RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 9
ARRET DU 05 Juillet 2017
(n° , 1 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 15/12645
Décision déférée à la cour : jugement du 22 octobre 2015 -conseil de prud'hommes - formation paritaire de CRETEIL - RG n° 12/02769
APPELANT
Monsieur [I] [R]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représenté par Me Isabelle PINTO, avocat au barreau de PARIS, E1417
INTIMÉE
SAS INTERFORUM, ayant son siège social
[Adresse 2]
[Adresse 2]
N° SIRET : 612 039 073 00111
Représentée par Me Romain SUTRA, avocat au barreau de PARIS, P0171
Ayant pour avocat plaidant Me Sophie BAILLY, avocat au barreau de PARIS,
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 mars 2017, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Laure TOUTENU, vice-présidente placée, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Catherine SOMMÉ, présidente de chambre
Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller
Madame Laure TOUTENU, vice-présidente placée
Greffier lors des débats : Mme Emilie POMPON
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Catherine SOMMÉ, président et par Madame Marion AUGER, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
M. [I] [R] a été engagé par la SAS Interforum, pour une durée indéterminée à compter du 1er mars 1983. Il exerce les fonctions de représentant, statut cadre, niveau C2a. La relation de travail est régie par la convention collective de l'édition.
Contestant le montant de 100 € par an octroyé par l'employeur à titre d'indemnité d'occupation du domicile à des fins professionnelles depuis 2011, le 21 novembre 2012, M. [R] a saisi le conseil de prud'hommes de Créteil pour demander paiement d'une somme à titre d'indemnité d'occupation de son domicile à des fins professionnelles, ainsi que la publication de la décision à intervenir, avec exécution provisoire.
Par jugement du 22 octobre 2015 notifié le 12 novembre 2015, le conseil de prud'hommes de Créteil a débouté M. [R] de l'ensemble de ses demandes et a laissé les dépens à sa charge.
M. [R] a interjeté appel de cette décision le 8 décembre 2015.
Aux termes de ses écritures visées par le greffier et soutenues oralement le 27 mars 2017, M. [R] demande à la cour d'infirmer le jugement déféré et de condamner la société Interforum à lui payer les sommes suivantes :
'21 034,40 € à titre d'indemnité d'occupation de son domicile à des fins professionnelles
'5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
La société Interforum reprend les termes de ses conclusions visées par le greffier et demande la confirmation du jugement, le rejet de l'ensemble des demandes de M. [R] et subsidiairement la fixation de l'indemnité d'occupation de 2007 à 2010 à la somme de 140,49 €.
En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la demande en paiement d'une indemnité d'occupation
M. [R] fonde sa demande sur les dispositions de l'article L. 1121-1 du code du travail, l'indemnité devant être calculée en fonction de l'importance de la surface privée transformée en bureau professionnel, de la valeur locative correspondante et de la durée de l'occupation et du temps de travail du salarié à son domicile. M. [R] indique qu'il ne dispose d'aucun bureau au sein de la société et qu'il a été contraint d'aménager une pièce à cet effet à son domicile, alors qu'il reçoit régulièrement des éléments professionnels qu'il ne peut stocker dans son véhicule et qui ne sont pas dématérialisés. Il ajoute que l'employeur lui a fourni une imprimante qui n'est pas miniaturisée et qu'il n'a eu d'autre choix que de regrouper ces documents et matériels dans une pièce à son domicile. M. [R] conteste le montant de 100 € versé à titre d'indemnité d'occupation par son employeur depuis 2011, en soulignant que cette question a été posée à plusieurs reprises lors de séances du comité d'établissement. M. [R] précise que le montant alloué ne correspond ni à la surface occupée constituée d'une pièce spécialement aménagée, ni au temps consacré à l'accomplissement de ces tâches, que les calculs de l'employeur ne reposent sur aucune base sérieuse, qu'en effet il ne lui octroie qu'une seule journée par mois dans son salaire, alors qu'il consacre au total deux jours et demi par mois à l'accomplissement de son travail administratif. Il s'estime fondé à solliciter la somme de 4 206,88 € correspondant à la moyenne mensuelle brute des douze derniers mois de salaire, sur cinq ans, en vertu de la prescription quinquennale de l'action en paiement des salaires.
