Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 3
ARRÊT DU 4 OCTOBRE 2017
(n° , 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 15/20562
Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Octobre 2015 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 15/02436
APPELANTE :
SCI [Adresse 1] prise en la personne de ses représentants légaux
Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 407 997 972
[Adresse 2]
[Adresse 3]
Représentée par Me Michael DAHAN, avocat au barreau de PARIS, toque : E0031
INTIMÉE :
SARL JERHAS prise en la personne de ses représentants légaux
Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 509 038 170
[Adresse 4]
[Adresse 5]
Représentée par Me Jocelyne GOMEZ VARONA, avocat au barreau de PARIS,
toque : D1534, substituée par Me Isabelle MOREAU, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Juin 2017, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Marie-Brigitte FREMONT, conseillère, chargée d'instruire l'affaire, laquelle a été préalablement entendue en son rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Agnès THAUNAT, présidente
Madame Marie-Brigitte FREMONT, conseillère
Madame Sophie REY, conseillère
qui en ont délibéré
Greffier : lors des débats : Madame Anaïs CRUZ
ARRÊT :
- contradictoire,
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- signé par Madame Agnès THAUNAT, présidente et par Madame Anaïs CRUZ, greffier présent lors du prononcé.
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FAITS ET PROCÉDURE
Par acte sous seing privé du 20 septembre 2007, la société [Adresse 1] a donné à bail à la société TOUTAN'FOLIE, aux droits de laquelle se trouve la société JERHAS depuis une cession de droit au bail intervenue le 21 novembre 2008, divers locaux commerciaux dans un immeuble situé [Adresse 6], à destination de 'commerce de meubles et mobiliers de confection et d'autres produits textiles', pour une durée de 9 années à compter du 1er septembre 2007 et moyennant un loyer annuel en principal de 65.160 euros HT, payable par terme mensuel à échoir.
Par ordonnance de référé en date du 6 novembre 2013, dans une instance opposant le Syndicat des Copropriétaires du [Adresse 6] à la SCI [Adresse 1] et à la SARL JEHRAS, une expertise confiée à M.[J] a été ordonnée portant essentiellement sur la paroi verticale édifiée dans la cour de l'immeuble.
L'expert a déposé son rapport le 14 novembre 2014.
Parallèlement, la société [Adresse 1] a fait délivrer le 20 mai 2014 à la société JERHAS une sommation de payer la somme de 15.485,32 euros représentant deux mois de loyers et charges.
Cet acte étant demeuré infructueux, la société [Adresse 1] a, par acte du 11 septembre 2014, fait assigner sa locataire en référé afin de la voir condamner au payement des sommes comprises dans la sommation ainsi qu'aux échéances de loyers et charges des mois de juin à septembre 2014.
Par ordonnance du 12 décembre 2014, le juge des référés du Tribunal de grande instance de Paris a condamné la société JERHAS au payement la somme de 62.670,82 euros.
Par acte extrajudiciaire du 5 février 2015, la société JERHAS a fait assigner à jour fixe devant le Tribunal de grande instance de Paris la société [Adresse 1] afin que soit prononcée la résiliation judiciaire du bail commercial liant les parties, aux torts du propriétaire pour manquement à ses obligations de délivrance conforme, et la SCI [Adresse 1] a fait délivrer le 12 février 2015 à sa locataire un commandement de payer visant la clause résolutoire.
Par ordonnance du 2 octobre 2015, le juge des référés du Tribunal de grande instance de Paris a, à la demande du Syndicat des Copropriétaires du [Adresse 6] :
- ordonné à la SCI ALESIA de faire procéder dans l'immeuble sis [Adresse 6]) à ses frais, au démontage et à la dépose ou à la démolition de l'ensemble de la paroi verticale qui sépare la cour intérieure couverte par une verrière et la courette arrière de l'immeuble sur rue, puis à la remise en l'état antérieur consistant en une grille ou un grillage séparant les deux cours implanté sur un muret de soubassement, et ce sous astreinte de 200 euros par jour de retard passé un délai de quatre mois à compter de la signification de l'ordonnance;
- et condamné la SCI [Adresse 1] à payer au Syndicat des Copropriétaires du [Adresse 6] le montant des faris de l'expertise à titre de provision et la somme de 2 000€ sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, outre les dépens.
Par jugement du 13 octobre 2015, le Tribunal de grande instance de Paris a :
- Dit que la SCI [Adresse 1] a manqué à ses obligations contractuelles de délivrance conforme et de jouissance paisible de la chose louée,
- Prononcé la résiliation judiciaire du bail consenti le 20 septembre 2007 sur des locaux sis à [Adresse 6] aux torts de la SCI [Adresse 1],
- Débouté la SCI [Adresse 1] de son action en expulsion de la SARL JERHAS,
- Fixé la réfaction, au titre de l'exception d'inexécution soulevée par la SARI. JERHAS à 50% du montant des loyers et charges sur la période du 1er avril 2014 au 1er juillet 2015,
- Condamné la SARL JERHAS à payer à la SARL [Adresse 1] la somme de 62.053,56 euros en deniers ou en quittances au titre de l'arriéré de loyers et de charges du 1er avril 2014 au 1er juillet 2015 inclus,
- Fixé le loyer ou indemnité d'occupation mensuelle qui incombe à la SARL JERHAS du 1er août 2015 jusqu'à la complète libération des lieux au montant du dernier loyer en cours assorti d'une réfaction de 50%,
- Condamné la SCI [Adresse 1] à payer à la SARL JERHAS une somme de 170.000 euros au titre des dommages et intérêts,
- Rejeté le surplus des demandes,
- Condamné la SCI [Adresse 1] aux dépens.
La société [Adresse 1] a relevé appel du jugement par déclaration du 19 octobre 2015.
Dans ses dernières conclusions signifiées le 22 mai 2017, la société [Adresse 1] demande à la cour de :
- La recevoir en ses écritures et l'y dire bien fondée,
- Débouter la SARL JERHAS de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- Réformer en toutes ses dispositions le jugement dont appel à l'exception du refus explicite de prononcer l'expulsion de la société JERHAS,
Par voie de conséquence,
- Condamner la société JERHAS au paiement, au bénéfice de la SCI [Adresse 1], des loyers et charges dus par elle de février 2014 au 27 octobre 2015, date à laquelle la société JERHAS a quitté les lieux sans congé, soit 7.973,60 € X 21 mois = 167.445,60 €, et en outre des loyers et charges sur la base mensuelle de 7.973,60 € jusqu'à la fin du bail fixée le 31 août 2016 soit 7.973,60 € X 10 = 79.736 €,
soit au total : 247.181,60 €,
ainsi que :
- 10 % des sommes dues par application de la clause pénale figurant au bail
- 15 % d'intérêts contractuels applicables depuis février 2014 jusqu'à complet paiement
- 1,5 % par mois de pénalité
(pénalités contractuelles)
- Dire que la SCI [Adresse 1] conservera par devers elle le dépôt de garantie figurant au bail,
- Rejeter toutes prétentions de la société JERHAS à réfaction de loyer ou à indemnisation pour perte de fonds de commerce ou au titre de quelconques dommages et intérêts,
- Condamner la société JERHAS au paiement, au bénéfice de la SCI [Adresse 1], de la somme de 5.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
- La condamner également aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Michaël DAHAN, Avocat aux offres de droit, conformément à l'article 699 du Code de Procédure Civile.
Dans ses dernières conclusions signifiées le 24 avril 2017, la société JERHAS demande à la Cour de :
Confirmer le jugement rendu le 13 octobre 2015 par le Tribunal de grande instance de Paris en ce qu'il a :
- Dit que la SOCIÉTÉ CIVILE IMMOBILIÈRE [Adresse 1] a manqué à ses obligations de délivrance de locaux conformes et de permettre la jouissance paisible des locaux par son locataire;
- Prononcé la résiliation judiciaire du bail aux torts de la SOCIÉTÉ CIVILE IMMOBILIÈRE [Adresse 1] ;
- Décidé de la réfaction, au titre de l'exception d'inexécution du preneur, des loyers et charges dus depuis le 1er avril 2014 ;
- Condamné la SOCIÉTÉ CIVILE IMMOBILIÈRE [Adresse 1] à indemniser le préjudice subi par la société JERHAS ;
L'infirmer pour le surplus et, statuant à nouveau :
' Fixer la réfaction des loyers et charges dus depuis le 1er avril 2014 et jusqu'à la date de restitution des lieux le 20 octobre 2015, à 70% du montant des loyers et charges ;
' Condamner la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE [Adresse 1] à régler à la société JERHAS la somme de 250.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice résultant de la perte de son fonds de commerce ;
' Fixer la dette locative de la société JERHAS arrêtée à ce jour à la somme de 34.947,74€;
' Ordonner la compensation entre les sommes dues par la société JERHAS à la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE [Adresse 1] et les sommes dont elle est créancière ;
Y ajouter :
' Ordonner la restitution du dépôt de garantie au profit de la société JERHAS, soit la somme de 38.718 € avec intérêts au taux pratiqué par la Banque de France pour les avances sur titres, appliqués à la somme de 31.815 € depuis le versement du dépôt de garantie le 20 septembre 2007, jusqu'à parfait paiement, et intérêt légal appliqué à la somme ainsi due en capital et intérêts à compter de la restitution des locaux le 20 octobre 2015 ;
Ordonner la capitalisation des intérêts lorsqu'ils sont dus pour une année entière ;
Débouter la SOCIÉTÉ CIVILE IMMOBILIÈRE [Adresse 1] de l'intégralité de ses demandes ;
Condamner la SOCIÉTÉ CIVILE IMMOBILIÈRE [Adresse 1] à régler à la société JERHAS la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
ET SUR CE
La société [Adresse 1] fait observer à titre liminaire que le litige a pour origine un contentieux opposant le syndicat des copropriétaires du [Adresse 6] à la société [Adresse 1] au sujet de la démolition d'une cloison séparant les locaux occupés par la société JERHAS et la courette de l'immeuble.
Elle indique qu'en sept années d'occupation des locaux, la locataire n'a jamais formulé le moindre grief, justifiant l'absence d'intervention de la bailleresse et que ce n'est qu'après le premier accedit de l'expert en date du 6 mars 2014 que la SARL JEHRAS s'est brusquement avisée que les locaux n'étaient plus utilisables.
Elle critique le rapport d'expertise judiciaire du 14 novembre 2014, reprochant à l'expert d'avoir considéré la cloison comme dangereuse, en se fondant sur un état initial hypothétique et d'avoir refusé de prendre en compte la proposition faite par la société [Adresse 1] de remettre en état la cloison contestée, en préconisant la destruction de la paroi et la construction en ses lieu et place d'une grille. Elle reproche aussi à l'expert de ne pas avoir répondu aux questions posées dans ses dires relatives à la prescription de l'action du Syndicat des Copropriétaires ni à l'application des clauses du bail transférant à la charge du preneur les travaux prévus à l'article 606 du code civil.
Elle fait observer que l'architecte de sécurité de la Préfecture de Police de Paris, intervenu postérieurement à l'expert, a considéré, contrairement à l'expert judiciaire, que la couverture de l'ensemble immobilier ne présentait « pas de désordre » et semblait « stable » et que malgré ces conclusions contradictoires, elle était prête à intervenir afin d'effectuer des travaux mais que la copropriété et la société preneuse s'y sont opposés.
En toutes hypothèses, elle rappelle que le bail commercial met à la charge de la locataire l'intégralité des travaux, y compris ceux visés à l'article 606 du code civil, et qu'elle n'était pas tenue d'effectuer les travaux de remise en état du mur.
