RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 8
ARRÊT DU 07 SEPTEMBRE 2017
(n° , 10 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 16/01559
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 02 Octobre 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 14/04252
APPELANT
Monsieur [L] [R]
Chez Madame [Z]
[Adresse 1]
[Localité 1]
né le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 2]
comparant en personne, assisté de Me Anne-constance COLL, avocat au barreau de PARIS, toque : E0653 substitué par Me Elodie SAINT-MARTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C0138
INTIMEE
GIE TELEAD
[Adresse 2]
[Localité 3]/france
N° SIRET : 488 1719 44
représentée par Me Benoît CAILLAU, avocat au barreau de PARIS, toque : P130
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Mai 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Camille-Julia GUILLERMET, Vice-président placé, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Catherine BEZIO, Président de chambre
Mme Patricia DUFOUR, conseiller
Mme Camille-Julia GUILLERMET, Vice-président placé
qui en ont délibéré
Greffier : Mme Véronique BESSERMAN-FRADIN, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Madame Catherine BEZIO, Président et par Madame Véronique BESSERMAN-FRADIN, greffière présente lors du prononcé.
Faits et procédure :
Monsieur [L] [R] a été engagé par la Société ISFOP, par un contrat à durée indéterminée à compter du 06 septembre 2000, en qualité de téléconseiller, statut employé, coefficient 240. La Société ISFOP a cédé son activité au GIE TELEAD le 29 septembre 2006, cette structure exerçant une activité d'enseignement privé à distance par l'intermédiaire d'écoles spécialisées.
Monsieur [R] indique qu'il a été autorisé à travailler à partir de son domicile à compter du 18 juin 2007, suite à un avenant à son contrat de travail signé le 07 juin 2007.
Sa rémunération mensuelle brute s'est établie en dernier lieu à 1457, 52 euros.
L'entreprise compte plus de 10 salariés.
La relation de travail est régie par la Convention collective de l'enseignement privé à distance.
Monsieur [R] a saisi le Conseil de Prud'hommes de PARIS le 27 mars 2014 d'une demande tendant en dernier lieu à prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail.
Par décision en date du 02 octobre 2015, le Conseil de Prud'hommes a débouté Monsieur [R] de l'ensemble de ses demandes. Le 29 janvier 2016, Monsieur [R] a interjeté appel de cette décision.
Par un avis médical en date du 03 février 2016, le médecin du travail a déclaré Monsieur [R] inapte à son poste et précisé « l'état du salarié ne permet pas d'envisager un reclassement professionnel ».
Convoqué le 14 mars 2016 à un entretien préalable fixé le 24 mars 2016, Monsieur [R] a été licencié pour inaptitude le 29 mars 2016.
Monsieur [R] sollicite l'infirmation du jugement déféré. Il demande à la Cour de « prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail » (page 13 des écritures) puis, dans le cadre du dispositif de ses écritures « de constater la nullité du licenciement » à titre principal, et, de condamner le GIE TELEAD à lui payer les sommes suivantes, augmentées des intérêts au taux légal:
-5000 euros de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité et à l'absence de visite de reprise (page 13 des écritures, non-repris dans le dispositif), -15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral,
-34 980, 48 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul,
-2860, 44 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
-286, 04 euros au titre des congés payés afférents,
-11 252, 58 euros à titre d'indemnité de licenciement,
-1433, 22 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,
A titre subsidiaire, Monsieur [R] soutient que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse car son inaptitude résulte de l'attitude de l'employeur et que ce dernier a manqué à son obligation de reclassement. Il sollicite la condamnation du GIE TELEAD aux mêmes sommes que celles sollicitées à titre principal.
Monsieur [R] demande également la condamnation du GIE TELEAD au paiement de la somme de 3500 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
L'employeur fait observer en premier lieu que Monsieur [R] ne sollicite pas le prononcé de la résiliation judiciaire de son contrat de travail dans le dispositif de ses écritures. Il conclut à la confirmation du jugement et au rejet de l'ensemble des demandes de Monsieur [R]. Il sollicite la condamnation de Monsieur [R] au paiement de la somme de 3500 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile, outre 20 euros au titre de l'amende pour procédure abusive sur le fondement des dispositions de l'article 32-1 du Code de Procédure Civile.
Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier le 19 mai 2017, reprises et complétées à l'audience.
MOTIVATION,
Sur la demande de résiliation judiciaire :
La Cour relève que, si la demande de résiliation judiciaire de Monsieur [R] n'est pas mentionnée dans le dispositif de ses écritures comme le souligne l'intimée, il ressort de la lecture même des écritures des deux parties qu'elles ont discuté ce moyen juridique dans de longs développements.
En présence d'une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail et d'un licenciement prononcé postérieurement, il convient en premier lieu d'examiner le bien-fondé des griefs invoqués au soutien de cette demande. Si ces griefs sont fondés la rupture emporte les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et rend sans objet l'examen des griefs invoqués par l'employeur au soutien du licenciement qu'il a lui-même prononcé.
Pour fonder une résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur, et produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, il convient de rapporter la preuve de manquements de l'employeur à ses obligations suffisamment graves pour empêcher la poursuite de la relation de travail.
Au soutien de cette demande, Monsieur [R] fait valoir qu'il a subi des faits de harcèlement moral ayant entraîné une dégradation de ses conditions de travail et que son employeur a manqué à son obligation de sécurité.
- sur le harcèlement moral :
En application des articles L1152-1 et suivants du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Selon l'article L.1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.
En cas de litige, en application de l'article L 1154-1 du code du travail, dès lors que le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'agissements constitutifs d'un harcèlement, il incombe à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un harcèlement et que sa décision se justifie par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures qu'il estime utile.
Monsieur [R] indique que s'il bénéficiait de la possibilité de travailler à son domicile, il était tenu de se rendre à des réunions trimestrielles au siège de l'entreprise dans le nord de la France et que ces réunions étaient l'occasion pour le directeur de faire des remarques désobligeantes sur son travail et d'exercer des pressions sur lui. Il ajoute que plusieurs sanctions disciplinaires lui ont été notifiées et qu'il a été convoqué à un entretien préalable à licenciement le 04 février 2011, entretien auquel il n'a pas pu se rendre et qui n'a été suivi d'aucun effet. Il indique également que le Directeur a tenté de le pousser à la démission lors d'une conversation téléphonique le 13 juillet 2010. Il fournit, au soutien de ses explications, des attestations émanant de plusieurs salariés.
Monsieur [R] ajoute qu'il a subi une modification unilatérale de son contrat de travail lorsque son employeur, par un courrier en date du 07 mars 2011, a mis fin à sa possibilité de travailler à son domicile et lui a indiqué que son lieu de travail était fixé au [Adresse 3], à compter du 11 avril 2011.
Il ajoute également qu'il a subi une inégalité de traitement dans les modalités de calcul de la prime dite « de qualité » car le coefficient qui lui était appliqué était inférieur à celui de ses collègues.
Il explique qu'il a aussi subi une rétrogadation lorsque ses nouvelles fonctions d'animateur lui ont été retirées après six mois d'exécution sans qu'aucun entretien ne soit réalisé. Il précise que la période probatoire à laquelle il a été soumis dans le cadre de cette nouvelle attribution était, de surcroît, « une preuve de défiance » à son égard.
Monsieur [R] explique enfin qu'il a été placé à plusieurs reprises en arrêt pour maladie à compter du 4 février 2011, affirmant que les symptômes observés chez lui et la dépression subie étaient la résultante du comportement de son employeur. Il fournit à cet égard différents certificats médicaux émanant notamment de médecins psychiatres.
Monsieur [R] présente ainsi l'existence matérielle de faits précis et concordants, qui pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre.
