RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 5
ARRÊT DU 06 Juillet 2017
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/10519
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 14 Octobre 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL RG n° 12/02605
APPELANT
Monsieur [G] [L]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représenté par Me Alain FRAITAG, avocat au barreau de PARIS, toque : R283
INTIMEE
SARL AMBULANCES CHATELAIN
[Adresse 2]
[Adresse 2]
N° SIRET : 510 694 656
représentée par Me Hakima OTMANE, avocat au barreau de PARIS, toque : J144 substitué par Me Djamila AIMEUR, avocat au barreau de PARIS, toque : D2006
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 mai 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Isabelle MONTAGNE, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Mariella LUXARDO, Présidente
Monsieur Stéphane MEYER, Conseiller
Madame Isabelle MONTAGNE, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier : Madame Christine LECERF, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- signé par Madame Mariella LUXARDO, Présidente et par Madame Christine LECERF, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Suivant contrat de travail à durée indéterminée à compter du 14 août 2012, la société Ambulances Chatelain qui applique la convention collective nationale des transports routiers et des activités auxiliaires du transport et emploie habituellement neuf salariés, a engagé monsieur [G] [L] en qualité d'auxiliaire ambulancier, moyennant une rémunération brute mensuelle de 1.425,42 euros hors primes, pour 35 heures de travail hebdomadaires.
Par lettre du 15 octobre 2012, le salarié a été mis à pied à titre conservatoire et convoqué à un entretien préalable à un licenciement fixé au 26 octobre 2012, puis par lettre du 31 octobre 2012, il a reçu notification de son licenciement pour faute grave.
Contestant ce licenciement, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Créteil le 5 novembre 2012 et a sollicité la condamnation de l'employeur à lui payer diverses indemnités au titre de la rupture.
Suivant jugement prononcé le 14 octobre 2013, notifié le 24 octobre 2013, cette juridiction a condamné la société Ambulances Chatelain à payer à monsieur [L] les sommes de 750,00 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire et 950,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et a débouté le salarié du surplus des demandes.
Monsieur [L] a régulièrement relevé appel de ce jugement le 5 novembre 2013.
Suivant conclusions du 16 mai 2017 reprises oralement à l'audience, sans ajout ni retrait, l'appelant demande à la cour d'infirmer le jugement et de condamner la société Ambulances Chatelain à lui payer les sommes suivantes :
* 12.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 10.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,
* 750,00 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied à titre conservatoire,
* 3.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Suivant conclusions du 16 mai 2017 reprises oralement à l'audience, sans ajout ni retrait, l'intimée demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté certaines demandes, de débouter l'appelant de toutes ses demandes et de le condamner à lui payer la somme de 3.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l'audience, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur le licenciement
Il résulte des articles L. 1234-1 et L. 1234-9 du code du travail que lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n'a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement, que la faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible la poursuite de l'exécution du contrat de travail entre les parties et rend nécessaire le départ immédiat du salarié de l'entreprise sans indemnités.
L'employeur qui invoque une faute grave doit en rapporter la preuve alors même que l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.
La lettre de licenciement du 31 octobre 2012 qui fixe les limites du litige et qui lie les parties et le juge, est ainsi rédigée :
' Le 12 octobre 2012, nous vous avions confié le transport d'un patient de l'hôpital [Établissement 1] à la Maison de Santé de [Localité 1].
Lors de votre arrivée à la Maison de Santé de [Localité 1], le médecin présent ainsi que deux patientes de cet établissement ont constaté que vous, ainsi que le collègue avec qui vous étiez en équipage, dégagiez une forte odeur d'alcool, et étiez dans un état d'alcoolémie caractérisé.
Suite à cela, l'établissement nous ayant prévenu de votre état, nous vous avons sommé d'effectuer un test d'alcoolémie.
Or, vous êtes retournés à l'hôpital [Établissement 1], et avez pris à parti Docteur [H], responsable de l'unité fonctionnelle de psychiatrie, afin de lui demandé de vous expliquer ce qui vous était reproché, et avez réclamé un test d'alcoolémie.
Face à votre agressivité et à vos propos et attitude d'intimidation, comme vous niiez les faits, et dans un souci d'apaisement, celui-ci vous a prescrit un test d'alcoolémie.
Suite à ces faits, nous avons été contactés par les responsables de l'hôpital [Établissement 1], qui nous informaient de leur décision de radier notre société de leur liste de proximité [Établissement 2] /[Établissement 1].
Un tel comportement est inadmissible venant d'un professionnel tel que vous.
En effet, en tant qu'ambulancier, vous êtes amené, dans le cadre de votre profession, à être responsable de la sécurité et du confort des patients transportés. Or, le fait de vous présenter à votre service en état d'ébriété caractérisé, alors que vous saviez pertinemment que vous pouvez, de plus, être amené à conduire le véhicule qui vous est confié, constitue une mise en danger des patients transportés, des autres usagers de la voie publique, et de vous-même.
De même, votre attitude à l'encontre du personnel des établissements de soins fréquentés ce jour va à l'encontre de ce qui est attendu d'un professionnel tel que vous. En effet, vous représentez notre société auprès de nos clients, ainsi votre comportement négatif détend sur l'image de notre société, qui perd ainsi de sa crédibilité auprès de ses clients ;
Enfin, ce comportement est à l'origine de la radiation de notre société de la liste de proximité des établissements [Établissement 2] /[Établissement 1]. Or, une part non négligeable de notre activité nous était confiée par ces hôpitaux : la radiation de cette liste de proximité a donc des conséquences économiques très importantes pour notre structure.
Ces agissements étant constitutifs de fautes graves, votre licenciement sans préavis prend effet immédiatement'.
Au soutien de son appel, monsieur [L] conteste les faits qui lui sont reprochés en faisant valoir que l'employeur n'en établit pas la matérialité ; alléguant qu'il ne consomme jamais d'alcool, il produit des attestations de proches, un certificat médical de son médecin traitant et les résultats négatifs d'un dosage d'alcoolémie.
La société Ambulances Chatelain fait valoir qu'en ne pratiquant pas de dosage d'alcoolémie comme elle le lui a demandé le jour-même, le salarié a cherché à masquer son état d'ébriété.
Elle produit la feuille de route de monsieur [L] le 12 octobre 2012 dont il ressort une prise de service à 8 heures et une fin de service à 19 heures 30, la prise en charge de six patients pendant la journée, et notamment celle de madame [Q] à 11 heures 40 à l'hôpital [Établissement 1] avec une arrivée à 12 heures 15 à la maison de santé de [Localité 1], ce qui n'est pas contesté par le salarié.
Elle verse par ailleurs aux débats la déclaration d'événement indésirable établie le 12 octobre 2012 par la maison de santé de [Localité 1] indiquant que les deux ambulanciers provenant de l'hôpital [Établissement 1] qui se sont présentés au service aux alentours de midi avec la patiente, madame [Q], 'sentaient une forte odeur d'alcool' et un courriel de madame [T], cadre de direction de cette maison de santé, adressé le 16 novembre 2012 à la société Ambulances Chatelain intitulé 'Suite événement indésirable ambulancier' confirmant les faits rapportés sur la fiche.
L'attestation de la patiente transportée, madame [Q] indique que 'les deux ambulanciers présentaient tous 2 une forte odeur d'alcool' et que lors du trajet, 'nous avons faillit avoir un accident' estimant 'cela très dangereux'.
L'employeur produit enfin une lettre du 17 octobre 2012 de madame [O] [X], directrice des achats de l'hôpital [Établissement 1] l'informant de sa radiation de la liste de proximité en raison de l'incident du 12 octobre 2012 relaté par le rapport du docteur [H], responsable de l'unité fonctionnelle psychiatrie de cet hôpital, reproduit dans la lettre et indiquant que les deux ambulanciers s'étaient présentés le 12 octobre à 19 heures aux urgences de l'hôpital en exigeant de sa part des explications sur ce qu'il leur était reproché et un test d'alcoolémie et que dans un souci d'apaisement, notamment de l'un des ambulanciers qui avait des propos et attitudes d'intimidation, il leur avait prescrit un test d'alcoolémie à faire réaliser dans un laboratoire de ville.
Si l'attitude agressive et intimidante à l'égard du docteur [H] ne peut être imputée avec certitude à monsieur [L] alors qu'il se trouvait avec son collègue, monsieur [G], ce qui ne permet pas d'établir ce grief, en revanche les pièces produites par l'employeur établissent la matérialité de tous les autres faits contenus dans la lettre de licenciement.
Les éléments produits en défense par le salarié ne sont pas de nature à remettre en cause la réalité de ces faits. En effet, celui-ci se borne à produire des résultats sanguins d'un dosage d'alcoolémie effectué 19 jours après les faits, soit le 31 octobre 2012, ce qui, compte-tenu de la longue période de temps écoulé, ne constitue pas un élément pertinent de l'absence de consommation d'alcool le 12 octobre. Par ailleurs, les attestations de ses proches sont rédigées en des termes généraux et aucune ne vise la journée du 12 octobre.
Le fait pour le salarié de s'être trouvé en état d'ébriété alors qu'il lui était confié le transport de patients constitue un motif réel et sérieux de licenciement et rendait nécessaire le départ immédiat du salarié de l'entreprise sans indemnités.
La faute grave étant établie, le salarié sera débouté de toutes ses demandes. Le jugement sera donc infirmé au titre du rappel de salaire et de l'indemnité de procédure de 950,00 euros alloués en première instance.
Sur les frais irrépétibles
L'appelant sera condamné à supporter les entiers dépens. Pour des raisons d'équité, la société intimée sera déboutée de sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
REFORME le jugement prononcé par le conseil des prud'hommes de [Localité 2] le 14 octobre 2013,
Statuant à nouveau,
DEBOUTE monsieur [G] [L] de toutes ses demandes,
DEBOUTE la société Ambulances Chatelain de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE monsieur [G] [L] à payer les dépens exposés en première instance et en cause d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT