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13/03/2018 | FRANCE | N°14/11272

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 13 mars 2018, 14/11272


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRÊT DU 13 Mars 2018

(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/11272



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 05 Septembre 2014 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de LONGJUMEAU Section Activités Diverses RG n° 12/00939



APPELANTE :



SAS ADREXO

sise [Adresse 1]

[Adresse 2]

[Localité 1]

N° SIRET :

315 549 352

représentée par Me Laure MULLER, avocat au barreau de PARIS, toque : G0529



INTIMÉE :



Madame [K] [Y]

demeurant au [Adresse 3]

[Localité 2]

représentée par Me Christo...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRÊT DU 13 Mars 2018

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/11272

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 05 Septembre 2014 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de LONGJUMEAU Section Activités Diverses RG n° 12/00939

APPELANTE :

SAS ADREXO

sise [Adresse 1]

[Adresse 2]

[Localité 1]

N° SIRET : 315 549 352

représentée par Me Laure MULLER, avocat au barreau de PARIS, toque : G0529

INTIMÉE :

Madame [K] [Y]

demeurant au [Adresse 3]

[Localité 2]

représentée par Me Christophe CROLET, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 394

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Janvier 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marianne FEBVRE-MOCAER et Monsieur Olivier MANSION, en double rapporteur.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Bruno BLANC, président,

Mme Marianne FEBVRE-MOCAER, conseillère

M. Olivier MANSION, conseiller

qui en ont délibéré,

Greffier : Mme Clémentine VANHEE, lors des débats

En présence de Mme Célia CHOISI, greffier stagiaire, et de Mme Paule HABAROV, greffier assistant du magistrat.

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile,

- signé par Monsieur Bruno BLANC, président et par Mme Clémentine VANHEE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

Mme [K] [Y] (la salariée) a été engagée le 20 septembre 2010 par la société Adrexo (l'employeur) en qualité de distributeur de prospectus et publicités par contrat à durée indéterminée à temps partiel modulé.

Elle a démissionné le 9 mars 2012.

Estimant avoir effectué une durée de travail supérieure à celle prévue au contrat, la salariée a saisi le conseil de prud'hommes pour obtenir, notamment, la requalification de son contrat de travail en contrat à temps complet.

Par jugement du 5 septembre 2014, la juridiction prud'homale a accueilli cette demande et a statué comme suit :

Condamné la société Adrexo à payer à lui les sommes suivantes :

- 12 444,54 euros à titre de rappel de salaire (20 septembre 2010 au 9 mars 2012)

- 1 244,45 euros au titre de congés payés afférents

- 722 euros à titre de rappel d'indemnités kilométriques (20 septembre 2010 au 9 mars 2012)

ces sommes portant intérêt au taux légal à compter du 23 novembre 2012

- 200 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;

Débouté la salariée de sa demande de requalification de sa démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse, de sa demande au titre du travail dissimulé et de sa demande de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation d'exécution du contrat de travail de bonne foi ;

Ordonné à la société Adrexo la délivrance des documents suivants : bulletins de paie de septembre 2010 à mars 2012 conformes (correspondant à un temps complet) ;

Condamné la société Adrexo à payer à la salariée la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et aux dépens ;

Rejeté la demande d'exécution provisoire et débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

L'employeur a interjeté appel le 14 octobre 2014.

Il demande l'infirmation du jugement et paiement de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La salariée réclame, en plus de la confirmation partielle du jugement, paiement des sommes de:

- 16 716 € d'indemnité comme conséquence de la requalification de sa démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1 393 € d'indemnité compensatrice de préavis,

- 139 € pour les congés payés afférents,

- 278 € d'indemnité de licenciement,

- 16 716 € pour travail dissimulé,

- 2 000 € de dommages et intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail,

- 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

A titre subsidiaire, en l'absence de requalification du contrat en contrat en temps complet, paiement des sommes précitées et de celles de :

- 11 596 € de rappel de salaires,

- 1 159 € de congés payés afférents,

- 722 € d'indemnités kilométriques,

- les intérêts au taux légal sur ces trois sommes à compter du 23 novembre 2012,

- 1 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

ainsi que la remise des bulletins de paie conformes pour la période allant du 20 septembre 2010 au 9 mars 2012.

Il sera renvoyé pour un plus ample exposé du litige aux conclusions des deux parties en date du 23 janvier 2018.

MOTIFS :

Il sera constaté que la salariée renonce à la péremption d'instance, ainsi qu'à contester la légalité de la convention collective applicable, à savoir la convention collective nationale de la distribution directe du 9 février 2004, entrée en vigueur le 11 mai 2005.

Sur la requalification du contrat à temps partiel modulé en contrat à temps complet :

En application de la convention collective précité, il a été conclu un accord collectif d'entreprise au sein d'Adrexo dont le § 2.1 précise la durée du travail d'un distributeur à temps partiel modulé. Celle-ci est fixée sur une base annuelle. Il est indique que : 'pour lui permettre de planifier l'exercice de son activité, le distributeur bénéficie d'un planning individuel annuel établi par l'employeur' conformément aux stipulations du § 1.15 ' qui lui est notifié par écrit 15 jours avant le début de la période de modulation sauf à l'embauche où le planning lui est présenté par écrit avec son contrat de travail.

La durée du travail de référence prévue mensuellement ne peut varier chaque mois qu'entre une fourchette haute et une fourchette basse, d'un tiers de la durée moyenne mensuelle de travail calculée sur la période annuelle de modulation.

Le distributeur bénéficie d'une garantie de travail minimale par jour, semaine et mois travaillés conformes à celles prévues par la convention collective de branche soit au moins 2 heures par jour, 6 hebdomadaires et 26 heures par mois, qui seront respectées pour l'établissement du planning indicatif individuel.

Ce planning individuel sera révisable à tout moment par l'employeur moyennant une information donnée au salarié au moins sept jours à l'avance, ou au moins trois jours à l'avance en cas de travaux urgents ou surcroît d'activité, moyennant, en contrepartie, un aménagement de l'horaire de prise des documents si le salarié le souhaite, ou avec un délai inférieur avec l'accord du salarié matérialisé par la signature de la feuille de route, notamment en cas de nécessité impérative de service ou de surcroît exceptionnel d'activité ou de remplacement d'un salarié absent'.

Il est prévu en annexe de cet accord, des contrats de travail types dont l'article 7 précise qu'une feuille de route est remise au salarié lequel la signe, cette signature valant acceptation expresse des conditions de réalisation de la distribution, du délai maximum de réalisation, du tarif de la poignée et du temps d'exécution défini correspondant à la distribution et du montant de la rémunération totale de la prestation acceptée.

L'annexe III de la convention collective fixe des cadences de distribution selon la masse de la poignée et la nature du secteur de distribution classé selon trois catégories : urbain (U), suburbain (S) et rural (R), la cadence étant décroissante au regard de ces secteurs.

Ces secteurs géographiques sont définis, par l'employeur, selon différents critères objectifs, selon le pourcentage des habitats collectifs et individuels plus les commerces et selon deux catégories pour le secteur urbain, trois pour les secteurs suburbains et ruraux.

La durée du travail dépend donc nécessairement du nombre de secteurs à couvrir et de leur nature.

La feuille de route remise à chaque salarié par l'employeur et fixant la tâche à accomplir, est établie au regard des secteurs attribués et définis par l'employeur.

La jurisprudence n'écarte pas la possibilité d'une pré-quantification conventionnelle du temps de travail dans ce secteur d'activité de la distribution de prospectus mais considère, qu'en cas de litige sur les heures de travail, elle ne suffit pas à elle-seule pour satisfaire aux exigences des dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail.

En effet, cet article dispose qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre des heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui des sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Il appartient donc au salarié d'apporter préalablement des éléments de nature à étayer sa demande et à l'employeur d'y répondre, au besoin, en les contestant par des éléments probants.

La salariée produit une masse de feuilles de route correspondant aux tournées confiées et soutient que le temps de travail a été minoré notamment en déterminant des secteurs géographiques ne correspondant pas à la réalité ni aux stipulations conventionnelles.

Par ailleurs, elle fait référence (pièces n°5, 19 et 20) à des enquêtes réalisées par l'inspection du travail dans un secteur considéré pour d'autres distributeurs, salariés d'Adrexo, qui indiquent que le contrôle du 14 janvier 2013 a mis en évidence un temps de préparation réel des poignées égale au double du temps de préparation pré-quantifié (pour les secteurs 412, 474 et 906). Pour le contrôle opéré le 26 août 2013, l'inspection du travail relève, pour le secteur 906 une mauvaise classification en S2 suburbain 2 alors que la réalité constatée entraîne une classification en S3 ou R1. Sur la durée prédéterminée de 3 heures 06, l'inspecteur du travail a relevé une durée réelle de 4 heures 36.

Au regard de ces éléments, l'employeur ne procède à aucune justification des catégories de secteurs en application de la convention collective. En effet, la pièce n°16-2, intitulée 'critère classification', ne comporte aucun rattachement à la société Adrexo et l'on ignore qui l'a dressée.

La pièce n°16-3, intitulée 'Extraits GIBS- Classification des secteurs', se résume à des captures d'écran inexploitables.

La pièce n°14, là encore, associe des captures d'écran à une photo aérienne sans qu'il y ait de corrélation entre le secteur décrit et la photo prise ni d'éléments caractérisant les pourcentages requis dans la détermination des secteurs par les textes conventionnels.

Il en va de même pour les pièces n°13 et 15.

La pièce n°12 intitulée 'historique des secteurs ADX18- Les Ulis' n'est pas plus probante.

Dès lors l'employeur est dans l'incapacité de déterminer de façon fiable le temps de travail imposé au salarié et de justifier qu'il correspond aux stipulations tant du contrat de travail que de la convention collective et de l'accord d'entreprise.

Il en résulte que la requalification demandée doit être accordée, ce qui implique confirmation du jugement sur ce point et sur les sommes attribuées au titre du rappel de salaire, des congés payés afférents, des intérêts sur ces sommes et de la délivrance de bulletins de paie conformes.

Sur la démission :

La démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail ; lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l'annulation de sa démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, le juge doit, s'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu'à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, l'analyser en une prise d'acte de la rupture qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou, dans le cas contraire, d'une démission.

La jurisprudence a précisé qu'un délai important entre la démission sans réserve et sa contestation judiciaire permettait de retenir qu'à l'époque où elle a été donnée, aucune circonstance ne la rendait équivoque.

En l'espèce, la salariée a démissionné sans réserve le 9 mars 2012 puis a saisi le conseil de prud'hommes le 22 novembre 2012 en invoquant à cette date des manquements de l'employeur quant au respect de la durée de travail, ce dont il résulte une absence d'équivoque au moment où sa démission est intervenue.

Les demandes relatives aux dommages et intérêts pour démission s'analysant en une prise d'acte produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents et d'indemnité de licenciement seront écartées ce qui entraîne la confirmation du jugement sur ce point.

Il en est ainsi quand l'employeur n'a pas procédé au paiement des heures effectivement travaillées et dues au regard de l'emploi par lui qualifié à temps partiel.

Il importe peu à cet effet que la prise d'acte intervienne tardivement, puisque l'accumulation des manquements de l'employeur ne permet pas la poursuite du contrat de travail et qu'il est nécessaire au salarié d'apprécier, dans le cas d'espèce, au regard des décomptes long et fastidieux d'une masse importante de feuilles de route, de la réalité du temps de travail en comparaison de celle effective au regard des secteurs géographiques attribués et de leurs catégories.

Sur les autres demandes :

1°) La salariée ne démontre pas que le non-respect de la visite médicale d'embauche lui a causé un quelconque préjudice. Il en va de même pour le manquement à l'obligation de sécurité allégué à ce titre.

Le jugement sera infirmé sur ce point.

2°) De même, il n'est pas démontré d'intention de l'employeur de se soustraire à ses obligations légales ni d'avoir voulu dissimuler le nombre d'heures réellement effectuées.

La demande fondée sur les articles L. 8221-3 et L. 8221-5 du code du travail seront donc rejetée et le jugement confirmé.

3°) La mauvaise foi dans l'exécution du contrat n'est pas établie ce qui entraîne rejet de la demande de dommages et intérêts et confirmation du jugement.

4°) Sur les indemnités kilométriques : Elle est prévue à l'aller pour venir chercher les documents à distribuer, mais pas au retour.

La salariée se réfère à une note de service selon laquelle il est obligatoire de ramener les documents non distribués et de les mettre dans un bac prévu à cet effet dans les locaux de l'entreprise.

La demande d'indemnités kilométriques retour est donc justifiée et le jugement sera confirmé sur ce point et sur le montant alloué.

5°) En application de l'article 700 du code de procédure civile, la demande de l'employeur sera rejetée et il sera condamné à verser à la salariée la somme de 1 500 €.

L'employeur supportera les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant publiquement, par décision contradictoire :

- Constate que Mme [K] [Y] renonce à invoquer la péremption d'instance et renonce à contester la légalité de la convention collective nationale de la distribution directe du 9 février 2004, entrée en vigueur le 11 mai 2005 ;

- Confirme le jugement du 5 septembre 2014, sauf en ce qu'il condamne la société Adrexo à payer la somme de 200 € à Mme [K] [Y] à titre de dommages et intérêts pour absence de visite médicale d'embauche et manquement à l'obligation de sécurité ;

Statuant à nouveau sur ce point :

- Rejette cette demande ;

Y ajoutant :

- Rejette les autres demandes de Mme [K] [Y] ;

- Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Adrexo et la condamne à payer à Mme [K] [Y] la somme de 1 500 euros ;

- Condamne la société Adrexo aux dépens d'appel ;

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 14/11272
Date de la décision : 13/03/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-03-13;14.11272 ?
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