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24/01/2018 | FRANCE | N°16/08430

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 3, 24 janvier 2018, 16/08430


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 3



ARRÊT DU 24 JANVIER 2018



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 16/08430



Décision déférée à la cour : Jugement du 14 Mars 2016 -tribunal de grande instance de CRETEIL - RG n° 16/00606





APPELANTS :



Monsieur [E] [E]

Né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1

]



Madame [Q] [G] épouse [E]

Née le [Date naissance 2] 1971 à [Localité 2] (MAROC)

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Représentés par Maître Christine GRUBER de la SELARL GROUPE RABELAIS, avocate a...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 3

ARRÊT DU 24 JANVIER 2018

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 16/08430

Décision déférée à la cour : Jugement du 14 Mars 2016 -tribunal de grande instance de CRETEIL - RG n° 16/00606

APPELANTS :

Monsieur [E] [E]

Né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Madame [Q] [G] épouse [E]

Née le [Date naissance 2] 1971 à [Localité 2] (MAROC)

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentés par Maître Christine GRUBER de la SELARL GROUPE RABELAIS, avocate au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 136

Ayant pour avocate plaidante Maître Julie GALLAIS de la SELARL GROUPE RABELAIS, avocate au barreau de VAL-DE-MARNE

INTIMÉES :

EURL JESS & CO prise en la personne de ses représentants légaux

Immatriculée au RCS de Créteil sous le numéro 792 148 975

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Défaillante, régulièrement assignée

SELARL S21Y, prise en la personne de Maître [D] [J], ès qualités de mandataire judiciaire de la SARL JESS & CO

Immatriculée au RCS de Créteil sous le numéro 813 660 693

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Intervenant forcé

Défaillant, régulièrement assignée

SASU INESS prise en la personne de ses représentants légaux

Immatriculée au RCS de Créteil sous le numéro 815 201 512

[Adresse 1]

[Adresse 3]

Représentée par Maître Patricia DUPLAN, avocate au barreau d'ESSONNE substituée à l'audience par Maître Marie-Noëlle ADAM, avocate au barreau d'ESSONNE

SAS BANQUE BCP prise en la personne de ses représentants légaux

Immatriculée au RCS de sous le numéro 433 961 174

Ayant pour siège social : [Adresse 4]

Adresse déclarée : [Adresse 4]

Représentée par Maître Denis LANCEREAU de l'AARPI Cabinet TOCQUEVILLE, avocat au barreau de PARIS, toque : R050

Organisme KLESIA RETRAITE ARRCO

Identifiant SIREN : 775 661 986

[Adresse 5]

[Adresse 5]

Défaillant, régulièrement assigné

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Novembre 2017, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Marie-Brigitte FREMONT, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Agnès THAUNAT, présidente de chambre

Madame Marie-Brigitte FREMONT, conseillère

Madame Sandrine GIL, conseillère

qui en ont délibéré,

Greffière, lors des débats : Madame Hortense VITELA

ARRÊT :

- réputé contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Madame Agnès THAUNAT, présidente et par Madame Anaïs CRUZ, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte du 26 octobre 2011, M. et Mme [E] [E] ont consenti à la société Shot Bar un bail commercial portant sur des locaux situés à La Varenne Saint Hilaire, à destination de "Bar, buvette, restaurant", moyennant un loyer annuel de 12.000 €. Le fonds de commerce a été cédé à la société Jess & Co le 10 juillet 2013.

Par acte du 4 novembre 2015, la société Jess & Co a conclu une promesse synallagmatique de vente du bail et d'une licence IV avec la société Iness moyennant la somme de 25.000 euros.

La société lness a renoncé à cette promesse par lettre du 7 novembre 2015.

Par courriel du 25 novembre 2015, le syndicat professionnel du commerce a informé l'administrateur de biens mandaté par les époux [E], la société Gérance Immobilière 94, de l'intention de la locataire de céder le droit au bail à la société Iness ; cette information a été confirmée par lettre recommandée de la société Jess & Co en date du 1er décembre 2015.

Par courriel du 3 décembre 2015, la société Gérance Immobilière 94 a rappelé au syndicat professionnel du commerce que le bail prévoyait un droit de préemption au profit du bailleur et lui a demandé la notification du prix ; le syndicat a répondu par courriel du 4 décembre que le prix avait été fixé à 25.000 euros.

Par courriel du 8 décembre 2015 pour le syndicat professionnel du commerce et par lettre recommandée envoyée le 10 décembre 2015 pour la société Jess & Co, le SPC et la locataire ont informé la société Gérance Immobilière 94 et le conseil des bailleurs que la société Iness avait renoncé à se prévaloir de la promesse du 4 novembre.

Par lettre recommandée et par courriel du 8 décembre 2015, le conseil des bailleurs a informé le syndicat et la locataire de l'intention de ses clients d'exercer leur droit de préemption au prix indiqué dans le courriel du 4 décembre.

Par lettre recommandée et par courriel du 10 décembre 2015, la locataire et le syndicat ont informé la société Gérance Immobilière 94 de l'intention de la locataire de céder son droit au bail à la société Iness pour la somme de 75.000 euros suivant acte sous seing privé programmé pour le 8 janvier 2016 ; par courriel du 10 décembre 2015, le syndicat a indiqué à la société Gérance Immobilière 94 que la cession du bail aurait lieu le 13 décembre dans les locaux de la société Jess & Co.

Par lettre recommandée du 11 décembre 2015, le conseil des bailleurs a rappelé que ceux-ci avaient d'ores et déjà exercé leur droit de préemption aux clauses et conditions notifiées précédemment.

Par courrier du 19 décembre 2015 reçu le 23 décembre, la locataire a adressé aux bailleurs un contrat de vente du bail, de la licence IV et du mobilier au prix global de 75.000 euros au profit de la société Iness, en date du 13 décembre 2015.

Par exploit du 29 décembre 2015, les époux [E] ont fait sommation à la locataire et au cessionnaire de cesser immédiatement les infractions et de libérer les lieux.

Par acte du 11 janvier 2016, ils ont assigné la société Jess & Co à jour fixe afin de leur voir déclarer inopposable la cession du 13 décembre 2015, voir prononcer la résiliation du bail, voir ordonner l'expulsion de la locataire et de tous occupants de son chef sous astreinte de 200 euros par jour de retard, obtenir le paiement d'une indemnité d'occupation égale au montant du loyer et des charges, outre la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et voir prononcer l'exécution provisoire du jugement.

L'assignation a été dénoncée à la Banque BCP et à Klesia Retraite ARRCO, créanciers inscrits, par acte d'huissier du 8 janvier 2016.

Par jugement en date du 14 mars 2016, le tribunal de grande instance de Créteil a :
- Déclaré l'assignation du 11 janvier 2016 régulière ;
- Débouté les époux [E] de toutes leurs demandes ;
- Débouté la Banque BCP de ses demandes ;
- Débouté les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;
- Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;
- Condamné M. et Mme [E] aux dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Les époux [E] ont relevé appel de ce jugement par déclaration en date du 11 avril 2016.

La société Jess & Co a été déclarée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Créteil en date du 8 juin 2016.

Les époux [E] ont assigné la SELARL S21Y, mandataire liquidateur de l'EURL Jess & Co, aux fins de mise en cause et signification des conclusions d'appelante par acte du 6 juillet 2016. Leurs dernières conclusions ont été signifiées à la société S21Y par acte du 8 novembre 2016.

Par ailleurs, la banque BCP a signifié ses conclusions à la société S21Y, ès qualités, par acte du 6 septembre 2016.

Les époux [E] ont signifié la déclaration d'appel à KELSIA RETRAITE ARRCO par acte du 6 juillet 2016 et leurs dernières conclusions par acte du 7 novembre 2016.

Par dernières conclusions en date du 4 novembre 2016, les Epoux [E] demandent à la Cour de :
- INFIRMER le jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Créteil le 14 mars 2016.
A TITRE PRINCIPAL
PRONONCER la résiliation du bail conclu entre Monsieur et Madame [E] et la société SHOT BAR aux droits de laquelle vient la société Jess & Co ;
- ORDONNER en conséquence l'expulsion de la société Jess & Co, représentée par la SELARL S21Y, en la personne de Me [D] [J], ès-qualités de mandataire liquidateur de la Société JESS ET CO ainsi que de tous occupants de son chef, avec si besoin le concours de la Force Publique et ce, sous astreinte de 200 € par jour de retard, commençant à courir, 15 jours après la signification de la décision à intervenir.
- CONDAMNER la SELARL S21Y, en la personne de Me [D] [J], ès-qualités de mandataire liquidateur de la Société Jess & Co au paiement d'une indemnité d'occupation égale au montant du loyer et des charges et ce, jusqu'à la parfaite libération des lieux.
A TITRE SUBSIDIAIRE
- DIRE ET JUGER que la vente portant sur le bail et la licence IV de la société Jess & Co est PARFAITE au bénéfice de Monsieur et Madame [E], par suite de l'exercice du droit de préemption du bailleur, et ce, dans les conditions de l'offre des 25 novembre et 1er décembre 2015 et dire et juger que l'arrêt vaudra vente à compter de sa date, Monsieur et Madame [E] s'engageant à verser le prix de vente de 25.000 euros ;
En conséquence :
- ANNULER l'acte de vente du 13 décembre 2016 entre la société JESS ET CO et la société Iness.
- PRONONCER la substitution forcée des époux [E] à la Société Iness
- ORDONNER en conséquence l'expulsion de la Société Iness ainsi que de tous occupants de son chef, avec si besoin le concours de la Force Publique et ce, sous astreinte de 200,00 € par jour de retard, commençant à courir, 15 jours après la signification de la décision à intervenir
- CONDAMNER la Société Iness au paiement d'une indemnité d'occupation égale au montant du loyer et des charges et ce, jusqu'à la parfaite libération des lieux
En tout état de cause
- CONDAMNER solidairement la SELARL S21Y, en la personne de Me [D] [J], ès qualités de mandataire liquidateur de la Société JESS ET CO et la société Iness à payer à Monsieur et Madame [E] la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- CONDAMNER solidairement la SELARL S21y, en la personne de Me [D] [J], ès-qualités de mandataire liquidateur de la société Jess & Co et la société Iness aux entiers dépens.

