RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 4
ARRÊT DU 27 Février 2018
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/05466
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 Mars 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section encadrement RG n° 12/06892
APPELANT
Monsieur [J] [B]
[Adresse 1]
[Localité 1]
représenté par Me Alina PARAGYIOS, avocat au barreau de PARIS, toque : A0374 substitué par Me Reihanéh NOVEIR, avocat au barreau de PARIS, toque : A 0374
INTIMEE
CAISSE REGIONALE D'ASSURANCE MALADIE D'ILE DE FRANCE (CRAMIF)
[Adresse 2]
[Localité 2]
représentée par Mme [D] [O] , Juriste
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Mars 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Anne PUIG-COURAGE, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Bruno BLANC, Président
Mme Roselyne GAUTIER, Conseillère
Mme Anne PUIG-COURAGE, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier : Madame Chantal HUTEAU, lors des débats
ARRET :
- Contradictoire,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile, et prorogé à ce jour
- signé par M. Bruno BLANC, Président, et par Madame Chantal HUTEAU, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire
Monsieur [J] [B] a été embauché par la CRAMIF en contrat à durée indéterminée en date du 15 décembre 2003 à effet au 4 décembre 2003 en qualité de chirurgien-dentiste pour assurer des consultations pour une durée hebdomadaire de 16 heures portées en 2004 à 19 heures hebdomadaires.
En date du 14 mars 2012, il recevait un blâme, sanction qu'il contestait par un courrier du 7 mai 2013 en raison du non-respect de la procédure conventionnelle et plus précisément de l'article 48 de la convention collective nationale des Personnels des Organismes de Sécurité Sociale. Par courrier du 23 mai 2012, la CRAMIF lui indiquait que le dispositif conventionnel ne lui était pas applicable.
Monsieur [J] [B] saisissait le Conseil de Prud'hommes de Paris le 19 juin 2012 pour obtenir la nullité de la sanction. Par courrier en date du 25octobre 2012, il était convoqué en vue d°un entretien préalable à son licenciement, avec mise à pied conservatoire. Par courrier du 15 novembre 2012, l'entretien était reporté au 30 novembre et par courrier en date du 5 décembre 2012, Monsieur [J] [B] était licencié pour faute grave pour les motifs suivants :
" . . . Vous ne vous êtes présenté aux convocations qui vous ont été adressées., à 2 reprises
les 25 octobre et 15 novembre 2012, dans le cadre des dispositions légales du code du
travail relatives à l'entretien préalable.
Je vous informe que votre licenciement, sans préavis ni indemnités, pour faute grave a été
décidé aux motifs suivants :
- Agression verbale, attitude irrespectueuse et humiliante envers l'assistante dentaire mise à disposition, malgré la sanction (blâme) assortie d'une mise en garde, infligée le 14/3/12 pour des faits de même nature,
- Non respect des principes de bonne gestion de la patientèle, entraînant une dégradation de la qualité de vie au travail de l'assistante dentaire.
Ce licenciement prendra effet immédiatement à compter de la date d'envoi de cette notification. ."
Le 19 juin 2012 Monsieur [J] [B] saisissait le conseil de prud'hommes de PARIS aux fins de faire condamner la CRAMIF à lui payer diverses sommes à titre de rappels de salaires, dommages intérêts pour non respect des dispositions conventionnelles , faire annuler une sanction disciplinaire, faire condamner la CRAMIF à des dommages intérêts pour nullité de la sanction, rappel de salaire de mise à pied , indemnité compensatrice de préavis , indemnité de licenciement , indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse , compte épargne temps, affichage de la décision, remise des documents conformes, au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
Par jugement du 4 mars 2014, le conseil de prud'hommes de Paris déboutait Monsieur [B] de toutes ses demandes et la CRAMIF de sa demande reconventionnelle en remboursement d'un trop perçu au titre du compte épargne temps,
Par courrier recommandé en date du 14 mai 2014, Monsieur [J] [B] formait appel de cette décision en toutes ses dispositions.
Vu les conclusions du 27 mars 2017 au soutien de ses observations orales par lesquelles Monsieur [J] [U] àla cour :
- d'infirmer le jugement du Conseil de prud'hommes en toutes ses dispositions,
et statuant à nouveau :
- de juger que la convention collective des personnels des organismes de sécurité sociale est applicable à son contrat de travail ;
en conséquence,
- de condamner la CAISSE REGIONALE D'ASSURANCE MALADIE D'ILE DE
FRANCE (CRAMIF) à lui verser les sommes suivantes :
. 36.623,99 € à titre de rappel de prime de 13ème mois sur la période du 19 juin 2007 au 31 décembre 2012 ;
. 3.662,39 € à titre de congés payés afférents ;
. 16.653,20 € à titre de rappel de prime de vacances sur la période du 19 juin 2007 au 31 décembre 2012 ;
. 1.665,32 € à titre de congés payés afférents ;
. 35.000 € à titre de dommages et intérêts pour défaut d'application de ladite convention collective ;
- de juger que le blâme qui lui a été infligé est nul ;
- de juger que la procédure disciplinaire conventionnelle n'a pas été respectée
en conséquence,
- de condamner la CAISSE REGIONALE D'ASSURANCE MALADIE D'ILE DE FRANCE (CRAMIF) à lui verser la somme de 10.000 € au titre des dommages intérêts pour violation de la procédure disciplinaire conventionnelle ;
- de juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
en conséquence,
- de condamner la CAISSE REGIONALE D'ASSURANCE MALADIE D'ILE DE FRANCE (CRAMIF) à lui verser les sommes suivantes :
. 5.820,48 € à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied ;
. 582,04 € au titre des congés payés afférents ;
. 34.922,88 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis conventionnel ;
. 3.492,28 € à titre de congés payés afférents ;
. 11.640,96 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis légal, si la Cour venait à juger de l'inapplicabilité de la convention collective ;
. 1.164,09 € au titre des congés payés afférents ;
. 27.647,28 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement ;
. 10.476,86 € au titre de l'indemnité légale de licenciement si la Cour venait à juger de l'inapplicabilité de la convention collective ;
. 69.845,76 € (12 mois) au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans
cause réelle et sérieuse ;
. 5.000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- de condamner la CAISSE REGIONALE D'ASSURANCE MALADIE D'ILE DE FRANCE (CRAMIF) à remettre les documents sociaux et bulletins de paie conformes ;
- de condamner la CAISSE REGIONALE D'ASSURANCE MALADIE D'ILE DE
FRANCE (CRAMIF) aux dépens.
Vu les conclusions du 27 mars 2017 au soutien de ses observations orales par lesquelles la CRAMIF demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris ;
en conséquence,
- dire que la Convention Collective Nationale du Personnel des Organismes de Sécurité ;
Sociale n'est pas applicable à Monsieur [J] [B] en sa qualité de chirurgien-dentiste;
- constater que la rémunération contractuelle de Monsieur [J] [B] est beaucoup plus favorable que celle d'un médecin généraliste relevant des dispositions conventionnelles ;
- constater qu'en conséquence, il n'est pas fondé à solliciter des rappels de salaires et des dommages et intérêts sur le fondement de la non-application de la Convention Collective Nationale du Personnel des Organismes de Sécurité Sociale ;
- constater que la CRAMIF a respecté la procédure disciplinaire légale à l'encontre de Monsieur [J] [B];
- dire que les faits successifs reprochés au requérant sont constitutifs d'une faute et que la Caisse Régionale en a rapporté la preuve ;
- juger que c'est à bon droit que la CRAMIF a prononcé, en premier lieu, un blâme à l'encontre de Monsieur [J] [B] puis, en second lieu, un licenciement pour faute grave sans indemnité, ni préavis;
- débouter Monsieur [J] [B] de l'ensemble de ses demandes ;
- constater que la CRAMIF a versé un trop-perçu au salarié au titre de son CET ;
en conséquence, condamner Monsieur [J] [B] au remboursement de la somme de 1 127,89 € euros ;
- le condamner au paiement de la somme de 1.000 € au titre de 1'article 700 du code de
procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Sur ce :
Sur l'application des dispositions de la Convention collective des personnels des organismes de Sécurité sociale
Attendu que la Convention collective des personnels des organismes de Sécurité sociale prévoie que des dispositions particulières concernant notamment les chirurgiens dentistes feraient l'objet d'annexes ;
Qu'aucune annexe n'a été créée s'agissant des dentistes;
Attendu que Monsieur [B] allègue qu'une chirurgien dentiste , vacataire comme lui du centre médical de la CRAMIF où il exerçait, aurait perçu des primes de vacances, ce dont il déduit que la Convention collective des personnels des organismes de Sécurité sociale est appliquée par la Caisse aux chirurgiens dentistes;
Attendu toutefois qu'à la lecture des bulletins de salaire de cette collègue qu'il verse au dossier, aucune prime n'apparaît;
Que Monsieur [B] fait encore valoir une atteinte à sa liberté de travail dès lors qu'il lui serait interdit de s'installer dans certains arrondissements de [Localité 3] et qu'il en résulterait que la Convention collective des personnels des organismes de Sécurité sociale devrait lui être appliquée, puisqu'il ne peut cumuler plusieurs emplois;
Mais attendu que la limitation apportée par son contrat de travail à sa liberté d'installation n'est pas une atteinte à la liberté du travail dès lors qu'elle ne concerne que les arrondissements et communes limitrophes ou voisines du centre de soin;
Qu'elle est justifiée compte tenu de la vocation sociale du centre de soin de la CRAMIF et la nécessité d'empêcher toute confusion auprès de la patientèle,
Qu'en tout état de cause il ne conteste pas exercer sa profession dans le cadre d'un statut libéral hors de la zone contractuelle d'interdiction;
Attendu au surplus que la rémunération de Monsieur [B] , ainsi qu'il est démontré par la CRAMIF est très supérieure à celle des médecins salariés des centre de soins qu'elle gère;
Qu'ainsi c'est à bon droit et par des moyens que la cour adopte, que le jugement du conseil de prud'hommes a rejetée la demande de rattachement de Monsieur [B] à la Convention collective des personnels des organismes de Sécurité sociale et les demandes pécuniaires qui en découlent;
Que le jugement sera confirmé
Sur la demande d'annulation du blâme du 14 mars 2012,
Attendu que par une exacte appréciation des faits et une juste application du droit la conseil de prud'hommes de Paris a jugé que la Convention collective des personnels des organismes de Sécurité sociale n'étant pas applicable à la situation de Monsieur [B], il n'y avait pas lieu d'annuler le blâme qui lui avait été infligé, au seul motif invoqué du non respect de l'article 48 de la dite convention ,
Que le jugement sera confirmé;
Sur le licenciement
Attendu que Monsieur [B] fait essentiellement valoir que la lettre de licenciement ne comporte aucune date ni aucun nom, qu'elle ne précise pas l'attitude reprochée ni les principes violés et enfin que tout repose sur le seul témoignage de madame [M], l'assistante mise à sa disposition ;
La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis.
L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.
Attendu que les faits évoqués dans la lettre de licenciement, même dépourvus de date, sont suffisamment précis et ne comportent aucune ambigüité quant aux lieux et dates où ils ont pris place,
Que la référence à "l'assistante dentaire mise à disposition" désigne suffisamment la personne à l'égard de laquelle les faits reprochés ont eu lieu,
Que de même les termes d'agression verbale, attitude irrespectueuse et humiliante décrivent suffisamment les comportements reprochés à Monsieur [B] , sans qu'il ait été nécessaire de rapporter les termes exacts employés;
Que ces faits sont matériellement vérifiables, s'agissant d'employées du Centre de santé,
Qu'enfin la référence à des faits de même nature, non contestés sur le fond, sanctionnés d'un blâme quelques mois plus tôt, ne pouvait laisser aucun doute sur la nature des faits en cause dans la lettre de licenciement.
Attendu sur le fond que le témoignage de madame [M] renvoie à des faits précis dans le cadre de sa fonction d'assistante dentaire à des jours et périodes clairement déterminés,
Que les comportements sont décrits à savoir des retards récurrents et la colère des patients, choix des patients à soigner sans tenir compte de ceux programmés, manque de considération à l'égard des patients, soins pratiqués sans leur accord,
Que les comportements à l'égard des patients mettait l'assistante dans des situations très délicates , voire impossibles à gérer;
Qu'il exprimait à son encontre de la colère et employait un ton dédaigneux, y compris en présence des patients, alors qu'il était la cause des situations difficiles dans lesquelles elle se trouvait,
Qu'il n'avait pas de considération pour son travail et empiétait sur ses fonctions,
Que Madame [M] s'en est trouvée gravement perturbée et a dû consulter la médecine du travail qui a estimé qu'elle n'était pas en mesure de reprendre son travail dans ce contexte et lui a délivré une autorisation de retour à domicile;
Que ces faits sont de même nature que ceux décrits par sa précédente assistante et une autre dentiste du centre et qui ont été sanctionnés d'un blâme le 14 mars 2012;
Attendu que le centre médical a une vocation de service publique,
Que le comportement de Monsieur [B] en a gravement perturbé le fonctionnement, comme en témoigne la demande de retrait de six assistantes, rendant impossible son maintien au sein du centre;
Que de plus il portait atteinte à sa réputation,
Que la faute grave est suffisamment caractérisée ;
Que le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit le licenciement de Monsieur [J] [B] justifié par une faute grave .
Que les demandes formées par Monsieur [B] de rappel de salaire pour la période de mise à pied , d'indemnité compensatrice de préavis légale ou conventionnelle, d'indemnité légale ou conventionnelle de licenciement, de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse seront rejetées;
Que sera rejetée sa demande de remise des documents sociaux
Sur la demande de la CRAMIF de remboursement d'un trop perçu au titre du compte épargne temps
Attendu que la CRAMIF réclame à Monsieur [J] [B] le remboursement d'une somme de 1127,89 € représentant un trop perçu dans le paiement de l'indemnité due au titre du compte épargne temps lors de la rupture du contrat de travail ,
Que l'indemnité compensatrice prévue à l'article 7 du Protocole d'accord du 1er mars 2004 prévoit que l'indemnité est calculée sur la base du salaire brut de l'intéressé au moment de la rupture du contrat de travail et correspond au nombre du jours épargnés multiplié par la valeur du jour travaillé;
Que la Caisse a calculé le salaire moyen de Monsieur [B] ,
Attendu que Monsieur [J] [B] a formé appel de la totalité du jugement, sans réserve, et ne conclut pas sur la demande de la Caisse ;
Que la demande de la CRAMIF, fondée sur la stricte application du Protocole sur le Compte épargne temps signé entre l'Union des caisses nationale de sécurité sociale et les syndicats, est justifiée ;
Qu'il sera fait droit à la demande
Que le jugement sera infirmé sur ce point;
Sur les frais irrépétibles
Attendu que la CRAMIF demande la condamnation de Monsieur [B] à lui payer la somme de 1000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Attendu qu'il ne paraît pas inéquitable de mettre à la charge de Monsieur [B] une somme de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Que la demande de Monsieur [B] au titre de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée,
Par ces motifs,
La cour, statuant contradictoirement, en dernier ressort et par arrêt mis à la disposition des parties au greffe,
Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Paris en ce qu'il a dit la convention collective des Organismes de Sécurité sociale inapplicable au contrat de travail de Monsieur [B], et a rejeté ses demandes faite à ce titre,
Confirme le jugement en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation du blâme de 14 mars 2012,
Confirme le jugement en ce qu'il a dit le licenciement de Monsieur [B] justifié par une faute grave, et rejeté l'ensemble de ses demandes au titre du licenciement,
Infirme le jugement en ce qu'il a rejeté la demande reconventionnelle de la CRAMIF et statuant à nouveau,
Condamne Monsieur [J] [B] à rembourser à la CRAMIF la somme de 1127,89 €;
Condamne Monsieur [J] [B] à payer à la CRAMIF la somme de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette ses autres demandes ;
Condamne Monsieur [J] [B] aux entiers dépens.
LE GREFFIER LE PRESIDENT