La société Interforum fait valoir qu'elle a décidé de faire application de la jurisprudence pour ses collaborateurs itinérants utilisant leur domicile à des fins professionnelles pour leurs seules tâches administratives, que les discussions avec les représentants du personnel n'ayant pas abouti, elle a fixé le montant de l'indemnité à 100 € par an à compter de 2011. La société Interforum expose sa méthode de détermination du montant de l'indemnité d'occupation à partir du temps de travail passé à domicile par les commerciaux sur la base de leurs compte-rendus d'activité, puis par analogie avec le mode de calcul des frais d'atelier prévu à l'article L. 7422-11 du code du travail et à l'article 4 de l'annexe IV de la convention collective applicable, la somme octroyée au salarié étant plus favorable. La société Interforum conteste qu'il soit nécessaire au salarié d'aménager une pièce dédiée. Elle soutient que le salarié a lui-même déclaré dans ses tableaux d'activité moins d'une journée par mois au temps de travail administratif. La société Interforum conclut que le salarié ne démontre pas qu'il consacrerait deux jours et demi par mois à des tâches administratives à son domicile. La société Interforum conteste le quantum de l'indemnité réclamée, correspondant à deux jours et demi supplémentaires par mois de rémunération, en ce que le salarié est déjà payé pour le travail administratif qu'il effectue, que l'indemnité ne vise qu'à réparer le préjudice lié à l'occupation partielle du domicile privé, qu'elle n'a pas à être calculée par rapport au salaire et au temps de travail administratif. La société Interforum soutient enfin que M. [R] sollicite une application rétroactive de la jurisprudence en sollicitant le paiement de 2007 à 2010.
1. Sur le principe de l'octroi d'une indemnité d'occupation
Il ressort du dossier que M. [R] exerce les fonctions de représentant, qu'il a donc une activité itinérante consistant en des rendez-vous de prospection et auprès de la clientèle, mais qu'il accomplit également une activité à domicile relative à diverses tâches administratives, pour l'exécution desquelles l'employeur n'a pas mis à sa disposition de bureau au sein de l'entreprise.
La société Interforum met à la disposition du salarié un véhicule de fonction ainsi que les cartes de paiement associées, un téléphone portable, un ordinateur portable et une imprimante. Elle prend également en charge le coût d'une ligne téléphonique et ADSL.
M. [R] devant stocker non seulement le matériel informatique mais encore la documentation mise à sa disposition par l'employeur, stockage effectué à son domicile comme il en justifie par la production de photographies, est donc contraint, en l'absence de local professionnel mis à sa disposition par l'employeur, d'occuper son domicile à des fins professionnelles. M. [R] est donc bien fondé à solliciter une indemnité à ce titre.
2. Sur le moyen tiré de l'application rétroactive de la jurisprudence
A compter de l'année 2011, la société Interforum a attribué à chaque salarié concerné une indemnité au titre de l'utilisation du domicile à des fins professionnelles d'un montant de 100 € par an. Les parties s'accordent donc sur l'octroi, en son principe, d'une indemnité d'occupation du domicile du salarié à des fins professionnelles à compter de l'année 2011.
La société Interforum fait valoir que les demandes antérieures à 2011 ne peuvent être accueillies en ce que la jurisprudence qui a mis à la charge des employeurs une indemnité d'occupation date de 2010 et qu'il ne peut y avoir d'application rétroactive de la jurisprudence.
M. [R] sollicite l'application de la règle sur cinq années, en vertu des dispositions de l'article L. 3245-1 du code du travail, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrivant par cinq ans conformément à l'article 2224 du code civil.
En application des dispositions de l'article L. 3245-1 du code du travail, la prescription quinquennale s'applique aux indemnités d'occupation.
Il est constant que la Cour de cassation ne rend pas d'arrêts de règlement lesquels sont en effet prohibés par l'article 5 du code civil. Le fait que l'employeur n'ait décidé d'indemniser le salarié au titre de l'occupation par ce dernier de son domicile à des fins professionnelles qu'à compter de 2011, soit postérieurement à une décision de la Cour de cassation rendue en 2010, est donc sans incidence sur le droit pour le salarié à prétendre à une telle indemnité pour les années précédentes, dans la limite de la prescription applicable, dès lors qu'il remplissait les conditions pour pouvoir prétendre à une telle indemnisation.
Il n'est pas contesté que le salarié occupe son domicile à des fins professionnelles depuis une date antérieure à 2010 et au moins depuis 2007.
La date de saisine le 21 novembre 2012 du conseil de prud'hommes interrompant la prescription, M. [R] est donc fondé à solliciter le paiement d'une indemnité d'occupation depuis le 21 novembre 2007.
3. Sur le quantum de l'indemnité d'occupation
La cour observe que l'indemnité versée par la société Interforum au salarié est fixée par référence aux dispositions de l'article 4 de l'annexe IV de la convention collective en matière de frais d'atelier, lesquelles visent cependant une situation distincte de celle de M. [R].
Il y a lieu de fixer forfaitairement le montant de l'indemnité en fonction de l'espace occupé et de la durée d'occupation du logement à des fins professionnelles, susceptible de varier selon les fonctions exercées par les salariés et la sujétion subie.
Il n'est pas utile d'évaluer précisément une surface dédiée ni de tenir compte du fait qu'une pièce soit spécialement aménagée par le salarié, la seule notion d'espace dédié à un bureau étant suffisante pour évaluer ce montant. Il n'y a pas lieu par ailleurs de s'attacher au lieu de résidence et à la valeur locative du bien qui dépendent exclusivement du choix du salarié de son lieu d'habitation. Enfin l'indemnité ne doit pas être fixée en fonction du montant du salaire du salarié, puisqu'elle vise à indemniser l'occupation du domicile à des fins professionnelles, alors que le salaire est la contrepartie du travail effectué par le salarié.
La société Interforum produit les tableaux d'activités détaillées faisant apparaître le nombre de jours en moyenne consacré au travail administratif par M. [R], précisant que M. [R] a lui-même déclaré ces chiffrages, soit :
- en 2013 : 1,46 jours
- en 2012 : 1,04 jours
- en 2011 : 1,54 jours
- en 2010 : 1,5 jours
M. [R] produit une liste de tâches relatives à l'organisation de la tournée et à la préparation des visites, concluant que deux jours et demi par mois sont nécessaires. Après avoir analysé ces éléments, la cour retient un jour et demi par mois de travail administratif incombant à M. [R].
Au vu de ces éléments, la cour dispose des éléments d'appréciation suffisants pour fixer à 60 € par mois le montant de l'indemnité d'occupation due à M. [R] au titre de l'occupation de son logement à des fins professionnelles.
M. [R] ayant demandé paiement d'une somme totale de 21 034,40 € en précisant qu'elle correspondait à une indemnité annuelle de 4 206,88 € réclamée en prenant en compte la date de saisine du conseil de prud'hommes au regard de la prescription quinquennale alors applicable, il s'en déduit que la demande en paiement porte sur la période de novembre 2007 à novembre 2012.
Statuant dans cette limite, et tenant compte de la somme de 100 € versée par l'employeur depuis 2011, soit un montant total versé de 200 € pour les années 2011 et 2012, la société Interforum doit être condamnée à payer à M. [R] la somme de 3 400 € à titre d'indemnité d'occupation pour la période de novembre 2007 à novembre 2012.
Le jugement déféré sera en conséquence infirmé en ce qu'il a débouté le salarié de ce chef de demande.
Sur les autres demandes
La société Interforum supportera les dépens de première instance et d'appel et sera condamnée à payer à M. [R] une indemnité destinée à couvrir les frais non compris dans les dépens qu'il a dû engager pour assurer la défense de ses intérêts et qu'il y a lieu de fixer à 2 000 €.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
INFIRME le jugement déféré et statuant à nouveau :
FIXE à 60 € par mois l'indemnité due par la SAS Interforum à M. [I] [R] au titre de l'occupation de son domicile à des fins professionnelles ;
CONDAMNE la SAS Interforum à payer à M. [I] [R] la somme de 3 400 € à titre de rappel d'indemnité pour la période de novembre 2007 à novembre 2012 ;
CONDAMNE la SAS Interforum à payer à M. [I] [R] la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la SAS Interforum aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT