RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 8
ARRÊT DU 23 novembre 2017
(n° , 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 16/03355
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 Février 2016 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de PARIS RG n° F 13/08865
APPELANTES
Madame [H] [J]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Me Joyce KTORZA, avocat au barreau de PARIS, toque : B0053 substitué par Me Caroline TUONG, avocat au barreau de PARIS, toque : B53
Syndicat SNRT CGT FRANCE TELEVISIONS
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Joyce KTORZA, avocat au barreau de PARIS, toque : B0053 substitué par Me Caroline TUONG, avocat au barreau de PARIS, toque : B53
INTIMEE
SA FRANCE TELEVISIONS
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Marc BORTEN, avocat au barreau de PARIS, toque : R271 substitué par Me Adeline HUSSON, avocat au barreau de PARIS, toque : R271
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 30 Mars 2017, en audience publique, double rapporteur devant la Cour composée de :
Madame Catherine BEZIO, Président de chambre
Mme Patricia DUFOUR, Conseiller
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Catherine BEZIO, Président de chambre
Mme Patricia DUFOUR, conseiller
Mme Camille-Julia GUILLERMET, Vice-président placé
qui en ont délibéré
Greffier : Mme Véronique BESSERMAN-FRADIN, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Madame Catherine BEZIO, Président et par Madame Véronique BESSERMAN-FRADIN, greffière présente lors du prononcé.
Statuant sur l'appel formé par Mme [H] [J] à l'encontre du jugement en date du 12 juin 2013 par lequel le conseil de prud'hommes de Paris, présidé par le juge départiteur statuant seul après avis du conseiller présent , a, avec exécution provisoire,:
-requalifié en contrat à durée indéterminée depuis le 26 juillet 2000, la relation contractuelle entre les parties
-condamné la société FRANCE TELEVISIONS à verser à Mme [J] les sommes de
*15 000 € au titre de l'indemnité de requalification
* 15 115 € € à titre de rappel de prime d'ancienneté outre 1511 € de congés payés afférents,
* 9094 € au titre de la prime de fin d'année
*1560 € au titre des mesures FTV
*16 514 € au titre du suppément familial
*738€ € de rappel de prime de naissance
*2500 € en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
-et, au SNRT ' CGT, la somme de 1000 € à titre de dommages et intérêts , outre 1000 € en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
Vu les conclusions remises et soutenues à l'audience du 30 mars 2017 par Mme [J] qui prie la cour,
à titre principal,
de confirmer la requalification en contrat à durée indéterminée mais à temps complet
de fixer son salaire mensuel brut hors accessoire de salaire à la somme de 3357 €
de condamner la société FRANCE TELEVISIONS à lui payer la somme de 53 309 € à titre de rappel de salaire et 5330 € de congés payés afférents
à titre subsidiaire,
- de requalifier la relation de travail en contrat à durée indéterminée à 77 % d'un temps complet
-de fixer son salaire mensuel brut hors accessoires de salaire à la somme de 2508 €
-de condamner la société FRANCE TELEVISIONS à lui payer la somme de 1450 € à titre -de rappel de salaire et 145 € de congés payés afférents
-en tout état de cause,
-de condamner la société FRANCE TELEVISIONS au paiement d'une indemnité de requalification de 20 000 €
-avec allocation de la somme de 7000 € en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
Vu les conclusions d'intervention volontaire du Syndicat National de radiodiffusion et de télévision groupe FRANCE TELEVISIONSS « SNRT-CGT » à l'audience précitée du 30 mars 2017 qui sollicite la condamnation de la société FRANCE TELEVISIONS au paiement de la somme de 10 000 € de dommages et intérêts et celle de 1000 € en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu les écritures développées à la barre par lesquelles la société FRANCE TELEVISIONS
à titre principal,
-demande acte de ce qu'elle n' « entend pas remettre en cause l'embauche en contrat à durée indéterminée de Mme [J] , intervenue dans le cadre de l'exécution provisoire de la décision déférée, aux conditions fixées dans le jugement dont appel s'agissant du temps partiel et du salaire brut de base »
-mais, formant appel incident, sollicite l'infirmation des condamnations prononcées à son encotre en première instance et réclame le versement par Mme [J] de la somme de 2000 €, à son profit, en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
subsidiairement,
conclut à la réduction du montant de l'indemnité de requalification, à la somme de 1524, 82 € et prie la cour de juger que le contrat de travail à temps partiel de l'appelante correspond à 40 % d'un temps complet sur la base d'un salaire brut mensuel de 1014, 45 € (soit 2536, 13 € pour un temps complet)
avec confirmation du jugement dont appel pour le surplus, soit les demandes salariales et indemnitaires de Mme [J] ;
SUR CE LA COUR
Considérant qu'il résulte des pièces et conclusions des parties que l'appelante, Mme [J], a été engagée, à compter du 26 juillet 2000 , en qualité de chef monteur, par la société France2 aux droits de laquelle vient aujourd'hui la société FRANCE TELEVISIONS qui, depuis la loi du 5 mars 2009, a réuni en son sein, l'ensemble des sociétés de l'audiovisuel public, dont, la société France 2 ;
que Mme [J] a exercé ses fonctions durant plus de 15 ans en vertu de contrats à durée déterminée visant comme motifs « l'usage » et « l'accroissement temporaire d'activité » ;
que concrètement, les fonctions de l'appelante consistaient dans le montage des sujets et reportages réalisés par des journalistes, destinés ensuite à être diffusés, dans le cadre d'émission d'informations, sur la chaîne de télévision France 2;
que le 12 juin 2013, Mme [J] a saisi le conseil de prud'hommes afin de voir requalifier en contrat à durée indéterminée, à temps complet, les divers contrats à durée déterminée qui l'avaient liée aux sociétés France 2 et FRANCE TELEVISIONS , d'obtenir le versement d'un rappel de salaire en conséquence, ainsi que les diverses sommes résultant de l'application, en sa faveur, des dispositions légales et conventionnelles dont bénéficie un « salarié statutaire » ou permanent;
que par le jugement entrepris, le conseil de prud'hommes a accueilli la demande de Mme [J] quant à la requalification de son contrat, en contrat à durée indéterminée, tout en rejetant la qualification sollicitée de contrat de travail à temps complet et la demande de rappel subséquente; qu'enfin les premiers juges ont alloué à Mme [J] les sommes rappelées en tête du présent arrêt au titre de la prime d'ancienneté, la prime de fin d'année, les mesures de France télévision (ou MFT) et du supplément familial outre une indemnité de requalification de 15000 € ;
qu'enfin, le conseil de prud'hommes a condamné la société FRANCE TELEVISIONS à verser au SNRT-CGT la somme de 1000 € à titre de dommages et intérêts , outre 1000 € en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Considérant que conformément aux dispositions de l'article R 1245-1 du code du travail qui assortit la requalification d'un contrat à durée déterminée , en contrat à durée indéterminée, de l'exécution provisoire de droit, la société FRANCE TELEVISIONS a proposé à Mme [J] la signature d'un contrat à durée indéterminée à temps partiel ( égal à 77 % d'un temps complet, soit 27 heures hebdomadaires) , son salaire mensuel s'élevant , sur la base d'un temps complet, à 3162, 73 €, et ce, en qualité de chef monteur, groupe 5, niveau 5 S, placement 17 ;que c'est dans ce cadre que depuis le 1er janvier 2016, se poursuit actuellement la relation contractuelle ;
*
Considérant qu' au soutien de son appel Mme [J] entend voir confirmer la requalification en contrat à durée indéterminée mais à temps completaugmenter le montant de l'indemnité de requalification allouée par les premiers juges fixer son salaire à 3357 € ou subsidiairement, pour un temps partiel de 77 % , à 2508 €, avec paiement du rappel de salaire subséquent, soit 52 309 € ou sunsidiairement 1450 €, augmenté des congés payés afférents