L'appelante critique le jugement en ce qu'il n'a pas retenu la prescription de l'action en démolition. Elle considère au visa de l'article 42 al. 1 de la loi du 10 juillet 1965 que cette action a un caractère personnel car elle n'a pas pour objet la restitution aux parties communes d'une partie qu'un copropriétaire se serait indûment approprié. Elle en déduit que la demande de destruction de la cloison séparant la grande cour à usage privatif de la courette partie commune est totalement irrecevable car prescrite et donc parfaitement illégitime et constitutive d'un préjudice très important pour la SCI [Adresse 1].
Au visa des conclusions expertales des 14 et 25 novembre 2014, la société JERHAS fait état d'un « défaut manifeste de solidité et de stabilité » de la paroi nécessitant de « démonter l'ensemble de la paroi verticale » jugée dangereuse pour la sécurité des personnes et indique que ces désordres ont été confirmés par la Préfecture de police le 11 juin 2014 par la prescription de travaux.
Considérant que la dépose de la cloison extérieure et son remplacement par une clôture ou un grillage, préconisés par l'expert judiciaire, entraîne la perte du local clos, elle en déduit un manquement du bailleur à son obligation de délivrance, à laquelle il n'est pas possible de déroger au sein du bail.
Elle oppose au bailleur, qui soutient avoir proposé la restauration de la paroi verticale, la procédure en référé-démolition engagée le 4 juin 2015 par le syndicat des copropriétaires pour obtenir du bailleur la réalisation des travaux de remise en état.
Elle rappelle avoir dès le 4 août 2014 mis en demeure sa bailleresse de procéder aux travaux prescrits, à laquelle la société [Adresse 1] n'a répondu que le 10 février 2015 par un courrier, suivi d'un commandement de payer visant la clause résolutoire du bail délivré le 12 février 2015, peu de temps après avoir été assignée en résiliation judiciaire du bail à ses torts exclusifs le 5 février 2015.
Elle soutient donc subir un trouble affectant l'usage des locaux loués engageant la responsabilité du bailleur au visa de l'article 1719 du code civil et que la responsabilité du bailleur est en outre engagée au titre du vice caché affectant le local, arguant que la clause stipulant que le preneur prend les lieux en l'état lui est inopposable, et en conclut que le manquement du bailleur à son obligation de délivrance de locaux conformes, permettant leur exploitation pleine et entière par la société locataire constitue un manquement suffisamment grave pour justifier la résiliation du bail.
La SARL JEHRAS ayant quitté le local le 20 octobre 2015, elle indique avoir été privée de la valeur de son droit au bail, élément essentiel de son fonds de commerce. Elle fait mention d'une offre d'achat du fonds de commerce à hauteur de 250.000 euros à laquelle l'acheteur n'a pas donné suite et sollicite donc l'indemnisation de la perte de son fonds de commerce à hauteur de 250.000 euros.
Se fondant sur le manquement de la société bailleresse, elle sollicite en outre la réfaction des loyers à la proportion de la privation de jouissance subie, qu'elle estime à hauteur de 70% du loyer réglé pendant la période de trouble et invoque le principe de l'exception d'inexécution pour fonder sa demande en suspension du payement des loyers depuis le mois d'avril 2014.
Elle conclut à une dette locative de 34.947,74 euros et sollicite la restitution du dépôt de garantie, outre les intérêts au taux pratiqués par la Banque de France depuis le 20 septembre 2007, en vertu de l'article L. 145-40 du code de commerce, rappelant que la clause du bail stipulant l'inverse doit être réputée non-écrite au visa de l'article L. 145-15 du code de commerce, et les intérêts légaux depuis le 20 octobre 2015.
Elle demande que soit opérée la compensation entre les sommes dues.
Sur le manquement du bailleur à son obligation de délivrance :
Du rapport de M.[J] il ressort que la SARL JEHRAS exerce une activité de commerce de vêtements dans un local commercial situé en rez-de-chaussée de l'immeuble en fond de cour auquel est rattachée la cour accolée à usage privatif, que la protection volumétrique de cette cour est constituée d'une verrière à ossature métallique ancienne de grande hauteur, fixée en fond de parcelle sur la façade du bâtiment sur cour et maintenue à l'opposé par une fermeture métallique transversale de type Eiffel qui assure une délimitation verticale entre la cour rattachée au lot de la SCI ALESIA 111et la courette arrière de l'immeuble sur rue, que cette séparation verticale d'environ 8m de hauteur sur un linéaire de 8,50m, est assemblée de manière anarchique et très désorganisée. L'expert a en outre pu déterminer qu'il existait sans doute à l'état d'origine une séparation de ces deux cours constituée d'un muret en soubassement appareillé en briques de Vaugirard et surmontée d'un grillage.
Il mentionne que cette séparation verticale présente un défaut manifeste de solidité et de stabilité, et présente un danger pour les personnes (clients et personnel de la SARL JEHRAS mais aussi copropriétaires se rendant dans le local à vélo en empruntant la petite courette) en cas de chute d'objet volontaire provenant des étages du bâtiment sur rue mais surtout en cas de turbulences climatiques (vent violent, pluie).
L'état de cette paroi a aussi été constaté par un architecte de la sécurité de Paris intervenu sur place le 7 mai 2014, qui a constaté une installation de fortune constituée de panneaux en aggloméré fixés au moyen de bastaings à un muret en brique et surmontés de plaques de polycarbonate alvéolaire fixées sur cornières posés en biais pour récupérer l'aplomb de la verrière, dont l'ensemble semblait stable mais présentait des défauts d'étanchéité manifestes qui fragiliseraient, à moyen terme, la solidité et la stabilité de la paroi qui était, par ailleurs, couronnée par une bâche grossièrement ficelée à des planchettes menaçant de chuter dans la courette, et a préconisé la vérification régulière de la solidité et la stabilité de la paroi séparative entre la courette du bâtiment d'habitation et le local d'activité sur cour, la prise de toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité des usagers de la cour et des locaux, et le dépôt des éléments de bâchage menaçant de chuter.
M. [J] a clairement relevé dans son rapport que cette séparation ne profite qu'à la seule partie commerciale (exploitée par la SARL JEHRAS) qui améliore ainsi le clos de cette cour à usage privatif en créant une surface complémentaire d'exploitation.
Selon l'expert, le rétablissement des lieux à l'état initial consisterait à démonter l'ensemble de la paroi verticale en séparation des fonds et à reconstituer, sur le soubassement d'origine conservé de délimitation, une grille ou un grillage entre les deux cours existantes.
C'est d'ailleurs la nature des travaux qui ont été ordonnés par le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris le 2 octobre 2015, et exécutés en août 2016 par le bailleur.
Ainsi les travaux dits 'de consolidation' que proposait la SCI [Adresse 1] dans son courrier du 10 février 2015, n'étaient pas de nature à remédier au caractère dangereux que présentait cette paroi séparatrice.
Enfin il n'appartenait pas à l'expert de se prononcer sue les questions juridiques relatives à la prescription d'une action et à la répartition de la charge des travaux entre le bailleur et le preneur.
Soulever la prescription décennale de l'action en démolition de cette séparation, prévue par l'article 42 alinéa 1 de la loi du 10 juillet 1965, qui n'a vocation à s'appliquer qu'entre copropriétaires ou entre un copropriétaire et le syndicat, dans cette instance qui oppose le bailleur à son locataire et porte sur leurs obligations contractuelles, n'est pas pertinent.
En effet à compter du mois de mars 2014, quand elle a eu connaissance de la dangerosité de la paroi verticale, et que la réfection de celle-ci reviendrait à le priver d'un local clos, la SARL JEHRAS était bien fondée à reprocher à son bailleur de ne pas remplir son obligation de délivrance. Et le transfert de charges des travaux de l'article 606 du code civil sur le preneur qui constitue une clause dérogatoire du bail, ne saurait priver le bailleur de son obligation d'assurer au locataire le clos et le couvert.
Sur la résiliation du bail :
La mise en demeure du 12 février 2015 pour défaut de paiement des loyers, visant la clause résolutoire, ayant été délivrée de mauvaise foi par le bailleur qui savait que son locataire était dans l'impossibilité d'exploiter une partie de son fonds, ne doit pas être validée.
Par contre, il est établi que, ne pouvant plus assurer le clos du local sans maintenir un risque pour la sécurité des occupants de l'immeuble, de la clientèle et des salariés du locataire, le bailleur a commis un manquement grave à ses obligations contractuelles justifiant que soit prononcée la résiliation du bail à ses torts exclusifs.
Sur les préjudices subis par la SARL JEHRAS :
Compte tenu du trouble de jouissance subi, la SARL JEHRAS est bien fondée à solliciter une réfaction du loyer et des charges à compter du 1er avril 2014, que les premiers juges ont justement fixée à 50%, en fonction de la surface louée, en évaluant l'espace de vente de la boutique contigüe à la cloison inexploitable sur la base du rapport d'expertise, des plans et des photos produites aux débats, à 50% de la surface totale de la chose louée. Il convient donc de confirmer cette disposition du jugement.
La SARL JEHRAS a perdu son fonds de commerce suite à la résiliation du bail aux torts de la SCI [Adresse 1], ouvrant droit pour la société locataire à des dommages et intérêts pour le préjudice financier qu'elle subit.
Le prix de cession du droit au bail survenue le 21 novembre 2008 entre la société TOUTAN'FOLIE et la SARL JEHRAS s'élevait à la somme de 130 000 €. En tenant compte de cet élément et des résultats comptables de la SARL JEHRAS, qui faisait un chiffre d'affaires de 520 442€ et un bénéfice de 35 146 € en 2011 et a vu son chiffre d'affaires baisser de manière importante pour les années 2012 (382 807 €)et 2013 (224 724 €) avec un résultat déficitaire, il convient de fixer le préjudice subi de ce chef à la somme de 150 000 €.
Sur le dépôt de garantie :
L'article 13 du bail stipule que la somme de 35 578,62 €, correspondant à six mois de loyers, versée par la SARL JEHRAS à titre de dépôt de garantie à l'entrée dans les lieux et réajusté à chaque révision du prix, doit lui être restituée à l'expiration du bail, et précise que cette somme ne produira pas d'intérêt.
La SCI [Adresse 1] s'appuie sur les dispositions de l'article 14 qui prévoit que dans tous les cas de résiliation, la somme versée au bailleur à titre de dépôt de garantie demeurera acquise à ce dernier à titre d'indemnité, pour réclamer de pouvoir conserver le dépôt de garantie à son profit. Mais cette disposition, qui a pour titre 'clause résolutoire', ne vise que la résiliation du bail prononcée aux torts du preneur et ne saurait trouver application en l'espèce.
La résiliation du bail étant prononcée aux torts du bailleur, la SCI [Adresse 1] doit restituer à la SARL JEHRAS la somme de 38 718 € versée à titre de dépôt de garantie.
L'article L.145-40 du code du commerce prévoit une réglementation spécifique des intérêts générés par les loyers payés d'avance, ainsi libellée : Les loyers payés d'avance, sous quelque forme que ce soit, et même à titre de garantie, portent intérêt au profit du locataire, au taux pratiqué par la Banque de France pour les avances sur titres, pour les sommes excédant celle qui correspond au prix du loyer de plus de deux termes, et toute clause contraire est nulle en vertu des dispositions de l'article L.145-15 du même code.
Le loyer étant payable par mois, c'est le mois qui constitue le terme. Sur la somme excédant deux mois de loyer, soit 12 906 €, le bailleur doit verser à son locataire des intérêts à un taux égal à celui des avances sur titres de la Banque de France. La SCI [Adresse 1] sera donc condamnée à payer à la SARL JEHRAS des intérêts à un taux égal à celui des avances sur titres de la Banque de France sur la somme de 25 812 € à compter du versement du dépôt de garantie le 20 septembre 2007, et intérêts au taux légal sur la somme de 12 906 € à compter de la présente décision.
Sur les comptes entre les parties et la compensation :
Les loyers et charges ont été réglés par la SARL JEHRAS jusqu'au mois de mars 2014, mais excipant de l'exception d'inexécution, elle s'est abstenue de régler les loyers postérieurs à cette date et ce jusqu'à son départ des lieux le 20 octobre 2015, date à laquelle elle a convié son bailleur pour établir l'état des lieux et procéder à la remise des clés. Elle reste donc redevable des loyers et charges diminués de 50% durant cette période.
Les parties sont en désaccord sur le montant du loyer, la SCI [Adresse 1] l'estimant à la somme mensuelle de 7 973,60 € et la SARL JEHRAS à celle de 7 358,84 €.
Selon les clauses du bail, le loyer étant révisable à chaque période triennale, à compter du 1er janvier 2007, il n'a pas subi de révision durant la période du 1er avril 2014 au 20 octobre 2015. Le loyer, augmenté des charges, appelé en 2013 s'élevant à la somme de 7 730,12 €, c'est donc sur la base de ce montant que les sommes dues seront calculées.
La SARL JEHRAS reste redevable des sommes suivantes :
- loyers du 1er avril 2014 au 30 septembre 2015 : 7 730,12€ x 18 mois = ......139 142,16 €
- loyer du 1er au 20 octobre 2015 : 7 730,12 € x 293/365 = ................................6 205,27 €
soit 145 347,43 € x 50% = ................................................................................72 613,72 €
La compensation devra s'opérer entre cette dette locative et le dépôt de garantie et l'indemnité pour perte du fonds de commerce qui sont dus par la SCI [Adresse 1].
Sur les autres demandes :
Les clauses pénales contractuelles prévoyant les pénalités de 10% et de 1,5% par mois et des intérêts au taux de 15% sur les sommes dues, n'ont pas vocation à s'appliquer en cas de résiliation du bail aux torts du bailleur.
La capitalisation des intérêts calculés sur la somme restant due après compensation, s'appliquera conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil.
Il convient de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la SARL JEHRAS à hauteur de 5 000€.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement, à l'exception de ses dispositions ayant condamné la SARL JEHRAS à payer à la SCI [Adresse 1] la somme de 62 053,56 € au titre de l'arriéré de loyers, rejeté la demande en restitution du dépôt de garantie et condamné la SCI [Adresse 1] à payer à la SARL JEHRAS la somme de 170 000 € au titre de dommages et intérêts,
Statuant à nouveau de ces chefs et y ajoutant,
Condamne la SARL JEHRAS à payer à la SCI [Adresse 1] la somme de 72 613,72 euros au titre d'arriéré de loyers restant dû au 20 octobre 2015,
Condamne la SCI [Adresse 1]à restituer à la SARL JEHRAS la somme de 38 718 euros au titre du dépôt de garantie, avec intérêts à un taux égal à celui des avances sur titres de la Banque de France sur la somme de 25 812€ à compter du versement du dépôt de garantie le 20 septembre 2007, et intérêts au taux légal sur la somme de 12 906 euros à compter de la présente décision ;
Condamne la SCI [Adresse 1] à payer à la SARL JEHRAS la somme de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
Ordonne la compensation des sommes dues par la SCI [Adresse 1] et celles dues par la SARL JEHRAS ;
Ordonne la capitalisation des intérêts sur la somme restant due après compensation dans les conditions de l'article 1154 du code civil ;
Condamne la SCI [Adresse 1] à payer à la SARL JEHRAS la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SCI [Adresse 1] aux dépens.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE