RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 2
ARRÊT DU 15 Février 2018
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 17/07644
Décision déférée à la Cour : ordonnance rendue le 15 Mai 2017 par le Conseil de Prud'hommes de VILLENEUVE SAINT GEORGES - RG n° 17/00016
APPELANT
Monsieur [Z] [R]
né le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 1] (97)
[Adresse 1]
[Localité 2]
comparant en personne, assisté de Me Aymeric BEAUCHENE, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 095
INTIMEES
SAS H.REINEIR
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151, avocat postulant
représentée par Me Cédric JACQUELET, avocat au barreau de PARIS, toque : J043 substitué par Me Corentin SOUCACHET, avocat plaidant
SARL KEOLIS ORLY AIRPORT
N° SIRET : 349 684 7533
[Adresse 3]
[Adresse 4]
[Localité 2]
représentée par Me Pascal GEOFFRION de la SELEURL PG AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : L0027 substituée par Me Laure ARNAIL
SARL KEOLIS SEINE VAL DE MARNE
N° SIRET : 962 201 7111
[Adresse 5]
[Localité 4]
représentée par Me Pascal GEOFFRION de la SELEURL PG AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : L0027 substituée par Me Laure ARNAIL
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 1er décembre 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine MÉTADIEU, Président, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Catherine MÉTADIEU, Président
Madame Patricia DUFOUR, Conseiller appelé à compléter la chambre par ordonnance de roulement en date du 31 août 2017
Monsieur Christophe ESTEVE, Conseiller
GREFFIER : Madame FOULON, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Catherine MÉTADIEU, Président et par Madame FOULON, Greffier.
*******
Statuant sur l'appel interjeté par [Z] [R] à l'encontre d'une ordonnance de référé rendue le 15 mai 2017 par le conseil de prud'hommes de VILLENEUVE SAINT GEORGES qui a notamment dit n'y avoir lieu à référé sur l'ensemble de ses demandes ;
Vu les conclusions déposées le 29 septembre 2017 sur le RPVA par [Z] [R] qui demande à la cour de :
«Vu l'annexe VI de la CCN 3177
Vu le transfert du marché du 1.07.2016 entre la société REINER, société sortante et la société KEOLIS ORLY AIRPORT SA, société entrante
- ordonner [son] transfert au sein de la société KEOLIS ORLY AIRPORT SA à la même qualification que celle précédemment exercée au sein de la SAS ENTREPRISE H. REINER et au même salaire sous astreinte de 100 euros par jour à compter du 'prononcé de l'ordonnance à intervenir'
- une provision à valoir sur D-I pour discrimination syndicale et refus d'exécuter les termes de la CCN en son annexe VI : 10 000 €
' Article 700 du code de procédure civile : 2 000 €
' Intérêt au taux légal à compter de la saisine sur l'intégralité des condamnations
' Capitalisation des intérêts art.1154 du code civil
' Dépens» ;
Vu les conclusions déposées le 25 septembre 2017 sur le RPVA par la SAS ENTREPRISE H. REINER qui demande à la cour de confirmer l'ordonnance entreprise et de renvoyer [Z] [R] à mieux se pourvoir ;
Vu les conclusions déposées le 13 octobre 2017 sur le RPVA par les SARL KEOLIS ORLY AIRPORT et KEOLIS SEINE VAL DE MARNE qui demandent à la cour de confirmer l'ordonnance déférée et de débouter [Z] [R] de l'ensemble de ses demandes ;
SUR CE, LA COUR :
[Z] [R] a été engagé à compter du 12 octobre 2009 par la SAS ENTREPRISE H. REINER, en qualité de coordinateur sur la zone aéroportuaire d'ORLY, statut agent de maîtrise, selon un contrat de travail à durée indéterminée.
La relation de travail est régie par la convention collective nationale du personnel au sol des entreprises de transport aérien.
[Z] [R] a été élu délégué du personnel titulaire de l'établissement H. REINER ORLY SERVICES le 19 mai 2015, puis a été désigné délégué syndical au sein de ce même établissement le 28 janvier 2016.
