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28/11/2017 | FRANCE | N°16/00194

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 1, 28 novembre 2017, 16/00194


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 1



ARRET DU 28 NOVEMBRE 2017



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 16/00194



Décision déférée à la Cour : Sentence du 17 novembre 2015 rendue par le tribunal arbitral de PARIS composé de MM. ELAHDAB et MOURRE, arbitres, et de M. ST JOHN SUTTON, président



DEMANDEUR AU RECOURS :



Monsieur [X] [Y] [J] [

S]



[Adresse 4]

[Adresse 5]

[Adresse 8]

[Localité 2]

ARABIE SAOUDITE



représenté par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat postulant du barreau d...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 1

ARRET DU 28 NOVEMBRE 2017

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 16/00194

Décision déférée à la Cour : Sentence du 17 novembre 2015 rendue par le tribunal arbitral de PARIS composé de MM. ELAHDAB et MOURRE, arbitres, et de M. ST JOHN SUTTON, président

DEMANDEUR AU RECOURS :

Monsieur [X] [Y] [J] [S]

[Adresse 4]

[Adresse 5]

[Adresse 8]

[Localité 2]

ARABIE SAOUDITE

représenté par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : L0020

assisté de Me Flavie KANNOUN et Me Marine ALIX, avocats plaidant du barreau de PARIS, de la SELAS LANTOURNE & Associés, toque

DEFENDEUR AU RECOURS :

Monsieur [X] [B] [E] [N]

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 1]

ARABIE SAOUDITE

représenté par Me Philippe PINSOLLE du PARTNERSHIPS QUINN EMANUEL URQUHART & SULLIVAN LLP, avocat au barreau de PARIS, toque : J006

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 24 octobre 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Dominique GUIHAL, présidente

Mme Dominique SALVARY, conseillère

M. Jean LECAROZ, conseiller

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE

ARRET :- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Dominique GUIHAL, présidente et par Mme Mélanie PATE, greffier présent lors du prononcé.

Le 1er janvier 2011 à [Localité 7], le [X] [Y] [J] [S] (M. [S]), homme d'affaires saoudien, a conclu avec le [X] [B] [N] (M. [N]), avocat saoudien, une convention de conseil et de consultation portant sur la représentation juridique du premier par le second en Arabie Saoudite et à l'étranger. Ce contrat comportait une clause compromissoire.

Au cours de l'année 2011, des lettres des 16 février, 19 juin et 12 juillet ont fixé les conditions de rémunération d'une mission d'assistance pour la cession des actions de la société Jadawel International, propriétaire de deux complexes résidentiels en Arabie Saoudite. Ces accords ne prévoyaient pas de clause compromissoire.

A la suite de la vente des complexes à un Fonds de pensions public saoudien, un différend est né relativement à l'honoraire de résultat dû à M. [N].

Ce dernier, sur le fondement de la clause compromissoire stipulée par le contrat du 1er janvier 2011, a saisi la Chambre de commerce internationale d'une demande d'arbitrage dirigée contre M. [S] ainsi que contre les sociétés MBI International & Partners, MBI & Partners UK Ltd, [Y] [J] [S] & Sons, et Jadawel International Company Ltd.

Par une sentence rendue à Paris le 17 novembre 2015, le tribunal arbitral composé de MM. ELAHDAB et MOURRE, arbitres, et de M. ST JOHN SUTTON, président :

- s'est déclaré compétent à l'égard de M. [S] et incompétent à l'égard des autres défendeurs,

- a dit que la convention d'arbitrage contenue dans le contrat du 1er janvier 2011 s'étendait à l'accord du 12 juillet 2011,

- a condamné M. [S] à payer à M. [N] la somme de 30 millions de riyals saoudiens avec les intérêts au taux LIBOR plus 2 % à compter du 30 novembre 2013, outre les honoraires et frais de la procédure et les frais du demandeur.

Le 14 décembre 2015, M. [S] a formé un recours contre cette sentence.

Par des conclusions notifiées le 6 septembre 2017, il demande à la cour d'en prononcer l'annulation et de condamner la partie adverse à lui payer la somme de 50.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. Il invoque le défaut d'impartialité et d'indépendance des arbitres, l'incompétence du tribunal arbitral, l'inobservation par le tribunal de sa mission et la violation du principe de la contradiction.

Par des conclusions notifiées le 13 juillet 2017, M. [N] demande à la cour de déclarer irrecevables et subsidiairement mal fondés les moyens tirés de l'article 1520, 1°, 2° et 4° du code de procédure civile, de rejeter le moyen fondé sur l'article 1520, 3°, de rejeter le recours en annulation et de condamner le recourant à payer la somme de 100.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR QUOI :

Sur le moyen tiré de l'incompétence du tribunal arbitral (article 1520, 1° du code de procédure civile) :

M. [N] conclut à l'irrecevabilité du moyen au motif que la signature de l'acte de mission avec des réserves relativement à la compétence ratione personae mais non ratione materiae emportait renonciation à se prévaloir d'un moyen tenant à la compétence matérielle.

M. [S] soutient que son moyen est recevable dès lors qu'il a formulé une objection générale à la compétence du tribunal arbitral. Sur le fond, il allègue que l'intention des parties d'étendre à l'accord du 12 juillet 2011 la clause d'arbitrage stipulée dans la convention du 1er janvier 2011 ne pouvait être présumée faute d'indivisibilité entre ces deux contrats; qu'il ne peut être déduit des termes de la clause compromissoire l'intention des parties d'en étendre la portée au-delà de la convention qui la contient; qu'en tout état de cause, la clause d'arbitrage ne pouvait être étendue à l'accord du 12 juillet 2011 dans la mesure où les parties n'étaient pas les mêmes que celles qui avaient conclu la convention du 1er janvier 2011.

La recevabilité du moyen :

Considérant qu'en l'espèce, la requête d'arbitrage qui a saisi la C.C.I. tendait au paiement de l'honoraire de résultat prévu au bénéfice de M. [N] par l'accord du 12 juillet 2011; qu'elle était fondée sur la clause compromissoire stipulée par la convention du 1er janvier 2011, et qu'elle était dirigée contre M. [S] (1), MBI International & Partners MBI (2), International & Partners Inc. (3), MBI & Partners UK Ltd (4), [Y] [J] [S] & Sons (5) et Jadawel International Company Ltd (6);

Considérant que l'acte de mission signé par les parties et les membres du tribunal arbitral le 27 octobre 2014 relatait dans les termes suivants les exceptions d'incompétence soulevées par les défendeurs :

'Nonobstant le dépôt conjoint de la Réponse, le Premier défendeur soulève une exception d'incompétence de la C.C.I. et de tout tribunal arbitral nommé dans la présente affaire. Une exception d'incompétence au regard des Troisième, Cinquième et Sixième Défendeurs est également soulevée. En ce qui concerne le Second Défendeur, il est soutenu qu'il ne s'agit pas d'une personne morale et, par conséquent, que le présent arbitrage ne peut avoir lieu à son encontre.

Dans la section III de la Réponse à la Demande d'arbitrage en date du 10 mars 2011, les Défendeurs déclarent que le présent arbitrage est engagé devant la C.C.I. en application de la Convention qui a été signée le 1er janvier 2011 et qui contient la clause d'arbitrage, déjà citée, qui prévoit l'arbitrage de la C.C.I. en cas de litige.

Bien que le Premier Défendeur ait signé la Convention contenant ladite clause d'arbitrage, il n'a, en fait, aucunement participé à sa négociation ou à son exécution à titre personnel. Plus exactement, tout au long de la relation d'affaires entre les Parties résultant de la Convention, le Premier Défendeur n'a agi qu'en sa qualité officielle de Président de MBI UK, le Second Défendeur.';

Considérant que si l'acte de mission développe des objections à la juridiction du tribunal arbitral à l'égard de certains seulement des défendeurs, et tirées de leur qualité à défendre, il n'en contient pas moins, pour M. [S], une contestation générale de la compétence de toute juridiction arbitrale, de sorte qu'il ne peut s'en déduire une volonté claire et non équivoque de conclure un compromis reconnaissant la compétence du tribunal arbitral à l'égard de l'accord du 12 juillet 2011;

Et considérant que dans le mémoire qu'ils ont déposé au cours de l'instance arbitrale, les défendeurs ont présenté des moyens d'incompétence ratione materiae, résumés par la sentence dans les termes suivants :

' (i)l'accord du 12 juillet ne contient pas de convention d'arbitrage bien qu'il ait été rédigé par [X] [B] et les références exigées par la loi française font défaut;

(ii)la Convention et l'accord du 12 juillet ont été signés à des dates différentes et possèdent un champ d'application et un objet totalement différents, ainsi que des signataires différents;

(iii)le fait que la Convention et l'accord du 12 juillet étaient censés être des conventions totalement différentes et sans lien entre elles est confirmé par le comportement de [X] [B] à la suite de la vente des complexes; et

(iv)en tout état de cause, tout doute concernant l'interrelation entre ces deux conventions doit, conformément à la loi française, être résolu au détriment du Demandeur et, par conséquent, de la compétence du Tribunal';

Considérant, par conséquent, que M. [S] a invoqué devant le tribunal arbitral en temps utile, au sens de l'article 1466 du code de procédure civile, le moyen d'incompétence qu'il soumet à la cour;

Que le moyen est recevable;

Le bien-fondé du moyen :

Considérant que le juge de l'annulation contrôle la décision du tribunal arbitral sur sa compétence, qu'il se soit déclaré compétent ou incompétent, en recherchant tous les éléments de droit ou de fait permettant d'apprécier la portée de la convention d'arbitrage et d'en déduire les conséquences sur le respect de la mission confiée aux arbitres;

Considérant que le 1er janvier 2011 M. [S] et M. [N], agissant tous deux à titre personnel, ont conclu une convention de conseil et de consultation portant sur la représentation juridique du premier par le second en Arabie Saoudite et à l'étranger; qu'il était prévu une rémunération forfaitaire ainsi qu'un honoraire de résultat; qu'une clause compromissoire était stipulée dans les termes suivants :

'La présente Convention sera régie par les lois françaises. Tous les litiges résultant de la présente Convention ou liés à celle-ci qui ne pourront pas être résolus à l'amiable par les parties dans un délai de trois mois à compter de la date de la notification écrite par l'une des parties à l'autre de l'existence d'un litige, seront définitivement tranchés selon le Règlement d'arbitrage de la Chambre de commerce internationale par un collège de trois arbitres nommés conformément audit Règlement. Le lieu de l'arbitrage sera [Localité 7] et la procédure d'arbitrage se déroulera en anglais';

Considérant que par une lettre du 16 février 2011, M. [S] a informé M. [N] de son souhait d'engager son cabinet, en association avec Freshfields Bruckhaus Deringer, pour gérer toutes les questions liées à une éventuelle cession d'actions de la société saoudienne détentrice des deux complexes résidentiels Jadawel; que cette lettre était signée de M. [S] dont le nom était suivi de la mention 'MBI International';

Considérant que le 19 juin 2011, M. [S] a signé une autre lettre adressée à M. [N], confirmant qu'il paierait non seulement l'ensemble des honoraires d'avocat dus au cabinet, mais encore, qu'il verserait au destinataire personnellement, un honoraire de résultat lors de la conclusion de la transaction à venir avec le Fonds de pension public en Arabie saoudite à la suite du contact pris par M.[N] avec le ministre des finances; que cet honoraire de résultat était fixé à 3 % du prix de vente; enfin, qu'une lettre du 12 juillet 2011, remplaçant expressément le précédent accord du 19 juin, en reprenait les principes et précisait que le paiement forfaitaire serait de 30 millions de riyals saoudiens et qu'il serait versé une somme supplémentaire de 10 millions de riyals si le prix de vente dépassait 2,4 milliards de riyals; que cette lettre, comme la précédente était rédigée sur papier à en-tête de MBI International & Partners, [Adresse 3], et qu'elle était signée par M. [S] 'en ma qualité de propriétaire des deux propriétés et de Président inscrit de la société';

Considérant, en premier lieu, qu'aucun défaut d'identité entre les parties aux deux contrats n'est de nature à faire obstacle à l'extension de la clause compromissoire;

Considérant, d'une part, que M. [S], qui ne conteste pas être personnellement partie à la convention du 1er janvier 2011, l'est également, contrairement à ce qu'il prétend, à l'accord du 12 juillet 2011; qu'en effet, d'une part, il a signé cette lettre et la précédente, en sa double qualité de président de la société MBI International & Partners et de propriétaire des biens, d'autre part, cet accord faisait suite à celui du16 février 2011, qui était rédigé sur un papier dépourvu d'en-tête, et ne mentionnait à la suite de son nom et de sa signature qu'un sigle - MBI International -, qui ne correspondait à aucune personne morale, et dont l'inexistence juridique a d'ailleurs été plaidée par lui dans l'instance arbitrale;

Considérant, d'autre part, que, contrairement à ce que soutient le recourant, la convention du 1er janvier 2011 a été conclue avec M. [N] personnellement et les accords suivants avec M. [N] à titre personnel et en tant que représentant de son cabinet;

Considérant, en deuxième lieu, que la commune intention des parties a été d'étendre la clause compromissoire stipulée par la convention du 1er janvier 2011 à l'accord du 12 juillet;

Considérant, en effet, d'une part, que cette convention confiait à M. [N] un mission très large de conseil et de consultation portant sur la représentation juridique de M. [S] en Arabie saoudite ou à l'étranger; qu'elle prévoyait une rémunération sous forme d'avance trimestrielle pour 50 heures de travail au taux horaire de 1.000 USD, tout dépassement étant facturé séparément, de remboursement de frais, et d'un 'honoraire de résultat, accordé au cas par cas et ajusté en fonction des circonstances', à hauteur de 1,3 % au titre des acquisitions et de l'activité bancaire et/ou financière et de 2 à 4 % en toutes autres matières; qu'il s'en déduit que les parties entendaient conclure des accords particuliers, dans le cadre de leur engagement général, pour fixer l'honoraire de résultat à l'égard de chaque opération;

Considérant, d'autre part, que la cession des complexes résidentiels Jadawel entrait dans la catégorie des 'autres matières' au sens de la convention et que l'honoraire de résultat de 3 % prévu par l'accord particulier s'inscrivait dans la fourchette de 2 à 4 % stipulée par la convention-cadre;

Considérant, enfin, que la clause compromissoire de la convention qui vise 'tous les litiges résultant de la présente Convention ou liés à celle-ci' a été conçue en des termes suffisamment larges pour englober les différends nés des accords particuliers conclus dans son cadre;

Considérant qu'il en résulte que la convention d'arbitrage est applicable au litige opposant M.[N] à M. [S] relativement à l'honoraire de résultat dû en application de l'accord du 12 juillet 2011;

Que le moyen tiré de l'incompétence du tribunal arbitral doit être écarté;

Sur le moyen tiré du défaut d'indépendance et d'impartialité d'un arbitre (article 1520, 2° du code de procédure civile) :

En premier lieu, M. [S] fait grief à l'arbitre ELAHDAB d'avoir omis de mentionner dans sa déclaration d'indépendance ses prises de position doctrinale en faveur de l'extension des clauses compromissoires dans les groupes de contrat, ainsi que sa participation commune avec M. [N] à plusieurs conférences et colloques. En deuxième lieu, il soutient que l'absence d'indépendance et d'impartialité de cet arbitre est démontrée par ses écrits en faveur de la théorie de l'extension des clauses compromissoires. Il prétend, en troisième lieu, qu'elle s'est manifestée par ses propos hostiles au cours de l'instance arbitrale.

M. [N] conclut à l'irrecevabilité du moyen faute d'exercice du recours en récusation dans les conditions prévues par le règlement d'arbitrage, et subsidiairement à son mal fondé.

Considérant que la partie qui, en connaissance de cause, s'abstient d'exercer, dans le délai prévu par le règlement d'arbitrage applicable, son droit de récusation, en se fondant sur toute circonstance de nature à mettre en cause l'indépendance ou l'impartialité d'un arbitre, est réputée avoir renoncé à s'en prévaloir devant le juge de l'annulation;

Considérant qu'aux termes de l'article 14.2 du règlement d'arbitrage de la C.C.I.(entré en vigueur le1er janvier 2012), auquel les parties ont entendu se soumettre : 'Cette demande [de récusation] doit être soumise par une partie, à peine de forclusion, soit dans les trente jours suivant la réception par celle-ci de la notification de la nomination ou de la confirmation de l'arbitre, soit dans les trente jours suivant la date à laquelle la partie introduisant la récusation a été informée des faits et circonstances qu'elle invoque à l'appui de sa demande de récusation, si cette date est postérieure à la réception de la notification susvisée';

Sur la recevabilité du moyen pris en ses première et deuxième branches :

Considérant qu'un article de doctrine publié en 2001 et une note sous arrêt publiée en 2006, dans lesquels M. ELAHDAB prendrait parti en faveur de l'extension des clauses compromissoires dans les groupes de contrats, sont des éléments d'information qui étaient publics à la date de désignation de cet arbitre; qu'il en va de même de l'intervention de M. [R] en 2007 et 2008 dans des colloques auxquels participait également M. [N]; que, dès lors, et peu important que ces informations n'aient pas figuré dans la déclaration d'indépendance, le recourant qui n'a pas exercé de recours en récusation dans les trente jours de la notification de la désignation de cet arbitre n'est plus recevable à se prévaloir des mêmes griefs devant le juge de l'annulation;

Sur la recevabilité du moyen pris en sa troisième branche :

Considérant que lors de l'audience du 16 juillet 2015, le conseil de M. [S] a déclaré : 'Ce que j'ai à dire est que le Dr ElAhdab est un exemple type d'une personne qui n'est pas indépendante. Il a déjà préjugé l'affaire avant tout délibéré. Si vous regardez les questions - et je dis cela très calmement, très respectueusement - toutes les questions posées à mon client confirment le fait que M. ElAhdab s'était déjà fait sa propre opinion et qu'il n'était pas indépendant' (transcription, p 439 à 440); qu'il a toutefois ajouté : 'Maintenant, nous n'allons pas former une demande de récusation contre vous, M. ElAhdab, pour la simple raison qu'il est si évident que vous n'êtes pas indépendant, que nous ne croyons pas une seconde que votre position sera traitée comme celle d'un arbitre indépendant. Je le dis pour le faire apparaître à la transcription, en tant que conseil, non en tant que [G] [Z], pour mes clients';

Considérant que le recourant ayant, en connaissance de cause, renoncé à former une demande de récusation fondée sur les propos de l'arbitre au cours de l'arbitrage, est réputé avoir renoncé à se prévaloir de ce grief devant le juge de l'annulation;

Considérant que le moyen tiré du défaut d'indépendance et d'impartialité du tribunal arbitral est irrecevable en toutes ses branches;

Sur le moyen tiré de la méconnaissance par les arbitres de leur mission (article 1520, 3° du code de procédure civile) :

M. [S] soutient que le tribunal arbitral, en écartant la loi du 2 janvier 1970 qui réglemente les conditions d'exercice des activités d'intermédiaire pour la vente d'immeubles, a refusé d'appliquer le droit français désigné par la clause compromissoire et, partant, méconnu sa mission.

Considérant que la clause compromissoire prévoit que la convention est régie par les lois françaises;

Considérant que la question du champ d'application de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 a été discutée au cours de l'instance arbitrale et que le tribunal, pour des motifs tirés du droit français et de décisions de jurisprudence françaises, a estimé que cette loi de police n'avait pas vocation à régir une vente d'immeubles situés en Arabie saoudite (sentence § 202 à 235);

Qu'ainsi, contrairement à ce que prétend le recourant, les arbitres se sont conformés à la mission qui leur avait été confiée par les parties de trancher le litige en application du droit français;

Sur le moyen tiré de la violation du principe de la contradiction (article 1520, 4° du code de procédure civile) :

Le recourant fait valoir :

- que son conseil a été, à plusieurs reprises, empêché de poser des questions à M. [N] lors du contre-interrogatoire de celui-ci;

- qu'à l'inverse lors de son propre contre-interrogatoire, les deux avocats de M. [N] ont reçu l'appui du président du tribunal arbitral;

- que M. [N] a bénéficié d'une entière liberté de parole y compris lorsque ses propos étaient insultants ou étrangers au litige ou qu'ils révélaient des informations confidentielles;

- que la charge de la preuve de l'intention des parties d'étendre la clause compromissoire a été inversée au profit de M [N].

