Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 3
ARRÊT DU 13 SEPTEMBRE 2017
(n° , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 17/07752
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 28 Mars 2017 - Conseiller de la mise en état de PARIS - RG n° 16/16481
DEMANDERESSE AU DÉFÉRÉ :
SASU EFR FRANCE prise en la personne de ses représentants légaux
Immatriculée au RCS de pontoise sous le numéro 439 793 811
[Adresse 1]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477, avocat postulant
Assistée de Me Ludovic SAUTELET, avocat au barreau de PARIS, toque : D1844, avocat plaidant
DÉFENDEURS AU DÉFÉRÉ :
Monsieur [L] [J]
Né le [Date naissance 1] 1969 à[Localité 2] (ALGÉRIE)
[Adresse 3]
[Localité 3]
SARL LANA prise en la personne de ses représentants légaux
Immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 480 171 792
[Adresse 4]
[Localité 4]
Représentée par Me Patricia HARDOUIN de la SELARL SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056, substituée par Me Audrey SCHWAB
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Juin 2017, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Marie-Brigitte FREMONT, conseillère, chargée d'instruire l'affaire, laquelle a été préalablement entendue en son rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Marie-Brigitte FREMONT, conseillère
Madame Sophie REY, conseillère
Madame Fabienne SCHALLER, conseillère
qui en ont délibéré
Greffier : lors des débats : Madame Anaïs CRUZ
ARRÊT :
- contradictoire,
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- signé par Madame Marie-Brigitte FREMONT, conseiller par suite d'un empêchement de la présidente et par Madame Anaïs CRUZ, greffier présent lors du prononcé.
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FAITS ET PROCÉDURE
Par jugement en date du 10 juin 2016, le tribunal de commerce de Paris a notamment :
- condamné la SARL LANA à payer à la SAS EFR FRANCE la somme de 225.406,09 € augmentée des intérêts au taux légal calculés à compter du 9 octobre 2015, avec anatocisme,
- condamné M. [L] [J] solidairement avec la SARL LANA à payer cette somme à la SARL EFR FRANCE et ce dans la limite du montant de son engagement de caution de 50.000 € augmenté des intérêts au taux légal à compter du 9 octobre 2015 avec anatocisme.
M. [L] [J] et la SARL LANA ont interjeté appel de ce jugement par déclaration en date du 27 juillet 2016.
Par conclusions signifiées le 23 novembre 2016, la société EFR FRANCE a formé un incident aux fins, notamment, de :
- dire et juger que l'appel de la SARL LANA a été formé hors délai,
- dire et juger que la déclaration d'appel de la SARL LANA est nulle pour mention d'un domicile inexact,
- dire et juger que les conclusions de la SARL LANA sont irrecevables car faisant état d'un siège social inexact,
- prononcer la radiation du rôle pour défaut d'exécution de la décision dont appel.
Par ordonnance du 28 mars 2017, le conseiller de la mise en état a :
DÉCLARE nulle la signification du jugement à la SARL LANA,
DIT que cette signification n'a pas fait courir le délai d'appel,
DIT que l'appel de la SARL LANA n'est pas tardif,
DIT que la déclaration d'appel de la SARL LANA est valable,
DIT que les conclusions déposées en son nom sont valables,
DIT n'y avoir lieu à prononcer la radiation du rôle,
DIT n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile,
DIT que chacune des parties conservera la charge de ses dépens de l'instance.
Par requête en déféré du 10 avril 2017 la société EFR FRANCE a sollicité la réformation de l'ordonnance du 28 mars 2017 et demandé à la cour de :
Dire et juger recevable la société EFR FRANCE en son déféré,
Réformer l'Ordonnance du Conseiller de la mise en état du 28 mars 2017,
Statuant à nouveau,
Sur l'irrecevabilité de l'appel pour tardiveté
Vu l'article 538 du Code de procédure civile
Vu l'article 659 du Code de procédure civile
Dire et juger que la signification du jugement a été effectuée conformément aux dispositions de l'article 659 du Code de procédure civile,
Dire et juger qu'aucune disposition légale n'oblige, en l'absence d'établissement, à ce qu'un acte soit signifier à son représentant légal, et ce à peine de nullité de l'acte signifié,
Dire et juger que la signification à la SARL LANA n'est pas nulle,
Dire et juger que l'appel de la SARL LANA a été formé hors délai,
Dire et juger irrecevable l'appel formé par la SARL LANA,
Sur la nullité de l'acte d'appel de la SARL LANA
Vu les articles 58 et 901 du Code de procédure civile,
Constater que la déclaration d'appel de SARL LANA comporte l'indication d'un domicile inexact,
Constater que le délai d'appel de la SARL LANA a expiré,
En conséquence,
Dire et juger que la déclaration d'appel de la SARL LANA est nulle ;
Sur la caducité des conclusions de la SARL LANA
Vu les articles 908 et 961 du Code de procédure civile,
Constater que les conclusions de la SARL LANA font état d'un siège social inexact,
En conséquence,
Dire et juger que les conclusions de la SARL LANA sont irrecevables,
Dire et juger que la déclaration d'appel de la SARL LANA est caduque ;
Sur la radiation du rôle pour défaut d'exécution du jugement
Vu l'article 526 du Code de Procédure civile,
Vu le jugement du 10 juin 2016,
Constater que malgré l'exécution provisoire ordonnée par le Tribunal de Commerce de Paris, la SARL LANA et son gérant Monsieur [L] [J] n'ont entamé aucune exécution,
Constater que la SARL LANA et son gérant Monsieur [L] [J] dispose, outre du montant des recettes carburants encaissés au nom et pour le compte de la société EFR FRANCE, d'un patrimoine de nature à permettre l'exécution des condamnations prononcées à leur encontre,
En conséquence, Prononcer la radiation ;
Débouter la SARL LANA et son gérant Monsieur [L] [J] de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;
En tout état de cause,
Condamner solidairement la SARL LANA et Monsieur [J] au paiement de la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Par conclusions en réponse signifiées le 1er juin 2017, M. [L] [J] et la SARL LANA ont sollicité de la cour :
- qu'elle confirme l'ordonnance du Conseiller de la mise en état en toutes ses dispositions,
- qu'elle infirme la décision du Conseiller de la mise en état en ce qu'elle a retenu que les conditions d'application de l'article 700 du code de procédure civile n'étalent pas réunies au cas cl' espèce et à de ce fait rejeté les demandes de la SARL LANA et de M. [J] à ce titre,
Et statuant à nouveau,
- qu'elle condamne la société EFR France à verset aux concluants la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens du présent déféré.
ET SUR CE
Sur la recevabilité de l'appel de la SARL LANA :
La société EFR FRANCE soutient que l'appel formé par les appelants le 27 juillet 2016 est irrecevable pour être hors délais, la signification par procès-verbal de recherches infructueuses ayant été effectuée le 20 juin 2016 faisant courir le délai d'appel. Elle ajoute que la signification est valable considérant qu'aucune disposition légale n'oblige, en l'absence d'établissement, à ce qu'un acte soit signifié à son représentant légal, et ce à peine de nullité de l'acte signifié.
M. [L] [J] et la SARL LANA répliquent que l'article 960 du code de procédure civile dispose qu'à défaut d'établissement la signification à une personne morale est faite en la personne de l'un de ses membres habilité à la recevoir, et que la jurisprudence considère qu'en l'absence d'établissement, la signification à une société peut être valablement faite à l'un de ses représentants légaux. Ainsi la SARL LANA ne disposant plus d'établissement comme cela est indiqué dans son Kbis, puisque son ancien établissement est fermé depuis le 18 février 2016, la société EFR France aurait dû signifier l'acte à son représentant légal, au domicile de son gérant qu'elle connaissait.
L'article 690 du code de procédure civile dispose que « la notification destinée à une personne morale de droit privé ou à un établissement de droit public à caractère industriel et commercial est faite au lieu de ses établissements. A défaut d'un tel lieu, elle l'est en la personne de l'un de ses membres habilité à la recevoir ».
L'article 654 du même code ajoute que la signification est faite à personne notamment lorsque l'acte est délivré à son représentant légal.
La SARL LANA, qui avait pour activité le commerce de détail de carburant en magasin spécialisé, avait conclu deux contrats de location-gérance avec la société EFR France portant sur deux stations services situées l'une [Localité 5]et l'autre [Localité 6], où se trouvait le lieu de son siège social.
La SASU EFR FRANCE ne pouvait ignorer qu'à la date de signification, la SARL LANA n'avait plus ni siège social ni établissement, celle-ci ayant dû lui restituer les deux stations services.
Ayant connaissance que le siège social constitué par le dernier établissement situé [Localité 6] n'existait plus, la SASU EFR FRANCE était dans l'obligation de procéder à la signification du jugement dont appel à son représentant légal en la personne de M. [J], dont elle connaissait l'adresse au [Adresse 3], puisque celle-ci figure sur le procès-verbal de recherches établi suivant les dispositions de l'article 659 du code de procédure civile par l'huissier.
La nullité de l'acte de signification prononcée par le conseiller de la mise en état doit être confirmée et en conséquence il convient de constater que le délai d'appel n'a pas commencé à courir à l'encontre de la SARL LANA.
Sur la validité de la déclaration d'appel :
La SASU EFR FRANCE argue de la nullité de l'acte d'appel du fait que la société LANA a mentionné un domicile inexact, ce qui nuit à la faculté de la société EFR FRANCE de faire exécuter le jugement assorti de l'exécution provisoire.
M. [L] [J] et la SARL LANA rappelant qu'au visa de l'article 1844-8 du code civil, une société conserve sa personnalité morale tant qu'elle n'est pas liquidée et ce notamment pour les besoins des procédures en cours, indiquent que la SARL LANA n'a plus d'activité et qu'elle est réputée conserver son siège social au lieu fixé par les statuts.
Il est constant que la SARL LANA n'a plus d'activité suite à la fermeture de son dernier établissement le 18 février 2016, de sorte que, faute d'avoir fait le choix d'un nouveau siège social, elle est réputée avoir conserver son ancien siège social fixé dans les statuts au [Adresse 4], pour les besoins de la procédure.
L'acte d'appel portant mention de cette adresse est donc valide et de plein effet.
Sur la recevabilité des conclusions de la SARL LANA :
La SASU EFR FRANCE soulève la caducité des conclusions sur le même motif, à savoir que la société LANA a mentionné un domicile inexact.
Il a été démontré ci-dessus que la mention de l'adresse du dernier siège social de la SARL LANA est valable et de nature à rendre recevables les conclusions de la SARL LANA.
Sur la demande de radiation :
La SASU EFR FRANCE demande la radiation du rôle de l'affaire en l'absence d'exécution. Elle indique que la société LANA n'a jamais apporté d'élément afin de contester la somme due et qu'en outre, M. [J] est propriétaire de biens immobiliers de nature à permettre l'exécution des condamnations prononcées à son encontre.
M. [L] [J] et la SARL LANA indiquent qu'ils sont dans l'incapacité de s'acquitter des sommes restant dues, après saisie des comptes de la SARL LANA à hauteur de 26 167,02 € ; que M. [J] n'est propriétaire que d'un seul bien sis [Adresse 3] dans lequel il réside actuellement, et qui est en outre grevé d'une hypothèque conventionnelle.
L'article 526 du code de procédure civile dispose que : « Lorsque l'exécution provisoire est de droit ou a été ordonnée, le premier président ou, dès qu'il est saisi, le conseiller de la mise en état peut, en cas d'appel, décider, à la demande de l'intimé et après avoir recueilli les observations des parties, la radiation du rôle de l'affaire lorsque l'appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d'appel ou avoir procédé à la consignation autorisée dans les conditions prévues à l'article 521, à moins qu'il lui apparaisse que l'exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou que l'appelant est dans l'impossibilité d'exécuter la décision. »
La SASU EFR FRANCE a fait procéder le 11 septembre 2015 à deux saisies conservatoires, l'une sur les comptes de la SARL LANA pour un montant de 26 450,85 €, et l'autre sur les comptes ouverts au nom de M. [L] [J], qui s'est révélée infructueuse, le compte étant débiteur.
Par ailleurs, la SASU EFR FRANCE ne démontre pas qu'hormis son domicile grevé d'une hypothèque conventionnelle, M. [J] serait propriétaire d'un patrimoine immobilier constitué de biens dont la vente pourrait permettre l'exécution des condamnation.
En conséquence, les appelants étant dans l'impossibilité d'exécuter la décision et la vente du domicile du débiteur étant de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives, il n'y a pas lieu de prononcer la radiation du rôle de l'affaire.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :
L'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de M. [L] [J] et la SARL LANA à hauteur de 1 500 euros.
PAR CES MOTIFS
Confirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions,
Et y ajoutant,
Condamne la SASU EFR FRANCE à payer à M. [L] [J] et la SARL LANA la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SASU EFR FRANCE aux dépens de l'instance.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE