du projet (...) Les fouilles manuelles, éventuellement nécessaires, seront rémunérées par un prix unitaire spécifique' ;
Considérant de plus que s'agissant du filet jaune de protection, il résulte du rapport d'expertise que l'expert a constaté, lors de la première réunion d'expertise, la présence du grillage de signalisation sur les lieux de la fuite de gaz et qu'il résulte de l'annexe A24 du rapport d'expertise que dans le cadre de l'enquête pénale, ont été saisis et placés sous scellés six morceaux de filet de signalisation de couleur jaune découpés sous le trottoir à différents endroits à côté du tuyau de gaz ou découverts sous le coude du tuyau situé à l'opposé de l'établissement l'Etoile du Centre à [Localité 2] ou face à ce bar, à proximité du tuyau, côté droit ou côté gauche, que la découverte de ces morceaux de filet, non détruits par l'explosion et l'incendie qui a suivi, établit de manière certaine la preuve de la présence d'un filet jaune de protection signalant la canalisation ;
Considérant qu'il résulte de ces éléments que le positionnement de la canalisation à une mauvaise profondeur ne pouvait être imprévisible puisque d'une part il est établi la preuve de la présence d'un filet de protection à proximité de la canalisation et que d'autre part la société BOURGEOIS avait l'obligation en application du marché de faire des vérifications personnelles précises sur l'emplacement de celle-ci ce qui devaient nécessairement lui révéler son emplacement exact, quelque soit la distance à laquelle se trouvait le filet de protection au moment de la découverte de la canalisation ;
Considérant que c'est en conséquence à juste titre que les premiers juges ont retenu que la société BOURGEOIS et la SMA, celle-ci dans les limites de ses obligations contractuelles, doivent être condamnées à réparer le préjudice justifié par la société SOFILOGIS et les assureurs de l'immeuble et de ses occupants et que la société SMA doit garantir la société BOURGEOIS à hauteur des condamnations prononcées à son encontre;
Sur le montant des dommages
Considérant qu'aucune des parties ne conteste le montant des dommages retenu par les premiers juges, que dès lors la décision sera confirmée en ce qui concerne les sommes retenues ;
Sur les appels en garantie
Considérant que la société BOURGEOIS soutient que sa prétendue faute n'est en réalité qu'une des multiples causes du préjudice subi par la société SOFILOGIS et qu'elle n'est pas la cause exclusive de celui-ci, qu'elle reproche à la société STPS d'avoir enfoui la canalisation de gaz à une profondeur insuffisante, inférieure aux 80 centimètres réglementaires sur la moitiè de la chaussée et de ne pas avoir posé de filet avertisseur destiné à prévenir tout percement de canalisation, Mme [I] ne faisant aucune mention d'un grillage jaune avertisseur, qu'elle reproche à la société GRDF d'avoir fourni à la société STPS des plans comportant de graves inexactitudes, d'avoir accepté les travaux d'enfouissement réalisés par la société STPS en dépit des graves violations aux prescriptions réglementaires et d'avoir tardé à couper le gaz, que la SMA soutient une argumentation similaire à celle de son assurée ;
Considérant que la société STPS et son assureur la société AXA FRANCE IARD soutiennent l'absence de faute de celle-ci en lien avec le sinistre en ce qui concerne la profondeur d'enfouissement de la canalisation et la confirmation du jugement en ce qu'il a retenu que la société STPS avait bien posé un grillage avertisseur, exposant en outre que la tranchée était ouverte et la canalisation visible au moment de l'accident ;
Considérant que la société GRDF soutient qu'il résulte du témoignage de Mme [I] que la tranchée était ouverte et la canalisation était visible au moment de l'accident, que dès lors l'insuffisance de profondeur alléguée de la canalisation ou le fait de savoir si elle était bien précédée d'un grillage avertisseur ne présentent aucun lien avec le sinistre, qu'elle avait bien adressé un plan signalant la canalisation que les employés de la société BOURGEOIS devaient consulter et qu'ils n'avaient pris aucune des mesures requises par les recommandations pour s'assurer de l'emplacement exact de celle-ci, qu'elle conteste avoir commis une quelconque faute dans la gestion du sinistre, que son assureur s'associe à cette argumentation ;
Considérant que s'agissant de la profondeur de l'enfouissement de la canalisation, l'expert, se fondant sur les niveaux mesurés dans le cadre de l'expertise pénale six mois après les faits, a exposé que la profondeur de 0,80 m n'était pas atteinte sur la moitié de la chaussée côté impair où la profondeur n'était que de 0,58 m, que toutefois, alors que la société BOURGEOIS connaissait l'existence de la canalisation par la remise du plan sommaire attestée par le récépissé du 12 juin 2007, que cette existence était confirmée par l'aspect extérieur du revêtement révélant qu'une tranchée récente avait été creusée puis comblée, que la société BOURGEOIS avait une obligation personnelle de vérification dans les conditions ci-dessus rappelées alors qu'elle a utilisé un tractopelle muni d'un godet d'un mètre de largeur et d' un mètre de profondeur ce qui ne correspond pas aux outils à main ou à l'appareil d'aspiration des terres préconisés, il apparaît que l'insuffisance partiel d'enfouissement est sans lien causal direct avec l'arrachement de la canalisation qui a provoqué le sinistre ;
Considérant que le fait que six morceaux de filet de signalisation de couleur jaune aient été retrouvés à des endroits différents établit que ce filet avait bien été posé par la société STPS et qu'aucune faute ne peut être retenue à l'encontre de celle-ci ;
Considérant que l'absence de cotes de niveaux sur le plan fourni par la société GRDF ne présente pas de lien causal avec le sinistre en raison de l'obligation de vérification personnelle de l'entreprise BOURGEOIS et l'inadaptation des moyens que celle-ci a utilisés alors qu'elle avait connaissance de l'existence de la canalisation ;
Considérant que la société BOURGEOIS n'établit pas à l'encontre des sociétés STPS et GRDF une faute en lien directement causal avec le sinistre, qu'il apparaît que celui-ci a pour cause exclusive les fautes ci-dessus caractérisées, indépendamment même de l'audition de Mme [I] qui fait état de ce que la canalisation était en fait découverte, que dès lors la société BOURGEOIS et son assureur ne peuvent qu'être déboutés de leurs appels en garantie à l'encontre de ces sociétés, de même que la société BOURGEOIS doit être déboutée de sa demande à l'encontre de la société GRDF sur le fondement de l'ancien article 1384 alinéa 1er du code civil dès lors que le sinistre est dû à ses fautes ;
Considérant que s'agissant de l'aggravation du sinistre reproché à la société GRDF pour n'avoir coupé l'alimentation en gaz qu'au bout de 2h30, il résulte de l'annexe A24 page 34 que la canalisation a été arrachée vers 13h40, que la fuite a projeté du gaz pendant 10 minutes avant l'activation de combustion, que l'explosion principale au rez de chaussée a eu lieu à 13h52, provoquant l'effondrement du plafond au dessus du vestibule, créant ainsi une cheminée de convection des flammes et gaz chauds, qu'il y a eu une succession d'épisodes pyrotechniques avec des phénomènes de souffles chauds et de boules de feu, que la flamme de la fuite de gaz, d'abord de petite intensité, s'est embrasée lors de l'explosion finale qui est intervenue au 2ème étage à 13h54, la façade du 2ème étage s'effondrant, que les différents foyers d'incendie se sont déclenchés en même temps que les explosions, que l'officier de permanence de la caserne de [Localité 3] a noté lors de son arrivée que le 2ème étage était embrasé et que de la fumée s'échappait du rez de caussée, que le commandant des opérations de secours, page 22 de l'annexe A 24, se souvient qu'un foyer important ravageait le volume de la cage d'escalier d'accès aux logements, qu'il résulte de ces éléments que les dégâts causés à l'immeuble tant par les explosions que par le développement des incendies survenues concomitamment se sont déroulés sur un laps de temps très bref, la dernière explosion intervenant à 13h54, qu'ainsi, avant même l'arrivée des techniciens de la société GRDF, vers 14H05, l'immeuble était gravement endommagé et qu'il n'est pas dès lors démontré que celle-ci ait commis une faute ayant aggravé le sinistre en ne coupant le gaz que vers 16h30, que la société BOURGEOIS et son assureur doivent en conséquence être déboutés de leur demande de garantie à ce titre ;
Considérant que le jugement entrepris doit donc être confirmé en toute ses dispositions ;
Sur les frais irrépétibles
Considérant que les premiers juges ont fait une juste appréciation des sommes qui pouvaient être allouées aux sociétés SOFILOGIS, à la société ALLIANZ IARD et à la société AXA FRANCE IARD en première instance, qu'il y a lieu d'y ajouter à chacune d'elle la somme de 2000 euros au titre de leurs frais irrépétibles d'appel et d'allouer une somme identique aux autres intimées à l'exception de la SMA ;
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme le jugement entrepris,
Y ajoutant,
Condamne in solidum la société BOURGEOIS ENTREPRISE TRAVAUX PUBLICS et la SMA, celle-ci dans les limites de ses obligations contractuelles à payer, au titre des frais irrépétibles d'appel à :
- la société SOFILOGIS la somme de 2000 euros,
- la société ALLIANZ IARD venant aux droits de la société GAN EUROCOURTAGE la somme de 2000 euros,
- la société AXA FRANCE prise en sa qualité d'assureur de la société ETOILE DU CENRE, Monsieur [C] [P], Madame [K] [R] et les consorts [U], la somme de 2000 euros,
- la société DE TRAVAUX PUBLICS SANGALLI la somme de 2000 euros,
- la société AXA FRANCE IARD en qualité d'assureur de la socité STPS la somme de 2000 euros,
- la société GRDF la somme de 2000 euros,
- la société AXA CORPORATE SOLUTIONS, assureur de la société GRDF la somme de 2000 euros,
Condamne in solidum la société BOURGEOIS ENTREPRISE TRAVAUX PUBLICS et la SMA, celle-ci dans les limites de ses obligations contractuelles aux entiers dépens de la procédure d'appel qui pourront êtr recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE