RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 9
ARRÊT DU 08 Novembre 2017
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 16/01242
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 Décembre 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 14/02741
APPELANT
Monsieur [I] [T]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
né le [Date naissance 1] 1952 à [Localité 1] ( MAROC)
comparant en personne, assisté de Me Nicolas PEYRE, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 135
INTIMEE
SAS TFN PROPRETE IDF
[Adresse 2]
[Adresse 2]
N° SIRET : 339 718 421 00219
représentée par Me Séverine HOUARD-BREDON, avocat au barreau de PARIS, toque : E0327 substitué par Me Claire FINANCE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0392
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Septembre 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Christine LETHIEC, Conseillère, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Catherine SOMMÉ, présidente
Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller
Madame Christine LETHIEC, conseillère
Greffier : Mme Claudia CHRISTOPHE, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Catherine SOMMÉ, président et par Mme Caroline GAUTIER, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Faits et prétentions des parties
M. [I] [T] a travaillé, dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er février 1996, pour y exercer les fonctions d'agent d'entretien. En application de l'ancienne annexe 7 de la convention collective des entreprises de propreté, son contrat de travail a été transféré à plusieurs reprises du fait des changements de prestataires intervenant sur les sites où il exécutait sa prestation de travail. Depuis le 1er juin 2010, le salarié exerçait, les fonctions, à temps plein, d'agent très qualifié de service, échelon 2 catégorie A, au sein de la SAS TFN PROPRETE IDF, en bénéficiant d'une reprise de son ancienneté au 1er février 1996. M. [I] [T] percevait, en dernier lieu, une rémunération mensuelle de base de 1 621.35 € pour 151.67 heures travaillées.
A compter du mois de juin 2013, le salarié s'est vu remettre deux bulletins de salaire distincts pour chaque mois, l'un d'un montant de base de 1 482.38 € pour 138.67 heures travaillées et l'autre d'un montant de base de 138.97 € pour 13 heures travaillées.
L'entreprise qui employait, au jour de la rupture, plus de dix salariés, est assujettie à la convention collective nationale des entreprises de propreté.
Par courrier recommandé en date du 24 juillet 2013, la société TFN PROPRETE IDF a pris acte de la décision du salarié de faire valoir ses droits à la retraite, en lui précisant que la relation contractuelle de travail prendrait fin le 17 septembre 2013.
Estimant ne pas être rempli de ses droits, M. [I] [T] a saisi, le 25 février 2014, le conseil de prud'hommes de Paris de demandes en résiliation judiciaire du contrat de travail et paiement de rappels de salaires, outre les congés payés afférents, ainsi que des indemnités de rupture et de travail dissimulé et indemnisation pour rupture abusive, outre des frais irrépétibles et la remise des documents sociaux conformes sous astreinte de 50 € par jour de retard.
Par jugement rendu le 8 décembre 2015, le conseil de prud'hommes de Paris a débouté le salarié de l'intégralité de ses prétentions, en lui laissant la charge des dépens.
Le 20 janvier 2016, M. [I] [T] a interjeté appel de cette décision.
Par conclusions visées par le greffe le 12 septembre 2017 et soutenues oralement, M. [I] [T] demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et de :
* prononcer la résiliation judiaire du contrat de travail et dire qu'elle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
* subsidiairement, dire que la rupture à l'initiative de l'employeur s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
* condamner la société TFN PROPRETE IDF à lui verser les sommes suivantes :
- 1 417.29 € à titre de rappel de salaire pour le mois d'octobre 2013
- 141,73 € au titre des congés payes afférents
- 6 944.52 € à titre de rappel de salaires pour la période de novembre 2013 à février 2014 inclus
- 694.45 € au titre des congés payés afférents
-74 653.59 € à titre de rappel de salaires pour la période de mars 2014 à septembre 2017 inclus
- 7 465.36 € au titre des congés payés afférents
- 1 736.13 € par mois, à titre de rappel de salaires et le cas échéant proratisé pour la période s'écoulant entre l'audience du 12 septembre 2017 et le prononcé de la décision
- 10 % de la somme précitée au titre des congés payés afférents
- 9 693.39 € au titre de l'indemnité légale de licenciement
- 3 472.26 € au titre l'indemnité compensatrice de préavis
- 347.23 € au titre des congés payés afférents
- 41 667.12 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
-10 416.78 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé
- 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens
* ordonner la remise des bulletins de salaire d'octobre 2013 au prononcé de la décision à intervenir, d'une attestation Pôle emploi et d'un certificat de travail conformes, sous astreinte de 50 € par jour de retard concernant l'attestation Pôle emploi, la cour se réservant la faculté de liquider l'astreinte.
Par conclusions visées par le greffe le 12 septembre 2017 et soutenues oralement, la société TFN PROPRETE IDF demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions et de débouter le salarié de l'intégralité de ses prétentions.
Elle forme une demande reconventionnelle de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier, reprises et complétées oralement lors de l'audience des débats.
SUR QUOI LA COUR
Sur les demandes de résiliation judiciaire du contrat de travail et de paiement des salaires
M. [I] [T] soutient qu'en juillet 2013 son supérieur hiérarchique lui a fait régulariser une demande écrite de départ à la retraite, que le 24 juillet l'employeur a prétendu qu'il avait rempli des conditions de départ à la retraite et qu'il cesserait son activité le 17 septembre, en dépit de l'absence de volonté claire et non équivoque du salarié, qu'il a d'ailleurs continué à exercer sa prestation de travail après le 17 septembre 2013 sans que cela ne provoque de réaction de son employeur, qu'à compter d'octobre 2013 il ne s'est plus vu remettre qu'un seul bulletin de salaire pour 13 heures travaillées et que des documents de fin de contrat ont été établis fin octobre 2013 alors même qu'aucune rupture n'était intervenue.
La société intimée demande la confirmation du jugement déféré qui a jugé que le contrat de travail est rompu depuis le 17 juillet 2013, date à laquelle par courrier marquant une volonté claire et non équivoque, le salarié l'a informée de son souhait de partir à la retraite, ce dont elle a pris acte par courrier du 24 juillet 2013, en lui confimant que son contra prendrait fin à l'issue dfe son préavis, soit le 17 septembre 2013, date à laquelle elle lui a remis les documents de fin de contrat.
En l'occurrence, le salarié s'est vu remettre un certificat de travail établi le 16 septembre 2013 ainsi qu'un bulletin de paie pour la période du 1er au 16 septembre 2013, soldant ses droits dans l'entreprise et un solde de tout compte établi le 7 octobre 2013 qui mentionne, notamment, une indemnité de départ à la retraite de 1 652.99 €.
Par courrier adressé à la société TFN PROPRETE IDF, le 20 novembre 2013, ayant pour objet « rupture de contrat», le service juridique de l'union locale CGT Blanc-Mesnil n'a pas remis en cause le départ de l'entreprise de M. [I] [T] mais il a demandé à l'employeur d'en revoir le motif dans la mesure où le salarié ne pouvait prétendre à une retraite à temps plein et qu'il estimait avoir été licencié, n'étant pas en mesure de comprendre les termes du courrier manuscrit que son responsable hiérarchique, M. [P], avait rédigé pour son compte.
Il résulte de ces éléments que le contrat de travail a été rompu avant la saisine de la juridiction prud'homale par le salarié, de sorte que sa demande de résiliation judiciaire, formée postérieurement à la rupture du contrat, est sans objet.
Les pièces produites montrent que le salarié est sorti des effectifs de l'entreprise le 17 juillet 2013. L'intéressé qui sollicite des rappels de salaires à compter du mois d'octobre 2013 ne rapporte pas la preuve qu'il a accompli une prestation de travail pour la société TFN PROPRETE IDF durant cette période, peu important le fait que, pour des raisons de dysfonctionnements administratifs, l'entreprise ait continué à lui adresser des bulletins de paie d'un solde nul, pour les mois de novembre et décembre 2013, janvier et février 2014, de sorte que le jugement qui l'a débouté de sa demande de rappel de salaire doit donc être confirmé.
Sur la demande d'indemnité pour travail dissimulé
Il résulte de ce qui précède qu'aucune intention de dissimuler de la part de l'employeur n'est établie.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé.
Sur la rupture du contrat de travail
Il convient d'examiner les griefs invoqués par le salarié au soutien de sa demande en résiliation et qui sont susceptibles d'avoir une influence pour l'appréciation des conditions de la rupture et son imputabilité.
Par courrier adressé le 17 juillet 2013, M. [I] [T] a adressé à M. [Y], directeur de l'agence de [Localité 2], un courrier manuscrit rédigé en ces termes :
«Je soussigné Mr [T] [I], demeurant au [Adresse 1], je vous confirme par la présente , mon souhait de partir rapidement à la retraite.
Merci de tout mettre en 'uvre pour mon futur départ de la société T.F.N.
Restant à votre disposition, veuillez agréer Monsieur, à mes sincères salutations».
Le 24 juillet 2013, par courrier adressé en recommandé et par lettre simple, M. [Q] [Y] a répondu en ces termes :
« Monsieur,
Par courrier daté du 17 juillet 2013, vous nous informez de votre souhait de quitter volontairement l'entreprise pour faire valoir vos droits à la retraite.
Compte tenu de votre année de naissance, vous avez atteint l'âge minimum pour partir à la retraite et liquider votre pension.
Par la présente, nous prenons acte de votre décision.
A ce titre, votre activité au sein de l'entreprise cessera le 17 septembre 2013, à l'issue du préavis effectué du 17 juillet au 16 septembre 2013 inclus.
Conformément aux dispositions de l'article 4.12.1 de la convention collective, vous percevrez l'indemnité auquel votre ancienneté vous ouvre droit, si vous avez procédé effectivement à la liquidation de vos droits.
Aussi, pouvez-vous nous adresser le document de liquidation de vos droits à la pension vieillesse.
Votre solde de tout compte ainsi que les documents afférents seront à votre disposition à l'issue de votre préavis dans nos bureaux administratifs situés au [Adresse 3]. [Adresse 4] (au 3ème étage).
Au nom de TFN Propreté IDF, je tiens à vous présenter nos plus sincères remerciements pour ces années de collaboration.... ».
M. [I] [T] demande à la cour de dire que la rupture du contrat de travail à l'initiative de la société TFN PROPRETE IDF, s'analyse en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Le salarié qui affirme que son supérieur hiérarchique, M. [P], a pris l'initiative de cette rupture, en rédigeant, lui-même, la lettre du 17 juillet 2013, ne rapporte pas la preuve de ces circonstances, ni le fait qu'il ne sache ni lire ni écrire, aucune attestation de collègues n'est versée aux débats, la seule lettre de l'Union locale CGT Blancmesnil adressée à l'employeur le 20 novembre 2013, soit quatre mois plus tard, qui ne fait que reprendre les allégations du salarié, ne pouvant suppléer cette carence.
La cour constate que M. [I] [T] s'est abstenu de répondre au courrier de l'employeur prenant acte de sa volonté de faire valoir ses droits à la retraite, qu'il a reçu les documents de fin de contrat, notamment l'attestation Pôle emploi mentionnant son départ à la retraite ainsi que les indemnités afférentes dont celle de départ à la retraite et que le courrier de l'union locale CGT Blancmesnil du 20 novembre 2013 demande à l'employeur de revoir le motif de rupture dès lors que l'intéressé ne peut prétendre à une retraite à taux plein et qu'un licenciement lui permettrait de percevoir les indemnités chômage.
La cour déduit de l'ensemble de ces éléments que la lettre adressée par M. [I] [T], le 17 juillet 2013, à M. [Y], directeur d'agence de [Localité 2], traduit la volonté claire et non équivoque du salarié de quitter l'entreprise en vue de faire valoir ses droits à la retraite et que l'intéressé n'a contesté le motif de la rupture qu'au mois de novembre 2013, une fois informé qu'il ne pouvait prétendre à une retraite à taux plein.
Il en résulte que la rupture de la relation contractuelle de travail est régulièrement intervenue le 17 septembre 2013, de sorte que M. [I] [T] doit être débouté de ses demandes tendant au paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que des indemnités de rupture, lesquelles ont déjà été déjà perçues, conformément à ce qu'ont retenu les premiers juges dont la décision sera confirmée.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
L'équité commande de laisser à chaque partie la charge de ses frais non répétibles, M. [I] [T], dont l'argumentation est écartée, supportant la charge des dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions
Y ajoutant,
DEBOUTE les parties de leurs demandes respectives fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE M. [I] [T] aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT