Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 5
ARRÊT DU 22 FÉVRIER 2018
(n° , 12 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 14/23529
Décisions déférées à la cour : jugement du 12 novembre 2010 - tribunal de commerce de PARIS (RG n°2009051450) - jugement du 20 octobre 2014 -tribunal de commerce de PARIS (RG n° 2013000267)
APPELANTE
SA AXA FRANCE IARD
ayant son siège social [Adresse 1]
[Localité 1]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Maître Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocate au barreau de PARIS, toque : K0111
Ayant pour avocate plaidante Maître Pauline ARROYO, avocate au barreau de PARIS, toque : C2291
INTIMÉES
EPIC CHARBONNAGES DE FRANCE CDF
ayant son siège social [Adresse 2]
[Localité 2]
N° SIRET : 542 008 677
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Maître Véronique KIEFFER JOLY, avocate au barreau de PARIS, toque : L0028
Ayant pour avocate plaidante Maître Lorraine DUZER, avocate au barreau de PARIS, toque : C1145
Société de droit étranger AIG EUROPE LTD venant aux droits de la société CHARTIS EUROPE
ayant son siège social [Adresse 3]
[Localité 3]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Maître Véronique KIEFFER JOLY, avocate au barreau de PARIS, toque : L0028
Ayant pour avocate plaidante Maître Lorraine DUZER, avocate au barreau de PARIS, toque : C1145
INTERVENANTE
SOCIÉTÉ DE DROIT ETRANGER ACE EUROPEAN GROUP LIMITED, prise en son établissement français sous le nom commercial CHUBB EUROPEAN GROUP LIMITED
ayant son siège social situé [Adresse 4]
[Localité 3]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Maître Véronique KIEFFER JOLY, avocate au barreau de PARIS, toque : L0028
Ayant pour avocate plaidante Maître Lorraine DUZER, avocate au barreau de PARIS, toque : C1145
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 30 Novembre 2017, en audience publique, devant la cour composée de :
Monsieur Patrick BIROLLEAU, Président de chambre, chargé du rapport
Madame Fabienne SCHALLER, Conseillère
Madame Anne DU BESSET, Conseillère
qui en ont délibéré,
Greffière, lors des débats : Madame Hortense VITELA
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Patrick BIROLLEAU, Président et par Madame Hortense VITELA, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS ET PROCÉDURE :
L'établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) Les Houillères du Bassin du Nord Pas de Calais, devenu Charbonnages de France (CDF), et la société Gaz de France (GDF) ont constitué, par contrat constitutif du 16 mars 1988, le GIE Méthamine pour exploiter le méthane présent dans les anciens puits de mines de charbon. Le GIE disposait de deux sites d'exploitation à [Localité 4] et à [Localité 5].
Le site de [Localité 4] dispose de trois compresseurs (A, B, C) installés en 1990 par la société Machines Pneumatiques Rotatives Industries (MPRI). Ces compresseurs sont notamment composés de lamelles remplacées régulièrement. En juin 2000, l'ensemble des lamelles des trois compresseurs ont été remplacées par MPRI. MPRI a, en 2002 et 2003, procédé à de nouveaux remplacements de lamelles. En novembre 2003 et janvier 2004, des avaries ont entraîné l'arrêt des compresseurs A et C.
Le 1er mars 2004, le GIE Méthamine a obtenu du président du tribunal de grande instance de Nanterre la désignation d'un expert judiciaire aux fins de déterminer les origines du sinistre et de chiffrer les préjudices subis. Le rapport d'expertise a été déposé le 15 février 2008.
Le 16 juillet 2009, les sociétés CDF et son assureur AIG ont assigné la société MPRI et son assureur la compagnie Axa devant le tribunal de commerce de Paris.
Par jugement du 12 novembre 2010, le tribunal de commerce de Paris a jugé l'action recevable et débouté les sociétés MPRI et Axa de leur demande de nullité de l'expertise. Les sociétés MPRI et Axa ont interjeté appel du jugement. La cour d'appel, par arrêt en date du 17 octobre 2013, a infirmé le jugement et déclaré l'action irrecevable. Sur pourvoi des sociétés AIG Europe et CDF, la Cour de cassation a cassé sans renvoi l'arrêt de la cour d'appel.
Par jugement en date du 18 octobre 2014, le tribunal de commerce de Bobigny a prononcé la liquidation judiciaire de la société MPRI.
La procédure s'étant poursuivie au fond devant le tribunal de commerce de Paris, celui-ci, par jugement rendu le 20 octobre 2014, a :
- pris acte du désistement d'instance et d'action de la société Moyrand Bally ès- qualités de mandataire judiciaire liquidateur de la société MPR Industries ou MPR Machines Pneumatiques Rotatives Industries à l'encontre de la société Axa France IARD, exploitant sous le nom commercial « Axa France » ;
- pris acte de ce que la société AIG Europe LTD, vient aux droits de la société Chartis Europe ;
- dit qu'en fournissant des lamelles impropres à l'usage auquel elles étaient destinées MPRI a engagé sa responsabilité ;
- dit qu'en fournissant des lamelles impropres à l'usage auquel elles étaient destinées MPRI a engagé sa responsabilité ;
- dit que le préjudice matériel s'élève à la somme de 172.618 euros ;
- dit que le préjudice au titre de la perte d'exploitation s'élève à 1.886.000 euros ;
- dit que la société AIG Europe LTD est subrogée dans les droits du GIE Méthamine à hauteur de 1.601.830 euros ;
- fixé la créance au passif de la société MRP Industries ou MPR Machines Pneumatiques Rotatives Industries au profit de l'Etablissement Public Industriel et Commercial CDF à la somme de 456.788 euros ;
- fixé la créance au passif de la société MRPI au profit de la société AIG Europe LTD à la somme de 1.601.830 euros ;
- condamne la société Axa France IARD à payer 456.788 euros à l'Etablissement Public Industriel et Commercial' CDF- avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance et capitalisation desdits intérêts en application de l'article 1154 du code civil ;
- condamné la société Axa France IARD à payer à l'Etablissement Public Industriel et Commercial - CDF- 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la société Axa France IARD à payer à la société AIG Europe LTD 30.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- rejeté toutes demandes des parties plus amples ou contraires au présent jugement ;
- condamne la société Axa France IARD aux dépens de l'instance y compris les frais d'expertise, dont ceux à recouvrer par greffe, liquidés à la somme de 82,44 euros dont 13,52 euros de TVA.
Vu la déclaration d'appel du 21 novembre 2014 de la société Axa ;
***
PRÉTENTIONS DES PARTIES :
La société AXA France IARD, par dernières conclusions signifiées le 16 septembre 2016, demande à la cour, au visa des articles 122 du code de procédure civile et 22 du code minier dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce, de :
A titre principal,
- constater que CDF n'a pas qualité à agir en réparation du prétendu préjudice subi par le GIE Méthamine au titre des sinistres des 29 novembre 2003 et 7 janvier 2004 ayant affecté les compresseurs A et C de la station de [Localité 4] ;
- constater que les compagnies AIG Europe et ACE European Group Limited ne sont pas valablement subrogées dans les droits et actions du GIE Méthamine ;
En conséquence,
- infirmer les jugements du tribunal de commerce de Paris des 20 novembre 2010 et 20 octobre 2014 ;
Statuant à nouveau,
- déclarer irrecevables les demandes de CDF, AIG Europe et ACE European Group Limited présentées à l'encontre d'Axa France IARD ;
Subsidiairement sur ce point,
- déclarer irrecevables les demandes de AIG Europe et ACE European Group Limited en ce qu'elles excèdent la somme 1.251.830 euros ;
A titre subsidiaire,
- dire que la société MPRI n'a commis aucun manquement de nature à engager sa responsabilité contractuelle, et partant de nature à entraîner l'application de la garantie de son assureur de responsabilité civile, Axa France IARD ;
- dire que sera exclue des débats la pièce n° 7 produite par CDF, AIG Europe et ACE European Group Limited ;
Par conséquent,
- infirmer les jugements du tribunal de commerce de Paris des 20 novembre 2010 et 20 octobre 2014 ;
Statuant à nouveau,
- débouter CDF, AIG Europe et Ace European Group Limited de l'intégralité de leurs demandes présentées à l'encontre d'Axa France IARD ;
A titre plus subsidiaire,
- dire sur les préjudices invoqués par CDF, AIG Europe et ACE European Group Limited ne sont ni fondés ni prouvés ;
Par conséquent,