Considérant que le principe de la contradiction exige seulement que les parties aient pu faire connaître leurs prétentions de fait et de droit et discuter celles de leur adversaire de telle sorte que rien de ce qui a servi à fonder la décision des arbitres n'ait échappé à leur débat contradictoire;

Considérant qu'en l'espèce, M. [S] ne conteste pas avoir été à même de prendre connaissance de l'ensemble des moyens et pièces de son adversaire et de conclure en réponse; qu'il ne discute pas l'allégation de la partie adverse selon laquelle il a été interrogé pendant 155 minutes et que son conseil a plaidé devant le tribunal arbitral pendant 177 minutes alors que M. [N] a été interrogé pendant 145 minutes et que son avocat a plaidé pendant 155 minutes;

Considérant que M. [S] se borne à prétendre que les contre-interrogatoires auraient été déséquilibrés en faveur de son adversaire;

Mais considérant que la durée et la consistance des auditions de témoins ou de parties peuvent varier en fonction de la question en litige et de la pertinence des témoignages sans qu'en résulte une atteinte aux droits de la défense et à l'égalité des armes;

Qu'au demeurant, en l'espèce, l'allégation d'un déséquilibre ne saurait se déduire du fait qu'à l'issue du contre-interrogatoire de M. [N], le conseil de M. [S] ait déclaré : 'Vous savez cela ressemblait à tout sauf à un contre-interrogatoire. C'est non limité- même pas direct, mais un discours de deux jours de Monsieur [N]. Je pense que le Tribunal l'a laissé s'en sortir avec beaucoup de choses, y compris mettre dans le dossier des choses qui sont complètement sans rapport et totalement nouvelles. J'espère qu'au moins, le tribunal appliquera la même courtoisie à mon client' (transcription, 16 juillet 2015, p. 316);

Qu'en réalité, il résulte de l'examen des pages 253 à 316 de la transcription de l'audience du 16 juillet 2015 que le Dr [Z], conseil de M. [S] a mené le contre-interrogatoire de M. [N] avec une entière liberté et jusqu'à ce qu'il reconnaisse qu'il n'avait plus de questions à poser; qu'il n'apparaît pas davantage que le contre-interrogatoire de M. [S] ait été donné lieu de la part du tribunal arbitral à des interventions en faveur du conseil de M. [N] (audience du 16 juillet 2015, p. 319 à 448);

Considérant qu'à le supposer établi, le fait que M. [N] ait tenu des propos étrangers au litige, ou même désobligeants, ne constitue pas une atteinte au principe contradictoire ni aux droits de la défense, dès lors que l'autre partie était en mesure d'y répondre;

Que de même le nombre d'avocats assistant chacune des parties était laissé à l'appréciation de chacune d'elles et était sans influence sur le respect du principe de la contradiction;

Considérant, enfin que l'allégation d'un renversement de la charge de la preuve invite la cour à une révision au fond de la sentence qui n'est pas permise au juge de l'annulation;

Considérant que le moyen tiré de la violation du principe de la contradiction ne peut qu'être écarté;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le recours en annulation doit être rejeté;

Sur l'article 700 du code de procédure civile :

Considérant que le recourant, qui succombe, ne saurait bénéficier des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et sera condamné sur ce fondement à payer à l'autre partie la somme de 80.000 euros;

PAR CES MOTIFS :

Rejette le recours en annulation de la sentence rendue à [Localité 7] entre les parties le 17 novembre 2015.

Condamne le [X] [Y] [J] [S] aux dépens et au paiement au [X] [B] [E] [N] de la somme de 80.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 16/00194
Date de la décision : 28/11/2017

Références :

Cour d'appel de Paris A1, arrêt n°16/00194 : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-11-28;16.00194 ?
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