Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 5
ARRÊT DU 14 SEPTEMBRE 2017
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 16/05635
Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Juillet 2015 -Tribunal de Commerce de BOBIGNY - RG n° 2015/49
APPELANTE
SOCIÉTÉ D'ÉCONOMIE MIXTE PLAINE COMMUNE DEVELOPPEMENT
ayant son siège social [Adresse 1]
[Localité 1]
N° SIRET : 381 666 924
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
Représentée par Maître Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
Assistée de Maître Lauriane CHISS, avocate au barreau de PARIS, toque : L41
INTIMÉE
SASU SPIE BATIGNOLLES TPCI (TRAVAUX PUBLICS ET CONSTRUC TIONS INDUSTRIELLES)
ayant son siège social [Adresse 2]
[Localité 2]
N° SIRET : 428 637 987
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
Représentée par Maître Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD ET THOMAS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055
Assistée de Maître Michel SIMONET de la SELARL ISGE ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0038
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Mai 2017, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Fabienne SCHALLER, Conseillère, chargée du rapport et Madame Anne DU BESSET, Conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Fabienne SCHALLER, Conseillère faisant fonction de Présidente
Madame Anne DU BESSET, Conseillère
Madame Sylvie CASTERMANS, Conseillère appelée d'une autre chambre afin de compléter la Cour en application de l'article R.312-3 du Code de l'Organisation Judiciaire,
qui en ont délibéré,
Greffière, lors des débats : Madame Julie PERRETIN
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Fabienne SCHALLER, Conseillère faisant fonction de Présidente et par Madame Hortense VITELA, Greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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La Société d'Economie Mixte Plaine Commune Développement (ci-après dénommée la « SEM Plaine Commune ») a pour activité principale l'acquisition foncière, l'aménagement et la construction.
La SPIE Batignolles TPCI (Travaux Publics et Construction Industrielles) (ci-après dénommée la « SPIE Batignolles ») a une activité de dépollution de terrains.
Le 21 décembre 2004, la SEM Plaine Commune a conclu avec la Communauté d'Agglomération Plaine Commune une convention publique de renouvellement urbain ayant pour objectif notamment la rénovation de la zone commerciale [Localité 3] située à [Localité 4].
Le 1er juillet 2009, la SEM Plaine Commune a acquis un terrain se situant sur la zone commerciale [Localité 3], dont une étude environnementale a révélé la nécessité d'une dépollution.
Le 3 octobre 2011, la SPIE Batignolles a remis à la SEM Plaine Commune un devis de travaux.
Le 4 octobre 2011, la SEM Plaine Commune a adressé à la SPIE Batignolles une lettre de commande de dépollution de 1.000 m3 de terre, pour un montant de 72.011,16 euros TTC.
Le 14 mai 2012, la SPIE Batignolles a adressé à la SEM Plaine Commune une facture d'un montant de 1.581.479,84 euros TTC pour un volume de terre dépolluée de 20.729,93 tonnes, facture erronée et rectifiée en septembre 2012 pour un montant final de 968.700,79 euros TTC.
Le 5 novembre 2012, après échange de lettres, mises en demeure et diverses contestations du montant demandé, la SEM Plaine Commune a proposé un paiement du montant de la commande initiale soit 72.011,16 euros TTC.
Le 1er août 2013, la SPIE Batignolles a assigné en référé la SEM Plaine Commune devant le Tribunal de commerce de Bobigny pour obtenir le paiement de la somme de 968.700,79 euros, qui a fait droit à cette demande, sous déduction de la somme de 72.011,16 euros qui avait été payée, par ordonnance du 27 novembre 2013, ordonnance ensuite infirmée par l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 21 octobre 2014, pour contestation sérieuse de la somme réclamée.
Considérant avoir réalisé les obligations du contrat lui incombant, c'est dans ce contexte que le 29 décembre 2014, la SPIE Batignolles a assigné la SEM Plaine Commune devant le tribunal de commerce de Bobigny en paiement de la commande pour une somme au principal de 815.503,34 euros TTC.
Par jugement en date du 7 juillet 2015, le tribunal de commerce de Bobigny s'est déclaré compétent et a dit que, sauf contredit, l'affaire serait appelée au fond, à l'audience collégiale de mise en état du 3 septembre 2015.
Par acte du 11 juillet 2015, la SEM Plaine Commune a formé contredit devant la Cour d'appel de Paris du jugement du 7 juillet 2015 rendu par le Tribunal de commerce de Bobigny.
Le 27 novembre 2015, la Cour a déclaré le contredit irrecevable et dit que la Cour devait être saisie par voie d'appel, renvoyant ainsi l'affaire devant la chambre 5-5.
Vu les dernières conclusions signifiées le 29 novembre 2016 par la SEM Plaine Commune par lesquelles il est demandé à la cour de :
' dire et juger la Société d'Economie Mixte Plaine Commune Développement recevable et bien fondée en son appel à l'encontre du Jugement rendu le 7 juillet 2015 par le Tribunal de Commerce de Bobigny ;
' dire et juger que la commande du 4 octobre 2011 est un contrat de nature administrative ne relevant pas de la compétence du Tribunal de Commerce de Bobigny mais du Tribunal Administratif de Montreuil ;
En conséquence,
' infirmer le jugement rendu le 7 juillet 2015 par le Tribunal de Commerce de Bobigny en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la Société d'Economie Mixte Plaine Commune Développement et en ce qu'il a condamné cette dernière à verser à la société SPIE Batignolles TPCI la somme de 2500 au titre de l'article 700 du CPC et l'ensemble de ses dispositions ;
Et, statuant à nouveau :
' dire et juger que le Tribunal de Commerce de Bobigny n'est pas compétent pour connaître de l'action de la société SPIE Batignolles fondée sur la commande du 4 octobre 2011 qui relève de la compétence du Tribunal Administratif de Montreuil ;
' renvoyer la société SPIE Batignolles à mieux se pourvoir ;
' débouter la société SPIE Batignolles TPCI de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
' condamner la société SPIE Batignolles TPCI à payer à la Société d'Economie Mixte Plaine Commune Développement la somme de 5.000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel ;
Vu les dernières conclusions signifiées le 8 décembre 2016 par la société SPIE Batignolles TPCI par lesquelles il est demandé à la cour de :
' constater que le contrat passé entre la société d'Economie Mixte Plaine Commune Développement, société anonyme de droit privé, avec la société SPIE Batignolles TPCI est un contrat de droit privé relevant de la compétence des tribunaux de l'ordre judiciaire ;
' dire et juger que le Tribunal de Commerce de Bobigny est parfaitement compétent pour connaître de la demande formulée par la société SPIE Batignolles TPCI à l'encontre de la société d'Economie Mixte Plaine Commune Développement ;
En conséquence,
Confirmant le jugement du Tribunal de Commerce de Bobigny rendu le 7 juillet 2015,
' dire et juger irrecevable et en toute hypothèse mal fondé l'appel formé par la société d'Economie Mixte Plaine Commune Développement ;
' confirmer le jugement en ce qu'il a alloué à la société SPIE Batignolles TPCI une somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
Y ajoutant,
' condamner la société d'Economie Mixte Plaine Commune Développement à payer à la société SPIE Batignolles TPCI :
- 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et dilatoire ;
- 5.000 € au titre de l'article 700 du CPC
' débouter la société d'Economie Mixte Plaine Commune Développement de la demande qu'elle formule au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
' condamner la Société d'Economie Mixte Plaine Commune Développement en tous les dépens tant de première instance que d'appel dont le montant pourra être recouvré directement par Maître Frédéric INGOLD (INGOLD & THOMAS), Avocat, selon les dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile
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La société SEM Plaine Commune soutient qu'elle a agi pour le compte de la Communauté d'agglomérations Plaine Commune, qu'il appartient au juge de qualifier le contrat sans s'en tenir aux dénominations retenues par les parties, qu'aux termes de l'article 12 de la convention de renouvellement urbain, elle a été investie des droits conférés aux collectivités publiques en matière de travaux publics, que la convention de renouvellement urbain ne consiste pas en une délégation de service public qui fait qu'elle aurait agit pour son propre compte, qu'au contraire, le contrat de dépollution est de nature administrative dès lors qu'elle a agi pour le compte d'une personne morale de droit public. Enfin, elle fait valoir qu'il importe peu qu'un conflit similaire ait été tranché par le juge judiciaire et que la mention dans le contrat de l'Ordonnance n°2005-49 du 6 juin 2005 relative aux marchés non soumis au code des marchés publics n'est pas de nature à écarter la compétence du juge administratif. Elle en conclut que le tribunal compétent est le tribunal administratif du ressort duquel la SEM a son siège, soit celui de [Localité 5], que le tribunal de Commerce de Bobigny aurait dû faire droit à l'exception d'incompétence et renvoyer les parties à mieux se pourvoir.
La SPIE Batignolles soutient en réponse que la SEM Plaine Commune est une société anonyme de droit privé et que c'est à ce titre qu'elle contracte directement avec d'autres sociétés de droit privé, que le contrat passé avec la société SPIE Batignolles est un contrat de droit privé, qu'il appartient à la SEM de rapporter la preuve contraire, qu'elle ne prouve pas que le contrat ait été un marché public. Elle fait valoir que la SEM Plaine Commune a agi pour son propre compte, en tant que personne morale de droit privé, dans le cadre d'une délégation de service public, ce qui est de nature à qualifier le contrat de contrat privé. Elle souligne en outre que le contrat ne prévoit pas la réalisation d'une mission d'intérêt général ni la mise en 'uvre de prérogatives de puissance publique, et ne présente pas de clause exorbitante du droit commun. Elle ajoute qu'un conflit similaire opposant la SEM Plaine Commune et la société Auchan a été tranché par le juge judiciaire en faveur de sa thèse, que le tribunal de commerce de Bobigny est parfaitement compétent pour connaitre du litige, que la SEM est de mauvaise foi, que son action est abusive et dilatoire.
La Cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée, et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ;
Sur ce, la Cour,
Considérant qu'aux termes de la convention publique de renouvellement urbain d'[Localité 4] signée par la communauté d'agglomération Plaine Commune et la Société d'Economie Mixte Plaine Développement le 21 décembre 2004 (ci-après "la Convention") « les missions [de la SEM Plaine Commune] seront réalisées sous la direction et le contrôle de [la communauté d'agglomérations] Plaine Commune et à ses risques financiers » ;
Que la SEM Plaine Développement, société anonyme inscrite au registre du commerce et des sociétés de Bobigny, assure les tâches de coordination opérationnelle des projets et s'engage, « en tant que de besoin, et selon la finalité et le contenu de chaque sous-opération, à acquérir la propriété, (') des biens immobiliers bâtis ou non bâtis, nécessaires à la réalisation des ouvrages inclus dans le périmètre d'opération d'aménagement [Localité 3] (... à) mettre en état les sols » ;
Qu'il en résulte que pour les tâches qui lui sont confiées, la SEM agit pour son propre compte, comme propriétaire, le cas échéant, des terrains acquis, ou comme délégataire pour la mise en état des sols inclus dans le périmètre d'aménagement ;
Considérant qu'il est constant que les SEM sont des personnes morales de droit privé qui ne sont pas soumises au code des marchés publics et que les contrats qu'elles concluent pour leur propre compte avec une personne privée, sont des contrats de droit privé, ou présumés tels ;
Qu'en l'espèce le contrat par lequel la SEM a sollicité la SPIE Batignolles pour la mise en état des sols dont elle a la charge, est une lettre de commande datée du 4 octobre 2001 faisant suite au devis établi par SPIE Batignolles, acceptée par la SEM, portant sur le transport et l'élimination de terres polluées à l'hydrocarbure, sans qu'il y ait eu appel d'offre ou soumission d'un marché public ;
Qu'à aucun moment il n'est fait référence à la SEM comme représentant d'une personne publique ni à la Convention susrappelée ;
Que le marché fondé sur le devis produit ne contient aucune clause exorbitante du droit commun ;
Qu'il s'agit d'un contrat de prestations de services conclu entre deux personnes privées, qui n'a pas pour objet, par lui-même, l'occupation du domaine public, ni de satisfaire à un intérêt général ;
Qu'il ne saurait être regardé comme l'accessoire de la convention de renouvellement urbain, et donc être qualifié de contrat administratif de ce fait ;
Qu'il résulte de tout ce qui précède que c'est à juste titre que les premiers juges se sont déclarés compétents et ont rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la SEM Plaine Commune;
Qu'il y a lieu par conséquent, par motifs propres et adoptés, de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Considérant que l'exercice d'une action en justice ne dégénère en abus que s'il constitue un acte de malice ou de mauvaise foi, qu'aucune démonstration n'est faite à l'appui de cette demande ;
Considérant qu'il est inéquitable de laisser à la charge de la SPIE Batignolles le montant de ses frais irrépétibles ;
Qu'il convient de condamner la SEM Plaine Commune à lui payer la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Considérant que la SEM Plaine Commune, qui succombe, supportera les dépens ;
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
CONDAMNE la SEM Plaine Commune à payer à la SPIE Batignolles la somme de 3.000 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la SEM Plaine Commune aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Frédéric INGOLD ( de la SELARL INGOLD ET THOMAS), avocat, en application de l'article 699 du code de procédure civile.
La Greffière La Conseillère faisant fonction de Présidente
Hortense VITELA Fabienne SCHALLER