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25/01/2018 | FRANCE | N°14/02863

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 25 janvier 2018, 14/02863


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRÊT DU 25 Janvier 2018

(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/02863



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 Février 2014 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de CRETEIL Section Encadrement RG n° 11/01242





APPELANTE :



SA THALES AIR SYSTEMS

Sise [Adresse 1]

[Adresse 2]

représentée par Me L

oïc TOURANCHET, avocat au barreau de PARIS, toque : K0168 substitué par Me Aymeric DE LAMARZELLE, avocat au barreau de PARIS, toque : K0168





INTIMEE :



Madame [O] [O]

Née le [Date ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRÊT DU 25 Janvier 2018

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/02863

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 Février 2014 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de CRETEIL Section Encadrement RG n° 11/01242

APPELANTE :

SA THALES AIR SYSTEMS

Sise [Adresse 1]

[Adresse 2]

représentée par Me Loïc TOURANCHET, avocat au barreau de PARIS, toque : K0168 substitué par Me Aymeric DE LAMARZELLE, avocat au barreau de PARIS, toque : K0168

INTIMEE :

Madame [O] [O]

Née le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 1]

Demeurant [Adresse 3]

[Adresse 4]

comparante en personne, assistée de Me Thierry RENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : R046

PARTIE INTERVENANTE :

SYNDICAT UNITAIRE ET PLURALISTE DU PERSONNEL

[Adresse 5]

[Adresse 6]

représentée par Me Thierry RENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : R046

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 30 Novembre 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Stéphane MEYER, Conseiller, faisant fonction de Président

Mme Isabelle MONTAGNE, Conseillère

Madame Emmanuelle BESSONE, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Aouatef ABDELLAOUI, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par M. Stéphane MEYER, Conseiller, faisant fonction de Président et par Madame Marine BRUNIE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

Madame [O] [O] a été engagée en qualité de technicienne, pour une durée indéterminée à compter du 19 mars 1979 par la société THOMSON-CSF AIRSYS, aux droits de laquelle la société THALES AIR SYSTEMS est venue. Elle exerçait en dernier lieu les fonctions de 'responsable qualité segment achats ATMS', avec le statut de cadre.

Elle exerçait parallèlement divers mandats de représentation du personnel depuis 2004.

Elle a été reconnue travailleur handicapé depuis 2003 et à la suite d'une maladie professionnelle, a fait l'objet d'un mi-temps thérapeutique à compter de 2009.

Elle a fait l'objet d'un avertissement le 27 mars 2009.

Elle a fait valoir ses droits à la retraite au 1er avril 2017.

La relation de travail est régie par la convention collective de la métallurgie

Le 18 avril 2011, Madame [O] a saisi le conseil de prud'hommes de Créteil et formé diverses demandes afférentes à la contestation de l'avertissement, à un harcèlement moral et à une discrimination syndicale et en raison de son état de santé.

Par jugement du 6 février 2014, le conseil de prud'hommes de Créteil, statuant en départage, après avoir estimé que Madame [O] avait été victime de harcèlement moral , ainsi que de discrimination syndicale et en raison de son état de santé, a annulé l'avertissement et a condamné la société THALES AIR SYSTEMS à payer à Madame [O] 97 000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral, une indemnité de 1 500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et a débouté cette dernière de ses plus amples demandes.

A l'encontre de ce jugement notifié le 14 février 2014, la société THALES AIR SYSTEMS a interjeté appel le 11 mars 2014.

Lors de l'audience du 30 novembre 2017, la société THALES AIR SYSTEMS demande à la cour l'infirmation du jugement en ce qui concerne les condamnations prononcées, sa confirmation en ce qu'il a débouté Madame [O] de ses autres demandes, et la condamnation de cette dernière à lui verser une indemnité de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Elle fait valoir :

- qu'il n'existe aucun fait permettant de caractériser une situation de discrimination

syndicale, la carrière de Madame [O] ayant évolué normalement

- que les reproches qui lui ont été adressés et ses évaluations étaient parfaitement justifiés et sans rapport avec ses activités syndicales ou son état de santé

- qu'elle n'a en aucun cas manqué à ses obligations concernant l'aménagement de son environnement de travail à son handicap

- qu'elle n'a exercé aucune pression à son encontre

- qu'il n'existe aucune inégalité de traitement

- qu'aucun élément ne permet de retenir l'existence d'un harcèlement

- à titre subsidiaire, que les demandes de Madame [O] ne sont pas justifiées en leurs montants.

En défense, Madame [O] demande la confirmation du jugement en, ce qu'il a déclaré nul l'avertissement et estimé qu'elle était victime de harcèlement moral et de discrimination syndicale et en raison de son état de santé, ainsi que la condamnation de la société THALES AIR SYSTEMS à lui payer les sommes suivantes :

- dommages et intérêts pour harcèlement moral et exécution de mauvaise foi du contrat de travail : 104 184 €

- dommages et intérêts au titre du préjudice moral et de santé : 50 000 €

- dommages et intérêts pour discrimination syndicale : 50 000 €

- dommages et intérêts pour différence de traitement et repositionnement salarial 76 836 €

- à titre 'infiniment subsidiaire', si le préjudice salarial n'est pas indemnisé, elle demande un rappel de rémunération variable de 19 993 €

- Madame [O] demande également, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, la somme globale de 4.500 € (1500€ première instance et 3000 € en appel), ainsi que les dépens et les frais de l'expertise.

Le syndicat SUPPer intervient volontairement à l'instance et demande la condamnation de la société THALES AIR SYSTEMS au paiement de 10 000 € à titre de dommages-intérêts pour discrimination syndicale.

Au soutien, de leurs demandes, Madame [O] et le syndicat exposent :

- que Madame [O] a été victime de discrimination syndicale et en raison de son état de santé

- qu'elle a également été victime de harcèlement moral

- que l'employeur n'a pas respecté le principe d'égalité de traitement

- que l'employeur a exécuté son contrat de travail de mauvaise foi

- que l'employeur a violé son obligation de sécurité

- que le syndicat a intérêt à agir.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.

***

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur l'avertissement du 27 mars 2009

Il résulte des dispositions de l'article L. 1333-1 du code du travail qu'en cas de litige relatif à une sanction disciplinaire, la juridiction saisie apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction, que l'employeur fournit les éléments retenus pour prendre la sanction et qu'au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, la juridiction forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'elle estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Aux termes de l'article L. 1333-2 du même code, la juridiction peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.

En l'espèce, par lettre du 27 mars 2009, la société THALES AIR SYSTEMS a notifié à Madame [O], un avertissement ainsi rédigé :

« Depuis le mois de janvier 2009, Messieurs [S] [J], votre responsable hiérarchique et [L] [X], responsable qualité programme, se sont présentés quotidiennement à votre poste de travail pour prendre contact avec vous. Dans la journée, il s'avère impossible de vous trouver (responsable ou collègues de travail) ni de vous joindre pour vous solliciter dans le cadre de votre activité professionnelle. Ne parvenant jamais à vous trouver, Monsieur [S] [J] a fini par vous adresser un message électronique le 6 février 2009, vous demandant de prendre contact avec lui afin de planifier un créneau pour

vous rencontrer.

De façon plus générale, votre comportement au sein de votre service nuit considérablement au fonctionnement de celui-ci. En effet, votre volonté marquée de ne pas vous intégrer et de ne pas communiquer avec l'ensemble de vos collègues ne vous permet pas de prendre part à l'activité du service.

A titre d'exemple, le 8 janvier 2009, vous reprenez votre activité après une période d'absence de près d'un mois. Vous ne vous présentez pas auprès de votre responsable hiérarchique ou d'une personne du service pour faire le point sur vos activités. Vous vous contentez d'adresser un message électronique à Monsieur [M] [S] pour l'informer que vous êtes rentrée et que vous n'avez pu le prévenir avant de votre impossibilité à reprendre votre activité professionnelle le 5 janvier 2009 comme initialement prévu.

De même nous avons constaté que vous ne vous présentiez jamais aux réunions de service sans prévenir préalablement de votre absence [...] ce qui ne participe pas une fois de plus à votre intégration au sein de votre service dans la mesure où ces réunions étaient notamment destinées à la présentation des objectifs 2009 auprès du personnel concerné.

[...] Cette situation est par ailleurs d'autant plus inacceptable que nous avions déjà attiré

votre attention tout au long de l'année 2008, à de multiples reprises, dans le cadre de réunions informelles, sur la nécessité de vous impliquer effectivement dans la réalisation de l'activité qui vous était confiée au titre de vos fonctions de responsable qualité -achats ».

Au soutien de ces griefs, la société THALES AIR SYSTEMS produit des courriels émanant de ses interlocuteurs, ainsi que ses fiches de paie, démontrant ses absence injustifiée à son poste de travail sur des périodes de présence en entreprise pour lesquelles elle ne peut systématiquement justifier d'une activité en lien avec ses mandats, ainsi que l'absence de toute réalisation professionnelle, son absence sans information préalable ni justification à des réunions de services et l'impossibilité pour sa hiérarchie de la rencontrer.

Le jugement doit donc être infirmé en ce qu'il a annulé cet avertissement .

Sur l'allégation de discrimination

Aux termes de l'article L. 1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison, notamment, de ses activités syndicales, de son handicap ou de son état de santé.

Aux termes de l'article L. 1133-1 du même code, ces dispositions ne font pas obstacle aux différences de traitement lorsqu'elles répondent à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l'objectif soit légitime et l 'exigence proportionnée.

L'article L. 1134-1 du même code dispose que lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance de ces dispositions, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Il est constant que, depuis 2004, Madame [O] exerce divers mandats syndicaux. En effet, elle a été déléguée du personnel titulaire, représentante syndicale au CHSCT et déléguée syndicale d'établissement.

Par ailleurs, Madame [O] est reconnue salariée handicapée par la COTOREP depuis 2003, elle souffrait d'une pathologie reconnue comme maladie professionnelle en 2006. Le17 juin 2009, le médecin du travail a estimé qu'elle souffrait de photophobie et qu'elle ne supportait pas la chaleur et elle a fait l'objet d'un mi-temps thérapeutique à compter de janvier 2010.

L'avertissement du 27 mars 2009 étant justifié, ne peut constituer une présomption de discrimination.

En revanche, c'est par de justes motifs, que la cour adopte, que le premier juge a estimé que les éléments présentés par Madame [O], pris dans leur ensemble (à savoir, l'absence de reclassement professionnel, ses évaluations, l'adaptation du poste de travail à son état de santé, le retard pour obtenir la subrogation pour le paiement de ses indemnités journalières), laissent supposer l'existence d'une discrimination en raison de ses activités syndicales, de son handicap et de son état de santé.

En défense, la société THALES AIR SYSTEMS présente les éléments suivants :

- Concernant le grief relatif au reclassement professionnel, la société THALES AIR SYSTEMS établit, par le production de courriels et de rapports d'évaluation, que Madame [O] n'a jamais souhaité être repositionnée dans son poste précédent, alors que, malgré ses réticences et son inertie, elle a bénéficié d'un accompagnement soutenu (coaching particulier sous la forme d'un point mensuel systématique, nombreuses formations, dix entretiens avec la direction au cours desquels les attentes de cette dernière lui ont été clairement exposées) afin d'optimiser ses chances de mutation mais qu'elle a finalement déclaré, au mois d'août 2011, qu'elle ne souhaitait plus être repositionnée.

- Concernant l'évaluation de l'exercice 2009, il résulte de la lecture du compte-rendu d'entretien que, ni les absences résultant de son activité syndicale, ni celles pour maladie, n'ont été prises en compte dans la fixation des objectifs et dans l'évaluation réalisée en fin d'année, laquelle fait uniquement ressortir l'absence de toute activité professionnelle en dépit d'un temps qui devait être consacré à celle-ci, après exclusion des heures consacrées aux activités syndicales et celles résultant de arrêts de travail pour maladie.

- Concernant l'évaluation de l'exercice 2010, il résulte également de la lecture du compte-rendu d'entretien que ses mandats on été pris en compte dans l'appréciation de la fixation et de la réalisation de ses objectifs.

- Concernant l'adaptation du poste de travail au regard du handicap de Madame [O] et à son état de santé (photophobie, sensibilité à la chaleur, et troubles musculo-squelettiques), il résulte des pièces produites par la société THALES AIR SYSTEMS (nombreux courriels, compte-rendus de réunions), que, le 17 juin 2009, le médecin du travail procédait à une étude complète de son poste de travail et adressait des proposions d'aménagement dans l' 'open-space' où elle travaillait (cloisonette opaque, traitement des vitres par un filtre opaque, installation d'un ventilateur, d'un écran, d'une siège, d'un repose-pied ergonomiques). Une réunion était alors organisée le 7 juillet 2009, entre l'ergonome et Madame [O] mais par courriel du 30 novembre 2009, l'ergonome indiquait que cette dernière était défavorable à l'adaptation de son poste de travail. la direction la relançait alors en novembre et décembre 2009, attirant son attention sur le fait que l'adaptation de son poste nécessitait qu'elle participe aux échanges avec l'ergonome. Il n'est pas établi qu'elle ait alors donné suite à ces relances. Lors d'une visite de reprise du 12 janvier 2010, le médecin du travail déclarait Madame [O] apte à la reprise mais préconisait de nouveau un aménagement de son poste de travail, sous la forme d'une reprise à temps partiel et d'aménagements techniques de son poste. Une réunion était alors organisée pour le 12 avril 2010 avec, notamment, Madame [O], le médecin du travail, une assistante sociale, et l'ergonome mais fut reportée au 29 juin suivant à la demande de Madame [O]. A la suite de cette réunion, les premiers aménagements ont été proposés le 27 juillet 2010 sur le poste de Madame [O], qui ne réagissait pas puis qui, relancée le 14 septembre 2010 par la direction, critiquait les aménagements le 22 septembre suivant. Une nouvelle réunion était alors immédiatement programmée le 29 septembre 2010 et de nouvelles propositions furent alors adressées à Madame [O], qui n'y donnait suite que le 3 novembre 2010, fournissant des réponses vagues et imprécises. Ce n'est que le 6 juillet 2011que Madame [O] s'est déclarée pleinement satisfaite des aménagements de son poste de travail.

- Concernant le grief relatif à la subrogation pour le paiement de ses indemnités journalières, la société THALES AIR SYSTEMS reconnaît des dysfonctionnements du service de paie, mais ajoute, sans être contredite sur ce point, que Madame [O] n'a pas été la seule concernée et que la Direction a fait en sorte de compenser ces subrogations par des avances sur les prestations à venir.

Ces éléments objectifs permettent de retenir que les griefs de Madame [O] n'ont en réalité pour origine que sa propre inertie, tant dans l'exécution de sa prestation de travail que dans sa participation à l'évolution de sa carrière et à l'aménagement de son poste de travail et établissent ainsi l'absence de toute discrimination, que ce soit en raison de son état de santé, de son handicap ou de ses activités syndicales.

Le jugement doit donc être infirmé sur ce point.

Sur l'allégation de violation du principe d'égalité de traitement

Les griefs de Madame [O] relatifs à une violation par l'employeur de cette obligation, sont en réalité les mêmes que ceux exposés au soutien de son allégation de discrimination, laquelle n'est pas établie.

Madame [O] doit donc être déboutée de sa demande nouvelle en appel formée sur ce fondement.

Sur l'allégation de harcèlement moral

Aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail, l'employeur a l'obligation de protéger la santé physique et mentale de ses salariés.

Aux termes de l'article L. 1152-1 du même code, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Conformément aux dispositions de l'article L. 1154-1 du même code, il appartient au salarié d'établir des fait qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces faits ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il juge utiles.

En l'espèce, c'est par de justes motifs, que la cour adopte, que le premier juge a estimé que les éléments présentés par Madame [O], pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral (entretien préalable à l'avertissement du 27mars 2009, comptes-rendus d'évaluation, enquête du CHSCT, attestation de Madame [A] concernant une altercation avec Madame [R]).

En défense, la société THALES AIR SYSTEMS présente les éléments suivants :

- Concernant l'entretien préalable à l'avertissement du 27 mars 2009, le compte-rendu produit par Madame [O] et établi par une déléguée syndicale ne fait ressortir aucun élément humiliant mais seulement l'existence de griefs de l'employeur relatifs à l'absence de travail qui était reprochée à la salariée et les longues discussions qui ont alors eu lieu entre les trois personnes présentes (Madame [O], un membre de la direction et la déléguée syndicale)

- Concernant les comptes-rendus d'évaluation, les éléments abordés plus haut, apportés par la société THALES AIR SYSTEMS pour réfuter le grief de discrimination permettent également d'être retenus pour réfuter celui de harcèlement moral.

- Concernant l'enquête du CHSCT, son compte rendu du 10 juillet 2009 est le suivant : 'Depuis son entrée en fonction, le poste occupé n'a jamais comblé les attentes de sa titulaire. Les objectifs attachés à ce poste n'ont pas été tenus et ont générés pour le service un retard substantiel. L'incapacité de satisfaire aux objectifs exigés pour ce poste de travail a considérablement dégradé les relations de travail entre la titulaire du poste et sa hiérarchie. La dégradation des rapports entre la titulaire du poste et sa hiérarchie est telle qu'il est exclu d'envisager la moindre conciliation ou compromis entre les parties concernées. L'état de santé de la titulaire du poste ne permet pas la reprise d'une activité professionnelle durable dans l'immédiat'.

Ces éléments objectifs permettent de retenir l'absence de harcèlement moral.

- Concernant l'altercation avec Madame [R], Madame [A], secrétaire déclare, aux termes de l'attestation produite par Madame [O], que, le 17 Février 2009, Madame [R] s'était absentée et que son téléphone, posé sur son bureau, sonnait dans l'open-space, que Madame [O] s'est alors levée pour tenter de l'éteindre, que Madame [R] arrivant, un vif échange s'ensuivit, Madame [O] lui demandant en vain de mettre son téléphone en mode vibreur, tandis que Madame [R] lui reprochait de baisser les rideaux, ce qui l'empêchait de travailler et que cette dernière a alors déclaré : 'on est déjà bien tolérants par rapport à ton état de santé. Puisque c'est comme ça, je vais demander qu'on remette la température a 22°C' et qu'elle lui a ensuite demandé de faire le nécessaire pour que la température soit augmentée.

Cependant, aucun des parties ne précise quelle était la position hiérarchique de Madame [R] et à elle seule, cette altercation entre deux collègues travaillant dans le même espace de travail est insuffisante pour caractériser une situation de harcèlement moral.

Le jugement doit donc également être infirmé sur ce point.

Sur les manquements allégués à l'obligation de sécurité et à l'exécution de bonne foi du contrat de travail

Aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail, l'employeur a l'obligation de protéger la santé physique et mentale de ses salariés et aux termes de l'article L 4121-2, il met en oeuvre ces mesures sur le fondement des principes généraux de prévention suivants:

1° Eviter les risques ;

2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;

3° Combattre les risques à la source ;

4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;

5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ;

6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;

7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1 ;

8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;

9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.

Par ailleurs, aux termes de l'article L 1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi

En l'espèce, les griefs de Madame [O] relatifs à des manquements de l'employeur à cette obligation, ainsi qu'à son obligation de sécurité, sont en réalité les mêmes que ceux exposés au soutien de ses allégations de discrimination et de harcèlement moral, lesquels ne sont pas établis.

Madame [O] doit donc être déboutée de cette demande nouvelle en cause d'appel.

Sur l'intervention du syndicat SUPPer

Les demandes de Madame [O] étant intégralement rejetées, le syndicat doit être débouté de ses demandes, qui en sont l'accessoire.

Sur les frais hors dépens

L'équité ne commande pas qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement en ce qu'il a annulé l'avertissement du 27 mars 2009 et en ce qu'il a condamné la société THALES AIR SYSTEMS à payer à Madame [O] [O] les sommes de 97 000 euros à titre de dommages et intérêts, de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.

Confirme le jugement en ce qu'il a débouté Madame [O] [O] de ses autres demandes.

Y ajoutant,

Déboute Madame [O] [O] de ses demandes nouvelles en cause d'appel.

Déboute le syndicat SUPPer de ses demandes.

Déboute la société THALES AIR SYSTEMS de sa demande d'indemnité.

Condamne Madame [O] [O] aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 14/02863
Date de la décision : 25/01/2018

Références :

Cour d'appel de Paris K5, arrêt n°14/02863 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-01-25;14.02863 ?
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