Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 1
ARRET DU 03 OCTOBRE 2017
(n° , 3 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 16/03196
Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Décembre 2015 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 14/12661
APPELANT
Monsieur [S] né le [Date naissance 1] 1974 à [Localité 1] (Madagascar)
[Adresse 1]
[Adresse 2]
représenté par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL Avocats, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : P0480
assisté de Me Joseph NSIMBA, avocat plaidant du barreau d'EVRY
INTIME
LE MINISTÈRE PUBLIC pris en la personne de MADAME LE PROCUREUR GENERAL - SERVICE CIVIL
[Adresse 3]
[Adresse 4]
représenté lors des débats par Monsieur AUFERIL, avocat général
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 juin 2017, en audience publique, l'avocat de l'appelant et le ministère public ne s'y étant pas opposé, devant Mme Dominique GUIHAL, présidente, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Dominique GUIHAL, présidente
Mme Dominique SALVARY, conseillère
M. Jean LECAROZ, conseiller
Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE
ARRÊT :- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Dominique GUIHAL, présidente et par Mme Mélanie PATE, greffier présent lors du prononcé.
Vu le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 18 décembre 2015 qui a annulé l'enregistrement de la déclaration acquisitive de nationalité française par mariage souscrite par M. [S];
Vu l'appel interjeté le 2 février 2016 et les conclusions notifiées le 6 octobre 2016 par M. [S] qui demande à la cour d'infirmer le jugement, principalement, de déclarer prescrite l'action du ministère public, subsidiairement de déclarer cette action irrecevable en raison de l'autorité de chose jugée attachée au jugement du tribunal correctionnel de Bobigny en date du 16 juin 2011 qui a constaté l'extinction de l'action publique du chef d'usurpation d'identité contre son épouse Mme [W] laquelle a donc conservé sa nationalité française, en conséquence, rejeter la demande d'annulation de l'enregistrement de sa déclaration de nationalité française;
Vu les conclusions du ministère public notifiées le 1er septembre 2016 tendant à la confirmation de la décision entreprise;
SUR QUOI :
Considérant que le [Date mariage 1] 2001, M.[S], né le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 1] (Madagascar), a contracté mariage à [Localité 2] avec Mme [U] [Y] [P] [T], de nationalité française; que le 15 mai 2003, il a souscrit devant le juge du Raincy une déclaration acquisitive de nationalité française par mariage qui a été enregistrée le 23 mars 2004; que le divorce des époux a été prononcé par le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Paris de Bobigny le 16 mai 2006 sur une requête conjointe déposée le 1er février 2006; que le 12 août 2014, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris a fait assigner M. [S] en annulation de l'enregistrement de sa déclaration au motif qu'il avait été obtenu par l'usurpation de l'identité de Mme [U] [T], de nationalité française, par Mme [X] [W], de nationalité malgache, actuelle épouse de M. [S];
Considérant que le jugement entrepris a fait droit à cette demande et constaté l'extranéité de l'intéressé en retenant que Mme [W], de nationalité malgache, avait reconnu être entrée sur le territoire national en 2000 sous l'identité usurpée de Mme [T], de nationalité française, avec un certificat de nationalité française au nom de cette dernière, avoir obtenu une carte nationale d'identité française sur la base de ce même certificat, s'être mariée avec M [S] sous cette même identité, puis avoir divorcé et s'être remarié avec l'intéressé sous sa véritable identité; que les premiers juges ont relevé qu'il résultait des déclarations des deux époux que M. [S] connaissait la situation lorsqu'il a souscrit sa déclaration de nationalité;
Considérant que suivant l'article 21-2 du code civil l'étranger ou l'apatride qui contracte mariage avec un conjoint de nationalité française peut, après un certain délai à compter du mariage, acquérir la nationalité française par déclaration à condition qu'à cette date la communauté de vie tant affective que matérielle n'ait pas cessé entre les époux depuis le mariage et que le conjoint français ait conservé sa nationalité;
Qu'en application de l'article 26-4 alinéa 3 du même code, l'enregistrement d'une déclaration d'acquisition de nationalité par mariage peut être contesté par le ministère public en cas de mensonge ou de fraude dans le délai de deux ans à compter de leur découverte et la cessation de la communauté de vie entre les époux dans les douze mois suivant l'enregistrement de la déclaration prévue à l'article 21-2 constitue une présomption de fraude;
Considérant, toutefois, que cette présomption ne s'applique que dans les instances engagées dans les deux années suivant l'enregistrement de la déclaration;
Considérant, en premier lieu, que le délai prévu par l'article 26-4 du code civil ne court qu'à compter de la date à laquelle le ministère public territorialement compétent a été informé du mensonge ou de la fraude; qu'en l'espèce, ce délai n'a pu courir avant la transmission au ministère de la Justice d'un bordereau du ministère des Affaires étrangères du 12 octobre 2012 signalant la fraude, de sorte que l'action engagée le 12 août 2014 par le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris n'était pas prescrite, peu important que le parquet de Bobigny, qui n'était pas territorialement compétent pour exercer l'action en matière de nationalité, ait engagé des poursuites contre Mme [W] du chef d'usurpation d'identité en octobre 2010;
Considérant, en second lieu, que seules les décisions des juridictions pénales statuant au fond sur l'action publique ont au civil autorité de chose jugée, que tel n'est pas le cas du jugement qui constate l'extinction de l'action publique par prescription;
Que, dès lors qu'il est constant que M [S] a souscrit sa déclaration acquisitive en pleine connaissance de l'usurpation d'identité commise par son épouse et de la circonstance que celle-ci n'était pas de nationalité française, la fraude se trouve caractérisée et, contrairement à ce que soutient M. [S], Mme [W] n'ayant jamais eu la nationalité française ne saurait l'avoir conservée par l'effet du jugement constatant l'extinction de l'action publique;
Qu'il convient de confirmer le jugement qui a annulé l'enregistrement fait le 23 mars 2004 sous le n° 08716/04 de la déclaration de nationalité française par mariage souscrite le 15 mai 2003 devant le juge d'instance du Raincy par M. [S], et de constater l'extranéité de l'intéressé;
PAR CES MOTIFS :
Confirme le jugement.
Ordonne la mention prévue par l'article 28 du code civil.
Condamne M. [S] aux dépens.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE