Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 8
ARRÊT DU 15 MARS 2018
(n° 165/18 , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 17/17743
Décision déférée à la cour : - jugement du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris en date du 17 septembre 2015 (RG 10/00353)
- après cassation, par arrêt de la Cour de cassation deuxième chambre civile, du 11 mai 2017, de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 18 février 2016 (RG 15/20100)
DEMANDERESSE
Sa Le Crédit lyonnais, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
N° SIRET : 954 509 741 00011
[Adresse 1]
[Localité 1]
représentée par Me Bruno Picard, avocat au barreau de Paris, toque : C0865
DÉFENDEURS
Monsieur [Z] [G]
né le [Date naissance 1] 1970 à Londres (Royaume-Uni)
[Adresse 2]
[Localité 2]
défaillant
Madame [O] [J]
né le [Date naissance 2] 1972 à [Localité 3] ([Localité 3])
[Adresse 2]
[Localité 2]
défaillante
Syndicat des copropriétaires du [Adresse 3]
ayant éu domicile au cabinet de Me Agnès Jakubovicth
[Adresse 4]
[Localité 4]
défaillant
Trésorier Principal de Paris 11ème, 1ère division
[Adresse 5]
[Localité 5]
défaillant
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 07 février 2018, en audience publique, devant la cour composée de :
Mme Emmanuelle Lebée, présidente de chambre
M. Gilles Malfre, conseiller
M. Bertrand Gouarin, conseiller, chargé du rapport
Greffier, lors des débats : M. Sébastien Sabathé
ARRÊT :- rendu par défaut
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Emmanuelle Lebée, présidente et par M. Sébastien Sabathé, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
M. [G] et Mme [J] ont ouvert un compte joint n°59440 U dans les livres de la société Le crédit lyonnais (LCL).
Par acte authentique du 21 janvier 2000, la société LCL a consenti à M. [G] et Mme [J] un prêt immobilier de 228 673,53 euros en vue de l'acquisition d'un appartement [Adresse 3], les échéances de ce prêt étant prélevées sur leur compte joint. Par lettres recommandées avec avis de réception distribuées les 17 et 19 avril 2010, la banque a prononcé la déchéance de ce prêt, la somme de 175 758,01 euros restant due.
Par actes sous seing privé du 23 février 2006, M. [G] a également contracté deux emprunts personnels de 20 000 euros chacun. Par jugement du tribunal d'instance de Saint-Ouen du 10 novembre 2009, M. [G] a été condamné à payer à la société LCL diverses sommes au titre de ces emprunts. Ce jugement a été infirmé par arrêt de la cour d'appel de Paris du 21 juin 2011.
Le 27 août 2010, la société LCL a fait délivrer, en vertu de ces deux titres exécutoires, commandement de payer valant saisie immobilière à M. [G] et Mme [J] en recouvrement de la somme de 205 643,12 euros puis les a assignés à l'audience d'orientation.
Par jugement d'orientation du 17 septembre 2015, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris a prononcé la nullité du commandement de payer valant saisie immobilière du 27 août 2010, a ordonné la mainlevée de ce commandement de payer, a débouté la société LCL de ses demandes, a débouté M. [G] et Mme [J] de leur demande de dommages-intérêts, a condamné la société LCL aux dépens et à payer à M. [G] et Mme [J] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le premier juge a, en substance, retenu que la créance de la banque n'était pas certaine et exigible en raison de l'irrégularité de la déchéance du terme et n'était pas liquide, faute pour les décomptes produits d'établir sa liquidité.
Par arrêt du 18 février 2016, la cour d'appel de Paris a confirmé cette décision en toutes ses dispositions.
Par arrêt du 11 mai 2017, la Cour de cassation a cassé et annulé en toutes ses dispositions cet arrêt au motif que, lorsque seul le montant de la créance du poursuivant demeure à fixer, le juge est tenu de déterminer ce montant et, à cette fin, de faire, s'il y a lieu, les comptes entre les parties sans pouvoir s'y refuser en se fondant sur l'insuffisance des preuves qui lui sont fournies, et a renvoyé les parties devant la cour d'appel de Paris autrement composée.
Par déclaration du 16 août 2017, la société LCL a saisi la cour. Elle a fait signifier aux parties cette déclaration.
Avis de cette saisine a été donné par le greffe aux parties.
Par conclusions du 13 novembre 2017 auxquelles il est référé pour l'exposé de ses prétentions et moyens, la société LCL poursuit l'infirmation du jugement entrepris et demande à la cour de :
-constater qu'elle est titulaire d'une créance exigible de 81 571,12 euros, intérêts arrêtés au 14 avril 2015,
-ordonner la vente forcée des biens et droits immobiliers appartenant à M. [G] et Mme [J] situé [Adresse 3],
-condamner M. [G] et Mme [J] à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir en substance que :
-la déchéance du terme du prêt immobilier a été régulièrement effectuée par lettre recommandée avec avis de réception du 14 avril 2010,
-à supposer que les versements de 2 500 euros effectués en exécution d'un accord d'apurement de la dette aient été imputés sur l'arriéré et les échéances courantes, le montant des versements - 47 500 euros - n'aurait pas suffi à apurer leur dette de 48 517,26 euros en octobre 2009,
-l'imputation des versements de 2 500 euros à partir de janvier 2009 n'a pas d'incidence car, s'ils n'avaient pas été interrompus en novembre 2009, la déchéance du terme n'aurait pas été prononcée,
-le versement de 94 734 euros par les intimés n'est pas libératoire car il restait dû sur le prêt immobilier la somme de 91 805,26 euros au 29 novembre 2011 et que les sommes dues au titre des prêts personnels de M. [G] visées au commandement restaient impayées.
M. [G], Mme [J], le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] et le trésorier principal de Paris 11ème n'ont pas constitué avocat.
Conformément à l'article 634 du code de procédure civile, devant la juridiction de renvoi, les parties qui ne comparaissent pas sont réputées s'en tenir aux moyens et prétentions qu'elles avaient soumis à la juridiction dont la décision a été cassée.
Par conclusions du 15 décembre 2015, M. [G] et Mme [J] ont demandé à la cour, outre une série de «'constater'» et «'dire et juger'» qui ne constituaient pas des prétentions au sens de l'article 954 du code de procédure civile, de confirmer le jugement entrepris et, y ajoutant, de les déclarer libérés de leur dette envers la société LCL par le paiement de celle-ci, ou de prononcer compensation, subsidiairement, de dire que la créance n'est pas exigible eu égard à la mauvaise foi de la banque, très subsidiairement, de dire que la créance est incertaine, en conséquence d'annuler le constat d'huissier du 9 novembre 2010 et l'assignation du 12 novembre 2010, d'annuler les commandements de payer et en ordonner la radiation, à titre reconventionnel de condamner la société LCL à leur payer la somme de 20 000 euros en réparation de leur préjudice, encore plus subsidiairement, de leur accorder les plus larges délais de paiement, subsidiairement, de les autoriser à vendre le bien à l'amiable au prix minimum de 500 000 euros, en toute hypothèse, de «'se déclarer saisi des demandes formées par les consorts [G]-[J] dans leur exploit introductif d'instance du 19 novembre 2010 et dans leurs conclusions du 2 décembre 2010 dont l'examen a été renvoyé à l'audience d'orientation et en tant que de besoin joindre l'affaire enrôlée sous le numéro de RG 10-86016'», enfin de débouter l'appelante de toutes ses prétentions et le condamner à leur payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
La clôture est intervenue le 18 janvier 2018.
SUR CE
Sur la validité de la procédure de saisie immobilière :
Aux termes de l'article R. 322-15 du code des procédures civiles d'exécution, le juge doit vérifier que les conditions de la saisie immobilière posées aux articles L. 311-2, L. 311-4 et L. 311-6 sont réunies, c'est-à-dire que le créancier est muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible et que le bien est de nature immobilière et saisissable.
Pour prononcer la nullité du commandement, le premier juge a retenu que la banque ne justifiait pas de l'exigibilité de sa créance, ne produisant pas l'avis de réception de la lettre recommandée de déchéance du terme adressée à M. [G] le 14 avril 2010 ni aucune lettre valant déchéance du terme pour Mme [J].
En cause d'appel sont produits, en ce qui concerne Mme [J], deux lettres recommandées adressées par le Crédit logement les 19 février et 14 avril 2010, ce dernier prononçant la déchéance du terme pour le prêt immobilier, ainsi que les avis de réception correspondants. En ce qui concerne M. [G], sont versés aux débats la lettre de mise en demeure du 19 février 2010 et son avis de réception, ainsi qu'une requête déposée le 3 novembre 2010 par les intimés auprès du président du tribunal de grande instance de Paris afin d'assigner d'heure à heure, dont il résulte, en page 7, une référence parfaitement claire à la lettre de déchéance du terme du 14 avril 2010 ainsi libellée: " M. le juge des référés ne manquera pas de constater que, par lettre en date du 14 avril 2010, le Crédit Logement déclare aux consorts [G] [J] prononcer la déchéance du terme"', dont il en résulte la reconnaissance par M. [G] de la réception du courrier du 14 avril 2010.
Le premier juge a également relevé l'absence de certitude de la créance, les intimés invoquant notamment à ce titre la non-prise en compte de la totalité des versements mensuels de 2 500 euros effectués par eux avec l'accord de la banque à compter d'avril 2008, les versements effectués entre janvier et octobre 2009, soit la somme de 22 500 euros, ayant selon eux été "détournés" par la banque, et faisant par ailleurs valoir comme libératoire le versement d'une somme de 94'734,24 euros par chèque encaissé le 9 novembre 2010.
Sur ce dernier point, il convient de constater que ladite somme a été versée à la suite d'une lettre de la banque du 13 octobre 2010 faisant état d'un incident de paiement non régularisé risquant d'entraîner l'inscription au FICP et relevant que le prêt immobilier présente "un arriéré s'élevant à ce jour à 94 734,24 euros, montant établi à la date d'arrêté comptable ayant donné lieu à l'identification de l'incident". Malgré la maladresse des termes de cette lettre, laquelle, cependant, évoque un "arriéré" et non l'intégralité des sommes dues, les intimés, rendus destinataires au mois d'avril précédent de lettres de déchéance du terme leur indiquant le montant de la somme exigible au titre dudit prêt immobilier à hauteur de 175 758,01 euros, ne sauraient raisonnablement soutenir avoir cru se libérer de la totalité de leur dette par ce versement.
La société LCL a produit aux débats, à la demande du premier juge par jugement avant dire droit du 19 février 2015, un décompte de sa créance arrêtée au 15 avril 2015 montrant un solde débiteur à cette date de 81 571,12 euros. C'est ce même décompte qui est produit en cause d'appel.
Les intimés produisent une lettre adressée à Mme [J] le 17 mars 2008 par la banque, par lequel celle-ci donne un avis favorable au versement de la somme de 2 500 euros par mois, s'agissant de "votre prêt immobilier Crédit lyonnais". C'est donc à tort que l'appelante a estimé pouvoir, sans au demeurant avancer le moindre motif à cette décision unilatérale, affecter au règlement d'une autre créance les versements qui étaient destinés, de l'accord commun des parties, au remboursement du prêt immobilier.
Si M. [G] et Mme [J] soutiennent que c'est ainsi de mauvaise foi que la déchéance du terme a été prononcée, c'est cependant à bon droit que le premier juge a souligné que, même s'ils estimaient l'accord caduc eu égard au procédé utilisé par la banque, les débiteurs ne pouvaient sans encourir la déchéance du terme cesser tout règlement au titre de l'emprunt immobilier.
Il résulte de l'examen du décompte versé aux débats par l'appelant qu'y sont réintégrés les versements mensuels de 2 500 euros effectués entre janvier et octobre 2009, qui ne figuraient pas dans le décompte initial joint au commandement, la banque indiquant, sans en préciser le motif, que lesdits versements avaient été imputés sur le compte joint des débiteurs.
Le premier juge a exactement retenu que la banque était en droit, en application de l'article 1253 du code civil, en l'absence de toute indication contraire, d'imputer intégralement les versements sur les arriérés du prêt, en commençant par les intérêts, aucun élément du débat ne venant conforter la position des débiteurs, selon laquelle il aurait fallu ventiler chaque versement de 2 500 euros à raison de 1 600 euros pour les échéances en cours et de 900 euros pour l'arriéré.
S'il intègre les versements mensuels de 2 500 euros de janvier à octobre 2009, le décompte produit par l'appelante ne déduit pas les majorations d'échéances impayées, qui ne sont pas dues par les intimés sur cette même période dans la mesure où le défaut d'imputation de ces versements est imputable à la banque. Ces majorations d'un montant total de 3 591,10 euros doivent être déduites de la somme de 81 571,12 euros due par les intimés et les intérêts de retard doivent être calculés sur cette base en lieu et place des intérêts figurant sur le décompte versé aux débats.
Ainsi, M. [G] et Mme [J] restent devoir en principal et intérêts au 14 avril 2015 à la société LCL la somme de 60 527,50 euros augmentée des intérêts au taux de 4,77% sur la somme de 137 240,71 euros du 4 novembre 2009 au 2 mai 2010, des intérêts au taux de 4,77% sur la somme de 134 740,71 euros du 3 mai 2010 au 7 novembre 2010, des intérêts au taux de 4,77% sur la somme de 40 006,47 euros du 8 novembre 2010 au 14 avril 2015.
Comme le soutient à juste titre l'appelante, la rectification du décompte de sa créance après imputation des versements litigieux et après déduction des majorations pour échéances impayées au titre des mois de janvier à octobre 2009 n'a pas pour effet de priver de sa validité la déchéance du terme prononcée en avril 2010, celle-ci étant fondée au regard de la cessation injustifiée de tout versement par les intimés en novembre 2009 et des sommes restant impayées à cette date.
Les intimés invoquent l'existence d'une compensation entre les sommes dues à l'appelante au titre du prêt et «'les sommes dues'» par cette dernière sans préciser ni établir la nature et le montant de ces sommes, de sorte que cette demande sera rejetée.
Les demandes d'annulation du constat d'huissier, du commandement de payer valant saisie immobilière et de l'assignation formées par Mme [J] et M. [G] seront rejetées, la procédure de saisie immobilière menée par la société LCL étant régulière.
Sur les autres demandes :
La saisie immobilière litigieuse est régulière et les intimés ne rapportent pas la preuve de son caractère abusif. Leur demande de dommages-intérêts sera rejetée.
La demande tendant à voir la cour " se déclarer saisi des demandes formées par les consorts [G]-[J] dans leur exploit introductif d'instance en date du 19 novembre 2010 et dans leurs conclusions en date du 2 décembre 2010 dont l'examen a été renvoyé à l'audience d'orientation et en tant que de besoin joindre l'affaire enrôlée sous le numéro de RG 10/86016", apparaît être le fruit d'une erreur matérielle.
Faute pour les intimés de justifier de leur situation financière, leur demande de délais de paiement sera rejetée.
En l'absence de toute estimation du bien immobilier saisi, de tout projet de vente, la demande de vente amiable sera rejetée et la vente forcée ordonnée.
Le jugement entrepris sera donc infirmé en toutes ses dispositions.
Succombant, M. [G] et Mme [J] seront condamnés aux entiers dépens de première instance et d'appel.
L'équité justifie de débouter la société LCL de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
Cantonne les causes du commandement de payer valant saisie immobilière du 27 août 2010 à la somme en principal et intérêts arrêtée au 14 avril 2015 de 60 527,50 euros augmentée des intérêts au taux de 4,77% sur la somme de 137 240,71 euros du 4 novembre 2009 au 2 mai 2010, des intérêts au taux de 4,77% sur la somme de 134 740,71 euros du 3 mai 2010 au 7 novembre 2010, des intérêts au taux de 4,77% sur la somme de 40 006,47 euros du 8 novembre 2010 au 14 avril 2015 ;
Ordonne la vente forcée des droits et biens immobiliers appartenant à M. [G] et Mme [J] constitués des lots de copropriété n°115, 116 et 138 de l'immeuble situé [Adresse 3], cadastré section AP n°[Cadastre 1] ;
Rejette toute autre demande ;
Condamne M. [G] et Mme [J] aux entiers dépens de première instance et d'appel ;
Déboute la société LCL de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLA PRÉSIDENTE