RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 11
ARRÊT DU 16 Janvier 2018
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/09904
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 02 Mars 2011 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY RG n° 09/03023
APPELANT
Monsieur [Z] [Q]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
né le [Date naissance 1] 1952 à [Localité 1]
représenté par Me Grégoire LUGAGNE DELPON, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
SAS AIGLE AZUR
[Adresse 2]
[Adresse 2]
N° SIRET : 309 755 387
représentée par Me Dominique SANTACRU, avocat au barreau de PARIS, toque : P0470 substitué par Me Valérie BATIFOIS, avocat au barreau de PARIS, toque : P 470
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 31 Janvier 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Jacqueline LESBROS, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Marie-Luce CAVROIS, président
Madame Jacqueline LESBROS, conseiller
Monsieur. Christophe BACONNIER, conseiller
Greffier : Mme Aurélie VARGAS, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Madame Jacqueline LESBROS en remplacement de Madame Marie-Luce CAVROIS, Présidente empêchée et par Madame Aurélie VARGAS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire
FAITS, PROCEDURE ET DEMANDES DES PARTIES
Monsieur [Q] a été engagé par la société AIGLE AZUR TRANSPORTS AERIENS le 2 février 2001 en qualité de commandant de bord.
Estimant n'avoir pas été intégralement rempli de ses droits au titre de l'indemnité de congés payés de juin 2003 à mars 2011, Monsieur [Q] a saisi le 10 août 2009 le conseil de prud'hommes de Bobigny qui, par jugement du 2 mars 2011, a condamné la société AIGLE AZUR TRANSPORTS AERIENS à lui verser:
- 1.701,23 € à titre de rappel d'indemnité de congés payés avec intérêts au taux légal à compter du 10 août 2009 date de la saisine du bureau de conciliation,
- 100 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
et l'a condamné aux dépens.
Monsieur [Q] a interjeté appel de ce jugement.
A l'audience, les conseils des parties ont soutenu oralement les conclusions visées par le greffe.
Monsieur [Q] demande à la cour d'infirmer le jugement et statuant à nouveau de condamner la société AIGLE AZUR TRANSPORTS AERIENS à lui payer les sommes suivantes:
'12.267,59 € à titre de rappel de salaires
'11.776,33 € à titre de rappel de congés payés
'8.921,88 € au titre des arriérés de salaire de septembre à novembre 2006
'9.000 € à titre de dommages-intérêts
A titre infiniment subsidiaire, sur la base d'un diviseur de 33 1/3, limiter le montant du rappel d'indemnité de congés payés à la seule somme de 11.648,19€.
Dire et juger que la somme de 6.852,75 € servie à titre de rappels de congés payés sur la période 2009 à 2011 devra s'imputer sur le montant des condamnations à intervenir.
Dire et juger que l'ensemble de ces condamnations, à l'exclusion de celle relative aux dommages et intérêts sera assorti d'un intérêt au taux légal à compter de la demande en justice avec capitalisation annuelle par application des articles 1153 et suivants du code civil,
Condamner la société AIGLE AZUR TRANSPORTS AERIENS au paiement d'une indemnité de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
La société AIGLE AZUR TRANSPORTS AERIENS demande à la cour de :
- juger que les demandes antérieures à la période de référence 2004/2005 sont prescrites,
- écarter des débats les décomptes produits par Monsieur [Q],
- confirmer la décision dont appel,
En conséquence,
- le débouter de l'intégralité de ses demandes,
- condamner Monsieur [Q] à lui payer la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La cour se réfère expressément aux conclusions des parties pour plus ample exposé des moyens et prétentions qu'elles ont soutenus.
MOTIFS
Sur la demande de rappel de salaire de septembre à novembre 2006
Monsieur [Q] sollicite par conclusions du 14 avril 2016 un rappel de salaire des mois de septembre à novembre 2006 d'un montant de 8.921,88 € dont il indique qu'il n'est pas prescrit car inclut dans le montant brut fiscal des sommes débattues 2006/2007 devant le conseil des prud'hommes.
La société AIGLE AZUR TRANSPORTS AERIENS oppose la prescription à cette demande formée pour la première fois en cause d'appel.
La prescription court à compter de la date d'exigibilité du salaire. Il ne résulte d'aucun décompte, ni de conclusions devant le conseil de prud'hommes ni du jugement que Monsieur [Q] ait fait une demande à ce titre avant ses conclusions devant la cour du 14 avril 2016.
Par conséquent, il y a lieu de constater que sa demande de rappel de salaire est prescrite.
Sur la demande de rappel de salaire au titre de la retenue des jours de congés payés
Monsieur [Q] soutient que l'employeur a procédé de juin 2003 à mai 2011 (page 4 de ses conclusions) à des retenues de salaire pour congés payés trop importantes et sollicite un rappel de salaire d'un montant de 12.267,59 € .
La société AIGLE AZUR TRANSPORTS AERIENS s'oppose à la demande et critique le décompte produit établi sur la base d'un diviseur de 30,42 (page 13 de ses conclusions).Elle indique que depuis une note du 11 octobre 2010 entérinant l'accord intervenu avec les représentants du personnel, la retenue pour absence au titre des congés payés est égale au SMMG divisé par 30,33 pour tenir compte du décompte calendaire des congés payés. Elle écrit page 14 de ses conclusions: « En conséquence, la cour d'appel jugera donc que le diviseur de 30,33 peut être retenu par la société et ce d'autant qu'elle utilise le même diviseur pour le calcul du maintien du salaire.»
Monsieur [Q] écrit page 4 de ses conclusions: « Si le mode de calcul retenu initialement par le concluant était en faveur de la compagnie, celui-ci ne voit pas de difficulté à appliquer le diviseur de 30,33 qui lui est plus favorable.»
Il en résulte que les parties sont d'accord sur l'application du diviseur 30,33 mais ne produisent pas les décomptes actualisés sur cette base permettant à la cour de fixer la créance.
Il résulte en effet des fiches de paie que la société AIGLE AZUR TRANSPORTS AERIENS n'a pas calculé la retenue sur la base d'un diviseur de 30,33 comme l'illustre le bulletin de paie du mois de juin 2010, la retenue pour 14 jours de congés payés étant de (8.122,34 €/30,3) x 14= 3.749,18 € alors que la retenue figurant au bulletin de paie a été de 4.529,31€.
Monsieur [Q] produit un décompte (pièce 14) établi sur la base du coefficient 30 et porte sur une période prescrite antérieure au mois d'août 2004 (date de saisine du conseil de prud'hommes 10 août 2009).
Il convient en conséquence d'inviter la société AIGLE AZUR TRANSPORTS AERIENS à établir un décompte des retenues pour congés payés sur la base d'un coefficient de 30,33 à compter d'août 2004 jusqu'en mai 2012 (date d'arrêt du décompte de Monsieur [Q]) et faisant apparaître le solde des sommes dues déductions faites des régularisations déjà opérées.
Sur la demande de rappel de l'indemnité de congés payés
Monsieur [Q] sollicite l'infirmation du jugement qui a limité le montant dû au titre de l'indemnité de congés payés à la somme de 1.701,23 € sur la base du décompte produit par l'employeur alors que le rappel d'indemnité de congés payés pour la période de juin 2003 à mars 2011 (page 2 de ses conclusions) alors que le rappel s'élève selon son propre décompte à la somme de 11.776,33€.
Les salariés d'AIGLE AZUR TRANSPORTS AERIENS bénéficient de 35 jours calendaires de congés payés.
Le litige porte sur les points suivants dont dépendent la détermination des sommes éventuellement dues à Monsieur [Q] au titre d'un complément d'indemnité de congés payés :
'le calcul des congés payés selon la règle du 10ème que réclame Monsieur [Q] ou le maintien de salaire appliqué par la société;
'l'assiette de calcul du salaire de la période de référence pour l'application de la règle du 10ème, Monsieur [Q] y incluant la prime de fidélité qui doit être exclue selon l'employeur;
'l'application dans la règle du 10ème d'un diviseur de 30 ou de 35 au salaire de référence annuel pour tenir compte du décompte des congés payés calendaires,
S'agissant de l'assiette de calcul des congés payés, Monsieur [Q] ne conteste plus en cause d'appel que le 13ème mois doit être exclu de cette assiette. En revanche, il soutient que :
'la prime de fidélité trimestrielle qui n'est pas intégrée au 13ème mois représente la contrepartie d'un travail pour être notamment comprise dans le SMMG ( Salaire Mensuel Minimum Garanti) et doit à ce titre être intégrée dans le salaire de référence,
'l'employeur a systématiquement appliqué la règle du maintien de salaire alors que la règle du 10ème était plus favorable,
'en appliquant pour le calcul des indemnités un diviseur de 35 au lieu de 30 aux jours de congés dépassant le seuil de 30 jours, l'employeur n'a pas respecté les dispositions de l'article L 3141-22 du code du travail selon lequel l'indemnité doit être calculée proportionnellement à la durée du congé effectivement dû. En d'autres termes, il n'a pas proratisé dans le décompte produit les jours de congés supplémentaires au delà de 35 jours calendaires alors même que la société reconnaît dans ses conclusions devant la cour que le diviseur à appliquer est de 30,33 correspondant à la moyenne des jours calendaires (7x52 semaines/12 mois). Tout en reconnaissant ses erreurs dans le mode de calcul des congés payés et alors que les règles applicables ont été arrêtées depuis juin 2011, l'employeur refuse de régulariser ses calculs pour les congés payés dus avant cette date, de sorte qu'il subsiste un arriéré qu'il chiffre à la somme de 11.776,33 € € sur la base d'un diviseur de 30 jours ouvrables ou de 11.648,19 € sur la base d'un diviseur de 33,33( sic).
La société AIGLE AZUR TRANSPORTS AERIENS demande à la cour d'écarter les décomptes de Monsieur [Q] et de se fonder sur ses seuls décomptes et tableaux comparatifs pour débouter l'appelant de ses demandes. Elle fait valoir en substance que:
'le décompte de Monsieur [Q] est inexact en ce qu'il comprend des sommes prescrites comme antérieures au mois d'août 2004,
'le décompte de Monsieur [Q] est erroné dans le calcul du maintien de salaire ; il est également erroné en ce qu'il inclut la prime de fidélité ;
'contrairement à ce qu'il indique et à ce qu'atteste l'expert comptable dont il produit une attestation de régularité du mode de calcul de son décompte, Monsieur [Q] a inclus la prime de 13ème mois dans ses calculs;
'contrairement à ce qu'allègue Monsieur [Q], elle a procédé à des régularisations d'indemnité de congés payés en 2009/2010; 2010/2011 et 2011/2012;
Aux termes de l'article L 3141-22 du code du travail, le congé annuel prévu par l'article L3141-3 ouvrez droit à une indemnité égale au dixième de la rémunération brute totale perçue par le salarié au cour de la période de référence.
Lorsque la durée du congé est différente de celle prévue à l'article L3141-3, l'indemnité est calculée selon les mêmes règles et proportionnellement à la durée du congé effectivement dû.
Au vu des pièces et décomptes respectifs des parties, la cour observe que le décompte produit par Monsieur [Q] est inexact en ce qu'il inclut au salaire de référence pour l'application de la règle du 10ème des sommes qui ne doivent pas l'être : prime de 13ème mois et, à partir de 2008, la prime de fidélité trimestrielle qui ne doit pas l'être car versée indépendamment des périodes de travail effectif.
La cour relève par ailleurs que la société AIGLE AZUR TRANSPORTS AERIENS a procédé à une régularisation du calcul des indemnités de congés payés dues à Monsieur [Q] en appliquant la règle de 10ème à hauteur de 1.701,23 € pour la période de 2004 à 2009; qu'elle a procédé à des régularisations au titre des congés payés pour les sommes suivantes : 305,74€ en 2009/2010; 2.956,60 € en 2010/2011; 1.889,18 € en 2011/2012 (sa pièce 11) en appliquant un diviseur de 35 (sa pièce 5) alors même qu'elle admet que le décompte calendaire des congés payés conduit à l'application d'un diviseur de 30,33.
En l'état, la cour ne dispose pas des éléments lui permettant de fixer la créance éventuelle de Monsieur [Q].
Il appartiendra en conséquence à la société AIGLE AZUR TRANSPORTS AERIENS d'établir un nouveau décompte des indemnités de congés payés calculées selon la méthode du 10ème sur la base de l'assiette qu'elle a retenue en appliquant un coefficient de 30,33 à compter d'août 2004 jusqu'en mai 2012 (date d'arrêt du décompte de Monsieur [Q]) et faisant apparaître le solde des sommes dues déductions faites des régularisations déjà opérées sur la base desquels la créance définitive de Monsieur [Q] sera arrêtée.
En cas de difficulté, les parties saisiront la cour par simple requête de la partie la plus diligente.
Sur la demande de dommages-intérêts
Monsieur [Q] sollicite à titre de dommages-intérêts la somme de 9.000 € en réparation du préjudice correspondant à la majoration de son imposition sur le revenu consécutive au versement des rappels de salaires.
Dans la mesure où il n'est pas fait droit aux demandes de Monsieur [Q] en leur quantum, il n'est justifié en l'état d'aucun préjudice certain ouvrant droit à réparation.
En conséquence, la demande à ce titre sera rejetée.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Succombant en cause d'appel, la société AIGLE AZUR TRANSPORTS AERIENS sera condamnée aux dépens et au paiement d'une somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme le jugement.
Statuant à nouveau,
Dit que la société AIGLE AZUR TRANSPORTS AERIENS devra établir :
'un décompte des retenues pour congés payés sur la base d'un coefficient de 30,33 à compter d'août 2004 jusqu'en mai 2012 (date d'arrêt du décompte de Monsieur [Q]) et faisant apparaître le solde des sommes dues déductions faites des régularisations déjà opérées;
'un décompte des indemnités de congés payés calculées selon la méthode du 10ème en appliquant un coefficient de 30,33 à compter d'août 2004 jusqu'en mai 2011 (date d'arrêt du décompte de Monsieur [Q]) et faisant apparaître le solde des sommes dues déductions faites des régularisations déjà opérées.
Sur la base desquels la créance définitive de Monsieur [Q] sera arrêtée.
Dit qu'en cas de difficulté, les parties saisiront la cour par simple requête de la partie la plus diligente.
Déboute Monsieur [Q] de sa demande de dommages-intérêts.
Condamne la société AIGLE AZUR TRANSPORTS AERIENS à payer à Monsieur [Q] la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne la société AIGLE AZUR TRANSPORTS AERIENS aux dépens.
LE GREFFIERP/LA PRESIDENTE EMPECHEE