RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 8
ARRÊT DU 07 Septembre 2017
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 16/04335
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 Novembre 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° F14/14570
APPELANTE
SAS SONOVISION
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Me Bertrand MERVILLE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0487
INTIME
Monsieur [I] [J]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représenté par Me Jean-louis LE JOUAN, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : 338
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Mars 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Patricia DUFOUR, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :Mme Catherine BEZIO, Président de chambre
Mme Patricia DUFOUR, Conseiller
Mme Camille-Julia GUILLERMET, Vice-président placé
Greffier Mme Emmanuelle MAMPOUYA , greffier lors des débats
ARRET :
CONTRADICTOIRE
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Madame Catherine BEZIO, Président et par Madame Véronique BESSERMAN-FRADIN, greffière présente lors du prononcé.
FAITS ET PROCEDURE
Suivant contrat à durée indéterminée en date du 6 février 2007, la SAS SONOVISION-ITEP a embauché Monsieur [I] [J] en qualité d'ingénieur ' statut cadre' position I.2, coefficient 100, moyennant une rémunération brute mensuelle de 2.430 € pour une durée annuelle de travail fixé sur la base de réalisation de missions (218 jours par an sur une base hebdomadaire de 38h50).
La SAS SONOVISION-ITEP compte plus de 11 salariés et la relation de travail est régie par la convention collective nationale des bureaux d'études techniques concernant les ingénieurs et cadres, convention dite SYNTEC.
Après avoir convoqué Monsieur [J] à un entretien préalable fixé au 3 janvier 2013, la SAS SONOVISION lui a notifié un avertissement, le 21 janvier 2013, pour absences injustifiées.
Le 14 janvier 2013, l'employeur a, de nouveau convoqué Monsieur [J] à un entretien préalable fixé au 24 janvier et, par lettre notifiée le 1er février 2013, l' a licencié pour cause réelle et sérieuse.
Au moment de son licenciement, Monsieur [J] percevait une rémunération brute mensuelle de 2.748 €.
Contestant son licenciement, Monsieur [J] a saisi le Conseil de prud'hommes de Paris le 5 juillet 2013 d'une demande tendant en son dernier état à le voir dire et juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner la SAS SONOVISION une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre une indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par jugement en date du 22 octobre 2015, le Conseil de prud'hommes a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse et a condamné la SAS SONOVISION au paiement de la somme de 16.500 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, aux dépens et au paiement de la somme de 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Le 25 mars 2016, la SAS SONOVISION a fait appel de la décision.
Elle demande à la Cour de :
- reformer le jugement déféré,
- dire et jugé le licenciement de Monsieur [J] fondé sur une cause réelle et sérieuse,
- de le débouter de l'ensemble de ses demandes.
Monsieur [J] demande à la Cour :
- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a jugé son licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- de condamner la SAS SONOVISION à lui payer la somme de 35.000 € avec intérêts au taux légal à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- la condamner aux dépens et au paiement de la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier le 20 mars 2017, reprises et complétées à l'audience.
MOTIFS
Sur le licenciement pour cause réelle et sérieuse :
Selon les termes de l'article L. 1232-1 du Code du travail, tout licenciement doit avoir une cause réelle et sérieuse et être fondé sur des éléments objectifs et imputables au salarié.
Les faits invoqués doivent être matériellement vérifiables. En outre, en application de l'article L. 1332-4 du Code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales. Enfin, un même fait fautif ne peut donner lieu à double sanction.
Toutefois, lorsque des faits de même nature se reproduisent, l'employeur peut faire état des précédents, même s'ils ont été sanctionnés en leur temps, pour justifier une sanction aggravée, notamment un licenciement reposant sur une appréciation globale du comportement du salarié.
La sanction doit être proportionnée à la tentative à la faute et tenir compte du contexte dans lequel les faits ont été commis, de l'ancienneté du salarié et des conséquences des agissements incriminés.
En application de l'article L. 1232-6 du Code du travail, la motivation de la lettre de licenciement fixe les limites du litige.
En l'espèce, il résulte de la lettre licenciement que la SAS SONOVISION reproche à Monsieur [J] son absence le 21 décembre 2012 après-midi alors que son supérieur hiérarchique lui avait adressé un mail sollicitant sa présence à une réunion qui devait se ternir à 15 heures. Elle mentionne que la présence du salarié était importante car elle avait pour but de l'informer sur le « projet SILVERCREST, projet prometteur, de grande envergure, devant se poursuivre sur plusieurs années avec des perspectives de croissance sur l'année 2013 et, donc avec des postes à pourvoir à la clé. Ce projet SILVERCREST nous permettait notamment d'envisager de vous confier une nouvelle mission en adéquation avec votre profit professionnel ».
La SAS SONOVISION poursuit en indiquant que ce projet pouvait permettre de proposer à des salariés une nouvelle mission alors que la DOP Auto de la division LIGERON, au sein de laquelle Monsieur [J] travaillait, connaissait une période de chômage partiel.
Elle écrit « Malgré l'importance de cette réunion, vous avez pourtant informé Monsieur [J] [A] que vous seriez dans l'impossibilité d'y assister eu égard à votre intention de vous présenter à un entretien d'embauche à 16 heures 30, ce qui vous imposait, selon vos dires, de quitter la société dès 15 heures 30.
Vous avez donc délibérément choisi de ne pas vous présenter à cette réunion se déroulant pourtant sur votre lieu de travail, en arguant que vous aviez déjà pris un engagement personnel, sans pour autant avoir préalablement sollicité l'autorisation expresse de votre hiérarchie, méconnaissant ainsi vos obligations envers votre employeur' »
La SAS SONOVISION expose que le jour des faits, Monsieur [J] n'avait fait aucune demande de congé et qu'il n'a déposé une demi-journée de RTT que parce que son supérieur hiérarchique lui a imposé puisque n'étant ni licencié, ni démissionnaire, il ne pouvait prendre sur ses heures de travail pour se rendre à un entretien d'embauche. Dès lors, elle considère que le licenciement est fondé.
Monsieur [J] expose qu'il a quitté l'entreprise avec l'autorisation orale de son supérieur hiérarchique et a donc respecté le règlement intérieur. Il précise qu'au surplus, rien ne précisait dans le logiciel que hors les cas de démission ou de licenciement, il ne pouvait poser une autorisation d'absence mais devait prendre que des congés ou des RTT.
L'intimé demande à la Cour de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Il résulte des pièces versées aux débats que, contrairement à ce qu'il soutient, Monsieur [J] ne bénéficiait pas d'une liberté totale dans l'organisation de ses horaires, son contrat de travail faisant référence à une « durée annuelle de travail sur la base de la réalisation de missions (218 jours par an sur une base hebdomadaire de 38 h50).
Il apparaît que le 21 décembre 2012 à 00h28, Monsieur [A], supérieur, a écrit à Monsieur [J] pour lui demander s'il était « disponible vendredi à 15 h00 pour rencontrer [R] à [Localité 1] pour la mission Silvercret ' » Alors que l'intimé répond au cours de la matinée qu'il n'est pas disponible à 15 heures, Monsieur [A] lui demande quelles sont ses activités, sans arguer du fait que la présence de son subordonné à la réunion était indispensable compte-tenu d'éventuels enjeux.
Par ailleurs, la SAS SONOVISION reproche à l'intimé d'avoir délibérément violé les dispositions de l'article 10 du règlement intérieur qui imposent que toute sortie anticipée soit autorisée par le supérieur hiérarchique et il résulte des pièces du dossier que la durée du travail des salariés soumis à des horaires variables était répartie entre plages fixes et plages variables.
En application des dispositions de l'article 10.1 du règlement intérieur, il s'avère que toute sortie anticipée, c'est-à-dire avant le début de la plage mobile du soir de l'horaire souple, doit être autorisée par le supérieur hiérarchique et Monsieur [J] n'apporte aucun élément probant démontrant que cette disposition ne lui était pas applicable.
Au surplus, alors que l'intimé était tenu de solliciter une autorisation préalable, les échanges de mails versés aux débats établissent l'absence de demande d'autorisation préalable puisque ce n'est qu'en réponse au mail adressé par Monsieur [A] que Monsieur [J] l'a informé qu'il ne pourrait être présent à la réunion car il devait quitter l'entreprise à 15heures 30 ce qui établit un manquement à ses obligations de la part du salarié.
S'il est établi que son supérieur hiérarchique ne s'est pas opposé au départ anticipé de Monsieur [J], il s'avère que Monsieur [A] lui a néanmoins demandé de poser un congé, mais que l'intimé a posé une demi-journée d'autorisation d'absence en utilisant le code « recherche d'emploi ». Il apparaît, toutefois, qu'ainsi que le soutient la SAS SONOVISION, l'article 16 de la convention collective applicable n'autorise de telles autorisations d'absence que pendant la durée du préavis en cas de démission ou de licenciement et Monsieur [J] n'apporte aucun élément probant établissant que, compte-tenu de la situation financière fragile de la société, celle-ci avait autorisé les salariés à poser des autorisations d'absence pour leur permettre de se rendre à des entretiens d'embauche.
Au demeurant, compte-tenu de son statut de cadre et de son ancienneté dans l'entreprise, Monsieur [J] n'est pas fondé à soutenir qu'il ne savait pas qu'il ne pouvait poser une demande d'autorisation d'absence et utiliser le code « entretien d'embauche » dans son cas. Si l'intimé a fini par régulariser la situation en posant une demi-journée de RTT, à la demande impérative de sa hiérarchie, il n'en demeure pas moins que ses agissements établissent un manquement à ses obligations à l'égard de la SAS SONOVISION.
Au surplus, ces manquements s'inscrivent dans un comportement de Monsieur [J] qui avait incité la SAS SONOVISION, quelques jours auparavant à le convoquer en entretien préalable pour absences injustifiées du 30 novembre au 4 décembre 2012, faits pour lesquels l'employeur a notifié un avertissement, non contesté judiciairement.
Au vu des éléments précités, il convient de considérer que les faits reprochés à Monsieur [J] établissent des manquements à ses obligations qui justifient le bien fondé de son licenciement pour cause réelle et sérieuse. Monsieur [J] est débouté de sa demande à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement est infirmé en ce qu'il a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse et a condamné la SAS SONO ²VISION à lui payer la somme de 16.500 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Monsieur [J] est condamné aux dépens de première instance et d'appel.
Monsieur [J] étant condamné aux dépens de première instance, le jugement déféré est infirmé en ce qu'il a condamné la SAS SONOVISION à lui payer la somme de 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs, la cour,
- infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
- dit fondé sur une cause réelle et sérieuse le licenciement de Monsieur [I] [J],
- rejette les demandes de Monsieur [J],
- condamne Monsieur [I] [J] aux dépens de première instance et d'appel.
La greffière Le Président