- infirmer les jugements du tribunal de commerce de Paris des 20 novembre 2010 et 20 octobre 2014 ;
Statuant à nouveau,
- débouter CDF, AIG Europe et ACE European Group Limited de l'intégralité de leurs demandes présentées à l'encontre d'Axa France IARD ;
A titre infiniment subsidiaire,
- faire application des dispositions de la police d'assurance n° 244753104 souscrite auprès d'Axa France IARD par la société MPRI ;
- dire qu'Axa France IARD est bien fondée à se prévaloir de l'exclusion de garantie tenant aux produits fournis stipulée dans la police d'assurance n° 244753104 souscrite auprès d'elle par la société MPRI ;
- dire que la garantie d'Axa France IARD sera limitée à 303.373,51 euros correspondant au plafond de garantie de 304.898 euros applicable aux dommages immatériels non consécutifs, déduction faite de la franchise de 1.524,49 euros ;
En tout état de cause,
- condamner solidairement CDF et AIG Europe au paiement de la somme de 30.000 euros à Axa France IARD au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Grappotte Benetreau en application de l'article 699 du code de procédure civile.
A titre principal sur le défaut de qualité à agir de CDF, AIG et ACE, la société Axa France IARD fait valoir que le GIE Methamine n'a pas donné mandat à l'EPIC CDF. En effet, l'interprétation de CDF du PV d'AG du GIE Methamine du 13 novembre du 13 novembre 2008 procède d'une véritable dénaturation. Par ailleurs, en qualité d'indivisaire, l'EPIC CDF n'a pas de qualité à agir ce qui rend son action irrecevable. De plus, le GIE Methamine n'est pas le propriétaire des compresseurs litigieux, il n'a donc pas en assumer les frais de réparation. Si d'aventure, il est jugé que le GIE Methamine est propriétaire de compresseurs litigieux, il devra être jugé que la société Gazonor a été subrogée dans tous les droits et actions du GIE Methamine. Ce dernier n'est pas titulaire des droits d'exploitation du gaz de mine car il n'a jamais tiré de recette de la vente du gaz.
La société Axa soutient que les société AIG et ACE n'ont pas de qualité à agir en l'absence de subrogation. En effet, les société AIC et ACE n'ont pu recueillir aucun droit en indemnisant le GIE Methamine. A titre infiniment subsidiaire, les sociétés AIG et ACE ne justifient que d'une subrogation à hauteur de 1.251.830 euros.
A titre subsidiaire sur le mal fondé des demandes présentées par les sociétés CDG, AIG et ACE, la société Axa fait valoir que la société MPRI n'a commis aucune faute tant dans son obligation de maintenance qu'au titre de la fourniture des palettes PAR790. En effet, la livraison des palettes PAR790 par MPRI au GIE Methamine ne présente aucun défaut. Le sinistre est dû à d'autre causes non imputables à la société MPRI. Les dysfonctionnements du système de purge ont de manière certaine joué un rôle causal. Sachant qu'il existe d'autres causes potentielles de sinistre puisque les trois compresseurs ont été usés de manière anormalement rapide.
A titre infiniment subsidiaire, Axa affirme que les préjudices ne sont ni fondés ni prouvés ; elle fait valoir que l'expert judiciaire a retenu la somme de 172.618 euros sous réserve de la production des factures justificatives dont il n'a pas eu connaissance et qui n'ont jamais été produits ultérieurement ; ainsi, le GIE Méthamine ne peut prétendre vouloir obtenir réparation d'un préjudice qu'il n'a pas personnellement subi. Axa soutient par ailleurs que les préjudices immatériels prétendument subis par le GIE Methamine ne sont ni fondés ni prouvés , qu'en effet, CDF et ses assureurs prétendent que le GIE Méthamine aurait subi une perte d'exploitation d'un montant de 1.886.000 euros ; or, la méthode de calcul utilisée au soutien des quantités de production escomptées n'a jamais été explicitée malgré les multiples demandes. La spécificité de l'activité d'extraction de gaz réside dans le fait que les réserves accumulées dans les mines qui n'ont pas été extraites pendant une année ne disparaissent pas pour autant. Elles pourront l'être l'année suivante après remise en état des installations. L'évaluation de la perte d'exploitation du GIE Méthamine est calculée sur la base d'un "taux de marge brute" fixé à 74,92 % alors que la société Axa France IARD réitère qu'en l'absence d'activité commerciale du GIE Méthamine, il n'est pas possible d'évoquer un quelconque "taux de marge brute".
En tout état de cause, sur les exclusions et plafond de garantie stipulés dans la police d'assurance Axa France IARD, cette dernière estime qu'il faut exclure les dommages aux biens sinistrés. En effet, d'après la police d'assurance ne sont pas remboursés les produits défectueux fabriqués ou livrés par l'assuré ou pour son compte. les coûts liés à la remise en état des compresseurs à hauteur de 282.319 euros ne peuvent être garantis par Axa France IARD. Elle soutient qu'il existe un plafond de garantie tenant aux dommages immatériels non consécutifs. Dès lors qu'ils ne sont pas garantis, les dommages causés par ces produits ne sont que des dommages immatériels non consécutifs à des dommages matériels garantis et leur garantie est plafonnée. Ainsi, la garantie d'Axa France IARD sera limitée à la somme de 303.373,51 euros correspondant à son plafond de garantie fixé à 304.898 euros, déduction faite de la franchise de 1.524,49 euros.
L'EPIC CDF et les sociétés AIG Europe et ACE European Group Limited, par dernières conclusions signifiées le 19 décembre 2016, demandent à la cour, au visa des articles 1134 et 1147 et suivants anciens du code civil, L 113-1, L 121-12 et L 124-3 du code des assurances, et 328 et suivants et 554 du code de procédure civile, de :
- donner acte à la société ACE European Group Limited de son intervention volontaire en cours d'instance ;
- confirmer les jugements des 20 novembre 2010 et 20 octobre 2014 en toutes leurs dispositions ;
Y ajoutant,
- débouter la société Axa France IARD de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
Subsidiairement,
- dire que les condamnations seront prononcées au profit des assureurs du GIE Methamine à hauteur de 50 % chacun ;
- condamner la société AXA France IARD à payer la somme de 800.915 euros à la société AIG Europe LTD et la somme de 800.915 euros à la société ACE European Group LTD, avec intérêts au taux légal et capitalisation depuis l'acte introductif d'instance ;
- condamner en outre la société AXA France IARD à payer la somme de 456.788 euros à l'établissement public Industriel et commercial en liquidation CDF, avec intérêts au taux légal et capitalisation depuis l'acte introductif d'instance ;
- condamner la société Axa France IARD à verser à l'EPIC en liquidation CDF la somme de 35.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société Axa France IARD à verser à la compagnie AIG Europe LTD la somme de 65.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de Maître Kieffer-Joly, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Sur la recevabilité des demandes, ils soutiennent que disposent d'un droit d'action :
- CDF, en qualité d'indivisaire, et par suite du mandat valable reçu du GIE Methamine ;
- AIG qui peut se prévaloir de la subrogation légale de l'article L121-12 du code des assurances pour exercer cette action par suite des paiements d'indemnités réalisés et du préjudice réel subi par le GIE Méthamine, propriétaire de l'installation sinistrée et disposant d'un intérêt à l'exploitation du gaz, de sorte qu'il subit directement des pertes qui apparaissent dans ses comptes. soutient que le GIE dispose d'un droit d'action.
Sur les rapports contractuels entre le GIE Methamine et la société MPRI, les intimées font valoir que la qualité inadaptée des lamelles fournies et installées par la société MPRI qui n'a commis aucune faute tant dans son obligation de maintenance qu'au titre de la fourniture des palettes PAR790, était inadaptée ; en effet, la durée de vie des lamelles et leur qualité sont différentes : le compresseur B a toujours été équipé de lamelles PAR 785 ; il n'a jamais été victime d'avarie et l'usure de ses lamelles étant tout à fait normale ; le compresseur B a même continué à fonctionner avec les lamelles PAR 785 jusqu'en 2006 sans difficulté ; avec de telles vitesses d'usure, il est évident que le contrôle annuel mené par MPRI n'était plus adapté pour prévenir ce type d'incident. De plus, il convient de relever que les lamelles PAR 785, qui avaient équipé le compresseur A entre les années 2000 et 2003, ont été remises en place sur ledit compresseur au mois de janvier 2005 ; elles ont fonctionné jusqu'au mois de février 2006, pendant 5.199 heures, sans usure supplémentaire. Ainsi, le seul changement survenu résidait dans le changement des lamelles. En conséquence, il a existé une usure accélérée des lamelles et les sinistres sont dus à un choix de lamelles ne répondant plus aux exigences de l'installation. Il s'agit d'une erreur commise par MPRI dans le choix du matériel pour un site dont elle connaissait parfaitement les conditions et contraintes d'exploitation, pour en avoir été l'unique prestataire de maintenance pendant 14 ans (de 1989 à 2003, date du premier sinistre).
CDF et les sociétés d'assurance soulignent que M. [E] a établi sa note 10 ans après l'expertise judiciaire, et sans avoir eu l'occasion d'y participer, ni d'examiner le matériel incriminé ou le site sur lequel il se trouvait. Alors qu'il avait la possibilité de le faire durant l'expertise, lorsque le matériel était encore visible, ces compléments d'investigations auraient respecté le principe du contradictoire.
L'EPIC CDF soutient l'absence du rôle causal des purges. En effet, M. [D] atteste le 3 janvier 2006 qu'« Il faut voir que dans cette station il y a toujours eu la présence d'eau et que les compresseurs se sont toujours bien comportés au niveau fonctionnement. Le changement de qualité des lamelles est la première cause de casse. Autrement dit, pendant plus de 10 ans, la société MPRI, alors qu'elle intervenait régulièrement sur l'installation, aurait gardé le silence sur les insuffisances du système de purge. Ainsi, l'obligation d'entretien incombant à la société MPRI lui imposait d'alerter le GIE sur tout dysfonctionnement éventuel du système de purge, et de suggérer toute amélioration possible pour éviter tout désordre.
Sur le préjudice subi par le GIE Methamine, l'EPIC CDF souligne que le préjudice matériel se répartit de la manière suivante : sinistre compresseur A : 114.316 euros, sinistre compresseur C : 135.678 euros, nouvelles lamelles, 32.325 euros, demandes au cours de l'expertise : 15.529 euros, autres frais engagés : 19.374 euros, frais hors sinistre : 8.831 euros.
Les postes majeurs des préjudices matériels du GIE METHAMINE correspondent aux réparations réalisées par MPRI, pour des montants de 66.723 euros HT sur le compresseur A et de 67.151 euros HT sur le compresseur C.
L'estimation du préjudice direct subi par le GIE Methamine a retenu les montants suivants : 70.166, 00 euros sur le compresseur A, 79.358,00 euros sur le compresseur C, 23.094 euros d'autres frais, soit un total de 172.618 euros.
Sur les pertes d'exploitation, compte tenu du délai de réparation des compresseurs, la production n'a donc pu être reprise avant la fin de la saison d'hiver 2003-2004. L'expert estime, à cet égard, que « le simple examen des comptes d'exploitation des années 2003 - 2004 permet de valider l'ordre de grandeur de la perte d'exploitation actualisée du GIE Methamine. L'expert judiciaire a finalement arrêté le montant des pertes d'exploitation à la somme de 1.886.000 euros.
Sur le plafond de garantie de la police Axa France IARD, CDF soutient qu'il n'est pas applicable, car les postes de réclamation n'entrent pas dans l'objet de l'exclusion. En effet, Les demandes de la société AIG et de l'EPIC CDF concernent des dommages matériels aux compresseurs causés par une prestation défectueuse réalisée par MPRI, à savoir l'inadaptation des lamelles qu'elle a mises en place à l'occasion des révisions des compresseurs.
En matière de dommages immatériels, les demandes de la société AIG et de l'EPIC concernent les pertes d'exploitation causées par les avaries des compresseurs, qui sont des dommages directs garantis. Ainsi, la société Axa France IARD doit sa garantie à hauteur des préjudices évalués, et dans la limite de son plafond de 1.524.490,17 euros pour l'ensemble des dommages, matériels et immatériels consécutifs.
Il est expressément référé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits, de leur argumentation et de leurs moyens.
***
MOTIFS :
Considérant que la cour est saisie d'un appel interjeté par la société AXA France IARD à l'enccontre du :
- jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 12 novembre 2010 sur la recevabilité ;
- jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 20 octobre 2014 sur les responsabilités et l'indemnisation des préjudices ;
Considérant qu'il convient de recevoir la société ACE European Group Limited en son intervention volontaire ;
Sur la recevabilité de l'action de CDF
Considérant que le GIE Méthamine a été dissout le 1er mars 2007, liquidé le 13 novembre 2008 et radié le 7 janvier 2009 ; que l'action au fond a été introduite par CDF et AIG le 16 juillet 2009 ;
Considérant que la société Axa soulève l'irrecevabilité de l'action de CDF au motif que l'engagement d'une action en justice par un GIE suppose un accord de tous les indivisaires, accord qui n'est pas en l'espèce invoqué ; que CDF soutient que, compte tenu de sa qualité d'ancien membre du GIE et de co-indivisaire, il détient un droit d'action en justice, conformément aux dispositions des articles 815 et suivants du code civil et en vertu du mandat qui lui a été donné ;
Considérant que l'article 815-3, alinéa 3, du code civil dispose que 'le consentement de tous les indivisaires est requis pour effectuer tout acte qui ne ressortit pas à l'exploitation normale des biens indivis et pour effectuer tout acte de disposition autre que ceux visés au 3° (vente de meubles indivis pour payer les dettes et charges de l'indivision)' ;
Considérant qu'il n'est pas contesté que le GIE Méthamine est soumis au régime de l'indivision existant entre l'EPIC CDF et la SA GDF ; que l'action en justice exercée au nom d'une indivision est soumise au consentement de tous les indivisaires ; que CDF n'invoque aucun accord du co-indivisaire ; que la seule qualité de CDF d'ancien membre du GIE et de co-indivisaire est insuffisante à rendre recevable l'action de CDF ; que, si un mandat a été donné à la société CDF lors de l'assemblée du 13 novembre 2008, prévoyant que l'EPIC CDF pourra 'percevoir au nom et pour le compte des membres, toute somme, correspondant au solde éventuel de l'indemnité d'assurance relative au litige MPRI', ce mandat s'est limité à la perception d'une indemnité d'assurance et n'a conféré à CDF aucun pouvoir pour engager une action en justice ; que CDF doit en conséquence être déclaré irrecevable en ses demandes ; que le jugement entrepris sera infirmé en ce sens ;
Sur la recevabilité des sociétés AIG Europe et ACE European Group Limited
Considérant que la société AIG Europe agit en qualité d'assureur du GIE ; que la société ACE European Group Limited agit en qualité de co-apériteur du contrat d'assurance souscrit au profit du GIE ;
Considérant que la société AXA fait valoir que les sociétés AIG Europe et ACE European Group Limited sont irrecevables en leurs demandes en l'absence de subrogation valable ;
Considérant que l'article L121-12 du code des assurances dispose que 'l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur.' ;
Considérant que AIG justifie des paiements d'indemnités effectués au bénéfice du GIE par la production :
- d'une quittance d'indemnité de 700.000 euros du 26 août 2005 (pièce CDF, AIG et ACE n° 13) ;
- d'une quittance d'indemnité de 450.915 euros du 20 novembre 2007 (pièce CDF, AIG et ACE n°14 bis) ;
- d'une quittance d'indemnité de 450.915 euros (2ème versement) du 31 janvier 2008 (pièce CDF, AIG et ACE n° 15) ;
Qu'Axa ne saurait contester la réalité du préjudice indemnisé dès lors que le GIE a subi les préjudices consécutifs aux dysfonctionnements affectant les compresseurs ; qu'il résulte en effet du protocole relatif au gaz de mines conclu entre GDF et les Houillères de bassin le 22 décembre 1987 que :
- le GIE prend en charge les investissements et les frais de fonctionnement (article 3) ;
- le GIE dispose d'un droit d'usage et d'exploitation des installations (article 4.1) ;
Que, le GIE étant fondé, en sa qualité d'exploitant des installations, à bénéficier d'une indemnisation au titre des préjudices invoqués par suite de la défectuosité alléguée des compresseurs, et ayant dès lors qualité et intérêt à agir en réparation de ces préjudices, Axa ne peut prétendre que qu'AIG et ACE ne peuvent être subrogées dans les droits du GIE ;
Que le jugement du 20 octobre 2014 sera en conséquence confirmé sur la recevabilité d'AIG ;
Sur le fond
Considérant qu'aux termes de l'article 1603 du code civil, 'le vendeur a deux obligations principales, celle de délivrer et celle de garantir la chose qu'il vend' ; que le vendeur doit délivrer une chose conforme à ce qui était convenu, dans sa qualité, sa quantité, son identité ;
Considérant qu'il est constant que des avaries ont entraîné l'arrêt des compresseurs A et C en novembre 2003 et janvier 2004 ; que les incidents survenus sur ces compresseurs équipés de lamelles PAR 790 se sont produits après 1.304 heures d'utilisation des lamelles avec une usure supérieure à 50 mm pour le compresseur A, et 2.713 heures d'utilisation des lamelles avec une usure supérieure à 50 mm pour le compresseur C ;
Considérant qu'il n'est pas contesté que les lamelles fournies par MPRI étaient données pour une durée de vie de 40.000 heures ;
Considérant que l'expert judiciaire a recherché l'origine du sinistre d'une part, dans la mauvaise qualité des lamelles et, d'autre part, dans la présence d'eau dans les compresseurs liés à des dysfonctionnements du système de purge ;
Considérant qu'Axa ne conteste pas la qualité inadaptée des lamelles ; qu'il est en effet constant que les avaries ont concerné les compresseurs A et C, équipés des nouvelles lamelles PAR 790, le compresseur B ayant continué à fonctionner avec les anciennes lamelles PAR 785 ; que l'expert a relevé que :
- les problèmes graves sont apparus lors que la société MPRI, dans le cadre de la procédure de renouvellement triennal des lamelles, a décidé de remplacer les lamelles PAR 785 par des lamelles PAR 790, (page 62 du rapport) ;
- les avaries majeures des 29 novembre 2003 et 7 janvier 2004 se sont produites sur les compresseurs A et C, les deux seuls équipés de lamelles PAR 790, le compresseur B, équipé de lamelles PAR 785, n'ayant jamais été victime d'avarie ; ;
- la société NVF, fabricante de la matière première des PAR 790, a souligné la moindre résistance du PAR 790 par rapport au PAR 785 dans certains environnements (page 86 du rapport) ;
Que ces éléments établissent le rôle causal, dans le sinistre, de la qualité inadaptée des lamelles PAR 790 ;
Mais considérant que l'expert retient également que :
- 'La société MPRI a aussi montré que le système des purges avait connu des défaillances de fonctionnement et plusieurs interventions, outre les opérations de maintenance programmée. Il est clair que la présence d'eau liquide dans les compresseurs ne peut être que préjudiciable à la qualité de la lubrification et peut expliquer la dégradation rapide des palettes et les deux sinistres." (page 98 du rapport) ;
- 'L'expert judiciaire ne peut donc que confirmer les conclusions techniques formulées lors de la réunion d'expertise du 23 novembre 2007, à savoir que les deux thèses sont complémentaires, l'usure anormale des palettes n'étant pas régulière dans le temps en fonction des deux paramètres suivants : la qualité des palettes différentes d'un lot à l'autre (...), la présence d'eau dans les compresseurs liée à des dysfonctionnements du système des purges (circuit obstrué et/ou panne de l'automate de commande' (page 99 du rapport) ;
- 'Dans le cas des lamelles la présence d'eau a deux effets. D'une part, l'eau entraîne l'huile de lubrification qui devient insuffisante et augmente les frottements des lamelles dans leur rainure. D'autre part, la matière des lamelles, en particulier la résine phénolique a tendance à augmenter de volume en présence d'eau. Ces deux phénomènes ont dû se combiner pour provoquer le blocage des lamelles' (page 93 du rapport d'expertise judiciaire) ;
Que ces constatations établissent le rôle causal des dysfonctionnements du système de purge, système qui ne relevait pas de la responsabilité de MPRI et pour lequel les intimées ne sont pas dès lors fondées à rechercher la responsabilité de MPRI au titre d'un manquement à son obligation de conseil ;
Que, compte tenu de la dualité des causes du dommage, dont seul l'un est imputable à MPRI, la responsabilité de MPRI dans le sinistre sera fixée à 50 % du dommage ; que le jugement entrepris sera réformé sur ce point ;
Considérant, sur le préjudice, que Axa n'est pas fondée à contester les montants retenus par l'expert judiciaire au titre du préjudice matériel du GIE (172.618 euros), le rapport d'expertise précisant que le chiffrage communiqué par Maître [N], conseil du GIE, 'n'avait pas été contesté par le cabinet GAB Robins, expert mandaté par Axa' (page 101 du rapport d'expertise judiciaire) ;
Que, sur les pertes d'exploitation, le préjudice subi par le GIE est établi par l'analyse de l'expert qui relève, en page 24 de son rapport, qu' 'après le 1er incident, 50 % de la production n'est plus assurée. Après le 2ème incident et l'arrêt du compresseur C, la production est totalement interrompue.' ; que l'expert a déterminé le défaut de production en rapprochant d'une part, la production envisageable compte tenu de la qualité du gaz extrait, des engagements contractuels et de l'historique de la production, d'autre part, la production effectivement réalisée ; que, si Axa conteste les chiffres retenus par l'expert judiciaire, elle ne fait état d'aucun élément qui n'ait pas discuté dans le cadre de l'expertise ; que le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu le montant des pertes d'exploitation du GIE tel qu'arrêté par l'expert à la somme de 1.886.733 euros ;
Considérant qu'Axa n'est fondée à invoquer :
- ni l'exclusion de garantie, l'exclusion prévue par le contrat d'assurance liant Axa et MPRI visant 'le remplacement des produits défectueux fabriqués ou livrés par l'assuré' et n'étant dès lors pas applicable aux dommages matériels occasionnés aux compresseurs ;
- ni le plafond de garantie tenant aux dommages immatériels non consécutifs, dès lors que ces dommages sont consécutifs à un dommage matériel couvert par la garantie ;
Considérant qu'Axa sera en conséquence condamnée à payer à AIG la somme de 1.029.675,50 euros (172.618 euros + 1.886.733 euros / 2) ; que la créance de la société AIG Europe LTD au passif de la société MRPI sera fixée à la somme de 1.029.675,50 euros ; que le jugement entrepris sera réformé sur ce point ;
Considérant que l'équité commande de condamner Axa à payer à AIG la somme de 30.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
RECOIT la société ACE European Group Limited en son intervention volontaire ;
INFIRME :
- le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 12 novembre 2010 sur la recevabilité de l'action de l'établissement public industriel et commercial Charbonnages de France ;
- le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 20 octobre 2014 sur les condamnations et inscriptions au passif de la société MPRI prononcées en principal au bénéfice de l'établissement public industriel et commercial Charbonnages de France et de la société AIG Europe Ltd ;
Statuant à nouveau ;
DIT l'établissement public industriel et commercial Charbonnages de France irrecevable en son action ;
CONDAMNE la SA Axa France IARD à payer à la société AIG Europe Ltd la somme de 1.029.675,50 euros ;
FIXE la créance de la société AIG Europe LTD au passif de la société MRPI à la somme de 1.029.675,50 euros ;
CONFIRME les jugements entrepris pour le surplus ;
CONDAMNE la SA Axa France IARD à payer à la société AIG Europe Ltd la somme de 30.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
CONDAMNE la SA Axa France IARD aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
La Greffière Le Président
Hortense VITELA Patrick BIROLLEAU