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25/01/2018 | FRANCE | N°16/03659

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 5, 25 janvier 2018, 16/03659


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 5



ARRÊT DU 25 JANVIER 2017



(n° , 12 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 16/03659



Décision déférée à la cour : jugement du 1er décembre 2015 -tribunal de commerce de MEAUX - RG n° 14/00031





APPELANTES



SOCIÉTÉ ZURICH INSURANCE PUBLIC LIMITED COMPANY, société anonyme de droit étranger
>ayant son siège social [Adresse 1]

[Localité 1] - IRELANDE

N° SIRET : 484 373 295

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège



Représentée par Ma...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 5

ARRÊT DU 25 JANVIER 2017

(n° , 12 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 16/03659

Décision déférée à la cour : jugement du 1er décembre 2015 -tribunal de commerce de MEAUX - RG n° 14/00031

APPELANTES

SOCIÉTÉ ZURICH INSURANCE PUBLIC LIMITED COMPANY, société anonyme de droit étranger

ayant son siège social [Adresse 1]

[Localité 1] - IRELANDE

N° SIRET : 484 373 295

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Maître François TEYTAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : J125

Ayant pour avocat plaidant Maître Christophe NICOLAS de l'ASSOCIATION RICHEMONT NICOLAS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : J054

SAS NESTLE FRANCE

ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 2]

N° SIRET : 542 014 428

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Maître François TEYTAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : J125

Ayant pour avocat plaidant Maître Christophe NICOLAS de l'ASSOCIATION RICHEMONT NICOLAS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : J054

INTIMÉES

SOCIÉTÉ HELVETIA COMPAGNIE SUISSE D'ASSURANCES, société de droit étranger

ayant son siège social [Adresse 3]

[Localité 3] - SUISSE

N° SIRET : 775 753 072

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Maître Nadia BOUZIDI-FABRE, avocate au barreau de PARIS, toque : B0515

Ayant pour avocate plaidante Maître Sylvie NEIGE, avocate au barreau de PARIS, toque : C1771

SAS BOURGEY MONTREUIL NORMANDIE

ayant son siège social [Adresse 4]

[Localité 4]

N° SIRET : 331 154 765

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Maître Vy-Loan HUYNH-OLIVIERI de la SCP Ince & Co France, avocat au barreau de PARIS, toque : P0132

Ayant pour avocat plaidant Maître Jean-Philippe MASLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0132

SARL VITAL FROID

ayant son siège social [Adresse 5]

[Localité 5]

N° SIRET : 423 157 379

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Maître Nadia BOUZIDI-FABRE, avocate au barreau de PARIS, toque : B0515

Ayant pour avocate plaidante Maître Sylvie NEIGE, avocate au barreau de PARIS, toque : C1771

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 12 Octobre 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Patrick BIROLLEAU, Président de chambre, chargé du rapport

Madame Fabienne SCHALLER, Conseillère

Madame Anne DU BESSET, Conseillère

qui en ont délibéré,

Greffière, lors des débats : Madame Hortense VITELA

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Patrick BIROLLEAU, Président et par Madame Hortense VITELA, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE :

La SAS Nestlé France (Nestlé) a confié à la société BM Normandie l'organisation du transport d'une cargaison de produits de la marque Ricoré, entre [Localité 6] (Seine et Marne) et [Localité 7] (Isère). La société BM Normandie s'est substituée le voiturier Vital Froid pour réaliser le transport.

Vital Froid a effectué l'enlèvement des marchandises le vendredi 26 avril 2013 sur le site de la société FM Logistic. La livraison chez le destinataire, la société Alphalog, devant être réalisée le lundi 29 avril 2013, la semi-remorque a été déposée le 26 avril 2013 à 17 heures sur le site de la société Kuehne & Nagel.

Dans la nuit du 26 au 27 avril 2013, alors que la semi-remorque était stationnée sur le site de la société Kuehne & Nagel, ce véhicule et la marchandise qu'il contenait ont été dérobés.

Le 27 avril 2013, une plainte a été déposée par le gérant de la société Vital Froid auprès du commissariat de police de [Localité 8], plainte complétée le 22 janvier 2014.

Le même jour, une expertise a été diligentée chez le voiturier Vital Froid. L'expert a évalué le dommage à 158.535 euros

Le 29 avril 2013, la société BM Normandie a adressé ses réserves à la société Vital Froid.

La société d'assurance Zurich Insurance PLC, assureur de la société Nestlé, a indemnisé son assurée à hauteur de 141.535 euros correspondant au montant des dommages, déduction faite de la franchise de 16.000 euros et du règlement des frais d'expertise s'élevant à 1.160,95 euros.

Les 24 et 26 avril 2014, les sociétés Nestlé et Zurich Insurance PLC ont assigné les société BM Normandie et Vital Froid devant le tribunal de commerce de Meaux. Le 23 mai 2014, la société BM Normandie a appelé en garantie la société Vital Froid et sa compagnie d'assurance Helvetia Assurances.

Par jugement du 1er décembre 2015, le tribunal de commerce de Meaux a :

- dit que la société Nestlé a qualité et intérêt à agir ;

- dit que la société Zurich Insurance PLC a intérêt à agir ;

- dit que la société BM Normandie sera condamnée à la réparation des dommages ;

- dit que la responsabilité de la société Vital Froid est engagée en raison du vol de la marchandise ;

- dit que la faute inexcusable du voiturier est établie ;

- dit que le quantum est évalué sur la base du prix de revient des marchandises ;

- dit mal fondée la demande de la société Vital Froid de se prévaloir de la limitation de ses responsabilités ;

- reçu la société Nestlé et la Zurich Insurance PLC en leur demande, au fond l'a dite en partie bien fondée ;

- reçu la société Vital Froid en ses demandes, au fond les a dites mal fondées et l'en a déboutée ;

- condamné solidairement la société BM Normandie et la société Vital Froid à payer à la société Zurich Insurance PLC les sommes de :

' 39.631,68 euros TTC en principal, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 26 avril 2014, date de l'assignation ;

' 1.160,95 TTC au titre des frais d'expertise ;

- condamné solidairement la société BM Normandie et la société Vital Froid à payer à la société Nestlé la somme de 4.000 euros TTC au titre de la franchise restée à sa charge, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 26 avril 2014, date de l'assignation ;

- dit que les intérêts se capitaliseront dans les termes de l'article 1154 ancien du code civil ;

- condamné solidairement la société BM Normandie et la société Vital Froid à payer à la société Nestlé et à la société Zurich Insurance PLC la somme de 3.500 euros TTC au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit recevable la société BM Normandie en sa demande d'appel en garantie à l'encontre de la société Vital Froid et son assureur la société Helvetia Compagnie Suisse d'assurance, en principal comme en accessoire ;

- condamné la société Vital Froid et son assureur la société Helvetia Compagnie Suisse d'assurance à relever et garantir la société BM Normandie de toute somme mise en charge par le présent jugement ;

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision, nonobstant appel et sans caution ;

- dit qu'il n'y a pas lieu de faire droit aux demandes plus amples ou contraires ;

- condamné solidairement la société BM Normandie et la société Vital Froid en tous les dépens qui comprendront le coût de l'assignation qui s'élève à 256,33 euros TTC, ainsi que les frais de greffe liquidés à 221,52 euros TTC, en ce non compris le coût des actes qui seront la suite du présent jugement auquel elles demeurent également condamnées solidairement.

Les sociétés Nestlé et Zurich Insurance PLC ont régulièrement interjeté appel le 9 février 2016 de ce jugement.

***

PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Les sociétés Nestlé et Zurich Insurance Public Limited Company, par dernières conclusions signifiées le 2 août 2016, demandent à la cour, au visa des articles L.132-3 et suivants, L.133-1 et suivants du code de commerce, L.121-12 du code des assurances et 1250 du code civil, de :

- dire l'appel recevable et bien fondé ;

- débouter BM Normandie de son appel incident ;

- débouter Vital Froid de son appel incident ;

- débouter Helvetia Compagnie suisse d'assurance et son argumentation ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

' dit que Nestlé et Zurich Insuance PLC ont intérêt à agir, et à déclarer leur action recevable ;

' dit que BM Normandie et Vital Froid sont responsables des dommages survenus au cours du transport, en qualité respective de commissionnaire de transport et de voiturier ;

' dit que le chauffeur de la société Vital Froid a commis une faute inexcusable qui prive du droit d'invoquer le plafond de limitation ;

' dit que BM Normandie et Vital Froid ne sont pas en droit de limiter leur responsabilité ;

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a limité les condamnations à 30 % des dommages en condamnant les transporteurs à payer la somme de 39.631,68 euros à Zurich Insurance PLC et la somme de 4.000 euros à Nestlé, et statuant à nouveau ;

- dire que le préjudice se calcule en fonction du prix de vente ;

- dire que le transporteur a expressément accepté d'indemniser la société Nestlé à hauteur du prix public des marchandises ; 

- dire que les dommages ont été évalués à dire d'expert à la somme de 158.535 euros ;

- dire que les intimées n'ont communiqué aucun document qui permettrait de retenir un chiffre inférieur ;

- condamner en conséquence solidairement les sociétés BM Normandie et Vital Froid, ou l'une à défaut de l'autre, à payer à la société Zurich Insurance PLC la somme de 142.535 euros, outre les frais d'expertise de 1.160,95 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 24 avril 2014, date de l'assignation ;

- condamner en conséquence solidairement les sociétés BM Normandie et Vital Froid, ou l'une à défaut de l'autre, à payer à la société Nestlé la somme de 16.000 euros, au titre de la franchise restée à sa charge, avec intérêts au taux légal à compter du 24 avril 2014, date de l'assignation ;

- condamner tout succombant à payer à chacune des concluantes la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, qui s'ajoutera à l'indemnité allouée par le tribunal de commerce, et le condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction pour ces derniers au profit de Maître Teytaud, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La société Nestlé soutient qu'elle dispose d'un intérêt à agir dès lors qu'elle est l'expéditeur réel de la marchandise et qu'en cette qualité, même ne figurant sur la lettre de voiture ni comme expéditeur, ni comme destinataire, elle dispose d'un intérêt à agir en responsabilité contre le voiturier en vertu du contrat de transport. Elle précise qu'aux termes du rapport d'expertise, la société Nestlé est le propriétaire de la marchandise et le document de livraison mentionne bien Nestlé France comme expéditeur.

La compagnie Zurich Insurance estime qu'elle dispose également, en application de l'article L.121-12 du code des assurances, d'un intérêt à agir fondé sur la subrogation légale et, en application de l'article 1250, alinéa 1er, du code civil, d'un intérêt à agir fondé sur la subrogation conventionnelle. Pour la subrogation légale, les deux conditions de cette subrogation sont remplies d'une part, par le versement d'une indemnité d'assurance à l'assurée, d'autre part, par le versement de cette indemnité en application de la police d'assurance. Pour la subrogation conventionnelle, les deux conditions de cette subrogation sont réunies d'une part, par le versement d'une indemnité à une personne ayant subi un dommage, d'autre part, par le fait d'avoir été subrogé concomitamment au paiement dans les droits de celui qui a reçu l'indemnisation (versement d'une indemnité de 142.535 euros et la quittance de subrogation).

Sur la responsabilité des transporteurs, les sociétés Nestlé et Zurich Insurance PLC soutiennent que la société BM Normandie est garante de l'opération de transport en tant que commissionnaire et pour le transporteur qu'elle s'est substitué, qu'en application des articles L.132-3 et suivants du code de commerce, le commissionnaire est en effet garant des avaries ou pertes de marchandises et du comportement de ses substitués (en l'espèce la société Vital Froid) auxquels il a confié la marchandise. Ainsi, la société BM Normandie, qui a bien été en charge d'organiser le transport des marchandises litigieuses entre [Localité 6] (77) et [Localité 7] (38), ne peut qu'en être la garante en cas de dommages causés à la marchandise ou en cas de défaillance d'un transporteur substitué (la société Vital Froid).

Par ailleurs, les sociétés Nestlé et Zurich Insurance PLC prétendent que la société Vital Froid est responsable en tant que voiturier qui a pris en charge la marchandise pour le transport au cours duquel elle a été dérobée. En application de l'article 133-1 du code de commerce, le voiturier est garant de la perte des objets à transporter. La société Vital Froid a pris en charge 66 palettes de produits Nestlé pour un transport au départ de [Localité 6] (77) et à destination de [Localité 7] (38), sous couvert d'une lettre de voiture n°0020807 en date du 26 avril 2013 ; sa responsabilité est engagée de plein droit en raison du vol de la marchandise.

Sur la faute inexcusable des transporteurs prévue par l'article L.133-8 du code de commerce, les sociétés Nestlé et Zurich soutiennent que le tribunal a, à raison, retenu une telle faute :

- d'une part, les denrées alimentaires de la société Nestlé sont des marchandises convoitables car facilement écoulables ; le transporteur avait une obligation générale de sécuriser le chargement ainsi que son moyen de transport ; or, d'après le rapport d'expertise, le site de stationnement n'était ni fermé ni contrôlé et la semi-remorque était décrochée sans qu'aucun système anti-accroche n'ait été mis en place ; le caractère délibéré de la faute ne peut que révéler la conscience de la probabilité du dommage ; le risque a été accepté de manière téméraire par le préposé du transporteur sans raison valable empêchant le transporteur de pouvoir bénéficier du plafonnement ;

- d'autre part, la société BM Normandie ne saurait limiter sa responsabilité en raison de la faute inexcusable de son substitué ; la faute délibérée du chauffeur, en stationnant une remorque sur un site non sécurisé, et sans prendre soin de la munir d'un dispositif de sécurité propre, ne permet pas à BM Normandie de pouvoir bénéficier des dispositifs de limitation de responsabilité en matière de réparation dans le domaine du transport routier.

Sur le montant du dommage, les société Nestlé et Zurich Insurance soutiennent que le préjudice doit être calculé en fonction du prix de vente, d'autant que le transporteur a expressément accepté d'indemniser la société Nestlé à hauteur du prix de vente public. Les dommages ont été évalués par l'expert à la somme de 158.535 euros ; elle en déduit que c'est à tort que le tribunal a appliqué une marge de 70 % pour réduire le préjudice.

Sur la mise en cause de la compagnie Helvetia Assurances, les sociétés Nestlé et Zurich Insurance relèvent que la compagnie Helvetia a été condamnée aux côtés de son assurée la société Vital Froid afin de garantir la société BM Normandie de toutes condamnations. Ces dernières n'ont formulé aucune demande contre la compagnie Helvetia. Ainsi, il semble difficile de prétendre que l'action est prescrite.

Les sociétés Vital Froid et Helvetia Assurances, par dernières conclusions signifiées le 30 juin 2016, demandent à la cour, au visa des articles 1165 et 1315 anciens du code civil et 9 du code de procédure civile, de :

- constater que le contrat liant les sociétés Nestlé et Geodis BM Normandie n'est pas opposable à la société Vital Froid ;

- constater que la preuve du quantum n'est pas établie ;

- en conséquence débouter les sociétés Nestlé et Zurich Insurance de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- déclarer l'appel en garantie de la société BM Normandie sans objet ;

- les condamner à payer la somme de 4.000,00 euros à la société Vital Froid au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

A titre subsidiaire,

Vu les articles L.133-1 du code de commerce,

Vu les articles L.322-4 et L322-6 du code des transports,

- constater les fautes commises par Nestlé et BM Normandie ;

- dire que lesdites fautes constituent la cause directe du sinistre ;

- en conséquence, mettre hors de cause la société Vital Froid ;

En toute hypothèse,

- dire que le sinistre devra être pris en charge par la société Nestlé, la société BM Normandie et la société Vital Froid selon selon un ratio qu'il plaira à la cour d'appliquer ;

En toute hypothèse,

Vu l'article 21 du contrat type général,

- dire que l'indemnisation pouvant être mise à la charge de la société Vital Froid ne pourra excéder la somme de 29.752,80 euros ;

- débouter toutes les parties du surplus de leurs demandes ;

A titre infiniment subsidiaire, sur la garantie de la société Helvetia,

- dire l'action entreprise le 13 mai 2016 prescrite ;

- en tout état de cause faire application des clauses et conditions de la police et en particulier de l'annexe vol ;

- limiter la garantie de la compagnie Helvetia à hauteur de 80 % des sommes mises à la charge de la société Vital Froid ;

- condamner les sociétés Nestlé, Zurich Insurance et BM Normandie à payer chacune la somme de 4.000,00 euros aux transports Vital Froid et à la compagnie Helvetia au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner les sociétés Nestlé, Zurich Insurance et BM Normandie aux entiers dépens, de première instance et d'appel dont le recouvrement pour ceux-là concernant Maître Bouzidi Fabre et ce conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Sur la recevabilité de la société Zurich Insurance, les sociétés Vital Froid et Helvetia Assurance s'en remettent à l'appréciation souveraine de la cour quant à la recevabilité de l'action de la société Zurich qui a produit, en cours d'instance, la police d'assurance et la quittance subrogative.

Elles soutiennent que Nestlé et Zurich ne justifient pas du montant du préjudice allégué, les factures d'origine ayant été sollicitées mais jamais communiquées. Il s'avère, de plus, que le contrat servant de fondement à la demande des sociétés Nestlé et Zurich Insurance est inexistant, un contrat n'ayant jamais été signé par Nestlé et BM Normandie.

A titre subsidiaire, elles indiquent que toute éventuelle condamnation devra être limitée à la somme de 29.752,80 euros en application de l'article 21 du contrat type qui fixe l'indemnité à 14 euros par kilo de marchandises manquantes ou avariées.

Elles invoquent, en tout état de cause, l'absence de faute inexcusable de la société Vital Froid : elles rappellent que la responsabilité du transporteur peut être écartée ou partagée chaque fois que le sinistre est consécutif à la faute d'un tiers et tout particulièrement du donneur d'ordre, le commissionnaire principal, la société BM Normandie, qui n'a répercuté aucune consigne de sécurité ni donné d'instruction particulière propre à la sécurisation de la marchandise. La société Nestlé n'a pas davantage adressé d'instruction à son commissionnaire alors que l'article L.322-4 du code des transports impose que « (') préalablement à la présentation du véhicule au chargement, (') », le cocontractant de l'entreprise de transport est tenu de transmettre à celle-ci, par écrit ou par tout autre procédé permettant la mémorisation, les informations nécessaires à l'exécution du contrat. Les opérations de sécurisation devaient être réclamées par le cocontractant préalablement à la présentation du véhicule au chargement. L'article L.322-6 du code des transport ajoute que « Toute prestation annexe non prévue par le contrat de transport public routier de marchandises qui cause un dommage engage la responsabilité de l'entreprise bénéficiaire de la prestation ». Rien dans la mission confiée à la société Vital Froid ne permettait de considérer qu'il s'agissait d'un transport de marchandise 'convoitables et facilement écoulables'. Ainsi, à la vue de ces défaillances révélées dans l'organisation du transport, la société Vital Froid ne peut assumer seules les conséquences du sinistre et les société BM Normandie et Nestlé sont directement responsables de négligences dans la chaîne de transport.

Par ailleurs, la faute inexcusable voulue par le législateur est un degré supérieur à la faute lourde et se distingue par l'acceptation du risque par le transporteur. Ainsi, la simple négligence est insuffisante pour caractériser la faute inexcusable. Ainsi, la société Nestlé doit apporter la preuve que le transporteur avait eu connaissance de la probabilité du dommage et l'avait accepté de façon téméraire sans raison valable. En effet, la société Vital Froid n'a pas laissé le véhicule et son chargement sur la voie publique ; la remorque a été conduite sur un site loué auprès de la société Kuehne & Nagel, site entièrement grillagé et dont l'accès est fermé à l'aide d'une barrière métallique ainsi que de deux barrières de levage ; le site est surveillé par 16 caméras, dont une à 360° sur le toit du bâtiment, et est fermé du samedi 18 heures au dimanche 22 heures ; le week-end, des rondes sont effectuées et un gardien est en faction dans un bungalow situé à l'entrée. Bien qu'aucun anti vol n'ait été positionné, le chauffeur n'a pas eu conscience d'un risque de vol de la marchandise et n'a pas pu, a fortiori, accepter ce risque. Ainsi, c'est à tort que les premiers juges ont cru pouvoir retenir la faute inexcusable de la société Vital Froid.

Sur la garantie de la compagnie Helvetia, la société Vital Froid et la compagnie Helvetia Assurance estiment que la demande des sociétés Nestlé et Zurich Insurance est prescrite. Ayant assigné la société Vital Froid le 24 avril 2013, elles avaient jusqu'au 24 avril 2016 pour intenter une action contre l'assureur. L'assignation datée du 13 mai 2016 est prescrite.

Dans l'hypothèse d'une condamnation à l'encontre de la compagnie Helvetia, le contrat d'assurance n°0087104 souscrit par la société Vital auprès de la compagnie Helvetia prévoit une garantie des risques de vol à hauteur de 80 %.

La société BM Normandie, par ses dernières conclusions signifiées le 1er juillet 2016, demande à la cour, au visa des articles L.133-1 et suivants du code de commerce et du décret n°99-269 du 6 avril 1999, de :

- infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Meaux le 1er décembre 2015 ;

Et statuant à nouveau,

- à titre principal, déclarer mal fondées les demandes de la société Zurich Insurance PLC et Nestlé et les en débouter ;

- à titre subsidiaire, si une condamnation venait à être prononcée à l'encontre de BM Normandie, limiter le montant de cette condamnation à la somme de 29.752,80 euros ;

En tout état de cause,

- condamner la société Vital Froid et Helvetia Assurances à relever et garantir BM Normandie de toute condamnation, en principal comme en accessoire ;

- condamner toute succombante à payer à BM Normandie la somme de 12.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Sur l'absence de preuve du quantum du dommage allégué, la société BM Normandie soutient qu'il y a une incertitude complète dans le quantum du préjudice. En effet, la société Nestlé se base sur un contrat prévoyant une indemnisation en fonction du prix de vente, mais ce contrat n'a jamais été signé par la société BM Normandie et n'est en réalité qu'un projet de contrat. Ainsi, le contrat auquel se réfère l'expert de la société Zurich Insurance et qui doit servir de fondement pour chiffrer forfaitairement le préjudice, est inexistant. Ainsi, la société BM Normandie estime que l'usage du prix de revient de la marchandise est une bonne base pour calculer un éventuel préjudice. Or d'après l'article 1315 du code civil, c'est au demandeur d'apporter la preuve d'un préjudice chiffré au soutien de sa prétention. La société Nestlé n'a jamais donné le chiffrage de son prix de revient et le tribunal a lui-même évalué de façon forfaitaire le prix de revient des marchandises afin de pallier cette défaillance. Donc il est demandé d'infirmer sur ce point le jugement de première instance, car si la demanderesse ne parvient pas à justifier d'un chiffrage aussi, sa demande ne peut tout simplement pas être accueillie.

A titre subsidiaire, la société BM Normandie soutient, en application de l'article L.132-6 du code de commerce, qu'elle bénéficie de plein droit de la limitation contractuelle de responsabilité en sa qualité de commissionnaire, que la société Vital Froid n'a pas commis de faute inexcusable. Elle souligne que, pour caractériser l'existence d'une faute inexcusable, il faut la réunion de quatre conditions cumulatives :

- que la faute commise soit délibérée ;

- que cette faute ait été faite avec la conscience qu'un dommage en résulterait

probablement ;

- que la probabilité de ce dommage ait été acceptée témérairement par le voiturier ou le commissionnaire ;

- que cette acceptation n'ait aucune contrepartie valable.

Pendant le week-end du 26 au 29 avril 2013, la société Vital Froid a garé la remorque sur le site de la société Kuehne & Nagel. L'expertise demandée par les sociétés Nestlé et Zurich Insurance PLC a relevé de nombreux éléments prouvant de manière indiscutable que le site était sécurisé au moment du vol ; en stationnant la remorque sur un site d'un prestataire logistique de renom, surveillé par une société de télésurveillance, le chauffeur ne pouvait pas envisager l'hypothèse que sa remorque allait être dévalisée ; ainsi, aucune faute inexcusable ne peut être invoquée à l'encontre de la société Vital Froid ; cette dernière bénéficiera, comme la société BM Normandie, des limitations de responsabilité.

En tout état de cause, sur la garantie des sociétés Vital Froid et Helvetia, la société BM Normandie demande que le jugement soit sur ce point confirmé en ce qu'il a condamné les sociétés Vital Froid et Helvetia à la relever et la garantir toute condamnation en principale comme en accessoire.

Il est expressément référé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits, de leur argumentation et de leurs moyens.

MOTIFS :

Considérant que la recevabilité de l'action de la société d'assurance Zurich Insurance PLC n'est pas contestée devant la cour ; que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a dit recevable la société Zurich Insurance PLC ;

' Sur la responsabilité du voiturier la société Vital Froid :

Considérant que, conformément à l'article L.133-1 du code de commerce, le voiturier est garant de la perte des objets à transporter ; qu'il ne peut se prévaloir de la limitation contractuelle d'indemnisation s'il a commis une faute inexcusable ;

Considérant que Nestlé et Zurich soutiennent que le transporteur Vital Froid a commis une faute inexcusable qui le prive du bénéfice des limitations de responsabilité ;

Considérant que la faute inexcusable suppose l'existence d'une faute délibérée, une exposition délibérée et consciente de la marchandise à un danger, une conscience de la probabilité du dommage, son acceptation téméraire et l'absence de raison valable de la prise de risque ;

Considérant que le chauffeur du camion a dételé, le vendredi 26 avril 2013 à 17 heures, pour la fin de semaine, la semi-remorque sur le site de la société de transport Kuehne & Nagel de [Localité 9], site sur lequel Vital Froid occupe des locaux ; qu'aux termes du rapport d'expertise Postec, la semi-remorque et la marchandise qu'elle contenait ont été dérobées dans la nuit du 26 au 27 avril 2013, peu après 2 heures du matin, heure à laquelle un tracteur solo est entré sur le site et s'est accroché à la semi-remorque, l'ensemble de transport ayant quitté le site de Kuehne & Nagel à 2h21 ;

Considérant qu'il résulte du rapport Postec (pièce Nestlé - Zurich n°4 - pages 5 à 8) que 'ce site est entièrement grillagé, son accès est fermé à l'aide d'une barrière métallique et de deux barrières de levage, le site est surveillé par seize caméras, dont une à 360° sur le toit du bâtiment, est fermé du samedi 18h00 au dimanche 22h00", que, 'pendant le weekend, des rondes sont effectuées et un gardien est en faction dans un bungalow situé à l'entrée', que, 'pour accéder aux emplacements de parking dédiés à Vital Froid, il convient d'emprunter un passage dûment surveillé à l'aide d'une caméra' ; que, selon le rapport d'expertise Postec, le lieu de stationnement de la semi-remorque était éclairé ; qu'il n'est pas établi que le transporteur ne pouvait ignorer que, sur les deux caméras dirigées vers la semi-remorque dérobée (une caméra fixe et une caméra mobile), le pied de fixation de la caméra mobile était dévissé - seul point faible du dispositif de sécurité que relève le rapport d'expertise Postec - de sorte qu'elle ne pouvait filmer (pièce Nestlé - Zurich n°4 - page 11) ; que le site présentait des conditions de sécurité que le transporteur était fondé à estimer suffisantes ; que, si aucun plomb ni cadenas n'a été disposé au niveau du système d'ouverture des portes de la semi-remorque, cet élément n'est pas en lien de causalité directe avec le vol ; que la seule absence de système anti-accroche du pivot d'attelage est, compte tenu de la nature de la marchandise et de la sécurisation du lieu de stationnement de la remorque, insuffisant à établir une prise de risque délibérée ;

Considérant que les appelantes ne rapportent pas, dans ces conditions, la preuve que la société Vital Froid avait conscience d'un risque encouru, ni qu'elle a exposé de manière délibérée et consciente la marchandise à un danger, ni qu'elle a agi avec témérité ; qu'aucune faute inexcusable n'est dès lors caractérisée ; que le transporteur est dès lors fondé à opposer à Nestlé et à Zurich la limitation contractuelle de responsabilité ; que la décision déférée sera infirmée en ce sens ;

Considérant qu'aux termes de l'article 21 du contrat type général, dont l'application n'est pas contestée, l'indemnité due par le transporteur est limitée à la somme de 14 euros par kilo de marchandise manquante ou avariée, sans pouvoir dépasser, par envoi perdu, incomplet ou avarié, quel qu'en soit le poids, le volume , les dimensions , la nature ou à valeur, une somme supérieure au produit du poids brut de l'envoi exprimé en tonnes multiplié par 2.300 euros ; qu'aux termes des mentions figurant sur la lettre de voiture

n° 00020807 datée du 26 avril 2013, la société Vital Froid a chargé 66 palettes de produits alimentaires, d'un poids total de 12.936 kilogrammes ; que la condamnation mise à la charge de la société Vital Froid et de son assureur Helvetia sera fixée à la somme de 2.300 euros x 12,936 kg, soit 29.752,80 euros ; que le jugement entrepris sera réformé en ce sens ;

' Sur la responsabilité du commissionnaire de transport BM Normandie :

Considérant que, conformément à l'article L.132-6 du code de commerce, le commissionnaire de transport répond de tous les prestataires auxquels il a eu recours pour l'exécution du transport dont il s'est chargé ; qu'aux termes de l'article L.132-4 du code de commerce, le commissionnaire de transport est tenu d'une obligation de résultat envers son client ; qu'il doit indemniser le commettant à raison de l'ensemble des dommages résultant de la mauvaise exécution des transports qu'il a été chargé d'organiser ;

Considérant que, la responsabilité du commissionnaire de transport BM Normandie n'étant recherchée qu'en tant que garant du transporteur qu'il s'est substitué, le commissionnaire de transport bénéficie des limitations d'indemnisation du transporteur maritime qu'il a choisi ; que BM Normandie sera condamnée solidairement avec le voiturier et son assureur au paiement de la somme de 29.752,80 euros ; que Nestlé et Zurich, qui ne rapportent pas la preuve qu'elles ont pris en charge les frais d'expertise, seront déboutées du surplus de leurs demandes ;

' Sur la garantie de la société Helvetia :

Considérant que la société Helvetia soulève la prescription de la demande de garantie de BM Normandie ;

Considérant qu'en cas d'action intentée contre le commissionnaire sur le fondement du contrat de transport, le délai pour intenter une action récursoire est d'un mois à compter du jour de l'exercice de l'action du commettant contre le commissionnaire ; que l'action a été introduite par Nestlé et Zurich à l'encontre de BM Normandie par acte du 24 avril 2014, point de départ du délai de prescription ; que la prescription annale n'était donc pas acquise lors que Helvetia a été appelée en garantie par acte du 23 mai 2014 ;

Considérant que le commissionnaire de transport, assigné par son donneur d'ordre, dispose d'un recours en garantie contre le substitué auquel il a fait appel ; que Vital Froid et Helvetia seront condamnées à relever et garantir BM Normandie de toute somme mise à sa charge au titre du présent arrêt ;

Considérant que l'équité commande de condamner in solidum BM Normandie et Vital Froid à payer, en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, à Nestlé la somme de 2.000 euros et à Zurich celle de 2.000 euros ;

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement entrepris sur la recevabilité des demandes de la SAS Nestlé France etde la société Zurich Insurance Public Limited Company, sur l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens ;

L'INFIRME pour le surplus ;

Statuant à nouveau,

CONDAMNE solidairement la SAS Bourgey Montreuil Normandie, la SARL Vital Froid et la Compagnie Helvetia Assurances à payer à la SAS Nestlé France et à la société Zurich Insurance Public Limited Company la somme de 29.752,80 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 26 avril 2014 ;

DEBOUTE la SAS Nestlé France et à la société Zurich Insurance Public Limited Company du surplus de leurs demandes ;

CONDAMNE la SARL Vital Froid et la société Helvetia Compagnie Suisse d'assurance à relever et garantir la SAS Bourgey Montreuil Normandie de toute somme mise à sa charge au titre du présent arrêt ;

CONDAMNE in solidum la SAS Bourgey Montreuil Normandie et la SARL Vital Froid à payer, en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, à la SAS Nestlé France la somme de 2.000 euros et à celle de 2.000 euros ;

CONDAMNE in solidum la SAS Bourgey Montreuil Normandie et la SARL Vital Froid aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

La Greffière Le Président

Hortense VITELA Patrick BIROLLEAU


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 16/03659
Date de la décision : 25/01/2018

Références :

Cour d'appel de Paris I5, arrêt n°16/03659 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-01-25;16.03659 ?
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