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08/11/2017 | FRANCE | N°13/12176

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 08 novembre 2017, 13/12176


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU 08 Novembre 2017

(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/12176



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 30 Septembre 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° F12/12805





APPELANTE

Madame [T] [Z]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

née le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 1]

comparante en perso

nne, assistée de Me Audrey LEGUAY, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : K0137







INTIMEE

SA RLF

[Adresse 2]

[Adresse 2]

N° SIRET : 562 069 278

comparante en personne...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRÊT DU 08 Novembre 2017

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/12176

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 30 Septembre 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° F12/12805

APPELANTE

Madame [T] [Z]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

née le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 1]

comparante en personne, assistée de Me Audrey LEGUAY, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : K0137

INTIMEE

SA RLF

[Adresse 2]

[Adresse 2]

N° SIRET : 562 069 278

comparante en personne, assistée de Me Cécile DALENÇON, avocat au barreau de PARIS, toque : C1587

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Septembre 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Laure TOUTENU, Vice-présidente placée, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Catherine SOMMÉ, présidente

Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller

Madame Laure TOUTENU, vice-présidente placé

Greffier : Mme Claudia CHRISTOPHE, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Catherine SOMMÉ, présidente et de Madame Caroline GAUTIER, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [T] [Z] a été engagée par la société SA Résidences le Logement des Fonctionnaires (ci-après dénommée RLF) suivant contrat à durée indéterminée à compter du 1er juin 1975 en qualité de dactylo chiffres. En dernier lieu, elle exerçait la fonction de gestionnaire de paie et administration du personnel, coefficient G3 avec le statut d'agent de maîtrise. La relation de travail était régie par la convention collective des personnels de SA et des fondations HLM.

La société emploie plus de dix salariés à la date de la rupture.

Mme [Z] a subi un accident de travail le 2 mai 2011 et a fait l'objet d'arrêts de travail en raison de cet accident du 10 au 13 mai 2011, du 25 juillet au 2 août 2011 et du 30 septembre au 17 octobre 2011.

Elle a également fait l'objet d'arrêts de travail du 18 octobre 2011 au 12 février 2012 puis d'une reprise à mi-temps thérapeutique du 13 février 2012 au 22 février 2012 et d'arrêts du 23 février 2012 au 4 septembre 2012.

Par lettre du 15 juin 2012, Mme [Z] était convoquée pour le 27 juin 2012 à un entretien préalable à son licenciement, lequel lui a été notifié le 3 juillet 2012 suivant pour «absence prolongée perturbant le bon fonctionnement de l'entreprise et la nécessité d'un remplacement définitif ».

Le 22 novembre 2012, Mme [Z] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris. Elle a formé des demandes en nullité du licenciement, subsidiairement, aux fins de voir dire son licenciement dénué de cause réelle et sérieuse ainsi qu'en paiement de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral pour harcèlement moral et de dommages et intérêts pour absence d'information sur la mutuelle et la prévoyance.

Par jugement du 30 septembre 2013 notifié le 29 novembre 2013, le conseil de prud'hommes de Paris a débouté Mme [Z] de l'ensemble de ses demandes, a débouté la société RLF de sa demande reconventionnelle et a condamnée Mme [Z] aux dépens.

Mme [Z] a interjeté appel de cette décision le 19 décembre 2013.

Aux termes de ses écritures visées par le greffier et soutenues oralement le 11 septembre 2017, Mme [Z] demande à la cour d'infirmer le jugement déféré et, sur la base d'une rémunération moyenne mensuelle brute de 2.953,33 € de :

- à titre principal, dire son licenciement nul et condamner la société RLF à lui payer la somme de 100 000 € à titre d'indemnité pour licenciement nul

- à titre subsidiaire, dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner la société RLF à lui payer la somme de 100 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- en tout état de cause :

- condamner la société RLF à lui verser les sommes suivantes:

20 000 € à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral en raison du harcèlement moral subi pendant l'exécution du contrat de travail

10 000 € à titre de dommages-intérêts pour violation par l'employeur de l'obligation de sécurité de résultat et de prévention

5 000 € à titre de dommages-intérêts pour absence d'information sur la mutuelle et la prévoyance

3 000 € à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- ordonner à la société RLF de lui remettre une attestation Pôle emploi rectifiée et conforme à la décision à intervenir, et ce sous astreinte de 100 € par jour de retard et par infraction constatée, la cour se réservant le droit de liquider l'astreinte.

La société RLF reprend les termes de ses conclusions visées par le greffier et demande la confirmation du jugement, le rejet de l'ensemble des demandes de Mme [Z], outre sa condamnation à lui verser une indemnité de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le harcèlement moral

Aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail, l'employeur a l'obligation de protéger la santé physique et mentale de ses salariés

Aux termes de l'article L. 1152-1 du même code, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Il résulte des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce, Mme [Z] fait valoir qu'elle a subi les fait suivants :

- des reproches soudains et injustifiés

- une perte d'autonomie et la dégradation de ses conditions de travail

- la volonté de sa supérieure hiérarchique de l'évincer

- la dégradation de son état de santé en lien avec les pressions subies sur son lieu de travail

Mme [Z] verse aux débats une lettre de mise en garde du 7 octobre 2011, date à laquelle elle se trouvait en arrêt pour accident de travail après 36 ans d'ancienneté libellée comme suit :'[...] nous ne pouvons admettre ni votre comportement, ni votre négativisme incessant qui ne peut que perturber l'organisation du service et la qualité de ses différentes missions' , mise en garde qu'elle a contestée par lettre du 22 octobre 2011. Elle fait valoir que ses compétences professionnelles ont toujours été reconnues, qu'elle avait acquis de l'autonomie et des responsabilités ainsi qu'en attestent de façon concordante plusieurs salariés et son évaluation :

- évaluation de 2006 suite à entretien annuel du 10 mai 2007, montrant une évaluation globale de 3 'conforme aux attentes' ;

- M. [Q], analyste responsable de la gestion informatique dans une attestation du 15 mars 2013 : 'Mme [Z] était régulièrement impliquée en raison de ses compétences reconnues dans le domaine de la paie et des ressources humaines' ;

- Mme [N], responsable d'antenne, dans une attestation du 23 décembre 2012:'au cours de ces 18 années, j'ai pu constater plusieurs fois, qu'en l'absence de responsable du service (Ressources humaines et paie), Mme [Z] en assurait l'intérim'.

Elle indique que tout a changé après l'arrivée de la nouvelle responsable ressources humaines en novembre 2010, qui lui a soudainement reproché son comportement et son prétendu négativisme incessant.

Il est donc établi que la salariée a fait l'objet d'une lettre de reproches pour la première fois le 7 octobre 2011.

Mme [Z] indique qu'elle travaillait en toute autonomie, qu'elle a même assumé en partie l'intérim du poste de responsable qui était vacant, qu'elle était tutrice d'une personne en contrat de professionnalisation, qu'elle a toujours été bien évaluée mais que depuis l'arrivée de la nouvelle responsable, elle a perdu en autonomie puisqu'elle devait mettre la responsable en copie de tous ses courriels concernant le règlement de dossiers avec des interlocuteurs extérieurs, lui transmettre tous documents pour validation et signature, la signature lui ayant été retirée. Elle produit :

- un courriel de sa responsable Mme [L] du 8 septembre 2011 à son attention ainsi qu'à celle de M. [O], demandant d'être en copie 'systématiquement lorsque vous échangez avec des interlocuteurs sur le règlement de dossiers par courriels' ;

- la lettre de l'employeur du 17 novembre 2011 suite à sa réponse à la mise en garde : 'votre supérieure hiérarchique doit pouvoir prendre connaissance des dossiers en cours, de leur avancement et en valider le contenu avant transmission pour signature' ;

- l'attestation de Mme [N], responsable d'antenne, qui indique le 23 décembre 2012 :'j'ai été très étonnée et peinée de l'avoir au téléphone pour entretien professionnel et la trouver en pleurs, complètement désemparée, les responsabilités qu'elle assumait auparavant lui ayant été enlevées, puis à son retour après ses arrêts en accident du travail puis maladie, l'attribution de tâches qu'elle n'avait pas eu à accomplir depuis des années et subalternes à ce qui lui était confié auparavant'.

Au vu de ces éléments, le fait invoqué est établi.

Mme [Z] déclare avoir été informée que son départ de la société était souhaité, et qu'une nouvelle organisation était en place à sa reprise du travail le 13 février 2012 et verse aux débats :

- sa lettre du 17 février 2012 faisant suite à la convocation par sa supérieure hiérarchique :'vous m'avez précisé que si l'organisation aujourd'hui mise en place dans le service ne me convenait pas, vous seriez prête à un arrangement amiable en m'indiquant d'y réfléchir, sans m'apporter plus de détails' ;

- l'attestation de Mme [W], ayant assisté Mme [Z] lors de son entretien préalable au licenciement, qui déclare : 'Mme [L] ma supérieure hiérarchique m'a proposé un arrangement amiable en me demandant d'y réfléchir' 'pour ma part je réponds que je connais Mme [Z] depuis plus de 30 ans, que j'ai de très bonnes relations de travail avec elle, que celle-ci a toujours été à même de répondre à mes questions, et que c'est bien dommage d'en arriver là, surtout si c'est pour incompatibilité d'humeur' ;

- une fiche de fonction comprenant un organigramme en date du 30 novembre 2011 avec un poste de gestionnaire paie et administration du personnel correspondant au poste de Mme [Z], et comprenant à sa gauche un poste de gestionnaire paie et administration du personnel confirmé, confié à M. [O], qui était moins expérimenté puisqu'entré dans l'entreprise en 1990 au poste d'employé des services généraux, et qui lui a lui-même annoncé sa promotion à Mme [Z] lors de sa reprise du travail.

Le fait doit donc être retenu en ce que Mme [Z] produit des éléments montrant la volonté de l'employeur qu'elle quitte la société.

Mme [Z] conclut qu'elle a vu son état de santé se dégrader et qu'elle s'est trouvée en arrêts de travail du 18 octobre 2011 au 12 février 2012 puis à compter du 23 février 2012 en raison de son état dépressif et des conditions de travail. Elle produit plusieurs éléments attestant d'un suivi médical et psychiatrique ainsi que des soins qu'elle a dû subir à compter d'octobre 2011 :

- des arrêts de travail ;

- le certificat de son médecin traitant, le Dr [K], en date du 2 février 2016, qui certifie que Mme [Z] 's'est présentée à mon cabinet le 17 octobre 2011. Lors de cette visite, j'ai constaté que ma patiente présentait des symptômes anxieux, des idées noires, une dépréciation de soi, un amaigrissement, des difficultés d'attention et de mémoire. Depuis cette période l'état de santé de ma patiente reste fragile' ;

- le certificat du psychiatre le docteur [R] en date du 11 septembre 2012 indiquant qu'il 'certifie suivre régulièrement Mme [Z] à un rythme hebdomadaire et ce depuis le 8 novembre 2011" ;

- le certificat du cardiologue le Dr [U] : 'j'ai constaté chez ma patiente un état de stress et d'anxiété très important ayant pour origine selon ses dires 'un conflit d'ordre professionnel aigu' qui aurait débuté courant de l'année 2011. Depuis octobre 2011, l'état dépressif de Mme [Z] a profondément impacté sa santé, lui occasionnant d'importantes pertes de connaissance' ;

- le dossier de la médecine du travail qui a mentionné le 8 septembre 2011 dans le cadre de la visite de reprise suite à l'accident de travail : 'problème harcèlement'

Mme [Z] conclut que ses conditions de travail sont à l'origine d'une dépression qui l'a conduite à un classement en invalidité 2ème catégorie.

La dégradation de l'état de santé de la salariée est donc établie.

Ces faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail.

Il convient d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

La société RLF fait valoir que la salariée a tardé plus d'un an après la rupture du contrat de travail avant de solliciter une indemnisation sur le fondement d'un prétendu harcèlement moral, qu'elle procède par voie d'affirmation, de façon dénigrante et calomnieuse à l'égard de sa supérieure hiérarchique. Elle ajoute que le médecin du travail a émis un avis d'aptitude à la reprise et que cet avis n'a pas été contesté par la salariée, que s'il avait jugé la situation dangereuse pour celle-ci, il n'aurait pas autorisé la reprise du travail.

La société RLF indique que la lettre de reproche à Mme [Z] était justifiée en ce que cette dernière a refusé d'exécuter une demande de son supérieur hiérarchique, refusait toute procédure mise en place par cette dernière, et a tenu des propos déplacés. La société RLF conteste l'attestation de M. [Q], en ce qu'il est en conflit avec son ancien employeur et qu'il ne travaillait pas sur le même site que Mme [Z], et l'attestation de Mme [N] affirmant qu'elle a été faite pour les besoins de la cause. Cependant, les éléments produits par l'employeur sont insuffisants pour dire que la lettre de mise en garde était justifiée après l'ancienneté et le parcours professionnel de Mme [Z].

La société RLF fait valoir que le courriel envoyé à deux salariés dont Mme [Z] est une méthode de travail qui n'est pas source de perte d'autonomie ou d'attribution de tâches subalternes. Toutefois, si l'employeur est en droit d'obtenir des informations directes sur le traitement des dossier, il n'explique pas en quoi il était nécessaire de retirer à Mme [Z] la signature qu'elle détenait sur de nombreuses opérations.

L'employeur ne donne pas d'éléments explicatifs sur la production d'un organigramme avec promotion d'un collègue ayant moins d'expérience et d'ancienneté que Mme [Z] et sur le fait que la supérieure hiérarchique de Mme [Z] lui a proposé une négociation amiable afin d'obtenir son départ de la société.

La société RLF fait valoir qu'aucun lien n'est établi entre l'état pathologique présenté par Mme [Z] et la situation de travail, en affirmant que Mme [Z] a présenté une dépression liée à une situation personnelle, une pathologie cardiaque et une invalidité en 2ème catégorie.

Cependant, le dossier de la médecine du travail précise que Mme [Z] a été déclarée 'apte à la reprise à mi-temps thérapeutique un 2 jours pendant trois mois et revoir à l'issue', que la salariée ayant fait l'objet d'arrêts peu après sa reprise à mi-temps thérapeutique, le médecin du travail n'a pas été en situation d'émettre un nouvel avis sur l'aptitude de la salariée après trois mois. Il ne peut donc être déduit de l'avis d'aptitude émis par le médecin du travail que l'état de santé de la salariée s'est dégradé pour des raisons exclusivement non professionnelles. En outre, le cardiologue de Mme [Z] a attesté qu'elle était suivie depuis mars 1991 soit depuis longtemps ce qui ne l'empêchait pas de travailler et que le stress subi en 2011 avait dégradé sa santé, alors que la décision d'invalidité a été prise postérieurement, soit le 1er octobre 2013. Il s'en déduit qu'un lien de causalité est établi entre les conditions de travail de Mme [Z] et la dégradation de son état de santé.

Ainsi, l'employeur ne prouve pas que ses agissements ne sont pas constitutifs d'un harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il en résulte que le harcèlement moral invoqué est établi. Il convient donc d'infirmer le jugement déféré et de lui allouer en réparation du préjudice subi la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts.

Sur la demande de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité de résultat et de prévention

Mme [Z], rappelant les obligations légales de l'employeur sur les fondements des articles L. 1152-4 du code du travail et L. 4121-1 du code du travail, déclare qu'elle a alerté son employeur sur les agissements qu'elle subissait. Elle indique qu'elle a subi des faits de harcèlement moral sur son lieu de travail, que l'employeur a manqué à son obligation de prévention puisqu'il n'a pas tout mis en oeuvre pour empêcher la survenance de ces faits, qu'elle a alerté la hiérarchie sur ces agissements mais qu'aucune mesure n'a été prise, qu'elle est donc fondée à se voir octroyer des dommages et intérêts pour violation par l'employeur de l'obligation de sécurité et de prévention.

La société RLF fait valoir que la salariée n'a pas subi de harcèlement et n'a jamais alerté son employeur sur le fait qu'elle était victime de harcèlement, elle a simplement reconnu une grande lassitude et une incapacité à reprendre son travail, qu'il n'y a donc aucun manquement de l'employeur.

Aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail, l'employeur a l'obligation de protéger la santé physique et mentale de ses salariés et aux termes de l'article L. 4121-2, il met en oeuvre ces mesures sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :

1° Eviter les risques ;

2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;

3° Combattre les risques à la source ;

4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;

5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ;

6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux;

7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1 ;

8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;

9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.

Mme [Z] a subi des faits de harcèlement moral, ainsi l'exécution du travail et les conditions de travail difficiles ont eu un impact sur l'état de santé et la dignité de la salariée.

La société RLF ne justifie pas avoir mis en oeuvre tous les moyens pour prévenir les faits de harcèlement moral qu'a subi Mme [Z] au sein de l'entreprise.

La société RLF doit donc être condamnée à réparer le préjudice résultant de l'absence de prévention des faits de harcèlement, qu'il convient d'évaluer à 3 000 € à titre de dommages et intérêts.

Sur la demande de dommages-intérêts pour absence d'information sur la mutuelle et la prévoyance

Mme [Z] soutient que l'employeur a manqué à son obligation de l'informer en temps utile sur la possibilité qu'elle avait de prétendre aux mêmes garanties que le contrat groupe, moyennant une cotisation plus importante, alors même qu'elle a sollicité l'information auprès de son employeur qui lui a répondu trop tardivement, puisqu'elle a été radiée de sa couverture santé et prévoyance. Elle conclut qu'elle a dû souscrire une autre mutuelle pour elle et sa famille à des conditions moins avantageuses, qu'elle n'est pas ayant droit de son concubin qui est assuré auprès du RSI.

La société RLF expose que le régime de prévoyance complémentaire a été maintenu jusqu'à la décision du 1er octobre 2013, que le risque maladie étant né avant la rupture du contrat de travail, la salariée bénéficie des dispositions de l'accord de prévoyance qu'elle connaît parfaitement. La société RLF ajoute que la salariée placée en invalidité 2ème catégorie à la suite des arrêts maladies antérieurs à la rupture du contrat de travail bénéficie des dispositions négociées par son ancien employeur et reste couverte par le contrat de prévoyance souscrit dans un cadre collectif et obligatoire. S'agissant de la mutuelle, la société RLF fait valoir que la salariée pouvait obtenir le maintien des prestations sous réserve d'en faire la demande dans les six mois suivant le terme du contrat de travail, sous réserve d'adhérer à un contrat individuel et de s'acquitter des cotisations auprès de l'organisme assureur, que la salariée a eu toutes les informations le 13 septembre 2012, alors que l'employeur n'avait pas d'obligation d'information à sa charge lors de la rupture du contrat de travail.

En l'espèce, il ressort d'un courriel du 27 septembre 2012 de Mme [Z], que celle-ci a reçu un devis du 13 septembre 2012 relatif aux prestations mutuelle et prévoyance et qu'elle avait donc l'information qu'elle pouvait bénéficier d'une même couverture avec les mêmes garanties que le contrat groupe, avec une cotisation majorée, et ce dans des délais suffisants pour lui permettre d'y souscrire le cas échéant.

En outre, il ressort des pièces du dossier, notamment de la lettre de Mme [C] adressée à la société Logement des Fonctionnaires, que Mme [Z] a bien obtenu l'étude de son dossier par la prévoyance de son ancien employeur au titre des arrêts maladies, puis de son placement en invalidité 2ème catégorie.

Mme [Z] ne rapportant pas la preuve de manquements de son employeur, ni des préjudices qu'elle aurait subis, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [Z] de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.

Sur la cause du licenciement

En l'espèce, la lettre de licenciement du 3 juillet 2012, qui fixe les limites du litige en application des dispositions de l'article L1232-6 du code du travail, est libellée dans les termes suivants :

« ... Vous avez été engagée le 2 juin 1975 au sein de notre structure où vous exercez actuellement les fonctions de Gestionnaire de Paie et Administration du Personnel au sein de notre Service Paie.

Vous êtes, depuis de longs mois, en arrêt de travail : vous avez été placée, entre autres, en arrêt de travail continu du 18/10/11 au 12/02/12 et à nouveau depuis le 23/02/2012 à ce jour.

A l'occasion de notre entretien, je vous ai interrogée sur votre état de santé, vous ne pouviez envisager une reprise de votre travail.

Dans ces conditions, il ne m'est plus possible, compte tenu de la nature des fonctions que vous occupez et des perturbations engendrées par vos absences, de vous maintenir dans les effectifs de notre entreprise et je ne peux envisager d'autre solution car comme je vous l'ai rappelé, il n'y a que deux salariés dont vous au sein de votre service et la spécificité de l'activité de RLF, les différents statuts des salariés supposent une très bonne connaissance des activités de notre structure.

Votre absence prolongée perturbe le bon fonctionnement de notre entreprise (retards dans le traitement des dossiers, surcharge de travail pour votre collègue) et votre affirmation selon laquelle vous ne pensiez pas reprendre vos fonctions et l'impossibilité de prévision qui en découle ne me permettent pas de mettre en place de solutions de remplacement adaptées et satisfaisantes. Il me faut désormais procéder à votre remplacement définitif ... ».

Mme [Z] indique le licenciement du salarié prononcé pour absence prolongée et perturbation du fonctionnement de l'entreprise nécessitant son remplacement définitif doit être déclaré nul s'il trouve sa cause directe dans le harcèlement moral subi, et ce sur le fondement de l'article L. 1152-3 du code du travail. Mme [Z] fait valoir que l'unique cause de son absence prolongée à son poste de travail à compter d'octobre 2011 résulte du comportement fautif de l'employeur en raison du harcèlement moral dont elle a été victime, que ces agissements, imputables à l'employeur, constituent la véritable cause du licenciement.

La société RLF fait valoir que Mme [Z] a été absente de façon prolongée, qu'il n'a pas été possible de la remplacer de façon pérenne pendant son absence, qu'il a été nécessaire de pourvoir à son remplacement de façon définitive. La société RLF précise que Mme [Z] ayant une ancienneté importante, elle connaît les salariés et les difficultés en matière de paie. La société intimée affirme que l'absence de la salariée désorganisait l'entreprise, ce dont l'intéressée est parfaitement consciente, que la décision est donc fondée sur des éléments objectifs.

Il résulte des dispositions des articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail qu'est nul le licenciement prononcé au motif que le salarié a subi ou a refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral.

Dans sa lettre du 22 octobre 2011, contestant la mise en garde qui lui avait été adressée, Mme [Z] la salariée déclare : 'j'ai eu en mai 2011 un accident de travail et je suis tombée au bureau.

Consciente que mes arrêts de travail aient pu altérer le bon fonctionnement du service paie et administration du personnel, j'ai annulé ou reporté des jours de congés afin d'assurer ma fonction sans ajouter plus de perturbation dans le service'.

La société RLF n'est pas fondée à reprocher à la salariée d'avoir reconnu qu'elle était consciente d'une désorganisation en raison de ses absences, les propos ci-dessus relatés portant sur les arrêts consécutifs à un accident de travail qui ne sont pas visés dans la lettre de licenciement, celle-ci reprochant à la salariée les arrêts de travail sans lien avec l'accident de travail et à compter du 18 octobre 2011, soit pour une période postérieure.

En outre, il n'est pas démontré que l'employeur ait été placé dans l'impossibilité de pourvoir au remplacement de Mme [Z] pendant son absence pour maladie non professionnelle, les arrêts maladie ayant été délivrés pour une durée de trois puis de quatre semaines à compter du 18 octobre 2011, ce qui permettait à l'employeur de s'organiser pendant l'absence de la salariée en prévoyant son remplacement.

Il n'est pas davantage établi que l'absence de Mme [Z] ait désorganisé l'entreprise, et qu'il ait été nécessaire de pourvoir à son remplacement de façon définitive quelques mois après, puisque la procédure de licenciement a été engagée par convocation le 15 juin 2012.

Mme [Z] a subi des agissements de harcèlement moral et l'employeur n'établit pas que le licenciement pour absences répétées du salarié liées à une maladie est justifié par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il s'en déduit que le harcèlement est en lien avec les faits de harcèlement. En conséquence, le jugement entrepris doit être infirmé et le licenciement de Mme [Z] doit être déclaré nul.

Sur les conséquences pécuniaires

Mme [Z] soutient que son salaire brut moyen mensuel s'élevait à 2 953,33 €.

La société RLF se fonde sur un salaire de référence de 2 419,43€.

Au vu de l'attestation Pôle emploi versée aux débats, le salaire moyen perçu les six derniers mois s'élève à 2 715,35 €.

Mme [Z], qui ne sollicite pas sa réintégration, a droit à l'indemnité pour licenciement nul qui ne peut être inférieure aux six derniers mois de salaire.

Au moment de la rupture, Mme [Z], âgée de 55 ans, avait plus de 37 ans d'ancienneté. Elle s'est trouvée en situation d'invalidité 2ème catégorie à compter du 1er octobre 2013.

Au vu de cette situation, il convient de lui allouer la somme de 54 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul.

Sur la demande de remise de documents

La demande de remise d'une attestation Pôle emploi conforme étant sans objet, il n'y a pas lieu de l'ordonner.

Sur les autres demandes

En application de l'article 1153-1 du code civil, recodifié sous l'article 1231-7 du même code par l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, les créances indemnitaires produisent intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt.

La société RLF succombant à la présente instance, en supportera les dépens de première instance et d'appel et sera condamnée à payer à Mme [Z] une indemnité destinée à couvrir les frais non compris dans les dépens qu'elle a dû engager pour assurer la défense de ses intérêts et qu'il y a lieu de fixer à 3 000 €.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

INFIRME le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté Mme [T] [Z] de sa demande de dommages et intérêts pour absence d'information sur la mutuelle et la prévoyance

Statuant à nouveau et y ajoutant ;

PRONONCE la nullité du licenciement de Mme [T] [Z] ;

CONDAMNE la SA Résidence le Logement des Fonctionnaires à payer à Mme [T] [Z] :

54 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul

5 000 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral

3 000 € à titre de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de résultat

ces sommes avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

CONDAMNE la SA Résidence le Logement des Fonctionnaires à payer à Mme [T] [Z] la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SA Résidence le Logement des Fonctionnaires aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 13/12176
Date de la décision : 08/11/2017

Références :

Cour d'appel de Paris K9, arrêt n°13/12176 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-11-08;13.12176 ?
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