Par dernières conclusions en date du 6 septembre 2016, la SASU Iness demande à la Cour de :

- DEBOUTER purement et simplement les époux [E] de leurs demandes, fins et conclusions ;
Si par extraordinaire, votre Cour faisait droit aux demandes des Consorts [E], il est demandé de :
- CONDAMNER les Consorts [E] à verser à la S.A.S.U Iness la somme de 69 654,64 euros au titre des matériaux fournis et des travaux d'enrichissement effectués au sein de leurs locaux commerciaux sis [Adresse 6] (94 210) et la somme 12 080,00 euros titre des arriérés de loyers dus par la SARL JESS & C0 et versés par la S.A.S.U Iness au profit des Consorts [E] soit la somme totale de 81 734,64 euros.
En tout état de cause,
- CONDAMNER les époux [E] à payer à la Société Iness la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
- CONDAMNER les époux [E] aux entiers dépens ;

Par dernières conclusions en date du 30 août 2016, la Banque BCP demande à la Cour de :
- CONFIRMER le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
- DEBOUTER les époux [E] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;
- CONDAMNER solidairement les époux [E] à payer à la BANQUE BCP la somme de 5.000 euros, en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- CONDAMNER les époux [E] sous les mêmes conditions de solidarité aux entiers dépens de première instance et d'appel.

L'affaire a été clôturée le 11 octobre 2017.

ET SUR CE

Sur la résiliation du bail pour inexécution des obligations contractuelles :

Les époux [E] soutiennent que le non-respect du pacte de préférence lors de la promesse de vente du 4 novembre 2015 et l'absence de convocation du bailleur à l'acte du 13 décembre 2015 sont des motifs suffisamment graves et légitimes pour entraîner la résiliation du bail.

Ils exposent avoir d'une part, exercé leur droit de préemption par lettre du 8 décembre 2015, conformément à l'article 10.17 du bail, suite à la signification par le locataire de son intention de céder son bail, rendant ainsi toute cession inopérante.

Ils revendiquent ainsi la réalisation de la vente dès réception par le locataire de leur volonté de préempter, soit le 9 décembre 2015. Ils affirment que la manoeuvre consistant à augmenter le prix de cession a manifestement été mise en oeuvre pour tenter de soustraire à l'exercice par le bailleur de son droit de préemption et en déduisent que la renonciation par la bénéficiaire de la promesse de vente à son acquisition est inopérante.

En second lieu, ils reprochent au locataire de ne pas avoir été appelés à l'acte de cession du 13 décembre 2015 et soutiennent ne pas avoir été destinataires d'un prétendu mail du 10 décembre 2015, envoyé à leur mandataire la Société Gérance Immobilière 94, la société Jess & Co ne rapportant pas la preuve de la réception de ce mail.

La SASU Iness soutient que les bailleurs ne pouvaient exercer leur droit de préemption sur la promesse de cession du 4 novembre 2015 à laquelle le cessionnaire avait renoncé depuis le 7 novembre 2015. Elle reprend la motivation du Tribunal selon laquelle la lettre de renonciation à la promesse, en date du 7 novembre 2015, n'avait pas à être notifiée aux bailleurs, ces derniers n'ayant pas été parties à la promesse du 4 novembre.

Elle ajoute que les bailleurs ne peuvent pas non plus prétendre ne pas avoir été appelés à l'acte de cession du 13 décembre 2015 puisqu'ils ont été informés par le cédant par courriel du 10 décembre 2015, puis par lettre recommandée avec accusé de réception du même jour, du nouveau prix de la cession, fixé à 75.000€, mais n'ont pas exercé leur droit de préemption.

En conséquence, elle conclut qu'aucune infraction n'a été commise aux clauses et conditions du renouvellement du bail commercial du 26 octobre 2011.

La Banque BCP, qui expose avoir par acte notarié en date du 8 juillet 2013, consenti à la société Jess & Co un prêt de 145.000 € aux fins d'acquérir le fonds de commerce de la société Shot Bar et que la société Jess & Co ne s'est pas régulièrement acquittée des échéances du contrat, a prononcé la déchéance du terme.

Elle a établi un décompte des sommes dues, arrêté le 25 janvier 2016, à la somme de 116.875,70 euros et a inscrit un nantissement sur le fonds de commerce de la société Jess & Co. A ce titre, et afin de préserver son gage, la Banque BCP conclut au débouté des demandes des époux [E] en ce qu'elles tendent à voir prononcer la résiliation du bail commercial les liant à la société Jess & Co. La Banque BCP demande donc la confirmation du jugement de première instance.

Elle rappelle à cet égard ses arguments de première instance selon lesquels les bailleurs ne pouvaient exercer leur droit de préemption sur la promesse de cession du 4 novembre 2015, puisque cet acte avait disparu suite à la renonciation du locataire. Elle ajoute que les bailleurs avaient bien été informés de la cession intervenue le 13 décembre 2015 et qu'ils n'avaient pas entendu exercer leur droit de préemption au nouveau prix proposé ; qu'en outre les époux [E] n'explicitent pas ce qui interdirait au cédant comme au cessionnaire d'abandonner le premier acte de cession pour en souscrire un nouveau et ce par le jeu de la novation prévue par l'article 1271 du code civil, et ne justifient d'aucun commencement de preuve à l'appui de leur allégation de fraude.

Il est établi par les pièces versées aux débats que :

- une promesse synallagmatique de vente d'un bail commercial et d'une licence IV a été signée le 4 novembre 2015 entre la SARL Jess & Co, représentée par sa gérante Mme [R] [F] épouse [F] et la SASU Iness, représentée par Melle [V] [O], portant sur les locaux sis [Adresse 7], moyennant la somme de 25 000 euros, la cession devant être réalisée au plus tard le 9 décembre 2015 ;

- par courrier daté du 7 novembre 2015 Melle [V] [O], a informé la SARL Jess & Co de son intention de lever le compromis et de renoncer à cette promesse ;

- par courriel du 25 novembre 2015 le Syndicat Professionnel du Commerce a informé la société Gérance Immobilier 94, mandataire des époux [E], de l'intention de la locataire actuelle de céder le droit au bail à la société Iness représentée par Melle [V] [O] ;

- le 3 décembre 2015, la société Gérance Immobilier 94 a adressé un courriel au Syndicat lui demandant de lui notifier le prix de cession ;

-par courriel du 4 décembre 2015, le Syndicat Professionnel du Commerce répondait à la société Gérance Immobilier 94 en l'informant que le prix de cession avait été fixé à 25 000 € réparti comme suit : 20 000 € pour le droit au bail et 5 000 € pour la licence IV ;

- par courriel daté du 8 décembre 2015 à 10h58, le Syndicat Professionnel du Commerce a informé la société Gérance Immobilier 94 de la levée de promesse faite par Melle [V] [O] le 7 novembre, et copie de la levée de promesse était adressée au conseil des époux [E] le 9 décembre 2015.

La notification de cette levée de promesse n'a pourtant pas empêché les époux [E], par l'intermédiaire de leur conseil, de faire connaître à la SARL Jess & Co leur intention d'exercer leur droit de préemption et d'acquérir le droit au bail, par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 8 décembre à 17h.

En conséquence, du fait de la renonciation à la promesse de cession de bail du 4 novembre 2015 faite le 7 novembre 2015, cette promesse n'avait plus d'existence, rendant ainsi inefficace l'exercice par les bailleurs d'un droit de préemption.

Une nouvelle promesse de cession du droit au bail était signée le 9 décembre 2015 entre la SARL Jess & Co et la SASU Iness, moyennant le prix de 75 000 €, la cession devant être réalisée au plus tard le 8 janvier 2016.

Il convient de relever que le changement de prix de cession est lié à la reprise du mobilier nécessaire à l'activité de 'bar, buvette, restaurant'.

Les époux [E] n'établissent pas en quoi la levée de promesse et l'établissement d'une nouvelle promesse de cession auraient été établies en fraude de leurs droits.

Contrairement à ce qu'ils soutiennent, les bailleurs ont bien été informés de l'existence de cette nouvelle cession par courrier recommandé qui leur a été adressé le 10 décembre 2015 par la SARL Jess & Co, accompagné de la copie du compromis.

Ils ont en outre été invités, par courriel du même jour envoyé par le Syndicat Professionnel du Commerce à la société Gérance Immobilier 94, à la signature de la cession prévue le 13 décembre 2015 dans les locaux de la société Jess & Co.

Un accusé de réception de ce courriel n'est pas nécessaire pour démontrer qu'il a bien été envoyé à la société Gérance Immobilier 94, comme en atteste la version papier du message électronique, et ce en application des dispositions du nouvel article 1366 du code civil, qui énonce que l'écrit sous forme électronique est admis en preuve au même titre que l'écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu'il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l'intégrité.

Tous les courriels précédents ont été adressés au mandataire des époux [E] de la même manière, et le Syndicat Professionnel du Commerce a confirmé dans un courriel adressé au conseil des époux [E] daté du 15 décembre 2015, que M. [E] s'était entretenu téléphoniquement avec les deux parties le 12 décembre 2015 et n'entendait pas faire valoir son droit de préemption au prix de 75 000 €.

Les époux [E] sont donc aujourd'hui malvenus à soutenir qu'ils auraient été privés du droit de préemption sur cette seconde promesse de cession de bail.

En conséquence aucune faute ne pouvant être reprochée à l'EURL Jess & Co, leur demande en résiliation de bail ne saurait prospérer.

Sur la vente parfaite :

Les époux [E] prétendent que la vente était parfaite dès l'acceptation de l'offre faite aux termes du courrier du 8 décembre, et affirment que c'est à réception de l'intention du cédant de vendre à un prix déterminé que le bénéficiaire du pacte peut accepter ou refuser la vente, le comportement des tiers potentiels acquéreurs étant indifférent.

Rappelant que l'intention de vendre et le prix de vente ont été communiqués par le cédant le 1er décembre 2015 et le 4 décembre 2015, qui s'analysent en une offre adressée par la locataire aux époux [E] en vertu du pacte de préférence inclus dans le bail, ils en concluent que l'acceptation du bailleur formulée dans le courrier recommandé en date du 8 décembre 2015 permet de déclarer la vente parfaite.

Ils demandent donc l'annulation de la vente conclue entre le cédant et le bénéficiaire, la société Iness, en raison de la violation du pacte de préférence. Ils sollicitent également la substitution des bénéficiaires évincés dans les droits du tiers acquéreur qui connaissait l'existence du pacte de préférence et l'intention des époux [E] de s'en prévaloir.

La SASU Iness réplique que le droit de préemption qui avait été précédemment exercé par les bailleurs était sans objet du fait de la caducité de la promesse de cession du 4 novembre 2015, comme l'a relevé le jugement de première instance. Elle en déduit que les bailleurs ne peuvent prétendre à la réalisation d'une vente parfaite et, en conséquence, à l'annulation de l'acte de vente du 13 décembre 2015 entre la Société Jess & Co et la SASU Iness.

La cour relève que dès lors qu'il a été démontré ci-dessus que la promesse synallagmatique de vente n'existait plus à la date à laquelle les époux [E] ont manifesté leur volonté d'acquérir, la rencontre des volontés n'a pas été formalisée, et aucune vente n'a pu se concrétiser.

La demande en annulation de l'acte de vente du 13 décembre 2016 passé entre l'EURL Jess & Co et la SASU Iness sera rejetée.

Sur la demande reconventionnelle de la société Iness :

Les demandes principales des époux [E] ayant été rejetées, la demande reconventionnelle de la SASU Iness en répétition de l'indû, au titre des travaux d'embellissement qu'elle a réalisés et des loyers réglés, est sans objet.

Sur l'article 700 et les dépens :

Il sera fait droit aux demandes fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de 5 000 euros pour la SASU Iness et de 3 000 euros pour la BCP.

Les dépens seront mis à la charge de M. et Mme [E].

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Et y ajoutant,

Condamne solidairement M. [E] [E] et Mme [Q] [G] épouse [E] à payer à la SASU Iness la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne solidairement M. [E] [E] et Mme [Q] [G] épouse [E] à payer à la banque BPC la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne solidairement M. [E] [E] et Mme [Q] [G] épouse [E] aux entiers dépens d'appel.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 16/08430
Date de la décision : 24/01/2018

Références :

Cour d'appel de Paris I3, arrêt n°16/08430 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-01-24;16.08430 ?
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