L'employeur fait valoir que Monsieur [R] a travaillé à son domicile entre le 18 juin 2007 et le 03 février 2011 puis qu'il a été absent de manière continue entre le 04 février 2011 et la date de son licenciement, ce qui exclut l'existence d'un harcèlement moral à son encontre à ces dates.
Il rappelle, de surcroît, que les faits de harcèlement moral se prescrivent par 05 ans et que la demande en justice de Monsieur [R] a été introduite le 27 mars 2014, ce qui rend les faits antérieurs au 27 mars 2009 couverts par la prescription en application des dispositions de l'article 2222 du Code civil.
Le GIE TELEAD fait ensuite observer que les attestations produites aux débats émanent de salariés qui ont quitté l'entreprise avant ces dates (2007, 2009 et 2011), Madame [E] étant partie en mars 2006, Madame [A] le 07 juillet 2003, ou qu'elles ne concernent pas la situation de Monsieur [R] (Madame [Y]).
Le GIE TELEAD réfute toute modification du lieu de travail de Monsieur [R] entraînant une modification unilatérale de son contrat de travail, comme toute inégalité de traitement s'agissant de la prime variable. Il précise que Monsieur [R] a continué à travailler à son domicile après l'échéance de la période probatoire fixée par l'avenant au contrat de travail et qu'il était uniquement tenu de se présenter un jour par trimestre dans les locaux de l'entreprise à [Localité 4]. Le GIE TELEAD rappelle que cette situation était une mesure exceptionnelle octroyée à Monsieur [R] qui n'avait pas souhaité déménager au moment du transfert de son contrat de travail alors que tous les autres téléconseillers travaillaient à [Localité 4].
L'employeur fait valoir qu'il a notifié deux avertissements à Monsieur [R], le 19 avril 2010 et le 18 janvier 2011, en raison des difficultés répétées pour le joindre dans le cadre de son travail et l'irrespect des procédures applicables pour constituer les dossiers de souscription de formations, ces mesures étant donc justifiées.
S'agissant des pressions subies lors des réunions trimestrielles et des pressions téléphoniques pour obtenir la démission du salarié en juillet 2010, la Cour relève que les attestations produites ne concernent pas les agissements dénoncés par Monsieur [R] mais visent à dénoncer un climat général au sein de l'entreprise (pression sur les objectifs, heures supplémentaires..). Par ailleurs, compte-tenu des dates de départ de l'entreprise des salariées ayant rédigé ces attestations, il est établi qu'aucune d'entre elles n'a pu être témoin direct des agissements dénoncés. Ensuite, ces attestations ne sont aucunement rédigées en des termes précis et circonstanciés de nature à corroborer la dénonciation faite par Monsieur [R].
De même, les assertions de Monsieur [R] afférentes à une conversation téléphonique le 13 juillet 2010 au cours de laquelle il aurait été poussé à la démission ne sont étayés par aucun élément produit aux débats.
Concernant la modification du contrat de travail relative au lieu de travail de Monsieur [R], la Cour relève que les termes du contrat de travail autorisent une modification dudit lieu de travail, et ce dans le cadre de l'exercice de son pouvoir de direction par l'employeur (« Monsieur [R] exercera ses fonctions à [Localité 5] ou dans tout autre lieu de la région parisienne. Il pourra être amené à effectuer des déplacements ponctuels [...] »), étant observé que ces termes sont repris dans le cadre de l'avenant à son contrat de travail en date du 29 septembre 2006 l'autorisant à travailler à domicile.
Par ailleurs, il ressort de la lecture même de cet avenant que cette autorisation était subordonnée au respect des procédures internes de commercialisation et de souscription des formations vendues aux clients, ainsi que des objectifs fixés au salarié. Or il ressort des pièces versées aux débats que des difficultés sont survenues dans le cadre de l'exécution de cette mission, difficultés dont la matérialité n'est pas contestée par Monsieur [R] et qu'elles ont donc justifié le retrait de l'autorisation de travailler à domicile dans le cadre d'une stricte application des termes de l'avenant et de l'accord des parties. Il s'ensuit qu'aucune modification unilatérale de son contrat de travail, qui aurait exigé un accord exprès de la part du salarié, n'est établie.
S'agissant de l'inégalité de traitement dont se prévaut Monsieur [R], la Cour ne peut que relever que ce dernier se borne à produire des notes de service générales dans lesquelles l'entreprise explicite des distinctions générales et collectives pour fonder une attribution différenciée des coefficients de prime en fonction des types de contrat et des domaines d'intervention (« petite enfance + BEP carrières sanitaires et sociales », « CAP Petite enfance modulé + BEP CSS Modulé », « formations spécialisées »). Par ailleurs, outre le caractère objectif de cette différenciation selon les types de contrat de formation, il ressort des termes mêmes des critères d'attribution qu'ils ne concernent pas spécifiquement Monsieur [R] mais une catégorie globale de type de contrats et s'appliquent à l'ensemble des téléconseillers. Or l'attribution des coefficients discutée par Monsieur [R] n'est que l'application individualisée de ces règles collectives et objectives. Il s'avère donc que Monsieur [R] ne fournit aucun élément susceptible d'établir une inégalité de traitement au sens des dispositions des articles L. 1242-14, L. 1242-15, L. 2261-22. 9, L.2271-1.8°, et L.3221-2 du code du travail.
Concernant les fonctions d'animateur, il ressort de la « note » signée par les deux parties en date du 30 mars 2007, qui fait suite à un entretien entre les parties selon les termes même de ce document, que le GIE TELEAD et Monsieur [R] se sont accordés sur le retrait de ces fonctions à l'issue de la période probatoire convenue initialement entre les parties. Il ne s'agit donc, en définitive, que de l'application de l'accord initial des parties et non d'une rétrogradation.
S'agissant des deux sanctions évoquées par Monsieur [R], et dont une copie est produite aux débats par le GIE TELEAD, force est de constater que Monsieur [R] ne soutient aucunement qu'elles soient infondées. Il n'articule donc aucun moyen juridique concernant ces deux avertissements.
Ainsi, au regard de l'ensemble de ces éléments, et nonobstant la souffrance de Monsieur [R] dont il fait part à l'audience comme au travers des pièces médicales qui mentionnent son état dépressif, les agissements de harcèlement moral qu'il allègue s'avèrent, soit démentis par les pièces du dossier, soit inexistants, voire prescrits. Il est donc débouté de sa demande de dommages-intérêts spécifique à ce titre. Le jugement est confirmé sur ce point.
Par ailleurs, étant rappelé qu'il a dénoncé ces faits au titre d'un premier manquement susceptible de fonder la résiliation judiciaire de son contrat de travail, il apparaît que ce manquement n'est pas établi.
sur l'obligation de sécurité :
Monsieur [R] fait référence à l'absence de toute démarche de l'employeur pour prévenir les faits de harcèlement moral au sein de l'entreprise, à l'absence de mesures prises pour prévenir une diminution de l'audition alors qu'il utilisait un appareil téléphonique les « ¿ de son temps de travail », et ce alors que son médecin constatait une « surdité de perception droite centrée sur les fréquences aigues » et à l'absence de visite médicale de reprise. Il développe à nouveau ses explications relatives à sa rétrogadation.
sur l'absence de mesure de prévention au titre du harcèlement :
Monsieur [R] affirme qu'il a informé son employeur de sa situation, en lui adressant un courrier en date du 22 février 2016. Il précise qu'il a également adressé un courrier à l'inspection du travail à la même date. Il a réitéré ses démarches auprès de la Direction le 11 mars 2016.
Le GIE TELEAD rappelle que les faits de harcèlement moral allégués ne sont pas établis, que ce dernier travaillait à son domicile depuis 2007 et qu'il n'a jamais informé son employeur en temps utile.
Compte-tenu de ce qui précède, en l'absence de tout harcèlement moral et de préjudice subi à ce titre, et au regard de la particularité des conditions de travail de Monsieur [R] qui réalisait sa prestation de travail à son domicile, il apparaît que le manquement allégué n'est pas établi.
sur l'absence de mesures prises pour prévenir une baisse de son audition :
Monsieur [R] explique que le GIE TELEAD n'a jamais mis en place de mesure de nature à préserver ses oreilles alors qu'il utilisait de manière constante un appareil téléphonique pour réaliser ses missions.
Le GIE TELEAD rappelle à nouveau qu'il n'a jamais été porté à sa connaissance des difficultés auditives qui auraient nécessité la mise en place d'équipement spécifique.
Il ressort des pièces produites aux débats, notamment de la copie (même incomplète) du dossier médical de Monsieur [R] tenu par la médecine du travail, qu'aucune difficulté auditive n'a été mentionnée avant 2016, date de l'audiogramme réalisé par le salarié. Au contraire, la seule mention faite par le médecin du travail « ne travaille pas dans le bruit, mais a fréquenté les lieux bruyants », ne corrobore pas l'existence d'un lien de causalité entre l'utilisation régulière du téléphone à titre professionnel et une baisse auditive largement postérieure. Enfin, il convient de rappeler que si une baisse auditive est constatée en 2016, Monsieur [R] a cessé toute prestation de travail depuis février 2011 en raison de ses arrêts pour maladie successifs, ce qui renforce l'absence de lien de causalité entre la baisse auditive constatée et l'usage professionnel quotidien du téléphone.
sur l'absence de visite médicale de reprise :
Monsieur [R] fait valoir que l'employeur n'a jamais organisé de visite de reprise, malgré son classement en invalidité II. Il précise que son employeur a eu connaissance de sa situation lors de l'audience devant le Bureau de conciliation en 2014.
Le GIE TELEAD rappelle que Monsieur [R] a été absent de manière continue entre le 04 février 2011 et le 29 mars 2016. Il précise, sur ce point, qu'après des arrêts pour maladie entre le 04 février 2011 et le 31 août 2013, Monsieur [R] a été en absence injustifiée entre le 01 septembre 2013 et le 14 octobre 2014, ce dernier n'ayant communiqué aucun arrêt pour maladie sincère pour ces dates.
Le GIE TELEAD ajoute qu'il n'a été informé du classement en invalidité de l'intéressé, prononcé le 10 septembre 2013, qu'à l'audience devant le Bureau de conciliation le 20 mai 2014, Monsieur [R] n'ayant jamais transmis cette information auparavant.
Il termine en indiquant qu'il a fait convoquer Monsieur [R] à une visite médicale de reprise le 16 septembre 2014. Le GIE TELEAD réfute tout manquement à son obligation d'organiser une visite médicale de reprise et indique que cette absence de visite médicale de reprise résulte de l'inertie durable de son salarié.
Force est de constater que les parties s'accordent sur une absence continue de Monsieur [R] entre février 2011 et la date du licenciement le 29 mars 2016, et ce nonobstant leurs développements respectifs sur l'authenticité du duplicata du certificat médical pour la période entre le 01 septembre 2013 et le 14 octobre 2014 et le caractère justifié ou non de l'absence.
Or; il ne résulte pas des pièces produites aux débats comme des explications des parties que Monsieur [R] ait porté à la connaissance de son entreprise la reconnaissance de son invalidité en temps utile et dans des formes de nature à emporter des conséquences juridiques (lettre recommandée), étant de surcroît observé que le GIE TELEAD a néanmoins effectué des démarches postérieurement aux informations découvertes dans le cadre de la procédure prud'homale et qu'une visite médicale de reprise a été programmée le 24 septembre 2014.
Au surplus, Monsieur [R] ne formule aucune observation sur l'existence de ce rendez-vous médical, qui dément ses assertions.
Il s'ensuit que le manquement allégué au titre de l'obligation de sécurité au sens des dispositions de l'article L 4121-1 du Code du travail, n'est pas établi. Monsieur [R], qui sollicite la réparation spécifique du préjudice subi du fait de ces manquements (obligation de sécurité et absence de visite médicale de reprise), est donc débouté de sa demande.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, ceux développés au soutien du harcèlement moral et ceux afférents à l'obligation de sécurité qui ne sont pas établis, c'est à juste titre que les premiers juges ont rejeté la demande de l'intéressé relative à la résiliation de son contrat de travail en l'absence de griefs caractérisés. Il convient de confirmer le jugement déféré sur ce point.
Sur la demande subsidiaire concernant le licenciement pour inaptitude :
Il ressort de l'avis de la médecine du travail en date du 03 février 2016 que Monsieur [R] a été déclaré « inapte, 2ème visite, 1ère visite 19 janvier 2016, l'état du salarié ne permet pas d'envisager un reclassement professionnel ».
Monsieur [R] soutient que son inaptitude résulte des manquements graves de son employeur à ses obligations, ce qui a entraîné un syndrome dépressif sévère. Il fait valoir que le lien entre la détérioration de son état de santé et l'inaptitude physique qui en a découlé prive son licenciement de toute cause réelle et sérieuse.
Toutefois, compte-tenu de ce qui précède, en l'absence de harcèlement moral notamment, Monsieur [R] ne peut se prévaloir des dispositions de l'article L 1226-10 du Code du travail.
En application des dispositions de l'article L 1226- 2 du Code du Travail, lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail.
La lettre de licenciement est rédigée comme suit :
« Dans le cadre des dispositions de l'article R 4624-31 du code du travail, après une première visite médicale de pré-reprise auprès du médecin du travail en date du 19 janvier 2016, vous avez au terme d'une seconde visite médicale ['] le 03 février 2016 fait l'objet d'une déclaration d'inaptitude ['].
Nos recherches au sein de chacune des entités de notre groupe ont porté sur des offres d'emploi aussi comparables que possible à votre emploi précédemment occupé (téléconseiller) au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations [']
Compte-tenu du résultat fructueux de nos recherches en vue de votre reclassement et, nonobstant le commentaire médicalement radical du médecin du travail quant à votre capacité à bénéficier et exercer un emploi dans le cadre ou au titre de tout reclassement professionnel, nous vous avons, par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 12 janvier 2016, adressé et proposé deux offres de reclassement précises et individualisées :
un poste d'assistant administratif à [Localité 3] au sein de notre siège social,
un poste de téléconseiller au sein de notre établissement situé à [Localité 4],
Par courriers recommandés avec accusé de réception datés des 22 février et 08 mars 2016 vous avez catégoriquement et clairement refusé chacune des deux offres de reclassement.
Nous ne disposons pas à ce jour de nouvelle(s) offre(s) de reclassement qui pourrai(en)t vous être proposé(es). Nous venons de refaire le point sur les solutions de reclassement et nous avons constaté qu'il n'y a pas d'autre reclassement possible à vous proposer.
En conséquence et dans ces conditions, nous n'avons, aux termes de la présente, pas d'autre alternative que de vous licencier pour inaptitude physique reconnue le 03 février 2016 [']. »
Monsieur [R] fait valoir que le GIE TELEAD n'a pas respecté son obligation de reclassement. Il explique que les recherches de reclassement n'ont pas été sérieuses et loyales et que les deux propositions qui lui ont été faites ne le sont pas davantage.
Le GIE TELEAD indique qu'il convient de prendre en compte l'attitude du salarié qui souhaitait que cette inaptitude soit reconnue et que son licenciement soit prononcé. Il reprend également ses explications visant à démentir l'existence d'un harcèlement moral.
Le GIE TELEAD produit aux débats les registres du personnel de six sociétés appartenant au même groupe que lui et indique que les embauches effectuées l'ont été sur des postes qui ne pouvaient pas être proposés à Monsieur [R].
La Cour ne peut que rappeler que la seconde visite de reprise constitue le point de départ de l'obligation de reclassement et que seules les recherches de reclassement compatibles avec les conclusions du médecin du travail au cours de la visite de reprise peuvent être prises en compte.
Or, il ressort du courrier émanant du GIE TELEAD par lequel il a entendu proposer plusieurs postes à Monsieur [R] qu'il est antérieur aux deux visites médicales ayant abouti au constat de l'inaptitude du salarié puisque ce courrier date du 12 janvier 2016, c''est-à -dire avant même la première visite.
Au surplus, la production des registres du personnel par l'entreprise démontre au contraire la multitude d'embauches concomitantes à la procédure d'inaptitude diligentée à l'encontre de Monsieur [R], sans que les intitulés des différents postes pourvus par ces nouvelles embauches ne démontrent à eux seuls qu'ils ne pouvaient pas être proposés à Monsieur [R].
Il s'ensuit que même si Monsieur [R] a exprimé le souhait qu'il soit mis fin à la relation de travail, il n'en demeure pas moins dès lors que le GIE TELEAD n'a pas respecté son obligation de reclassement que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse. Le jugement est infirmé.
Par conséquent, en application des dispositions de l'article L 1235-3 du Code du travail, au regard de l'ancienneté du salarié et de sa situation personnelle qui ressortent des pièces produites aux débats, il y a lieu de condamner le GIE TELEAD au paiement de la somme de 15 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement est infirmé.
En application des dispositions de l'article L 1234-9 du Code du travail, et non des dispositions de l'article L 1226-14 dont Monsieur [R] ne relève pas, il ressort du solde de tout compte produit aux débats que le salarié a été rempli de ses droits s'agissant de l'indemnité de licenciement. Il est donc débouté de sa demande à ce titre. Le jugement est confirmé.
Concernant l'indemnité compensatrice de préavis, si le salarié ne peut prétendre en principe au paiement de cette indemnité pour un préavis qu'il est dans l'impossibilité physique d'exécuter en raison d'une inaptitude à son emploi, cette indemnité est due au salarié dont le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison d'un manquement de l'employeur à son obligation de reclassement consécutive à l'inaptitude. Il y a donc lieu d'infirmer la décision déférée sur ce point et de condamner le GIE TELEAD au paiement de la somme de 2860, 44 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis dans les limites de sa demande, outre 286, 04 euros au titre des congés payés afférents. Le jugement est infirmé.
S'agissant de l'indemnité compensatrice de congés payés, il ressort du solde de tout compte produit aux débats que Monsieur [R] a été dûment rempli de ses droits. Il est donc débouté de sa demande. Le jugement est infirmé.
S'agissant de la demande reconventionnelle relative à l'amende civile et la confirmation sollicitée par le GIE TELEAD, compte-tenu de ce qui précède, et en l'absence de tout abus de la part de Monsieur [R] dans l'exercice de son droit d'ester en justice et d'interjeter d'une décision, le jugement est infirmé et aucune amende civile n'est mise à sa charge.
L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
PAR CES MOTIFS,
CONFIRME le jugement déféré sauf en ce qui concerne le licenciement pour inaptitude de Monsieur [R] et le rejet de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents, et l'amende civile,
STATUANT Ã nouveau sur ces seuls chefs et Y AJOUTANT,
DIT que le licenciement de Monsieur [R] est dénué de cause réelle et sérieuse,
CONDAMNE le GIE TELEAD au paiement à Monsieur [R] des sommes suivantes
-2860, 44 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
-outre 286, 04 euros au titre des congés payés afférents,
avec intérêt au taux légal à compter de la convocation du GIE TELEAD devant le Bureau de conciliation,
-15 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
avec intérêt au taux légal à compter de la présente décision,
DEBOUTE le GIE TELEAD de sa demande reconventionnelle d'amende civile,
CONDAMNE le GIE TELEAD aux entiers dépens,
DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
La greffière Le Président