RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 11
ARRÊT DU 27 Octobre 2017
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/10761
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 Octobre 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section RG n° F 12/12052
APPELANTES
Madame [P] [S]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
née le [Date naissance 1] 1977 à [Localité 1] - ALGERIE -
représentée par Me Zoran ILIC, avocat au barreau de PARIS, toque : K0137
Syndicat SYNDICAT NATIONAL DES JOURNALISTES (S.N.J.)
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Zoran ILIC, avocat au barreau de PARIS, toque : K0137
INTIMEE
SASU GROUPE FIGARO
[Adresse 3]
[Adresse 3]
N° SIRET : B 4 01 328 91919
représentée par Me Catherine HARNAY, avocat au barreau de PARIS, toque : T11, Me Jocelyne CLERC KACZMAREK, avocat au barreau de PARIS, toque : T11
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 29 Juin 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Marie-Luce CAVROIS, Présidente de chambre
Mme Jacqueline LESBROS, Conseillère
M. Christophe BACONNIER, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier : Mme Aurélie VARGAS, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Monsieur Christophe BACONNIER en remplacement de Madame Marie-Luce CAVROIS, Présidente empêchée et par Madame Aurélie VARGAS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire
FAITS, PROCEDURE ET DEMANDES DES PARTIES
Mme [P] [S] a collaboré avec la société EVENE dans le cadre de sept contrats de commande d'une 'uvre contribution à un programme multimédia (diffusion en ligne) répartis entre le 07 août 2006 et le 31 août 2008 avec une rupture d'activité de trois mois du 1er janvier 2008 au 28 mars 2008.
Dans le cadre de ces contrats, Mme [P] [S] était rémunérée non pas en salaire mais en droits d'auteur.
Mme [P] [S] rédigeait des articles liés à l'actualité culturelle.
A partir du 31 août 2008, Mme [P] [S] a vu ces contrats de commande ne plus être renouvelés.
Toutefois, le 22 août 2008, Mme [P] [S] signait un contrat à durée indéterminée en au sein de la société EVENE, en tant que responsable éditorial. Cependant, le 31 janvier 2010 elle signait une rupture conventionnelle de son contrat à durée indéterminée.
Mme [P] [S] a saisi le 1er mars 2011, le conseil de prud'hommes de Paris, de même que 38 autres collaborateurs d'EVENE afin de voir requalifier ses relations contractuelles de prestataires de service en une relation de travail salariée ; d'autre part, de voir reconnaître sa qualité de journaliste professionnelle ; enfin, contester la cause réelle et sérieuse de son licenciement.
Par un jugement prononcé le 4 octobre 2013, le conseil de prud'hommes de Paris, réuni en sa section encadrement, a débouté Mme [P] [S] de toutes ses demandes.
Mme [P] [S] a interjeté appel de ce jugement.
Mme [P] [S] demande à la Cour :
'LA DIRE ET JUGER recevable et bien fondée en son appel
INFIRMER le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Paris
REQUALIFIER la relation contractuelle de prestataires de services unissant Mme [P] [S] à la société du FIGARO SAS (qui vient aux droits de la société EVENE SAS) en un contrat à durée indéterminée à temps plein ;
DIRE ET JUGER que Mme [P] [S] a la qualité de journaliste professionnelle
;
DIRE ET JUGER que la rupture des relations contractuelles doit s'analyser en un licenciement abusif
EN CONSEQUENCE,
Il est demandé à la Cour d'Appel de Paris de condamner la société du FIGARO SAS (qui vient aux droits de la société EVENE SAS) au paiement des sommes suivantes :
A TITRE PRINCIPAL,
en tenant compte de la qualité de journaliste de Madame [P] [S] et de la CCN des Journalistes :
CONDAMNER la société du FIGARO SAS à verser à Madame [P] [S] les sommes suivantes :
Au titre des rappels de salaire : 2.595,32 €
Au titre des congés payés y afférents : 259,53 €
Au titre de la prime de 13ème mois : 237,90 €
Dommages et intérêts au titre de l'article L 8223-1 du Code du travail : 11.478 €
A TITRE SUBSIDIAIRE,
en tenant compte de la convention collective SYNTEC
CONDAMNER la société du FIGARO SAS à verser à Madame [P] [S] les sommes suivantes :
Au titre des rappels de salaire : 20.716 €
Au titre des congés payés y afférents : 2.071,60 €
Dommages et intérêts au titre de l'article L 8223-1 du Code du travail : 11.748 €
ORDONNER à la société du FIGARO SAS (venant aux droits de la société EVENE) de procéder au règlement ainsi qu'à la régularisation de l'ensemble des cotisations sociales et des cotisations retraites au bénéficie de chacun des salariés conformément à la qualification professionnelle retenue par l'arrêt à intervenir sous astreinte de de 300 euros par jour de retard que la Cour se réserve de liquider ;
ORDONNER à la société du FIGARO SAS (venant aux droits de la société EVENE) de procéder à la rectification des bulletins de salaire et de l'attestation Pôle Emploi conformément à la qualification professionnelle retenue par le jugement à intervenir sous astreinte de de 300 euros par jour de retard que la Cour se réserve de liquider ;
ORDONNER la capitalisation des intérêts sur le fondement de l'article 1154 du Code Civil ;
DIRE ET JUGER que les dommages et intérêts pour licenciement abusif, pour non-respect de la procédure de licenciement et les dommages et intérêts pour travail dissimulé seront accordés en nets de CSG/CRDS et de toute cotisations sociales
CONDAMNER la société du FIGARO SAS (venant aux droits de la société EVENE) au paiement de la somme de 1.500 € à chacun des salariés au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
LES CONDAMNER aux éventuels dépens. »
LE GROUPE FIGARO s'oppose à toutes ces demandes et demande à la Cour :
« CONFIRMER la décision rendue le 4 octobre 2013 par le Conseil de prud'hommes de Paris
Par conséquent
DÉBOUTER Mme [P] [S] et le syndicat national des journalistes de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions à l'encontre de la Société du Figaro venant aux droits de la société EVENE. »
MOTIFS
Sur la requalification du contrat en contrat de travail
En l'absence d'écrit, le contrat de travail doit être prouvé par la partie qui entend s'en prévaloir.
L'existence d'un contrat de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination de leur convention, mais des conditions dans lesquelles la prestation de travail s'est exécutée.
Un contrat de travail suppose la réunion d'une prestation de travail, d'un lien de subordination et d'une rémunération.
Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pourvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
L'existence d'une prestation de travail et d'une rémunération n'est pas contestable en l'espèce, l'appelante versant aux débats dans son dossier, d'une part, la preuve des travaux qu'elle a réalisés et, d'autre part, la preuve qu'elle a été rémunérée pour ces travaux.
Sur l'existence d'un lien de subordination, l'appelante soutient que l'organisation du travail mise en place par la société EVENE caractérisait à l'évidence une situation dans laquelle il était dans un lien de subordination. En témoignent, selon elle, les réunions mensuelles décidées et organisées par la rédaction qui avaient un caractère obligatoire, l'attribution au cours de ces réunions de missions, la fixation de délais et d'une date de rendu imposée par la rédaction d'EVENE et les corrections et directives adressées à l'appelant par ses supérieurs hiérarchiques.
Le GROUPE LE FIGARO soutient que Mme [P] [S] a fourni des critiques, selon des contrats de « commande d'une 'uvre contribution à un programme multimédia» et que ses rémunérations n'ont dépendu que de la remise de ses notices.
LE GROUPE LE FIGARO ajoute que l'appelante travaillait à son domicile avec son propre matériel, bénéficiait d'une très large autonomie dans l'organisation de son activité sans aucun horaire de travail, n'avait aucune obligation de consacrer la totalité de son activité professionnelle à la société EVENE qui ne lui imposait aucun emploi du temps, aucun compte rendu ni aucune instruction ou aucun objectif dans la réalisation de leur mission.
En l'espèce, la cour que l'appelante ne justifie d'aucune contrainte particulière ; en effet, elle ne produit aucun élément permettant de montrer qu'elle aurait subi des contraintes dans ses jours de congés ni qu'elle aurait été soumise à des directives impératives dans l'exercice de son travail ;
Par conséquent, il y a lieu de constater que l'appelante ne rapporte pas la preuve d'un lien de subordination et de confirmer le jugement de première instance.
De même convient-il de rejeter toutes les demandes relatives à l'exécution et à la rupture d'un contrat de travail ou aux allégations de travail dissimulé.
Sur le statut de journaliste
L'article L7111-3 du Code du travail dispose que « Est journaliste professionnel toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l'exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources. »
La loi pose notamment le principe selon lequel toute personne qui entend se prévaloir du statut de journaliste doit prouver qu'elle tire de l'exercice de cette profession le principal de ses ressources.
Mme [P] [S] ne produit ni avis d'imposition, ni attestation Pôle Emploi/CAF, ne justifie pas de la part que représentaient les revenus tirés de sa collaboration avec le groupe EVENE dans l'ensemble de ses ressources.
Par conséquent, et sans qu'il ne soit nécessaire de statuer sur les autres critères, la Cour déboute Mme [P] [S] de sa demande tendant à bénéficier du statut de journaliste.
Sur la recevabilité de l'intervention à l'instance du SNJ
La Cour ayant refusé d'accorder à l'appelant le bénéfice du statut de journaliste, le Syndicat National des Journalistes n'a pas qualité à agir en défense de l'intérêt collectif de la profession de journaliste.
La Cour juge irrecevable l'intervention volontaire à l'instance du Syndicat National des Journalistes et confirme le jugement qui a débouté le syndicat de ses demandes.
Sur l'article 700 et les dépens
Eu égard aux circonstances de l'espèce, aux situations respectives des parties et à l'équité, il convient de prévoir que chaque partie conserve à sa charge les frais irrépétibles exposés par elle et ses propres dépens.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Confirme le jugement prononcé le 4 octobre 2013 par le conseil des prud'hommes de Paris ;
Rejette toutes les demandes de Mme [P] [S] à se voir reconnaître le statut de salariée ou de journaliste ;
Rejette toute autre demande ;
Dit que chaque partie conservera à sa charge les éventuels dépens exposés par elle.
LE GREFFIERP/LE PRESIDENT EMPECHE