Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 1
ARRET DU 14 NOVEMBRE 2017
(n° 427 , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 16/05547
Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Février 2016 -Tribunal de Grande Instance de Paris - RG n° 14/06095
APPELANTE
Madame [X] [D]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
née le [Date naissance 1] 1973 à [Localité 1] (UKRAINE)
Bénéficiaire d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2016/012625 du 04/05/2016 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS
Représentée par Me Caroline DELAUDE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0376
INTIMES
ASSISTANCE PUBLIQUE DES HOPITAUX DE PARIS
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représenté par Me Xavier NORMAND BODARD de la SCP NORMAND & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0141
Ayant pour avocat plaidant Me Cléa CAREMOLI, de la SCP NORMAND & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0141
L'AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représenté et ayant pour avocat plaidant Me Alexandre DE JORNA, avocat au barreau de PARIS, toque : C0744
LES HOPITAUX DE SAINT MAURICE agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Adresse 4]
Représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111
Ayant pour avocat plaidant Me Margaux DE PENFENTENYO, substituant Me Christine LIMONTA, avocat au barreau de PARIS, toque : E26
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 03 Octobre 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Christian HOURS, Président de chambre
Mme Marie-Claude HERVE, Conseillère
Mme Marie-Sophie RICHARD, Conseillère, chargée du rapport
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mme Lydie SUEUR
ARRET :
- Contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par M. Christian HOURS, président et par Mme Lydie SUEUR, greffier.
*****
A la suite d'une dispute avec M [K] qui l'hébergeait depuis plusieurs années Mme [D] a été amenée dans la soirée à [Établissement 1] le 23 novembre 2013 par les forces de l'ordre et au vu du certificat du docteur [T], conduite à l'hôpital [Établissement 2] où le docteur [L] a conclu également à la nécessité de soins psychiatriques sans consentement dans son certificat établi à 4H du matin le 24 novembre. Elle a été admise en soins psychiatriques à la demande d'un tiers par décision signée à 11H le 24 novembre 2013 par Mme [N], attachée principale d'administration agissant sur délégation du directeur de l'hôpital. La décision a été maintenue le 27 novembre 2013 au vu des certificats de 24H et de 72H rédigés par le docteur [T]. Il a été mis fin à la mesure le 28 novembre 2013 au vu du certificat du même jour établi par le docteur [T].
La requête en annulation de la mesure a été rejetée par le tribunal administratif de Melun pour incompétence le 8 avril 2014.
Par assignations des 14 et 15 avril 2014 Mme [D] a recherché la responsabilité des hôpitaux de Saint Maurice, celle de l'AP-HP et celle de l'Etat.
Par jugement du 10 février 2016 le tribunal de grande instance de Paris a déclaré irrecevable la demande d'indemnisation présentée à l'encontre de l'Etat en raison de son arrestation, de son entrave par menottes et de son transport à [Établissement 1] et a débouté Mme [D] de ses autres demandes.
Mme [X] [D] a interjeté appel de cette décision le 2 mars 2016 et dans ses conclusions notifiées par Rpva le 10 mai 2017 demande à la cour de :
-condamner in solidum les Hôpitaux de Saint Maurice, l'AP-HP et l'agent judiciaire de l'Etat à l'indemniser des conséquences dommageables de son transport et de son hospitalisation sans consentement du 24 au 28 novembre 2013,
-condamner in solidum les Hôpitaux de Saint Maurice, l'AP-HP et l'agent judiciaire de l'Etat à l'indemniser et à lui verser les sommes de :
*5 000€ en réparation de la privation de liberté pendant 5 jours.
*1 500€ en réparation du préjudice résultant de l'administration de traitements sous la contrainte,
* 30 000€ en réparation du préjudice résultant de l'atteinte à l'honneur et la réputation,
* 15 000€ en réparation du préjudice résultant de l'impossibilité de poursuivre sa carrière,
* 15 000€ en réparation du préjudice résultant des dommages au bien être mental
* 2 000€ en réparation du préjudice lié au défaut de notification
* 30 000€ pour l'absence d'information du représentant de l'Etat
outre la somme de 4 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.
Par conclusions notifiées respectivement le 22 septembre 2016, le 15 mai 2017 et le 8 juin 2017 l'AJE, l'AP-HP et les hôpitaux de Saint Maurice concluent à la confirmation du jugement
L'AJE conclut à la confirmation du jugement, la responsabilité de l'Etat ne pouvant être engagée en l'absence de preuve de la transmission du dossier au représentant de l'Etat et le préfet n'étant pas intervenu dans la décision de placement.
MOTIFS DE LA DECISION:
Mme [D] reproche aux forces de l'ordre un abus de pouvoir dans l'exercice de leurs fonctions ayant conduit à sa privation arbitraire de liberté pour avoir rédigé une main courante sur les seules déclarations mensongères de M. [K] et pour l'avoir conduite menottée à [Établissement 1].
Mais Mme [D] qui ne fonde cette demande en cause d'appel que sur les dispositions de l'article 803 du code de procédure pénale, ne démontre aucunement les conditions illégales de son menottage et en toute hypothèse c'est à juste titre que le tribunal a retenu que ces demandes devaient être présentées devant le tribunal administratif s'agissant de faits reprochés à l'occasion d'une activité de police administrative dont le fonctionnement défectueux ne relève pas des dispositions de l'article L 141-1 du code de l'organisation judiciaire.
La mesure d'hospitalisation à la demande d'un tiers a été prise en application de l'article L 3212-1du code de la santé publique dont l'appelante soutient que les conditions d'application n'étaient pas réunies.
Elle fait valoir que l'avis du docteur [T] retranscrit dans le compte rendu des urgences est fortement sujet à caution, contredit par son propre certificat médical ainsi que par la mère de la patiente et que les certificats établis par les médecins des hôpitaux de Saint Maurice ne démontrent pas davantage la nécessité de son hospitalisation contrainte.
L'AP-HP à laquelle il est reproché le certificat du docteur [T] fait valoir qu'elle n'a commis aucune faute car les constatations du médecin étaient parfaitement justifiées après examen approfondi de la patiente qui présentait un risque suicidaire, pas plus en lui administrant un neuroleptique.
L'hôpital [Établissement 2] conclut à l'absence de preuve de l'illégalité des décisions d'admission et de maintien des soins ainsi que des défaut de notification des droits. Il fait valoir l'absence de preuve d'un préjudice résultant de l'atteinte à l'honneur ou à la réputation ainsi que l'absence de lien avec l'hôpital de l'arrestation et de l'administration de traitement sous contrainte, les seuls postes éventuels d'indemnisation tenant à la privation de liberté. Il conclut également à l'irrecevabilité de la demande présentée pour la première fois en cause d'appel au titre d'une prétendue atteinte au bien être mental.
*****
Le compte rendu qui relate les faits décrits par M [K] et par les policiers, rédigé au conditionnel pour cette partie, n'est pas en contradiction avec le certificat médical aux fins d'hospitalisation décrivant la pathologie et les risques médicalement constatés par ailleurs par le docteur [T] selon lequel: 'Mme [D] présente un risque de passage à l'acte suicidaire. Elle ne montre aucune conscience de son état psychiatrique. Elle nie ses troubles et refuse toute prise en charge.'
Un tel certificat, circonstancié et rédigé après l'examen complet de la patiente aux urgences, qui décrit une crise d'agitation psychomotrice et des idées suicidaires, remplit les conditions exigées par l'article L 3212-1 du code de la santé publique relatives à l'absence de consentement aux soins et à la nécessité d'une hospitalisation complète.
Si le docteur [L] n'a pas constaté dans le second certificat aux fins d'admission l'agitation et les intentions suicidaires de la patiente à laquelle avait été administré un neuroleptique quelques heures auparavant, il a cependant estimé au vu de ses propres constatations que la mesure d'hospitalisation contrainte était nécessaire notamment en l'absence de prise de conscience par la patiente de la nécessité de soins pourtant indispensables.
En ce qui concerne les certificats de 24H et de 72H établis aux fins de maintien de la mesure par le docteur [T], ils mentionnent pour le premier la présence d'une irritabilité avec impulsivité favorisée par des troubles du sommeil et pour le second la nécessité du maintien de la contrainte compte tenu de la négation des troubles à l'exception des propos suicidaires.
Enfin le témoignage de la mère de l'intéressée qui n'est pas médecin n'est pas de nature à contredire utilement les constatations des différents psychiatres rédacteurs de plusieurs certificats médicaux concluant tous à la nécessité de la mesure d'hospitalisation sans consentement.
C'est donc par de justes motifs que la cour adopte que le tribunal a retenu que ces certificats médicaux, qui ne se fondaient pas uniquement sur les déclaration de M [K], permettaient de retenir que la mesure était fondée avec notamment un risque de passage à l'acte suicidaire et que par ailleurs le fait que la mesure ait duré cinq jours ne suffisait pas à établir qu'elle ne l'était pas pour cette durée.
Et il sera rappelé que la décision de placement comme la décision de maintien qui s'approprient le contenu de ces certificats sont motivées en fait et en droit.
La discussion initiée en cause d'appel par Mme [D] sur le point de savoir si M [K] était ou non son concubin est sans conséquence sur sa légitimité à solliciter l'hospitalisation de l'intéressée dès lors qu'il n'est pas contesté que Mme [D] vivait chez lui depuis son arrivée en France et qu'elle en parle comme de son 'compagnon' lors de ses entretiens avec les psychiatres qui l'ont examinée.
En ce qui concerne l'administration de traitement sous la contrainte antérieure à la décision d'hospitalisation, la liberté de prescription du médecin n'est pas utilement remise en cause par Mme [D] qui ne démontre pas le caractère inadapté de cette prescription de neuroleptique au regard de la description de son état de santé qui figure dans le compte rendu d'hospitalisation et notamment de la labilité émotionnelle et des idées suicidaires constatées par le praticien.
En conséquence les demandes de Mme [D] tendant à voir déclarer irrégulières ou mal fondées les décisions d'admission du 24 novembre 2013 et de maintien du 27 novembre 2013 seront rejetées ainsi que ses demandes indemnitaires au titre de la privation de liberté, de l'atteinte au bien être mental ainsi que l'atteinte à l'honneur et à la réputation, de l'administration de traitement sous la contrainte, étant remarqué que la demande en réparation du préjudice résultant de l'impossibilité de poursuivre sa carrière, au demeurant non établi, n'a pas été présentée en première instance.
Sur le défaut de notification des décisions et de ses droits à l'intéressée imputable aux Hôpitaux de Saint Maurice, l'hôpital qui en a la charge ne démontre pas que les décisions d'admission du 24 novembre 2013 et de maintien du 27 novembre 2013 ont été notifiées à Mme [D] comme l'exigent les dispositions de l'article L 3211-3 du code de la santé publique, non plus que les droits dont elle dispose de les contester. Il n'est pas davantage établi qu'elle a bien été informée du projet de décision d'admission prise sous la forme d'une hospitalisation complète. En revanche il résulte des certificats de 24H et de 72H que Mme [D] a été informée de manière appropriée à son état de ce que la décision allait être maintenue.
Si le défaut de notification et d'information des décisions concernées ne porte pas atteinte à leur légalité il a cependant nécessairement entraîné un préjudice pour la patiente, privée d'une information essentielle alors qu'il était porté atteinte à sa liberté.
En réparation de ce préjudice il sera alloué la somme de 1 000€ à Mme [D].
Sur le défaut d'information du représentant de l'Etat résultant du non-respect de l'article L 3212-5 du code de la santé publique, l'attestation du directeur adjoint des hôpitaux de Saint Maurice versée en cause d'appel par l'agent judiciaire de l'Etat établit l'envoi de la décision d'admission et de la décision de maintien au préfet de Paris . En toute hypothèse, même si cette attestation est remise en cause par l'appelante, celle-ci échoue à démontrer le préjudice qui serait résulté de l'absence de contrôle du représentant de l'Etat dès lors que l'irrégularité comme le mal fondé de ces décisions ont été écartés.
L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
Mme [D] qui succombe en son appel à l'exception de sa demande au titre de la notification de ses droits à l'encontre des hôpitaux de Saint Maurice, sera condamnée pour moitié aux dépens avec ces derniers.
PAR CES MOTIFS :
- Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté Mme [X] [D] de sa demande en indemnisation du préjudice résultant de l'absence de notification des décisions d'admission et de maintien des 23 novembre et 27 novembre 2013 ;
Statuant à nouveau de ce chef,
- Condamne les Hôpitaux de Saint Maurice à payer à Mme [X] [D] la somme de 1 000€ à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de l'absence de notification des décisions d'admission et de maintien des 23 et 27 novembre 2013 ;
- Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamne les Hôpitaux de Saint Maurice et Mme [X] [D] par moitié aux dépens d'appel.
LE GREFFIER,LE PRESIDENT,