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03/11/2017 | FRANCE | N°14/07208

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 03 novembre 2017, 14/07208


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRÊT DU 03 Novembre 2017

(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/07208



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 29 Avril 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY section RG n° 12/03139





APPELANT

Monsieur [N] [K]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

né le [Date naissance 1] 1952 à [Localité 1]



repré

senté par Me Philippe MAGNOL, avocat au barreau de PARIS, toque : C 1573





INTIMEE

SA AIR FRANCE

[Adresse 2]

[Adresse 2]



représentée par Me Aurélien BOULANGER, avocat au barreau ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRÊT DU 03 Novembre 2017

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/07208

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 29 Avril 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY section RG n° 12/03139

APPELANT

Monsieur [N] [K]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

né le [Date naissance 1] 1952 à [Localité 1]

représenté par Me Philippe MAGNOL, avocat au barreau de PARIS, toque : C 1573

INTIMEE

SA AIR FRANCE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Aurélien BOULANGER, avocat au barreau de PARIS, toque : T03

PARTIE INTERVENANTE :

POLE EMPLOI

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représenté par Me Véronique DAGONET, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 3

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 15 Juin 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Marie-Luce CAVROIS, Présidente de chambre

Madame Valérie AMAND, Conseillère

Mme Jacqueline LESBROS, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Aurélie VARGAS, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Valérie AMAND en remplacement de Madame Marie-Luce CAVROIS, Présidente et par Madame Aurélie VARGAS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire

FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES

Par jugement du 29 avril 2014, le conseil de prud'hommes de Bobigny a condamné la société AIR FRANCE SA à payer à M. [N] [K] 60.000 € à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse et 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ; a débouté les parties du surplus de leurs demandes et a condamné la SA AIR FRANCE aux éventuels dépens.

Ce jugement a été notifié le 16 juin 2014 et M. [K] a formé appel le 24 juin 2014.

L'affaire est venue au fond devant la cour à l'audience du 15 juin 2017.

Lors de cette audience Pôle emploi est intervenu volontairement.

A cette date les conseils des parties ont soutenu oralement leurs écritures qui ont été visées par le greffier de l'audience et auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé de leur moyens et prétentions.

Le conseil de M. [N] [K] demande à la cour de

DIRE RECEVABLE et bien fondé Monsieur [N] [K] en son appel.

DIRE RECEVABLE et bien fondé Monsieur [N] [K] en toutes ses demandes et y faire droit.

CONSTATER que l'appelant a sollicité auprès de la SA AIR FRANCE la production des pièces suivantes :

-  le registre d'entrée et de sortie du personnel de la SA AIR FRANCE.

-  le registre d'entrée et de sortie du personnel de la SA AIR FRANCE de l'ensemble des sociétés du groupe à compter du 1er mai 2006.

-  la totalité des postes proposés au sol sur le site intranet de l'entreprise ou sur tout autre support depuis le 1er mai 2006.

-  tous documents et notamment les documents sociaux de l'entreprise concernant le flux sortant du personnel navigant commercial et le nombre de personnes navigants reclassés au sol depuis 2006.

-  les bilans sociaux de 2006 à 2008.

CONSTATER la carence de la SA AIR FRANCE à produire lesdites pièces et en tirer toutes conséquences de droit

En tout état de cause,

FIXER la moyenne des 12 derniers mois de salaires à la somme de 4.610,49 €.

A TITRE PRINCIPAL

INFIRMER le jugement en ce qu'il a débouté Monsieur [K] du surplus de ses demandes et, statuant à nouveau,

REQUALIFIER la rupture en licenciement pour discrimination liée à l'âge et la nullité de la rupture sur les fondements des articles L.1132-1 et L.1134-1 du Code du Travail.

CONDAMNER la Société AIR FRANCE à payer à Monsieur [N] [K] les sommes suivantes :

- 300.000,00 € à titre d'indemnité pour licenciement fondé sur une discrimination liée à l'âge et nullité de la rupture sur les fondements des articles L.1132-1 et L.1134-1 du Code du Travail.

- 9.221,00 € à titre d'indemnité de préavis,
- 922,10 € au titre des congés payés sur préavis, ces deux sommes portant intérêts au taux légal à compter du 11 septembre 2012.
- 94.515,00 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement et à titre principal.

- 36.377,48 € à titre de rappel d'indemnité de licenciement, et à titre subsidiaire,

- 4.610,49 € à titre de dommages-intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement.

- 90.000 € à titre de dommages-intérêts pour préjudice subi en raison des manques à gagner tant de la retraite CNAV que des retraites complémentaires AGIRC et ARRCO .

DIRE que la somme qui sera allouée au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement portera intérêts au taux légal à compter du 11 septembre 2012.

A TITRE SUBSIDIAIRE

INFIRMER le jugement en ce qu'il a débouté Monsieur [K] du surplus de ses demandes et, statuant à nouveau,
CONFIRMER la requalification de la rupture de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

CONFIRMER la condamnation de la SA AIR FRANCE à payer à Monsieur [N] [K] la somme de 60.000 € à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

A ajoutant,
CONDAMNER la SA AIR FRANCE à payer à Monsieur [N] [K] la somme de 340.000 € (sic) à titre de complément d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

CONDAMNER la SA AIR FRANCE à payer à Monsieur [N] [K] les sommes suivantes : - 9.221,00 € à titre d'indemnité de préavis,
- 922,10 € au titre des congés payés sur préavis, ces deux sommes portant intérêts au taux légal à compter du 11 septembre 2012.

- 94.515,00 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement et à titre principal.
- 36.377,48 € à titre de rappel d'indemnité de licenciement, et à titre subsidiaire,
- 4.610,49 € à titre de dommages-intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement.
- 90000 € à titre de dommages-intérêts pour préjudice subi en raison des manques à gagner tant de la retraite CNAV que des retraites complémentaires AGIRC et ARRCO.

DIRE que la somme qui sera allouée au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement portera intérêts au taux légal à compter du 11 septembre 2012.

EN TOUT ETAT DE CAUSE

CONFIRMER le jugement déféré en ce qu'il a condamné la Société AIR FRANCE à verser à Monsieur [N] [K] la somme de 500 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile et, statuant à nouveau, CONDAMNER la SA AIR FRANCE à payer à Monsieur [N] [K] 3.000 €, en cause d'appel, au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

ORDONNER la capitalisation des intérêts légaux en application des dispositions de l'article 1154 du Code Civil.

CONDAMNER la SA AIR FRANCE aux dépens (dont 35 € de frais de procédure) et frais d'exécution éventuels.

La société AIR France s'oppose à ces demandes, elle demande à la cour de :

Dire et juger que la société Air France a régulièrement appliqué les dispositions du code de l'aviation civile relatives à la cessation d'activité en raison de l'âge ;

En conséquence :

- Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté Monsieur [K] du surplus de ses demandes ;

Et statuant à nouveau :

-  Débouter Monsieur [K] de ses demandes, fins et conclusions ;

-  Condamner Monsieur [K] au paiement d'une indemnité de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

-  Condamner Monsieur [K] aux entiers dépens.

Pôle emploi demande à la cour de :

Au visa de l'article L.1235-4 du code du travail,

Confirmer le jugement en ce qu'il qualifie le licenciement de dépourvu de cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

'condamner la société à lui verser la somme de 10.386,74 € en remboursement des allocations chômage versées au salarié,

'condamner la société à lui verser la somme de 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile

'condamner la société aux entiers dépens.

Rappel des faits et positions des parties :

M. [N] [K] a signé le 16 janvier 1978 un contrat de travail en qualité de steward, poste qu'il a occupé jusqu'au 31 octobre 1998 pour devenir à compter du 1er novembre 1998, chef de cabine.

Le 13 juillet 2006, il recevait un courrier de son employeur l'informant qu'atteignant l'âge de 55 ans, il devait se présenter le 12 septembre 2006 à un entretien au cours duquel son reclassement serait envisagé ;

M. [K] a complété le questionnaire relatif à son reclassement.

Mais par lettre du 27 novembre 2006, il était licencié, la société Air France rappelant les termes des articles L.421-9 et suivants et D.421-10 du code de l'aviation civile imposant la rupture du contrat de travail à tout le personnel de cabine et spécifiant que les recherches de reclassement sur un poste au sein de l'entreprise ainsi qu'au sein du groupe AIR France s'étaient révélées vaines (pièce 3).

M. [K] a eu 55 ans le 28 janvier 2007.

M. [K] soutient que son licenciement est discriminatoire à raison de son âge et qu'il est donc nul.

Il fait valoir d'abord que les articles L.421-9 et D421-10 du code de l'aviation civile, tels qu'applicables à l'époque des faits n'étaient pas compatibles avec les dispositions de l'article 6§1 de la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000.

Il ajoute que la société n'a pas non plus respecté la loi en ce que l'article L.421-9 du code de l'aviation civile prévoyait que la société devait rechercher un autre emploi au personnel naviguant, ce qu'elle ne démontre pas avoir fait et qu'il en résulte que la rupture du contrat de travail des PNC est uniquement fondée sur l'âge.

Il souligne qu'il appartenait à Air France d'apporter la preuve :

'que le traitement fondé sur l'âge repose sur des causes objectivement et raisonnablement justifiées,

'répond à un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l'emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle,

'et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires.

Il rappelle qu'aux termes de l'article L.1133-2 du code du travail une discrimination liée à l'âge peut être justifiée dans un but légitime de préserver la santé ou la sécurité des travailleurs, de favoriser leur insertion professionnelle, d'assurer leur emploi, leur reclassement ou leur indemnisation en cas de perte d'emploi ; mais qu'il appartient à la société de justifier l'aptitude des mesures prise à atteindre l'objectif légitime et que cette mesure doit viser des objectifs d'intérêt général et non les intérêts propres de l'entreprise.

Air France s'oppose à l'ensemble de ces moyens faisant valoir que la rupture du contrat de travail a été prononcée en application de l'article L.421-9 du code de l'aviation civile et qu'elle ne constitue pas un licenciement discriminatoire ; la société souligne que les articles L.421-9 et D.421-10 du code de l'aviation civile interdisent les fonctions de navigant commercial après 55 ans, qu'il s'agit d'une interdiction majeure qui est administrativement et pénalement sanctionnée à laquelle Air France ne pouvait déroger ; que cette interdiction est fondée sur des motifs objectifs et poursuit un objectif légitime tenant à la sécurité des voyageurs et des personnels et un moyen approprié de favoriser l'accès des plus jeunes générations à l'emploi ; Air France rappelle que le Conseil d'Etat a jugé, par arrêt du 25 avril 2006, que cette limite d'âge répond à un objectif légitime de bon fonctionnement de la navigation aérienne et de protection des travailleurs, est proportionnée à l'objectif poursuivi.

Air France souligne que cette limite d'âge était réclamée par les syndicats de PNC en raison de la pénibilité du métier et que l'adéquation de la limité d'âge à l'objectif de sécurité a été reconnue tant par le ministère du transport que par le Conseil d'Etat.

Air France ajoute que la rupture est intervenue sur le fondement de l'article L.421-9 du code de l'aviation civile et qu'une telle rupture ne saurait être assimilée à un licenciement ; que même dans l'hypothèse où l'obligation de reclassement n'aurait pas été satisfaite, cela ne saurait suffire à rendre nulle la rupture alors qu'aucun texte ne le prévoit ;

Air France soutient avoir respecté les obligations mise à sa charge par l'article L.421-9 du CAC ; l'obligation de reclassement est une obligation de moyens et cette obligation de reclassement visée par cet article ne s'entend pas de l'obligation de proposer tout poste disponible dans l'entreprise mais de proposer s'ils existent des postes adaptés aux compétences des intéressés. Air France rappelle que les démarches effectuées pour reclasser M. [K] se sont révélées infructueuses (ses pièces 4 et 5) et qu'il n'existait pas de poste correspondant aux qualifications et compétences de M. [K].

Air France estime avoir suffisamment démontré avoir loyalement exécuté l'obligation de reclassement lui incombant.

Subsidiairement sur le quantum des demandes, Air France indique que le salaire de M. [K] n'était pas de 4.610,49 comme il l'indique mais de 4.585,86 € ; que les demandes formées sont exorbitantes en ce qu'elles représentent plus de 13 ans de salaire

MOTIFS

Sur la demande de communication de pièces

Le salarié demande à la cour de constater qu'Air France n'a pas produit différentes pièces relatives essentiellement aux embauches intervenues peu avant et après la rupture de son contrat dans le groupe Air France et de son côté la société rétorque qu'elle n'avait pas à les produire.

La cour constate donc que les pièces sollicitées ne sont pas versées dans le cadre de la procédure mais dit n'y avoir lieu à porter ce constat au dispositif de l'arrêt, un tel constat n'étant pas à lui seul créateur de droits.

Sur la discrimination alléguée et la nullité du licenciement :

L'article L.421-9 du code de l'aviation civile (modifié par la loi 2003-322 du 9 avril 2003), tel qu'applicable au moment de la rupture de la relation de travail entre Air France et M. [K] dispose que :

« Le personnel navigant de l'aéronautique civile de la section A du registre prévu à l'article L.421-2 ne peut exercer aucune activité en qualité de pilote ou de copilote dans le transport aérien public au-delà de l'âge de 60 ans.

Le personnel navigant de l'aéronautique civile de la section D du registre prévu au même article ne peut exercer aucune activité en qualité de personnel de cabine dans le transport aérien public au-delà de l'âge fixé par décret. Toutefois le contrat de travail du navigant n'est pas rompu du seul fait que cette limite d'âge est atteinte, sauf impossibilité pour l'entreprise de proposer un reclassement dans un emploi au sol ou refus de l'intéressé d'accepter l'emploi qui lui est offert. » Et en application de ce texte, le décret fixe à 55 ans l'âge au-delà duquel le personnel de l'aéronautique civile inscrit à la section D du registre prévu à l'article L. 421-3 ne peut, en application de l'article L.421-9, exercer aucune activité de personnel de cabine dans le transport aérien public.

Il résulte de ces textes que le contrat de travail n'est pas rompu du seul fait de l'atteinte de la limite d'âge mais à raison de cette limite combinée avec l'impossibilité de reclasser le salarié sur un poste au sol ou avec son refus d'accepter un emploi qui lui est offert.

En l'espèce, il n'est pas discuté qu'aucun poste a été offert au salarié ni que celui-ci ait refusé une proposition, de sorte que pour pouvoir rompre légitiment le contrat de travail Air France doit démontrer son impossibilité de reclasser le salarié dans un emploi au sol. Mais faute par elle de faire cette démonstration, le seul motif de la rupture demeure l'âge ce qui est discriminatoire.

Or la cour ne peut que constater que la société Air France ne fait nullement la démonstration de son impossibilité à reclasser M. [K].

A cet égard le fait de citer une étude indiquant que les PNC partent en retraite en moyenne à 54 ans ne dit rien de la situation ni des intentions du salarié concerné.

De même, la société affirme-t-elle vainement qu'elle n'avait pas à rechercher un emploi au sol dans des compagnies telles que Cityjet, Cityhopper, Martinair, Kenya Airlines qui ont leurs sièges sociaux à l'étranger, alors qu'elle ne justifie pas d'un refus du salarié de quitter le territoire national ;

Air France qui soutient n'être soumise qu'à une obligation de moyens, ne saurait être considérée comme ayant satisfait à l'obligation de reclassement en interne telle que prévue par l'article L. 421-9 du code de l'aviation civile en produisant un courrier de son service des ressources humaines (sa pièce 5) qui indique que malgré les recherches de postes disponibles au sein de l'entreprise et du groupe il est impossible de proposer un poste conforme à la formation, aux compétences et à l'expérience professionnelle du salarié, alors que la société ne justifie pas que son service mobilité ait pris contact avec le salarié et ne produit pas la liste des postes au sol disponibles au moment de la rupture ni la liste des embauches auxquelles elle a procédé. A cet égard, la cour observe que la société Air France ne dément pas la lecture des bilans sociaux faite par la partie appelante dont il résulte que la société a, sur la période considérée de 2006 à 2008, procédé à des recrutements au sol massifs et qu'elle ne peut se contenter d'affirmer qu'il n'y avait aucun poste correspondant aux compétences du salarié.

Il résulte de ces éléments qu'Air France ne démontre pas son impossibilité de reclasser le salarié dans un emploi au sol et n'a donc pas respecté l'article L. 421-9 du code de l'aviation civile; de ce fait, il reste que le seul motif de la rupture du contrat repose sur l'âge de 55 ans atteint par le salarié sans qu'aucune justification objective ne soit apportée sur l'impossibilité de le reclasser dans un emploi au sol.

Un tel motif est discriminatoire et est prohibé par l'article L. 1132-4 du code du travail.

Dès lors, la rupture fondée sur un motif discriminatoire doit s'analyser en un licenciement nul.

Sur les demandes de Pôle Emploi :

La rupture étant qualifiée de licenciement nul, les dispositions de l'article L 1235-4 du code du travail ne sont pas applicables, dès lors Pôle emploi doit être débouté de toutes ses demandes.

Sur le salaire de référence :

M. [K] soutient que son salaire de référence est de 4.610, 49 € mais la société Air France justifie par la production de ses pièces 11 et 12 que le salaire mensuel à prendre en compte est de 4.586,86 €.

Sur les conséquences du licenciement discriminatoire :

La rupture ayant été qualifiée de licenciement nul, Air France doit être condamnée à verser à M. [K], sur la base du salaire retenu ci-dessus, les sommes suivantes :

- 4.586,86 € d'indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement,

- 9.173,72 € d'indemnité de préavis et 917,72 € au titre de l'indemnité de congés payés sur préavis avec intérêts au taux légal à compter du 11 septembre 2012, date de la réception par les parties de la saisine du conseil de prud'hommes.

- La rupture intervenue sur le fondement de l'article L.421-9 du code de l'aviation civile, ayant été jugée infondée et qualifiée de licenciement nul, M. [K] a droit à une indemnité de licenciement dont il convient de déduire la somme qu'il a perçue au titre de l'indemnité spécifique prévue par l'article L.423-1 ; Air France est donc condamnée au versement du rappel d'indemnité de licenciement à hauteur de 35.873,31 €.

Au vu de l'ancienneté et de la situation de M. [K] qui a été privé prématurément d'un emploi, la cour dispose des éléments suffisants pour lui allouer la somme totale de 200.000 € en réparation du préjudice subi par lui au titre du licenciement nul qui correspond à une perte de salaires et à une perte au titre de ses retraites du fait de la minoration de ses cotisations.

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

La société succombant en appel, les dispositions de première instance l'ayant condamnée à 500 euros de frais irrépétibles et aux dépens sont confirmées ; sa demande formée au titre des frais irrépétibles d'appel est rejetée et elle est condamnée aux entiers dépens.

En outre, il convient de faire droit à hauteur de 2.000 euros à la demande du salarié formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Paris en ce qu'il a condamné la société Air France aux dépens et à verser 500 euros au titre de ses frais irrépétibles à M. [K]

L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau

Dit que la rupture du contrat de travail de M. [N] [K] est un licenciement discriminatoire et est nul,

Condamne la société Air France à verser à M. [K] :

- 4.586,86 € d'indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement,

- 9.173,72 € d'indemnité de préavis et 917,72 € au titre de l'indemnité de congés payés sur préavis,

- 35.873,31 € à titre de rappel d'indemnité de licenciement,

ces sommes avec intérêts au taux légal à compter du 11 septembre 2012, date de la réception par les parties de la saisine du conseil de prud'hommes.

- 200.000 € de dommages et intérêts pour licenciement nul.

- 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toute autre demande,

Condamne la société Air France aux entiers dépens.

LE GREFFIERP/LA PRESIDENTE EMPECHEE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 14/07208
Date de la décision : 03/11/2017

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-11-03;14.07208 ?
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