Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 6
ARRET DU 03 NOVEMBRE 2017
(n° - 2017, 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 16/05451
Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Janvier 2016 -Tribunal de Grande Instance de CRETEIL - 5ème chambre civile - RG n° 15/02402
APPELANTS
Monsieur [X] [X]
né le [Date naissance 1] 1942 à [Localité 1], retraité
domicilié [Adresse 1]
[Localité 2]
Madame [S] [X] née [F]
née le [Date naissance 2] 1949 à [Localité 3]
domiciliée [Adresse 1]
[Localité 2]
Représentés par Me Laurent MORET de la SELARL LM AVOCATS, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 427
Assistés de Me Caroline LERIDON, avocat au barreau de PARIS, toque : P0095
INTIMES
Monsieur [M] [F] [V] [G]
né le [Date naissance 3] 1964 à [Localité 4], de nationalité française, gérant
domicilié [Adresse 2]
[Localité 5]
Madame [O] [U] [S] épouse [G]
née le [Date naissance 2] 1967 à [Localité 6], de nationalité française
domiciliée [Adresse 2]
[Localité 5]
Représentés par Me Laetitia WADIOU de la SELARL MODERE & ASSOCIES, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 41
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 21 Septembre 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Annie DABOSVILLE, Présidente de chambre
Mme Madeleine HUBERTY, Conseillère
Mme Marie-José DURAND, Conseillère
qui en ont délibéré
Rapport ayant été fait oralement par Madame Marie-José DURAND, Conseillère conformément aux dispositions de l'article 785 du code de procédure civile,
Greffier, lors des débats : M. Bruno REITZER
ARRÊT :
- contradictoire.
- prononcé publiquement et par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Annie DABMonsieur Bruno REITZER, greffier présent lors du prononcé auquel a été remis la minute par le magistrat signataire.
PRÉTENTIONS DES PARTIES ET PROCÉDURE
EXPOSÉ DU LITIGE
Faits et procédure
Le 23 juillet 2002, Monsieur et Madame [G] ont acquis de Monsieur et Madame [L] un terrain avec remise situé [Adresse 3], afin d'y faire construire une maison.
Après avoir constaté une importante fissuration du mur latéral de la remise jouxtant le local commercial à usage de garage situé sur le terrain voisin, appartenant à Monsieur et Madame [X], ils ont obtenu la désignation d'un expert, selon ordonnance de référé du 13 janvier 2004.
Statuant au vu du rapport d'expertise, le tribunal de grande instance de Créteil, par jugement du 21 juillet 2009, a, entre autres dispositions, condamné Monsieur et Madame [X] à verser à Monsieur et Madame [G] les sommes de :
- 11 362,32 € 'au titre du coût des travaux supplémentaires résultant du garage des époux [X]',
- la somme de 16 899,86 € au titre du préjudice financier lié au retard de leurs propres travaux.
Le tribunal ayant omis de statuer sur leur demande en réalisation, par Monsieur et Madame [X], de travaux confortatifs du mur du garage, Monsieur et Madame [G] ont, le 26 janvier 2012, saisi le tribunal de grande instance de Créteil d'une requête en omission de statuer à laquelle il a été fait droit par jugement du 20 novembre 2012.
Par arrêt du 29 octobre 2014, la cour d'appel a infirmé le jugement rectificatif en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau, a dit la requête en omission de statuer irrecevable dès lors qu'elle avait été présentée plus d'un an après que le jugement du 21 juillet 2009 soit passé en force de chose jugée.
Par acte du 25 février 2015, Monsieur et Madame [G] ont fait assigner Monsieur et Madame [X] devant le tribunal de grande instance de Créteil aux fins de condamnation à réaliser les travaux.
Décision déférée
Par jugement du 29 janvier 2016, le tribunal de grande instance de Créteil a :
- a rejeté la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de chose jugée,
- a condamné Monsieur et Madame [X] à faire réaliser, avec l'assistance d'un maître d'oeuvre, les travaux de confortement ou de démolition du mur de soutènement de leur garage, tels que préconisés par Monsieur [W] et [K] aux termes de leurs rapports, sous astreinte de 200 € par jour de retard passé un délai de trois mois à compter de la signification du jugement, laquelle courra sur une période de deux mois à l'issue de laquelle il sera à nouveau statué si nécessaire par le juge de l'exécution,
- a condamné Monsieur et Madame [X] à payer à Monsieur et Madame [G] la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- a ordonné l'exécution provisoire du jugement,
- a condamné Monsieur et Madame [X] aux dépens
- a rejeté toutes autres demandes plus amples ou contraires.
Monsieur et Madame [X] ont interjeté appel le 1er mars 2016.
Procédure devant la cour
Dans leurs dernières écritures, en date du 22 juillet 2016, Monsieur et Madame [X] demandent en substance à la cour :
- d'infirmer le jugement,
- de constater la prescription de l'action depuis le 21 juillet 2014,
- de constater que Monsieur et Madame [G] avaient le choix entre une procédure de requête en omission de statuer ou une nouvelle assignation au fond alors qu'en l'espèce, ils ont cumulé les deux procédures,
- en conséquence de les juger irrecevables à agir,
- à titre subsidiaire de rejeter la demande,
- de leur allouer la somme de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans leurs dernières écritures, en date du 05 septembre 2017, Monsieur et Madame [G] demandent à la cour, en substance :
- de confirmer le jugement,
- en conséquence de rejeter les fins de non-recevoir soulevées par les appelants,
- de juger qu'ils subissent un trouble anormal de voisinage,
- de condamner les appelants à la réalisation de travaux sous astreinte,
- de condamner Monsieur et Madame [X] à leur verser la somme de 10 000 € de dommages et intérêts pour appel abusif,
- de leur allouer la somme de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 07 septembre 2017.
MOTIFS
A/ Sur les dispositions non contestées du jugement
Bien que demandant l'infirmation du jugement en toutes ses dispositions, Monsieur et Madame [X] ne concluent devant la cour ni sur la fin de non-recevoir soulevée en première instance, tirée de l'autorité de la chose jugé, ni sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.
C'est par des motifs exacts que la cour s'approprie que les premiers juges ont rejeté la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de chose jugée.
Par ailleurs, c'est à juste titre que les premiers juges, dès lors qu'ils faisaient droit à la demande tendant à la réalisation de travaux sous astreinte, ont rejeté la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.
Sur ces deux points, le jugement sera confirmé.
B/ Sur la recevabilité des demandes
Les appelants estiment que l'action en réparation d'un trouble anormal de voisinage est une action personnelle, car elle vise à réparer un dommage, et qu'elle est en conséquence soumise à la prescription de cinq ans prévue à l'article 2224 du code civil. Ils fixent le point de départ du délai de prescription au 21 juillet 2009, date du jugement omettant de statuer sur la demande en exécution de travaux et ajoutent que le délai n'a pas été interrompu par la procédure en réparation de l'omission de statuer dès lors qu'elle a été déclarée irrecevable. Ils en concluent qu'ils ont été assignés tardivement.
Monsieur et Madame [G] répliquent que leur action, fondée sur l'existence d'un trouble anormal de voisinage, lequel caractérise une atteinte à un droit réel immobilier, est soumise à la prescription trentenaire prévue par l'article 2227 du code civil.
*
Les intimés ne discutent pas le point de départ du délai de prescription proposé par Monsieur et Madame [X]. Ainsi, la date du 21 juillet 2009 sera retenue par la cour.
À cette date, et depuis l'entrée en vigueur des dispositions de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, les articles 2224 et 2227 du code civil étaient rédigés de la façon suivante :
Article 2224 :
'Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.'
Article 2227 :
'Le droit de propriété est imprescriptible. Sous cette réserve, les actions réelles immobilières se prescrivent par trente ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.'
L'action en réparation d'un trouble de voisinage ne tend pas à la défense d'un droit de propriété, mais à la réparation du préjudice né d'un trouble occasionné à un voisin par le propriétaire d'un fonds. En conséquence il s'agit d'une action personnelle soumise à la prescription de cinq ans prévue à l'article 2224 du code civil.
Ainsi, c'est un délai de cinq ans a commencé à courir le 21 juillet 2009.
Ce délai de cinq ans a été interrompu par la requête en réparation de l'omission de statuer du 26 janvier 2012, tendant à l'exécution des travaux. Cependant, en application de l'article 2243 du code civil, cette interruption doit être considérée comme non-avenue dès lors que la requête a été définitivement rejetée par la cour d'appel par arrêt du 29 octobre 2014 en raison de son irrecevabilité. Le délai de prescription a donc expiré le 21 juillet 2014.
Dès lors, la demande fondée sur un trouble anormal de voisinage, tendant à la réalisation par Monsieur et Madame [X] de travaux confortatifs, formée par assignation du 26 février 2015, est prescrite.
Il convient dans ces conditions d'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné Monsieur et Madame [X] à réaliser ces travaux, sous astreintes et, statuant à nouveau, de déclarer cette demande irrecevable.
C/ Sur les autres demandes
1° Sur la demande de dommages et intérêts pour appel abusif
La demande de Monsieur et Madame [G], tendant à la condamnation de Monsieur et Madame [X] au paiement de la somme de 10 000 à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du caractère abusif de l'appel sera rejetée. En effet, l'appel ne peut être qualifié d'abusif dès lors qu'il est fait droit à une fin de non-recevoir soulevée par les appelants.
2° Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile
Les dépens de première instance et d'appel seront mis à la charge de Monsieur et Madame [G] et la demande qu'ils forment en application de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.
La demande formée par Monsieur et Madame [X] en application de cet article sera également rejetée.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement,
CONFIRME le jugement en ce que :
- les premiers juges ont rejeté la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée,
- les premiers juges ont débouté Monsieur [X] [X] et Madame [S] [F] épouse [X] de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,
INFIRME le jugement pour le surplus,
Statuant à nouveau, et ajoutant au jugement :
DÉCLARE IRRECEVABLE la demande de réalisation de travaux sous astreinte formée par Monsieur [M] [G] et Madame [O] [S] épouse [G],
DÉBOUTE Monsieur [M] [G] et Madame [O] [S] épouse [G] de leur demande de dommages et intérêts pour appel abusif et de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
DÉBOUTE Monsieur [X] [X] et Madame [S] [F] épouse [X] de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE Monsieur [M] [G] et Madame [O] [S] épouse [G] aux dépens de première instance et d'appel.
Le Greffier La Présidente