Le comité d'établissement de l'établissement H. REINER ORLY SERVICES a été informé de ce qu'à la suite d'un appel d'offres, les marchés relatifs au transfert des personnels navigants AIR FRANCE et HOP, coté «ville » et «piste» et dont elle était jusqu'alors titulaire, seraient tous deux attribués au groupe KEOLIS pour cinq années à compter du 1er juin 2016.
L'entrée du groupe KEOLIS sur le marché à été reportée d'un mois.
[Z] [R] a été convoqué à un entretien préalable le 9 juin sur les conséquences de la cessation d'activité sur son évolution professionnelle.
Parallèlement le 24 juin 2016, la SAS ENTREPRISE H. REINER et la SARL KEOLIS ORLY AIRPORT se sont accordées, conformément aux dispositions de la convention collective applicable, sur la désignation d'un expert aux fins de déterminer le nombre de salariés susceptibles d'être transférés.
Des demandes d'autorisation de transfert des salariés protégés ont été adressées à l'inspection du travail à titre préventif.
L'expert a conclu que 15 conducteurs étaient susceptibles d'être transférés mais que les agents de maîtrise n'avaient pas à être visés par le transfert conventionnel.
[Z] [R] a été informé le 11 juillet 2016 de ce qu'il ne pouvait pas être transféré au sein de la société KEOLIS ORLY AIRPORT.
Le 1er août 2016, il a été proposé à [Z] [R] un poste de superviseur, statut agent de maîtrise, basé à NOISY LE SEC et au BOURGET' au sein d'une filiale du groupe KEOLIS, ce qu'il a refusé.
[Z] [R] a effectué un bilan de reclassement le 5 septembre 2016.
C'est dans ces conditions, que le 19 octobre 2016, [Z] [R] saisi le conseil de prud'hommes en sa formation des référés.
MOTIFS
Selon l'article R.1455-6 du même code du travail, la formation de référé peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Il est précisé à l'article R.1455-7 que dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, la formation des référés peut accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
[Z] [R] fait valoir qu'il était transférable au sein de la SARL KEOLIS ORLY AIRPORT en application de la convention collective, que le rapport établi à la demande des sociétés H.REINER et KEOLIS ORLY AIRPORT lui est inopposable faute d'avoir respecté les dispositions de la convention collective, notamment l'article 3.3, relatives à l'information-consultation du comité d'établissement, aucun débat n'ayant eu lieu avec le comité d'établissement, que l'expert s'est comporté en médiateur entre les deux sociétés et n'a pas proposé une solution prise en toute indépendance.
L'accord du 5 juillet 2013 relatif à l'annexe VI « Transfert de personnel entre entreprises d'assistance en escale», prévoit :
'Article 2.2 Transfert partiel d'une équipe dédiée en cas de modification du périmètre de la prestation :
Lorsque la prestation en escale, réalisée par une équipe dédiée chez l'entreprise sortante, est reprise par l'entreprise entrante, avec un périmètre différent (périmètre réduit), l'entreprise entrante reprend chez le cédant les effectifs déterminés par les besoins de l'activité transférée (effectifs affectés par l'entreprise sortante) sous réserve que les salariés soient affectés à la réalisation de la prestation depuis au moins 4 mois ou présents sur un poste nécessaire à la réalisation de la prestation existant depuis au moins 4 mois, au moment ou débutent les opérations de transfert'.
Selon l'article 3.3 de l'accord, les entreprises concernées en cas de désaccord entre elles concernant le volume et la liste des emplois à transférer, s'engagent à recourir à une procédure d'expertise, l'expert ayant pour mission de régler le litige et de déterminer le volume et les emplois à transférer.
Il est précisé que :
- chaque entreprise informe le comité d'entreprise du nom de l'expert et communique à l'expert les coordonnées du secrétaire du comité d'entreprise
- l'intervention de l'expert est inscrite de plein droit à l'ordre du jour d'une réunion du comité d'entreprise qui doit avoir lieu dans les sept jours qui suivent la désignation de l'expert
- la date d'intervention de l'expert est fixée d'un commun accord avec lui
- l'expert à cette occasion prend connaissance de la position du comité d'entreprise.
Or il n'est justifié en l'espèce que de la seule information effectuée le 24 juin 2016 lors de la réunion du comité d'établissement de la SAS ENTREPRISE H. REINER sous cette forme : ' La direction informe avoir lancé un arbitrage afin de trancher cette question par le biais d'une expertise (annexe5 de la CCN TAPS)'.
Force est de constater que cette information succincte ne correspond pas aux exigences de l'article 3.3 de l'accord concernant l'information et la consultation du comité d'établissement à l'occasion des opérations d'expertise et que le rapport dont se prévalent les intimés ne vaut pas rapport expertise au sens des dispositions de cet article.
La cour observe que le rédacteur du rapport, [D] [A], a au demeurant souligné dans ses conclusions, en date du 2 février 2016 qu'il n'avait pu 'constater si l'ordre prévu à l'annexe VI [avait] bien été respecté', qu'il ne précise ni la date de sa désignation, ni l'année des réunions organisées le 29 juin au sein de KEOLIS et le 28 juin en soirée avec la société ONET Airport services, ni celle de l'accord intervenu le 30 juin, et qu'il n'est apporté aucune explication à l'incohérence entre la date du déroulement des opérations conduites nécessairement en juin 2016, au regard des autres éléments du dossier et la date de son écrit.
Il s'en déduit que même s'il existe une erreur de plume concernant l'année de rédaction, ce document a été remis aux parties postérieurement au 1er juillet 2016, date du transfert, sans que le comité d'établissement ait été entendu sur sa position.
Il est par conséquent dépourvu de toute force probante et inopposable au salarié.
Il n'est pas contesté qu'au moment du transfert [Z] [R] remplissait les conditions requises d'ancienneté comme celles nécessaires pour exercer l'emploi.
Le fait qu'il existe au sein de la SARL KEOLIS ORLY AIRPORT (KOA) des régulateurs pouvant assurer l'encadrement des quinze salariés conducteurs transférés ne constitue pas un motif suffisant permettant à cette dernière de s'exonérer de son obligation telle que résultant de l'article 2.2 de l'accord du 5 juillet 2013, faute pour elle d'établir que la présence de [Z] [R] en tant que coordinateur, statut agent de maîtrise, n'était nécessaire aux besoins de l'activité transférée, alors même qu'elle a repris, comme le souligne l'appelant deux marchés (navette et transfert du personnel).
Ce refus de la SARL KEOLIS ORLY AIRPORT est constitutif pour [Z] [R] d'un trouble manifestement illicite qu'il convient de faire cesser.
Il convient infirmant l'ordonnance déférée d'ordonner son transfert au sein de la SARL KEOLIS ORLY AIRPORT, dans un emploi correspondant à celui qu'il occupait au sein de la SAS ENTREPRISE H. REINER, avec les mêmes qualification et rémunération, ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé le 15ème jour suivant la signification du présent arrêt, dans la limite de trois mois.
Sur la discrimination :
Les éléments versés aux débats ne permettent pas de constater avec l'évidence requise en matière de référé que [Z] [R] a fait l'objet d'une mesure de discrimination en considération de son statut de salarié protégé.
Il n'y a pas lieu à référé sur sa demande de dommages-intérêts provisionnels formée à ce titre.
Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile :
L'équité commande qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner la SARL KEOLIS ORLY AIRPORT à verser à [Z] [R] la somme de 2 000 euros à ce titre.
PAR CES MOTIFS
Infirme l'ordonnance déférée sauf en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé en ce qui concerne la demande de dommages-intérêts provisionnels pour discrimination
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Ordonne le transfert de [Z] [R] au sein de la SARL KEOLIS ORLY AIRPORT, dans un emploi correspondant à celui qu'il occupait au sein de la SAS ENTREPRISE H. REINER, avec les mêmes qualification et rémunération, ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé le 15ème jour suivant la signification du présent arrêt, dans la limite de trois mois.
Condamne la SARL KEOLIS ORLY AIRPORT à payer à [Z] [R] la somme de
2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile
Condamne la SARL KEOLIS ORLY AIRPORT aux entiers dépens.
LE GREFFIER LE PRESIDENT