RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 5
ARRÊT DU 25 Janvier 2018
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/00297
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 Mars 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS Section activités diverses RG n° 11/17025
APPELANT :
POLE EMPLOI
sis [Adresse 1]
[Adresse 2]
[Adresse 3]
SIRET : 130 005 481
représenté par Me Vanina FELICI, avocat au barreau de PARIS, toque : C1985 substitué par Me Garance COURPIED, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE :
Madame [P] [O] [F]
née le [Date naissance 1] 1964 à YAOUNDÉ
demeurant au [Adresse 4]
[Adresse 5]
représentée par Me Parfait DIEDHIOU, avocat au barreau de PARIS, toque : B0251
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2014/027264 du 25/06/2014 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Novembre 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Emmanuelle BESSONE, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Marie-Bernard BRETON, présidente
Monsieur Stéphane MEYER, conseiller
Madame Emmanuelle BESSONE, conseillère
qui en ont délibéré,
Greffier : Mme Clémentine VANHEE, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,prorogé à ce jour,
- signé par Mme Marie-Bernard BRETON, présidente et par Mme Clémentine VANHEE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire
EXPOSÉ DU LITIGE :
Madame [Z] [F] a été engagée par Pôle emploi en qualité d'agent allocataires - conseiller à l'emploi (catégorie « Employé » au coefficient 170) suivant contrat à durée déterminée du 3 juin 2009 au 30 novembre 2009, pour un accroissement d'activité lié au déploiement de la formation « Référent Unique » et affectée au site de [Localité 1], à [Localité 2]arrondissement.
Madame [Z] [F] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 19 décembre 2011 aux fins de voir :
- requalifier la relation de travail en contrat à durée indéterminée, en application de l'article 8-4 § 3, de la convention collective nationale de Pôle emploi,
- condamner Pôle Emploi à lui verser la somme de 15 000 € au titre de son préjudice moral.
Par jugement du 15 mars 2013, le conseil de prud'hommes de Paris a :
- requalifié son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée,
- ordonné sa réintégration dans des fonctions équivalentes,
- condamné Pôle Emploi aux dépens.
Par déclaration du 09 janvier 2014, Pôle Emploi a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié le 28 décembre 2013.
Dans ses écritures reprises à l'audience du 09 novembre 2017, sans ajout ni retrait, Pôle Emploi conclut à l'infirmation du jugement entrepris, au rejet de l'ensemble des prétentions de Mme [F], et à la condamnation de celle-ci aux dépens.
Pôle Emploi fait valoir :
- que Mme [F] ne peut se prévaloir de la priorité d'embauche prévue à l'article l'article 8-4, § 3 de la Convention Collective, puisque ces dispositions ne sont entrées en vigueur que le 1er janvier 2010, soit après le terme de son contrat,
- que jusqu'à cette date, s'appliquait la convention collective applicable aux salariés des organismes gestionnaires du régime d'assurance chômage, qui prévoyait seulement d'accorder le statut d'agent permanent aux agents 'surnuméraires' qui poursuivraient leur activité dans l'institution d'une manière continue au-delà d'un an pour l'exécution d'une mission exceptionnelle, et de six mois dans les autres cas,
- qu'en outre, lorsqu'elle a candidaté sur des postes à durée indéterminée, elle ne justifiait pas de l'ancienneté de 6 mois requise par la convention collective,
- que Mme [F] ne présente aucun fait laissant supposer qu'elle aurait été victime de discrimination, et n'indique même pas pour quelles raisons elle aurait été discriminée,
- qu'elle se borne sur ce point, à établir des supputations qui ne se fondent sur aucun élément sérieux,
- que ses aptitudes professionnelles, son comportement et sa motivation ont été appréciés de façon médiocre par ses supérieurs hiérarchiques,
- que n'invoquant la violation d'aucune des dispositions citées par l'article L. 1245-1 du code du travail, elle ne saurait prétendre à une requalification de son contrat de travail en contrat à durée indéterminée,
- qu'elle ne justifie enfin d'aucun préjudice moral.
Mme [Z] [F] conclut, dans ses écritures reprises à l'audience du 09 novembre 2017, à la confirmation du jugement entrepris en toutes ses disposition, notamment s'agissant de la requalification du contrat et de sa réintégration, et à la condamnation de Pôle Emploi à lui payer les sommes suivantes :
- 1.583,00 euros à titre d'indemnité de requalification,
- 61.737,00 euros au titre de la perte de salaires,
- 6.173,00 euros au titre des congés payés sur rappel de salaires,
- 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Mme [F] fait valoir en premier lieu que la convention collective nationale de Pôle Emploi lui est applicable en l'espèce, puisqu'elle mentionne dans son préambule qu'elle 'ne peut conduire à la remise en cause des avantages individuels acquis antérieurement à son entrée en vigueur' , et qu'elle s'est portée candidate le 05 janvier 2010 à des postes permanents au sein de Pôle Emploi, soit postérieurement à son entrée en vigueur le 1er janvier 2010.
Cette convention collective définit comme prioritaires, pour les postes à pourvoir en interne, les salariés en contrat à durée déterminée ayant six mois et plus d'ancienneté, et elle estime qu'elle remplissait ces conditions.
Elle affirme en second lieu bénéficier de la priorité d'embauche prévue par l'article 10 de la convention collective nationale du personnel du régime d'assurance chômage qui s'appliquait à son contrat de travail jusqu'au 31 décembre 2009.
Elle se plaint enfin d'une atteinte à l'égalité de traitement, aux motifs :
- que ses multiples candidatures à des postes à durée indéterminée, ont toutes été rejetées sans qu'on lui indique les motifs de ce refus,
- que deux de ses collègues embauchées en CDI après elle : Mme [I] et Mme [Q], ont bénéficié de la priorité d'embauche,
- qu'elle n'a fait l'objet d'aucune observation négative pendant le déroulement de son CDD,
- que la validité de la fiche d'évaluation produite par Pôle Emploi est contestable, dans la mesure où elle est datée de plus de deux mois avant sa fin de contrat, qu'elle ne comporte aucune signature ni aucun cachet, qu'elle mentionne le nom de M. [G] comme manager alors que celui-ci venait d'arriver sur le site de [Localité 1] et ne la connaissait pas, et que l'avis des personnes qui ont travaillé avec elle (Mme [L], Mme [U] et Mme [N]) n'a pas été sollicité.
MOTIFS
- Sur la convention collective applicable
La convention collective nationale Pôle Emploi est entrée en vigueur le 1er janvier 2010.
Si son préambule prévoit qu'elle 'ne peut conduire à la remise en cause des avantages individuels acquis antérieurement à son entrée en vigueur', cette mention vise les avantages éventuellement acquis en application de précédentes dispositions conventionnelles, mais ne peut avoir pour effet d'étendre l'application de la convention à une antérieure au 1er janvier 2010.
Mme [F] a signé et exécuté en totalité son contrat de travail à durée déterminée avant l'entrée en vigueur de cette convention collective. Elle ne peut donc se voir appliquer son article 10 qui confère aux agents sous contrat à durée déterminée, et jusqu'au terme de leur contrat, une priorité d'embauche.
Il convient de faire application de la convention collective nationale des personnels de l'assurance chômage, qui était d'ailleurs expressément visée dans son contrat de travail du 28 mai 2009.
- Sur la violation d'une priorité d'embauche
L'article 9 de la convention collective nationale des personnels de l'assurance chômage dispose que constitue un contrat de travail à durée déterminée dit contrat 'surnuméraire', le contrat conclu notamment dans le cas d'exécution de travaux à caractère non permanent ou exceptionnel, tels certains travaux correspondant à des surcharges de travail momentanées.
Le CDD conclu par Mme [F] le 28 mai 2009 'pour un acroissement d'activité lié au déploiement de la formation Référent Unique' relève de cette catégorie.
L'article 9 de la convention dispose que dans le cas où un agent sous contrat dit 'surnuméraire' poursuivrait son activité dans l'institution d'une manière continue au delà d'un an pour une mission exceptionnelle, et de six mois pour les autres cas, l'intéressé deviendrait un agent permanent à compter de la date de son engagement comme agent surnuméraire.
Mme [F] qui a cessé ses fonctions le 30 novembre 2009, et qui n'a pas dépassé le délai de six mois, ne peut prétendre à l'application de ces dispositions.
L'article 10 de la convention oblige les directions de Pôle Emploi à adresser les appels à candidatures, en priorité, notamment aux anciens agents sous contrat à durée déterminée en fonction dans l'institution, ou ayant quitté l'institution depuis moins de trois mois et ayant fait expressément, lors de leur départ, ou ultérieurement, la demande d'être informés de toute vacance de poste.
Les agents et anciens agents en CDD disposent donc d'une priorité dans la diffusion des appels à candidature, mais non pas d'un droit conventionnel à l'embauche.
Mme [F] a été informée pendant son contrat des postes ouverts au recrutement et correspondant à des emplois à durée indéterminée. Elle ne justifie pas ne pas en avoir été informée dans les trois mois qui ont suivi la fin de son contrat. Au demeurant, le non-respect de cette obligation ne pourrait donner lieu qu'à dommages-intérêts, mais non pas à requalification du contrat et réintégration dans l'entreprise.
- Sur la violation de l'obligation d'égalité de traitement.
Il appartient au salarié qui se prétend lésé par une inégalité de traitement de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de la caractériser. Dès lors que des éléments suffisamment étayés sont présentés, il incombe à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs justifiant l'inégalité de traitement dont se plaint le salarié.
Sur ce point, Mme [F] indique seulement que 'deux collègues recrutées après elle ont bénéficié de ce principe de priorité d'embauche, à savoir Mme [I] [D], et Mme [Q] [K]', sans autre précision.
Elle n'indique ni à quelle date, ni sur quel site, ni dans le cadre de quel contrat de travail (CDD, CDI) ces deux salariés auraient été engagées. Elle n'apporte aucune précision sur les postes qui leurs auraient été accordés.
Cette seule affirmation étant insuffisamment étayée, il n'y a pas lieu de faire droit aux demandes de Mme [F] fondées sur une inégalité de traitement.
Il convient en conséquence d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions, et de débouter Mme [F] de ses demandes.
Partie perdante, Mme [F] devra supporter les dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement :
- INFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 15 mars 2013 ;
- DEBOUTE Mme [Z] [F] de toutes ses demandes ;
- CONDAMNE Mme [Z] [F] aux dépens de première et d'appel, qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.
LE GREFFIERLE PRESIDENT