RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 6
ARRÊT DU 10 Janvier 2018
RENVOI APRES CASSATION
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 17/08361
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 mars 2010 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Paris section RG n° 07/04808, infirmé partiellement par arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 30 janvier 2014,
par arrêt du 02 juillet 2015, la cour d'appel de Paris a déclaré irrecevable le recours en révision de l'arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 30 janvier 2014, arrêt cassé par un arrêt de la Cour de Cassation en date du 26 avril 2017,
Demanderesse :
SAS CHEVY venant aux droits et obligations de SAS LES BOUCHERIES-DAGUERRE-ORLEANS à l'enseigne BOUCHERIES CHEVY
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 1]
représentée par Me Lin NIN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0075
Défendeur :
Monsieur [Z] [U]
[Adresse 2]
[Localité 2]
né le [Date naissance 1] 1945 à [Localité 3]
représenté par Me Rachid HENOUSSENE, avocat au barreau de PARIS, toque : D1278
Ministère public :
L'affaire a été communiquée au Ministère Public représenté lors des débats par M. Antoine PIETRI, substitut général, qui a été entendu en ses observations
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 14 Novembre 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Benoît DE CHARRY, Président de chambre
Mme Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, Conseillère
Mme Séverine TECHER, Vice-Présidente Placée
qui en ont délibéré
Greffier : Mme Martine JOANTAUZY, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire,
- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- signé par Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, conseillère, pour le président empêché, et par Madame Martine JOANTAUZY, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
M. [Z] [U] a été engagé par la société d'exploitation des boucheries Chevy, absorbée par la SAS Chevy, suivant contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er septembre 1992, en qualité de responsable de magasin.
Par lettre du 21 juin 2004, M. [U] a fait valoir ses droits à la retraite, la fin de son contrat de travail ayant été fixée au 31 juillet 2004.
Estimant ne pas avoir été rempli de l'intégralité de ses droits, M. [U] a saisi, le 25 avril 2007, le conseil de prud'hommes de Paris qui, par jugement rendu le 15 mars 2010, a :
- condamné la société d'exploitation des boucheries Chevy à payer à M. [U] les sommes de 1 500,43 euros à titre de prime de fin d'année et 10 000 euros au titre des heures supplémentaires,
- et débouté les parties du surplus des demandes présentées.
Sur appel interjeté le 3 juin 2010 par M. [U], la cour d'appel de Paris a, par arrêt rendu le 30 janvier 2014 :
- déclaré l'appel et les demandes de M. [U] recevables,
- débouté la société Chevy de sa demande de prescription,
- réformé le jugement déféré sur la prime de fin d'année, le montant des heures supplémentaires et les dommages et intérêts pour travail dissimulé,
- condamné la société Chevy à payer à M. [U] les sommes suivantes :
* 103 597,44 euros bruts à titre de rappel d'heures supplémentaires de 2002 à 2004 et d'indemnité de congés payés afférents, avec intérêts au taux légal à compter du 25 avril 2007,
* 21 751,75 euros à titre de repos compensateur de mai 2002 à juillet 2004, avec intérêts au taux légal à compter du 25 avril 2007,
* 37 432,80 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé, avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt,
- débouté M. [U] de sa demande de prime de fin d'année,
- confirmé le jugement en ses autres dispositions,
- condamné la société Chevy à payer à M. [U] les sommes supplémentaires suivantes :
* 16 589,25 euros bruts au titre du travail de nuit de 2002 à 2004, avec intérêts au taux légal à compter du 13 décembre 2013,
* 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'anatocisme des intérêts alloués en application de l'article 1154 du code civil,
- condamné la société Chevy à remettre à M. [U], dans les deux mois de la notification de l'arrêt, un bulletin de paie récapitulatif conforme à l'arrêt,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes,
- et condamné la société Chevy aux dépens.
Sur recours en révision introduit le 5 mars 2014 par la société Chevy, la cour d'appel de Paris a, par arrêt rendu le 2 juillet 2015, déclaré ledit recours irrecevable et condamné la société Chevy à payer à M. [U] la somme de 3 500 euros au titre des frais irrépétibles, ainsi qu'aux dépens.
La société Chevy a formé un pourvoi contre les deux arrêts rendus.
Par deux décisions séparées, datées du 26 avril 2017, la Cour de cassation a, successivement :
- rejeté les pourvois tant principal qu'incident contre l'arrêt rendu le 30 janvier 2014,
- cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 2 juillet 2015 et renvoyé la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris autrement composée, au motif, au visa de l'article 595 du code de procédure civile, qu'en se déterminant sans rechercher, ainsi qu'il le lui était demandé, si les attestations produites par l'employeur, dans le cadre de son recours en révision et relatives aux heures de présence de M. [U] dans les locaux de l'entreprise, n'étaient pas de nature à établir le caractère mensonger des attestations de MM. [H], [M] et [O], et, partant, le fait que l'appréciation de la juridiction quant au caractère étayé de la demande de l'intéressé au titre des heures supplémentaires ait pu être faussée, la cour d'appel n'avait pas donné de base légale à sa décision.
La société Chevy a saisi la cour de renvoi par déclaration reçue au greffe le 22 juin 2017.
Par acte d'huissier de justice en date du 21 juillet 2017, dénoncé le même jour à Mme le Procureur général près la cour d'appel de Paris, développé oralement, auquel il est expressément fait référence, la société Chevy demande à la cour de :
- constater que les attestations communiquées par M. [U] sont mensongères, que ce dernier a usé de man'uvres frauduleuses dans la présentation de ses demandes devant la cour et qu'en considération des éléments nouveaux qu'elle apporte, la cour a été surprise par cette fraude,
- déclarer son recours en révision recevable,
- rétracter l'arrêt rendu le 30 janvier 2014 et le mettre à néant sur les condamnations à paiement prononcées,
- infirmer le jugement rendu le 15 mars 2010 en sa condamnation au titre des heures supplémentaires,
- rejeter les demandes en paiement d'heures supplémentaires, de congés payés et de repos compensateurs,
- condamner M. [U] à restituer les sommes perçues en exécution des décisions rendues les 15 mars 2010 et 30 janvier 2014, ainsi que des mesures d'exécution y afférentes,
- condamner M. [U] à lui payer les sommes de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice subi par suite de la décision obtenue par fraude et 7 000 euros au titre de ses frais irrépétibles, ainsi qu'aux dépens.
Par conclusions déposées le 14 novembre 2017, visées par le greffier et développées oralement, auxquelles il est expressément fait référence, M. [U] demande à la cour de :
- ordonner une vérification d'écriture de l'attestation établie au nom de M. [L] le 6 février 2016 par comparaison avec les attestations établies par ce dernier les 8 janvier 2006 et 19 septembre 2008, sauf si elles sont écartées du débat,
- rejeter du débat l'attestation de M. [R],
- déclarer le recours en révision irrecevable, subsidiairement mal fondé,
- déclarer la saisine de la cour d'appel par la société Chevy enregistrée le 23 juin 2017 irrecevable.
À titre subsidiaire, M. [U] demande à la cour de juger la déclaration de saisine nulle et de condamner la société Chevy à lui payer la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
À titre très subsidiaire, M. [U] demande à la cour de :
'- CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SAS SOCIÉTÉ D'EXPLOITATION DES BOUCHERIES CHEVY à payer à monsieur [U] les sommes de 1 500,43 euros à titre de prime de fin d'année et de 10 000 euros au titre des heures supplémentaires ;
- INFIRMER le jugement entrepris en ce non-contraire aux condamnations ci-dessus ;
- FIXER le salaire mensuel brut de Monsieur [U] à la somme de 6 544 € ;
- CONFIRMER le jugement en ses autres dispositions qui a dit ;
- RECEVABLE l'appel et les demandes de M. [U] ;
- DÉBOUTER la SAS Chevy venant aux droits de la SAS LES BOUCHERIES DAGUERRE-ORLEANS de sa demande de prescription ;
- REFORMER le jugement du Conseil de prud'hommes de Paris du 15 mars 2010 sur la prime de fin d'année, le montant des heures supplémentaires et les dommages et intérêts pour travail dissimulé ;',
- condamner la société Chevy à lui payer les sommes suivantes :
* 103 597,44 euros bruts à titre de rappel d'heures supplémentaires de 2002 à 2004 et d'indemnité de congés payés afférents, avec intérêts au taux légal à compter du 25 avril 2007,
* 21 751,75 euros à titre de repos compensateur de mai 2002 à juillet 2004, avec intérêts au taux légal à compter du 25 avril 2007,
* 37 432,80 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé, avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt,
* 16 589,25 euros bruts au titre du travail de nuit de 2002 à 2004, avec intérêts au taux légal à compter du 13 décembre 2013,
* 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonner l'anatocisme des intérêts alloués en application de l'article 1154 du code civil,
- condamner la société Chevy à lui remettre, dans les deux mois de la notification 'du présent arrêt', un bulletin de paie récapitulatif conforme 'au présent arrêt',
- et condamner la société Chevy à lui payer la somme de 5 000 euros hors taxe conformément à l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
Par observations en date du 10 octobre 2017, le ministère public est d'avis qu'une suspicion générale de fausseté de l'ensemble des éléments produits par M. [U] doit conduire la cour d'appel à accueillir le recours en révision de l'arrêt rendu le 30 janvier 2014, qu'il estime avoir été surpris par la fraude.
MOTIFS
M. [U] soutient que l'acte de saisine de la cour de renvoi doit être déclaré irrecevable dès lors qu'il n'a pas été transmis par voie électronique, conformément aux dispositions régissant les procédures avec représentation obligatoire.
L'article 52 du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 dispose que 'l'article 15 du décret n° 2009-1524 du 9 décembre 2009 relatif à la procédure d'appel avec représentation obligatoire en matière civile est complété d'un alinéa ainsi rédigé :
Les dispositions des articles 2, 3, 5, 8, 9, 11, 12 et 13 s'appliquent aux instances consécutives à un renvoi après cassation lorsque la juridiction de renvoi est saisie à compter de l'entrée en vigueur du présent alinéa'.
L'article 53 du même décret précise que : 'I. - Les dispositions du présent décret s'appliquent à compter du 1er septembre 2017. (...) III. - Par exception au I, les dispositions des articles 38 et 52 entrent en vigueur le lendemain de la publication du présent décret', soit le 11 mai 2017.
L'article 5 du décret n° 2009-1524 du 9 décembre 2009 a institué l'article 930-1 comme suit :
'la section I du chapitre Ier du sous-titre Ier du titre VI du livre II est complétée par une sous-section 4 intitulée : 'Dispositions communes', comprenant l'article 930-1 ainsi rédigé :
930-1. À peine d'irrecevabilité relevée d'office, les actes de procédure sont remis à la juridiction par voie électronique. Lorsqu'un acte ne peut être transmis par voie électronique pour une cause étrangère à celui qui l'accomplit, il est établi sur support papier et remis au greffe. En ce cas, la déclaration d'appel est remise au greffe en autant d'exemplaires qu'il y a de parties destinataires, plus deux. La remise est constatée par la mention de sa date et le visa du greffier sur chaque exemplaire, dont l'un est immédiatement restitué. Les avis, avertissements ou convocations sont remis aux avoués des parties par voie électronique, sauf impossibilité pour cause étrangère à l'expéditeur. Un arrêté du garde des sceaux définit les modalités des échanges par voie électronique', la cour observant que cette disposition a été complétée par l'article 30 du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, dont l'entrée en vigueur a été fixée au 1er septembre 2017.
En l'espèce, la société Chevy a saisi la juridiction de renvoi après cassation par déclaration reçue au greffe le 22 juin 2017 et non par voie électronique.
Or, à cette date, et ce, depuis le 11 mai 2017, cette voie s'imposait à elle, conformément à l'article 930-1 susvisé, applicable dans les conditions sus-rappelées.
Dès lors, l'acte de saisine de la présente cour de renvoi est déclaré irrecevable.
La société Chevy succombant principalement à l'instance, il est justifié de la condamner aux dépens de la présente procédure et à payer à M. [U] la somme de 500 euros au titre des frais irrépétibles dont il serait inéquitable de lui laisser la charge.
La demande qu'elle a présentée de ce dernier chef est, en conséquence, rejetée.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
DÉCLARE l'acte de saisine de la présente cour de renvoi irrecevable ;
CONDAMNE la société Chevy à payer à M. [U] la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la société Chevy aux dépens de la présente procédure.
LE GREFFIER, LE CONSEILLER,
pour le président empêché,