-Confirmer le montant des accessoires de salaire, liés à la requalification, fixés par le conseil de prud'hommes,
Considérant que, comme en première instance, la société FRANCE TELEVISIONS,
conteste la demande de requalification de son contrat par Mme [J], soutient, en tout état de cause, que ce contrat à durée indéterminée ne pourrait être qu'à temps partiel ET conclut au rejet des demandes accessoires
que, néanmoins, en conclusion du dispositif de ses écritures, la société FRANCE TELEVISIONS , tout en sollicitant le débouté de l'appelant du chef de toutes ses demandes, requiert qu'il lui soit donné acte qu'elle n'entend pas remettre en cause l'embauche de l'appelante en contrat à durée indéterminée, réalisée par elle aux conditions rappelées ci-dessus en exécution du jugement de première instance ;
*
Sur la requalification des contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée
Considérant qu'en application des articles L. 1242- 1, L. 1242- 2 et L. 1242- 12 du code du travail, un contrat de travail à durée déterminée ne peut avoir pour effet ou pour objet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise, ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire, de surcroît, seulement dans les cas déterminés par la loi ou un accord collectif et doit, enfin, être établi par écrit et comporter la définition précise de son motif ; qu' à défaut de respecter ces dispositions, le contrat à durée déterminée est réputé conclu pour une durée indéterminée ;
Considérant que le contrat à durée déterminé d'usage est certes prévu et encadré par la convention collective de la production audiovisuelle et l'accord national de branche de la télédiffusion et de la production audiovisuelle en date du 22 décembre 2006 ( étendu par arrêté du 5 juin 2007) mais il appartient au juge de contrôler le motif, par nature temporaire des contrats, qui doit être apprécié concrètement ;
Considérant toutefois que l'accord précité du 22 décembre 2006 stipule aussi que le contrat d'usage n'est autorisé que lorsque pèsent sur l' activité à laquelle participe le salarié des incertitudes, quant à sa pérennité ou lorsque cette activité a un caractère exceptionnel ou événementiel ou requiert des compétences techniques ou artistiques spécifiques. ;
Et considérant qu' à travers les contrats à durée déterminée d'usage, régulièrement signés avec la société FRANCE TELEVISIONS et , avant elle, avec la société France 2, pendant 15 ans, Mme [J] a été employée comme chef monteur, affecté au montage des reportages de journalistes, destinés aux journaux télévisés et magazines d'information des chaînes de télévision de ces sociétés , émissions quotidiennes diffusées par celleS-ci ;
que la société FRANCE TELEVISIONS ne saurait sérieusement prétendre, dans ces conditions, que l'emploi occupé par Mme [J] revêtait un caractère temporaire, alors qu'il s'identifiait avec son activité même, normale et permanente, de diffusion ; que la société FRANCE TELEVISIONS à qui la preuve incombe de démontrer ce caractère temporaire ne fournit aucun élément, ni explication, de nature à établir le caractère temporaire, exigé , comme dit précédemment, à peine de requalification des contrats à durée déterminée d'usage en contrat à durée indéterminée ;
que la durée particulièrement longue des relations contractuelles entre les parties, comme l'absence de compétence spécialisée de Mme [J] confirment que l'emploi de celle-ci ne revêtait pas de caractère temporaire et s'identifiait à l'activité normale des sociétés France 2 puis FRANCE TELEVISIONS ;
qu'il s'ensuit que le conseil de prud'hommes doit être approuvé d'avoir requalifié les contrats à durée déterminée de Mme [J], en un contrat à durée indéterminée , et ce, depuis l'origine de la relation contractuelle, à compter donc du 26 juillet 2000 , le point de départ de la requalification coïncidant, en effet, compte tenu du motif de celle-ci, avec la date de conclusion du premier contrat à durée déterminée irrégulier, conclu entre les parties ;
Considérant que Mme [J] est dès lors bien fondée à solliciter le versement par la société FRANCE TELEVISIONS d'une indemnité de requalification , conformément aux dispositions de l'article L 1245-2 du code du travail -étant rappelé qu'en application de ce texte l'indemnité de requalification ne peut pas être inférieure au dernier salaire perçu par Mme [J] au jour de sa saisine de la juridiction prudhomale ;
Considérant que l'indemnité litigieuse a pour objet, à la fois, de sanctionner l'employeur qui ne s'est pas soumis à la règlementation sur les contrats à durée déterminée et de dédommager le salarié du préjudice subi en raison de la privation des avantages liés au statut de salarié permanent ;
que compte tenu de la longue durée de la relation contractuelle (15 ans) la cour, comme le premier juge, évalue, en l'espèce à 15 000 € l'indemnisation due à Mme [J], en réparation de l'insécurité professionnelle qu' a créée la pratique de la société FRANCE TELEVISIONS ;
*
Sur la qualification du contrat liant les parties, à temps complet ou partiel
Considérant que Mme [J] entend voir juger que son contrat à durée indéterminée était à temps complet car ses contrats à durée déterminée n'étaient pas conformes aux dispositions de l'article L 3123-14 du code du travail et elle se tenait à disposition de la société FRANCE 3 ou FRANCE TELEVISIONS « 365 jours sur 365 », ses conditions de travail ne lui permettant nullement de connaître et d'organiser son emploi du temps ;
Considérant que la société FRANCE TELEVISIONS rappelle justement que si le contrat de travail à temps partiel est conforme aux exigences de l'article L 3123-14 précité du code du travail (avec indication de la durée, hebdomadaire ou mensuelle, prévue et de la répartition de la durée du travail, entre les jours de la semaine ou les semaines du mois), la requalification en contrat à temps complet suppose que le salarié apporte la preuve qu'il effectuait, en réalité, un travail à temps complet, en dépit de l'apparente régularité du contrat à temps partiel à lui consenti ;
qu'elle soutient qu'en l'espèce, les contrats de Mme [J] étaient conformes aux exigences légales et qu'il appartient à l'appelant de démontrer que ces contrats à temps partiel correspondaient, en réalité, à des contrats à temps complet ;
que la société FRANCE TELEVISIONS expose également, avec raison, que la requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée ne porte que sur la durée du contrat mais que les autres stipulations demeurent inchangées ;
Considérant qu'en l'espèce il n'est pas discuté que le contrat de travail de l'appelant était un contrat à temps partiel, au regard de la durée du temps de travail figurant sur les contrats et sur les bulletins de paye de Mme [J] ;
Considérant qu'il s'ensuit que la cour doit vérifier si, comme le soutient la société FRANCE TELEVISIONS et comme le conteste Mme [J], les formalités prévues à l'article L 3123-14 précité étaient remplies, étant rappelé que, dans la négative, le contrat devrait être présumé à temps complet et qu'il appartiendrait, alors, à l'employeur de renverser cette présomption, en démontrant que le salarié était informé de la durée exacte de travail, hebdomadaire ou mensuelle convenue, et en établissant que Mme [J] était matériellement en mesure de prévoir son emploi du temps et son rythme de travail, sans avoir à se tenir constamment à sa disposition ;
qu'à l'inverse, dans l'hypothèse où les exigences de l'article L 3123-14 auraient été satisfaites, ce serait à Mme [J] d'administrer la preuve que son contrat à temps partiel était exécuté de telle sorte qu'il ne pouvait disposer de son temps et devait, en réalité, se tenir à la disposition permanente de la société FRANCE TELEVISIONS , celle-ci justifiant donc la requalification en temps complet, du contrat théoriquement à temps partiel ;
Or considérant qu'il résulte des pièces aux débats que si la plupart des contrats produits font état des jours et du nombre de jours de travail de l'appelant, ceux-ci ne prévoient pas la durée hebdomadaire et la répartition prévues à l'article L 3123-14 ;
que dans ces conditions Mme [J] est bien fondée à se prévaloir de la présomption de contrat de travail à temps complet ;
Et considérant que pour combattre cette présomption, la société FRANCE TELEVISIONS se prévaut de la faible importance, selon elle, de l'activité professionnelle de Mme [J] , en son sein, alliée à la perception régulière d' allocations de chômage ;
Mais considérant qu'il résulte des pièces et conclusions des deux parties que Mme [J] effectuait régulièrement plus de 100 jours de travail, par an, pour le compte des sociétés France 2 ou France Télévision ;
que Mme [J] fait justement valoir, de plus, que le nombre de jours travaillés résulte du choix unilatéral de la société FRANCE TELEVISIONS et ne rend pas compte de l'état de disponibilité totale dans lequel elle devait se tenir à l'égard de cette société, attendant que celle-ci veuille bien faire appel à elle, dans des conditions d'imprévisibilité et d'inorganisation ; que les courriels produits établissent en effet que, contrairement à ses dires, la société FRANCE TELEVISIONS, la plupart du temps, n'avisait le salarié que tardivement (moins de 8 jours )de ses « plannings », lesquels étaient de surcroît, modifiables ;
que pour illustrer cette politique de choix , propre à l'employeur, l'appelante cite , sans être contredite, l'exemple de la journée du 3 octobre 2016 où ont été successivement employés, à la rédaction de France 2, 23 chefs monteurs -sans spécialité particulière- dont la durée totale de travail équivalait à 17 équivalents temps complet ;
que la collaboration de l'appelant avec la société FRANCE TELEVISIONS, régulière et ancienne, apparaît dès lors loin d'être anodine et insignifiante, comme celle-ci tente de le soutenir - d'autant que les déclarations fiscales de Mme [J] démontrent que FRANCE TELEVISIONS procurait à la salariée la majeure partie de ses revenus de sorte que ces emplois démontrent moins la disponibilité de Mme [J] que l'existence d' activités résiduelles -liées à la précarité des offres d'emploi de FRANCE TELEVISIONS- ne remettant pas en cause l' engagement de l'appelante envers la société intimée, comme en témoignent les diverses candidatures de l'intéressée à des postes de monteurs permanents, proposés par FRANCE TELEVISIONS ; qu'il importe peu, en outre, que l'appelante ait perçu des sommes au titre de l'assurance chômage alors que celles-ci demeurent inférieures aux salaires perçus par Mme [J], de FRANCE TELEVISIONS ; qu'enfin, cette dernière ne se prévaut d'aucun refus que Mme [J] aurait opposée à l'une de ses propositions de missions ;
Considérant qu'il résulte des énonciations qui précèdent que la présomption de contrat de travail à temps complet n'est pas renversée par la société FRANCE TELEVISIONS et que Mme [J] sollicite à bon droit la requalification en ce sens, de son contrat à durée indéterminée ;
*
Sur le salaire de base et le rappel de salaire
Considérant que pour statuer sur la demande de rappel de salaire formée par Mme [J], il convient de déterminer le salaire de base de l'appelante dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à temps complet ;
Considérant qu'à ce titre, Mme [J] doit bénéficier des dispositions qui, depuis l'origine, auraient dû lui être appliquées, en sa qualité de salarié titulaire d'un contrat à durée indéterminée à temps complet ; qu'en outre, la société FRANCE TELEVISIONS, du fait de la requalification du contrat, en contrat à durée indéterminée à temps complet, est tenue d'une obligation contractuelle au paiement du salaire correspondant à un temps complet qui ne peut être affectée par les revenus de remplacement dont a pu bénéficier la salariée ;
considérant qu'au regard des conclusions des parties et des dispositions conventionnelles applicables il apparaît que Mme [J] aurait dû être classée B 16, lors de son premier engagement en 2001 et que 10 ans plus tard, en octobre 2011, elle aurait été automatiquement promue B 21-1 ;
que le salaire de 3357 € dont se prévaut Mme [J] procède de la moyenne opérée entre les salaires perçus par des salariés exerçant les mêmes fonctions qu'elle et disposant d'une classification semblable à la sienne ; que, certes, la société FRANCE TELEVISIONS, conteste cette estimation mais, pour sa part, ne produit aucune pièce justifiant que des collègues de Mme [J] , dans une situation identique à la sienne, perçoivent un salaire moindre à celui qu'elle revendique ;
Considérant que la cour retiendra donc la somme de 3357 € comme salaire de base de l'appelante ; que le montant du rappel requis sera accordé à Mme [J] , majoré des congés payés afférents, comme dit au dispositif ci-après (soit 52 309 € € et 5230 €) ;
*
Sur les accessoires de salaires
Considérant que du fait de la requalification intervenue, Mme [J] est en droit de bénéficier des dispositions légales et conventionnelles, applicables aux salariés « statutaires » ou permanents, titulaires d'un contrat à durée indéterminée ;
que ses revendications ont trait à la prime d'ancienneté, à la prime de fin d'année , aux mesures FTV , au supplément familial et à la prime de naissance ;
°
Sur la prime d'ancienneté
Considérant qu' à ce premier titre, il convient d'allouer à Mme [J] la somme réclamée en principal, soit 16 358 € ;
Considérant toutefois que Mme [J] doit être déboutée de sa demande en paiement des congés payés afférents à cette somme ;
qu'en effet, comme le soutient FRANCE TELEVISIONS,la prime litigieuse est versée au salarié tout au long de l'année, périodes de travail et de congés payés confondues, en sorte que son inclusion dans l'assiette de calcul de l'indemnité de congés payés aboutirait à la faire payer pour partie une seconde fois par l'employeur ; que par surcroît, la prime d'ancienneté n'étant pas la contrepartie d'un travail effectif , elle ne saurait supporter le paiement de congés payés afférents ;
°
Sur la prime de fin d'année
Considérant que Mme [J] est également fondée à solliciter le paiement de cette prime accordée aux salariés statutaires par la société FRANCE TELEVISIONS ;
que cette dernière répond seulement que cette prime n'est pas due à l'appelante au motif que son statut de salarié à contrat à durée déterminée l'exclut du bénéfice de cet avantage ou, sans le démontrer, que la prime requise n'a pas d'existence et ne tient pas compte des dispositions de l'accord d'entreprise du 28 mai 2013 ;
que cependant au regard des dispositions qui précèdent Mme [J], titulaire d'un contrat à durée indéterminée, doit se voir reconnaître ce bénéfice ; qu'en outre, Mme [J] réplique et justifie que l' accord précité n'a supprimé la prime d'ancienneté qu' à compter de 2013, par son intégration au salaire de base ;
que Mme [J] est dès lors fondée à demander le paiement de la somme due par la société FRANCE TELEVISIONS à ce titre jusqu'en 2012, soit 9094 € ;
°
Sur les mesures FTV
Considérant qu' à la suite des négociations annuelles obligatoires et jusqu'en 2011 une augmentation salariale collective, dénommée « mesure FTV » , a été accordée aux salariés permanents de la société FRANCE TELEVISIONS ; que celle-ci, pour s'opposer à la demande, comme précédemment, fait valoir que ces mesures sont réservées aux salariés permanents ;
que toutefois il ressort des dispositions précédentes que Mme [J] doit être considéré comme un salarié permanent et bénéficier en conséquence desdites mesures ;
qu'il convient donc d'accueillir la demande de l'appelante et de condamner la société FRANCE TELEVISIONS, à verser à celle-ci la somme de 1560 € due jusqu'en 2011 ;
°
Sur le supplément familial
Considérant qu' à ce titre Mme [J] réclame une somme de 16 514 € que lui a accordée le premier juge ;
Mais considérant que la société FRANCE TELEVISIONS objecte que l'appelante ne démontre pas remplir les conditions auxquelles est subordoné le versement de cet avantage ;
Et considérant qu'il n'est pas contesté que, parmi ces conditions, figure la non perception de ce même complément de salaire par le conjoint de la salariée sollicitant cet avantage ;
que Mme [J] ne fournit aucune explication, ni justification à cet égard ; qu'elle ne prétend pas non plus bénéficier de celui-ci en vertu du contrat à durée indéterminée que lui a consenti FRANCE TELEVISIONS, à la suite du jugement dont appel ;
qu'il convient donc d'infirmer de ce chef cette décision ;
°
Sur la prime de naissance
Considérant que cette prime est justement réclamée par Mme [J] envertu des dispositions de l'article 1 2) de l'annexe 9 de la convention collective de la communication et de la production audiovisuelle ; qu'elle est due à l'occasion d'une naissance et Mme [J] justifie qu'elle a eu un enfant en 2011;que le calcul de cette prime, effectué par l'appelante appraît conforme à ses dispositons conventionnelles et n'est pas utilement contredit par FRANCE TELEVISIONS ;
*
Considérant que l'équité et la situation des parties commandent d'allouer à Mme [J] la somme de 1500 € en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile , en sus de celle accordée en première instance sur le fondement du même texte ;
*
Sur les demandes du syndicat SNRT CGT
Considérant que la société FRANCE TELEVISIONS forme appel incident du chef des dispositions du jugement qui l'ont condamnée à verser des dommages et intérêts au syndicat SNRT CGT ;
Considérant que, comme l'ont estimé les premiers juges, le litige qui oppose Mme [J] à la société FRANCE TELEVISIONS intéresse la pratique d'un employeur et les conditions de travail que celui-ci impose au salarié d'une profession particulière, spécialement défendue par le syndicat SNRT CGT ; que l'inobservation par la société FRANCE TELEVISIONS des dispositions légales et règlementaires applicables au contrat à durée indéterminée a pour objet ou pour effet de fragiliser, en la précarisant, cette profession, de sorte que l'atteinte à l'intérêt collectif professionnel dont cette organisation a la charge, justifie l'action de cette dernière et l'allocation à son profit des dommages et intérêts qui lui ont été justement accordés en première instance, en réparation du préjudice subséquent;
Considérant qu' en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile , la société FRANCE TELEVISIONS versera à cette organisation syndicale la somme de 500 € , en sus de celle allouée par le juge départiteur ;
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement entrepris en ce que le jugement a condamné la société FRANCE TELEVISIONS, au paiement, en faveur de Mme [J], de la somme de 15 000 € au titre de l'indemnité de requalification , et des accessoires de salaires -à l'exception de la somme accordée au titre du supplément familial et des congés payés afférents à la prime d'ancienneté- ainsi qu'aux dépens et au paiement de la somme de 2500 € en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
Confirme les condamnations prononcées dans le jugement entrepris au profit du Syndicat national de la radiodiffusion et de télévision du groupe FRANCE TELEVISIONS « SNRT-CGT » ;
Infirme pour le surplus le jugement entrepris et statuant à nouveau ;
Dit que le contrat à durée indéterminée de Mme [J] est à temps complet
Condamne la société FRANCE TELEVISIONS à payer à Mme [J]
-la somme de 52 309 € à titre de rappel de salaire et la somme de 5230 € à titre de congés payés afférents
Déboute Mme [J] de sa demande de rappel de supplément famlial ;
l'ensemble des sommes ci-dessus portant intérêt au taux légal à compter du jour de la réception par la société FRANCE TELEVISIONS de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes ;
Déboute Mme [J] de sa demande en paiement de congés payés afférents à la prime d'ancienneté ;
Condamne la société FRANCE TELEVISIONS à supporter les dépens d'appel et à payer à Mme [J] la somme de 1500 € et au syndicat précité la somme de 500 €, en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile .
La greffière Le Président