Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 1
ARRET DU 24 OCTOBRE 2017
(n° 378 , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 16/15940
Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Juin 2016 -Tribunal de Grande Instance de CRETEIL - RG n° 15/05530
APPELANTS
Monsieur [L] [Y]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Madame [O] [Y]
[Adresse 2]
[Adresse 2] (Italie)
SCI PARIS GRAVELLE
[Adresse 3]
[Adresse 3]
N° SIRET : 404 320 996
SCI PARIS LA BRUYERE
[Adresse 4]
[Adresse 4]
N° SIRET : 408 261 154
SCI PARIS LOMBARDS
[Adresse 5]
[Adresse 5]
N° SIRET : 408 255 685
SCI PARIS LIBERTE
[Adresse 3]
[Adresse 3]
N° SIRET : 408 055 317
Représentés par Me Christophe CANCEL de la SELEURL CANCEL AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : R139
Ayant pour avocat plaidant Me Laurie GRANDJEAN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0108
INTIMEE
Madame [Y] [Y]
Elisant domicile au Cabinet de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES
[Adresse 6]
[Adresse 6]
née le [Date naissance 1] 1953 à [Localité 1]
Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
Ayant pour avocat plaidant Me Emmanuel BOUTTIER de la SCP DEPREZ, GUIGNOT & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0221
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 12 Septembre 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Christian HOURS, Président de chambre
Mme Marie-Claude HERVE, Conseillère
Mme Marie-Sophie RICHARD, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mme Lydie SUEUR
ARRET :
- Contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par M. Christian HOURS, président et par Mme Lydie SUEUR, greffier.
*****
[S] et [E] [Y] ont constitué le 29 février 1996 la SCI PARIS GRAVELLE qui a acquis trois immeubles dont un à [Localité 2].
Cette société a apporté chacun des trois immeubles à trois SCI : PARIS LOMBARDS, PARIS LA BRUYÈRE et PARIS LIBERTÉ en juin suivant et les trois immeubles ont été acquis à l'aide de deux prêts accordés à la SCI GRAVELLE par la BANQUE POUR L'INDUSTRIE FRANÇAISE et deux crédits vendeurs consentis par [S] et [E] [Y]. Le capital social de la SCI mère, soit 21 000 parts, a été réparti en trois parts égales entre [L], [O] et [Y] [Y], leurs enfants.
M. [L] [Y] a été nommé cogérant des SCI avec Mme [Y] [Y] en 2009.
Des conflits sont apparus, notamment en 2012 après le décès de [E] [Y], et Mme [Y][Y] a démissionné de ses fonctions de cogérante lors de l'assemblée générale tenue le 24 mai 2013.
En 2013 son retrait a également été envisagé et un expert a été consulté pour évaluer ses parts sociales. Mme [Y] [Y] a ensuite saisi le tribunal de grande instance de Créteil d'une demande tendant à la confirmation de l'autorisation de retrait qui aurait été donnée lors de l'assemblée générale du 25 octobre 2013 , sollicitant subsidiairement d'être autorisée à se retirer des quatre SCI, ainsi qu'à leur condamnation à lui rembourser ses parts telles qu'évaluées par l'expert.
Les quatre SCI et les deux associés se sont opposés au retrait et par jugement du 21 juin 2016 le tribunal de grande instance de Créteil a :
- constaté que par PV du 25 octobre 2013 l'assemblée générale de la SCI PARIS GRAVELLE avait autorisé le retrait de Mme [Y] [Y] à l'unanimité des autres associés,
- rappelé que l'associé qui se retire a droit au remboursement de la valeur de ses droits sociaux fixée à défaut d'accord conformément à l'article 1843-4 du code civil,
- rejeté le surplus des demandes.
M. [L] et Mme [O] [Y] ainsi que les quatre SCI ont interjeté appel de cette décision le 21 juillet 2016.
Dans leurs conclusions notifiées le 3 juillet 2017 les appelants demandent à la cour de :
- infirmer le jugement en toutes ses dispositions et dire et juger que le retrait de [Y] [Y] n'a pas été autorisé ainsi qu'en attestent les PV du 25 octobre 2013 et du 7 mai 2015,
- dire et juger que [Y] [Y] ne dispose pas de justes motifs au sens de l'article 1869 du code civil pour être autorisée judiciairement à se retirer des quatre SCI,
- dire et juger que sa demande de provision à valoir sur la valeur de remboursement de ses parts sociales qui est une demande nouvelle ne saurait être accueillie et que Mme [Y] [Y] ne verse aucune pièce de nature à justifier le quantum de la provision réclamée,
- déclarer une telle demande irrecevable et à tout le moins l'en débouter,
-condamner Mme [Y][Y] à leur verser la somme de 15 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Dans ses conclusions notifiées le 17 août 2017 Mme [Y] [Y] demande à la cour de :
à titre principal :
- confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Créteil du 21 juin 2016 ;
- dire et juger que lors de l'assemblée générale de la SCI PARIS GRAVELLE du 25 octobre 2013, M. [L] [Y] et Mme [O] [Y] ont autorisé le retrait de Mme [Y] [Y] de la SCI PARIS GRAVELLE ;
- dire et juger que Mme [Y] [Y] a de justes motifs pour être autorisée à se retirer de la SCI PARIS GRAVELLE, la SCI PARIS LOMBARDS, la SCI PARIS LA BRUYÈRE et la SCI PARIS LIBERTÉ.
En conséquence :
- dire et juger que le retrait de Mme [Y] [Y] s'effectuera conformément à l'article 1869 du code civil ;
- condamner la SCI PARIS GRAVELLE, la SCI PARIS LOMBARDS, la SCI PARIS LA BRUYÈRE, la SCI PARIS LIBERTÉ à rembourser à Mme [Y] [Y], la valeur de, respectivement :
* ses parts sociales numérotées de 7.001 à 14.000 dans la SCI PARIS GRAVELLE ;
* sa part numérotée 60.004 dans la SCI PARIS LOMBARDS ;
* sa part numérotée 80.004 dans la SCI PARIS LA BRUYÈRE ;
* sa part numérotée 120.004 dans la SCI PARIS LIBERTÉ ;
dont le prix sera fixé, à défaut d'accord préalable entre les parties par l'expert judiciaire désigné par le président du tribunal de grande instance par son ordonnance en la forme des référés du 6 septembre 2016 et l'ordonnance de référé du 3 novembre 2016 ;
- déclarer recevable Mme [Y] [Y] en sa demande de provision, au vu de la survenance de nouveaux faits en cours de procédure, en particulier de l'expertise judiciaire de Messieurs [F] et [T],
- condamner in solidum la SCI PARIS GRAVELLE, la SCI PARIS LOMBARDS, la SCIPARIS LA BRUYERE, la SCI PARIS LIBERTÉ à verser à Mme [Y] [Y] la somme de deux millions d'euros à titre de provision sur la valeur de ses parts sociales dans l'attente du rapport de l'expert judiciaire ;
- condamner solidairement M.[L] [Y] et Mme [O] [Y] à payer à Mme [Y] [Y] la somme de 30.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de la SELARL LEXAVOUÉ PARIS-VERSAILLES, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION :
Les dispositions de l'article 1869 du code civil permettent le retrait d'un associé dans les conditions prévues aux statuts ou à défaut par une décision unanime des autres associés. Le retrait peut également être autorisé par décision de justice pour justes motifs, la valeur des droits rachetés étant déterminée à défaut d'accord amiable conformément à l'article 1843-4 du même code par un expert désigné par les parties ou par ordonnance du président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés.
- Sur la résolution adoptée lors de l'assemblée générale du 25 octobre 2013 :
Les appelants soutiennent que c'est à tort que le tribunal a jugé que le retrait de Mme [Y] [Y] avait été autorisé lors de cette assemblée générale alors qu'il résulte du procès-verbal d'assemblée générale dénaturé par le tribunal que l'autorisation de retrait était conditionnée à l'accord de Mme [Y] [Y] pour que ses parts soient remboursées sur la base de leur valeur déclarée par elle au titre de l'ISF en 2013 et que cette condition suspensive n'a pas été remplie comme le confirment notamment la lettre du conseil de Mme [Y] [Y] en date du 19 novembre 2013 et l'attitude de cette dernière qui a engagé vainement une procédure en référé aux fins de retrait judiciaire puis obtenu le 6 septembre 2016 la désignation d'un expert aux fins de voir fixer la valeur de ses parts sociales.
Mme [Y] [Y] fait valoir que le principe de son retrait a été accepté; que seules les modalités de ce dernier demeuraient en suspens et qu'elle ne pouvait accepter la valeur déclarée par elle au titre de l'ISF sur la base des données comptables de la SCI PARIS GRAVELLE, soit 3 963 674 € en raison de la minoration volontaire effectuée par M [L] [Y] alors que l'expert judiciaire a évalué à plus de 14,6M d'euros les actifs immobiliers de cette SCI.
Lors de l'assemblée générale du 25 octobre 2013 le retrait de Mme [Y] [Y] de la SCI Gravelle n'a pas été voté puisque le procès-verbal d'assemblée mentionne que la première résolution relative à l'autorisation du 'principe de son retrait, sous réserve des conditions suspensives évoquées ci-dessus... n'est pas approuvée car elle nécessitait l'approbation de l'unanimité des associés. Nombre de voix pour: 14 000. Nombre de voix contre: 7 000.'
Le procès-verbal relate plus haut les circonstances de ce vote et indique qu'il n'a pas été retourné signé par Mme [Y] [Y] mais commenté par son avocate présente lors de l'assemblée générale et précise que : 'ses commentaires semblent indiquer qu'elle refuse d'approuver cette décision au nom de Mme [Y] [Y].'
Dès lors c'est à tort que le tribunal a jugé que le retrait de Mme [Y] [Y] avait été voté à l'unanimité des autres associés lors de l'assemblée générale de la SCI GRAVELLE du 25 octobre 2013.
- Sur le retrait pour justes motifs des quatre SCI:
Les appelants font valoir qu'il n'existe pas de justes motifs au retrait de Mme [Y] [Y] motivé uniquement par un différend familial qui dépasse le cadre des SCI dont le bon fonctionnement n'est nullement entravé notamment par son gérant M. [L] [Y] et que l'intimée n'est pas en mesure d'établir l'existence d'une gestion occulte ou d'une rupture d'égalité entre les associés ou encore d'une perte de confiance alors que la transparence des comptes et le versement de dividendes ne peuvent être remis en cause.
Mme [Y] [Y] soutient qu'il existe de graves conflits au sein des SCI depuis 1999; que les fautes de gestion de M. [L] [Y] l'ont contrainte, dans l'impossibilité de pouvoir exercer sa cogérance, à présenter sa démission en 2013 puis à demander son retrait en raison notamment du refus de son frère de lui communiquer les comptes et de son attitude menaçante qui l'a conduite à déposer une plainte pénale pour violences physiques.
Elle fait valoir, outre la perte de tout affectio societatis en raison des conflits entre associés et la perte de confiance envers le gérant des SCI, une rupture d'égalité entre les associés compte tenu des avantages attribués au gérant et de la charge fiscale pour Madame [Y] [Y], supérieure au montant des dividendes perçus sur l'exercice 2016, ainsi que le risque de poursuites de l'administration fiscale au titre des 'habillages' comptables.
La mésentente familiale ne peut constituer un juste motif de retrait d'un associé que si cette mésentente constitue un obstacle au bon fonctionnement de la SCI ou caractérise un abus de majorité.
En l'espèce le conflit familial, perdurant selon elle depuis 1999, qui oppose Mme [Y] [Y] à ses frère et soeur, notamment dans le cadre de la succession de leur mère et la mise sous tutelle de leur père, n'affecte pas le fonctionnement des quatre SCI pourvues de leurs organes dirigeants et qui tiennent des assemblées générales annuelles où sont examinés les comptes présentés par le gérant et où les décisions sont prises soit à l'unanimité, soit à la majorité, sans qu'il soit démontré par Mme [Y] [Y], qui y participait ou s'y faisait représenter jusqu'en 2016, qu'elles sont contraires à l'intérêt des SCI.
En effet, l'interdiction par son frère de se présenter au sein des établissements [Y] en 1999 ne démontre aucunement l'absence d'information relative à la gestion des SCI , ensuite son retrait n'a été inscrit à l'ordre du jour qu'en 2013 et uniquement pour la SCI PARIS GRAVELLE, enfin, la plainte pénale sans constitution de partie civile dont elle fait état porte sur des faits qui se seraient produits le 16 novembre 2013, soit postérieurement à l'assemblée générale du 25 octobre 2013, et que M. [L] [Y], qui a également porté plainte le 18 novembre 2013, conteste.
Mme [Y] [Y] ne démontre pas davantage l'impossibilité d'exercer les fonctions de cogérante dont elle a démissionné, le caractère opaque ou fautif de la gestion à titre gratuit de son frère alors qu'elle a eu accès aux comptes des SCI depuis au moins 2011 ainsi qu'aux factures relatives aux interventions des établissements [Y], gérés par son frère, au sein des immeubles des SCI qui démontrent qu'il s'agit de prestations effectives pour les cinq derniers exercices, notamment au titre d'un contrat de prestations administratives renouvelé annuellement lors des assemblées générales, et il sera rappelé qu'elle a approuvé les assemblées générales du 29 novembre 2012 et du 24 mai 2013 portant sur les comptes des exercices 2011et 2012.
En ce qui concerne le non versement de dividendes plus conséquents, Mme [Y] [Y] ne démontre pas en quoi cette décision serait contraire aux intérêts des SCI, ni surtout la rupture d'égalité entre associés qui en résulterait dès lors qu'elle n'établit, ni ne soutient, un versement différent de dividendes selon les associés, ni que sa soeur serait associée au sein des établissements [Y] dirigés par son frère qu'elle allègue bénéficier directement des travaux décidés à l'initiative de ce dernier et réalisés au sein des immeubles des SCI alors qu'il conviendrait selon elle de verser aux associés des dividendes plus importants.
En outre le faible montant des dividendes versés au regard des loyers perçus par les SCI ne caractérise ni une mauvaise gestion, ni une atteinte au bon fonctionnement des SCI, ni même un abus de majorité dès lors que Mme [O] [Y] se trouve dans la même situation que sa soeur et que selon cette dernière M. [L] [Y] ,qui n'est pas majoritaire au sein des SCI, serait seul intéressé à de telles décisions, étant remarqué que, contrairement à ce que soutient Mme [Y] [Y], les dividendes versés ont régulièrement augmenté à l'exception de l'année 2016 postérieure de trois ans à la demande de retrait et qu'il y a lieu de rappeler l'importance des charges d'exploitation des trois immeubles.
Et si la gestion de M. [L] [Y] faisait courir des risques de poursuite de l'administration fiscale à l'encontre des SCI dès 2009 comme elle le soutient, Mme [Y] [Y] a attendu 2013 pour faire inscrire son retrait à l'ordre du jour de l'assemblée générale de la SCI PARIS GRAVELLE alors qu'elle connaissait la situation qu'elle dénonce depuis le 10 juillet 2009.
En conséquence il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de retrait pour justes motifs présentée par Mme [Y] [Y] et par suite à celle relative à l'octroi d'une provision à valoir sur l'évaluation de ses parts, étant remarqué que, contrairement à ce qu'elle soutient, l'expertise judiciaire en cours ne s'oriente pas, au vu de la note de synthèse versée aux débats, vers une évaluation significativement supérieure à celle effectuée à sa demande.
En application de l'article 700 du code de procédure civile il sera alloué la somme de
1 000 € à chacun des appelants et Mme [Y] [Y] qui succombe sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
Infirme le jugement déféré en date du 21 juin 2016 en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
- Déboute Mme [Y] [Y] de l'ensemble de ses demandes relatives à son retrait des SCI PARIS GRAVELLE, PARIS LOMBARDS, PARIS LA BRUYERE et PARIS LIBERTÉ ;
- Condamne Mme [Y] [Y] à payer à M. [L] [Y], à Mme [O] [Y] ainsi qu'aux SCI PARIS GRAVELLE, PARIS LOMBARDS, PARIS LA BRUYERE et PARIS LIBERTÉ à chacun la somme de 1 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamne Mme [Y] [Y] aux entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER,LE PRESIDENT,