RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 3
ARRÊT DU 20 mars 2018
(n° , 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/13820
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 Octobre 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section RG n° 14/03250
APPELANTE
SAS ASSISTANCE AERONAUTIQUE ET AEROSPATIALE
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par M. [X] [X] (Adjoint DRH) en vertu d'un pouvoir spécial
assisté de Me Nathalie DAUXERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : G35,
INTIME
Monsieur [J] [V]
[Adresse 2]
[Adresse 2] (ALLEMAGNE)
né le [Date naissance 1] 1983 à [Localité 1]
comparant en personne,
assisté de Me Elise DANGLETERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : D0493, Me Peter ALEFELD, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 20 décembre 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Daniel FONTANAUD, Président de chambre
Madame Isabelle VENDRYES, conseiller
Madame Roselyne NEMOZ, conseiller
qui en ont délibéré
Greffier : Mme Christelle RIBEIRO, lors des débats
En présence de Monsieur PIETRI, avocat général
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Daniel FONTANAUD, président de chambre et par Sylvie FARHI greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Monsieur [J] [V] a été engagé par la société ASSISTANCE AÉRONAUTIQUE ET AÉROSPATIALE (A.A.A) en qualité de coordinateur technique, niveau IV échelon 1 coefficient 255 selon contrat à durée indéterminée de chantier à effet au 1er septembre 2011, son lieu d'affectation étant le site client AIRBUS en Allemagne, à [Localité 2].
Par lettre du 26 juin 2013, la société A.A.A a convoqué monsieur [V] à un entretien préalable à licenciement, devant se tenir le 5 juillet. La société lui a notifié la rupture de son contrat de travail par lettre du 11 juillet ainsi motivée : 'Nous vous avons convoqué à un entretien préalable le mardi 5 juillet 2013 au cours duquel nous vous avons exposé les motifs qui nous ont conduits à envisager votre licenciement pour fin de chantier.
Vous avez été recruté par l'entreprise au terme d'un contrat de chantier en date du 1er septembre 2011 en qualité de « Coordinateur technique '', pour le chantier de 'Travaux parachèvement A380 pour Airbus Saint Nazaire référencé S.68/2005.A/NZ' dont le poste est basé à [Localité 2].
En application des dispositions de votre contrat de travail de chantier et de la fin du contrat de sous-traitance technique conclu avec la société cliente de A.A.A, AIRBUS, la cessation des activités de ce chantier 'Travaux parachèvement A380 pour Airbus Saint Nazaire référencé S.68/2005.A/NZ' emporte la rupture de votre contrat de travail en raison de la fin du chantier pour la réalisation duquel votre contrat de travail avait été conclu.
Compte tenu de la cessation du chantier pour lequel vous avez été recruté, vous avez été reçu le 30 mai 2013 par votre supérieur hiérarchique. Au cours de cet entretien, ce dernier vous a fait part des emplois disponibles dans l'Entreprise et répondant à vos qualifications et expertises. Des propositions vous ont été notamment faites en contrat à durée indéterminée en France.
Vous nous avez informés de votre souhait de ne pas donner suite à ces propositions et vous l'avez confirmé lors de nos entretiens ultérieurs. Nous sommes en conséquence contraints de vous notifier par la présente votre licenciement en raison de la fin de chantier.'
Le 28 février 2014, monsieur [V] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Paris pour contester son licenciement et en paiement de diverses sommes.
La convention collective applicable à la relation de travail est celle des industries métallurgiques.
A la date de la rupture, monsieur [V] percevait un salaire brut moyen, incluant diverses majorations et primes, de 2.597 Euros.
Par jugement du 15 octobre 2014, le Conseil de Prud'hommes a condamné la société A.A.A à payer à monsieur [V] les sommes suivantes :
- 1.352 Euros à titre d'indemnités de déplacement ;
- 1.500 Euros au titre de la prime de responsabilité ;
- 233,29 Euros à titre de rappel de salaires pour heures supplémentaires et les congés payés afférents ;
- 1.896,65 Euros au titre de rappel des jours fériés et les congés payés afférents ;
- 1.000 Euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure civile
Les parties ont été déboutées du surplus de leurs demandes.
Le 4 décembre 2014, monsieur [V] a interjeté appel de cette décision et le 17 décembre, la société A.A.A a également interjeté appel. Leur jonction a été ordonnée par ordonnance du 28 novembre 2016.
Par conclusions visées par le greffe le 20 décembre 2017 au soutien de ses observations orales, et auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne ses moyens, monsieur [V] demande à la Cour de confirmer le jugement sur les condamnations prononcées, subsidiairement de fixer le rappel d'heures supplémentaires à 212,08 Euros et le rappel au titre des jours fériés à 1.724,23 Euros, outre les congés payés afférents ; de l'infirmer en ce qu'il l'a débouté du surplus de ses demandes ; il sollicite condamnation de la société à lui payer à ce titre et en sus :
- 14.386,16 Euros à titre de rappel de salaires pour la période de septembre 2011 à août 2013, subsidiairement 9.081,92 Euros ;
- 18.879,72 Euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, subsidiairement 17.260 Euros ;
- 4.837,59 Euros à titre de rappel d'indemnité spéciale de licenciement ;
- 13.520 Euros à titre d'indemnité forfaitaire de frais de séjour ;
- 4.000 Euros à titre de rappel de primes voyage détente
- 54.852 Euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat ;
- 18.876 Euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé ;
Monsieur [V] demande la remise de bulletins de paie conformes à l'arrêt et portant la mention 'Responsable de ligne, AM, niveau 5 échelon 2 (A.M.6), coefficient 335 ' pour la période du 1er septembre au 31 août 2013, sous astreinte et la condamnation de la société A.A.A à lui payer 5.000 Euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure civile.
Par conclusions visées par le greffe le 20 décembre 2017 au soutien de ses observations orales, et auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne ses moyens, monsieur [V] demande à la Cour de confirmer le jugement, de débouter monsieur [V] de ses demandes et de le condamner à lui payer 5.000 Euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Le Ministère public a soutenu à l'audience ses observations écrites.
MOTIFS
Sur les indemnités de séjour
Les indemnités de déplacement allouées à monsieur [V] par le Conseil de Prud'hommes correspondent aux indemnités de frais de séjour prévues par son contrat de travail (Déplacement-Hébergement) qui stipule que l'indemnité couvrant les frais de séjour est fixée par jour calendaire, et cette précision est reprise par le document annexé mentionnant cette indemnité avec l'abréviation JC (pour jour calendaire, ce qui n'est pas contesté) ; les développements de la société A.A.A sur les dispositions de la convention et des accords collectifs aux termes desquels les indemnités de séjour ne sont versées que pendant les jours d'exécution de la mission, ou encore sur l'absence de contestation des représentants du personnel, sont sans portée dès lors que, d'une part, en application de l'article 2254-1 du code du travail, seules les dispositions plus favorables d'une convention ou d'un accord collectif s'appliquent aux contrats de travail et, d'autre part, que la clause du contrat de travail est rédigée de façon claire et précise, en sorte qu'il ne peut donner lieu à interprétation ni à contestation de la part de représentants du personnel qui n'y étaient pas parties ;
Au vu des pièces justificatives versées aux débats par monsieur [V], le montant des indemnités de séjour non réglées s'élève à la somme de 13.520 Euros, étant précisé que la société AAA conteste le principe de ces indemnités mais pas le montant revendiqué ; il convient donc, infirmant le jugement en ce qu'il a alloué à monsieur [V] une somme de 1.350 Euros à titre d'indemnité de déplacement, de faire droit à sa demande à ce titre ;
Sur les primes de 'voyage détente'
En application du principe 'à travail égal, salaire égal', tel qu'il se déduit des dispositions des articles L. 2261-22-II-4, L. 2771-1-8 et L. 3221-2 du code du travail, l'employeur est tenu d'assurer l'égalité de rémunération entre tous les salariés pour autant que ceux-ci sont placés dans une situation identique ;
Pour l'attribution d'un avantage particulier, il appartient à l'employeur de démontrer que la différence de traitement entre des salariés placés dans une situation comparable au regard dudit avantage repose sur des raisons objectives ; une différence de statut juridique entre les salariés ne suffit pas, à elle seule, à exclure l'application du principe d'égalité de traitement ;
En l'espèce, il n'est pas contesté que les salariés en situation de détachement percevaient un forfait Voyage-Détente de 3.000 Euros tandis que le contrat de monsieur [V] prévoyait seulement un forfait voyage de 2.000 Euros ;
La société A.A.A fait valoir que le salarié en chantier fait le choix personnel de vivre à l'étranger durant le temps de son chantier tandis que le salarié détaché ne l'avait pas envisagé au moment de la conclusion de son contrat ; toutefois il est constant, s'agissant des contraintes familiales et personnelles, qu'elles sont exactement les mêmes dans les deux situations, et que les salariés en détachement, à l'instar des salariés en contrat de chantier ou de mission, ont accepté librement de partir à l'étranger ; le fait que les salariés en détachement n'ont pu 'anticiper', lors de la signature de leur contrat initial, la 'contrainte d'un éloignement non souhaité ab initio' est un élément subjectif puisqu'il repose sur des présupposés psychologiques, alors que la société ne justifie ni d'ailleurs n'allègue que les salariés en détachement n'ont pas été en mesure d'organiser, bien avant leur départ, leur vie personnelle et familiale à l'étranger ;
Il convient en conséquence, d'infirmer le jugement sur ce point et de faire droit à la demande de monsieur [V] au titre du complément des primes de voyage, contesté sur le principe mais pas sur le montant ;
Sur le rappel de salaires au titre des heures supplémentaires
Selon les dispositions de l'article L3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre ; le juge forme sa conviction au vu des éléments produits par les parties ;
Pour étayer sa demande, monsieur [V] verse aux débats un tableau intitulé 'compteur RQP AAA DEU'qui recense le nombre de jours de récupération dont bénéficiaient chacun des salariés et l'attestation de madame [W], secrétaire, dont il n'est pas contesté qu'elle était en charge de ce tableau, sous le contrôle de monsieur [Y], puis de monsieur [H], laquelle explique qu'y était inscrite une heure de repos compensateur pour une heure supplémentaire effectuée au-delà de la 40ème heure, sans aucune majoration ; la société qui prétend qu'il était tenu compte de ces majorations, fait valoir que madame [W] est également en conflit avec la société, mais ne verse aux débats aucune pièce pour la contredire, si ce n'est, de façon inopérante, par référence à l'attestation de monsieur [Y], lequel se borne à déclarer que 'vu l'antériorité des faits, je ne me rappelle pas avec précision le fonctionnement précis de ce tableur';
La société ne produisant aucun élément permettant d'établir que les majorations avaient été appliquées, le jugement sera confirmé en ce qu'il a fait droit à la demande de monsieur [V] sur ce point ;
Sur le rappel de jours fériés
Le jugement du Conseil de Prud'hommes doit être confirmé en ce qu'il a alloué à monsieur [V] une somme de 1.896,05 Euros à titre de rappel de salaires pour jours fériés et les congés payés afférents, en application des dispositions de l'article L 3133-1 du code du travail, plus favorable que les dispositions de son contrat de travail, étant observé que la société A.A.A n'émet aucune critique sur les dispositions du jugement sur ce point ;
Sur la requalification du contrat de chantier en contrat de mission à l'exportation
Monsieur [V] reproche à la société AAA la conclusion d'un contrat de chantier au lieu et place d'un contrat de mission à l'exportation, comme pour la majorité de ses collègues, le privant ainsi d'un salaire minimum majoré de 10%, de l'indemnité spéciale de licenciement représentant 8% des salaires bruts versés et de la procédure spécifique de reclassement ; il fait valoir que l'accord national conclu dans le secteur de la métallurgie relatif à ces contrats a été étendu par arrêté du 13 octobre 2006, en sorte qu'il s'imposait à la société AAA laquelle ne pouvait, dès lors qu'elle entendait déroger au contrat à durée indéterminée de droit commun, recourir à un contrat à durée indéterminée de chantier ;
Toutefois, il est constant que le recours à un contrat de chantier est non seulement autorisé mais prévu par le code du travail en son article L 1236-8 ; que ce contrat n'a été ni supprimé ni remplacé par le contrat de mission à l'exportation ; que l'accord collectif du 23 septembre 2005 ne crée pas d'obligation et laisse la faculté aux entreprises et aux salariés de conclure un tel contrat de mission ;
Dès lors, la demandé de requalification de monsieur [V] n'a aucun fondement légal si bien que ce sont les dispositions contractuelles et celles de la convention collective applicables qui doivent régir les rapports des parties ;
Sur la classification
Il appartient au salarié de démontrer qu'il exerçait effectivement les fonctions correspondant à la qualification qu'il revendique ;
Monsieur [V] fait valoir que lors de son travail intérimaire pour le compte de la société AAA, il exerçait des fonctions de responsable de ligne, lesquelles n'ont pas changé après son embauche, fonctions qui correspondent à une classification agent de maîtrise niveau V 2ème échelon coefficient 355 ;
La société réplique que l'appellation responsable de ligne a pour objet de différencier les coordinateurs techniques percevant un prime de responsabilité , au titre de l'encadrement d'autres coordinateurs en nombre réduit (maximum 5) et que la classification revendiquée correspond à des métiers de chefs d'équipe ou de responsable de site ;
Les contrats d'intérim que monsieur [V] verse aux débats font tous mention de fonctions de coordinateur technique et sur les documents relatifs à son travail pour le compte de la société AAA avant et après son embauche par contrat de chantier, il est répertorié dans le pole 'Flight Line', composé de deux ou trois personnes et ne font pas apparaître qu'il y avait des responsabilités d'encadrement ; aucune autre pièce n'est produite permettant de démontrer qu'il avait d'autres fonctions que celles de technicien définies par la convention collective, lesquelles incluent la responsabilité technique du travail réalisé par du personnel de qualification moindre, avec une part d'initiative sur les choix entre des méthodes, procédés ou moyens ;
Le jugement sera confirmé en ce qu'il n'a pas fait droit à la demande de reclassification ;
Sur le rappel de salaires au titre du minimum conventionnel
Monsieur [V] sollicite un rappel de salaires au titre des minima conventionnels correspondant à une classification 335 niveau 2, et subsidiairement, majorés de 10%, en application des dispositions de l'article 6 de l'accord du 23 septembre 2005 relatif au contrat de mission ; or les demandes de requalification du contrat de chantier et de reclassification ont été rejetées ; Monsieur [V] ne justifiant pas que ses salaires, correspondant à sa classification telle que mentionnée sur son contrat de travail et ses bulletins de paie, sont inférieurs au minimum conventionnel prévu par la convention collective, le jugement sera également confirmé en ce qu'il l'a débouté de ce chef de demande ;
Sur le rappel de la prime de responsabilité
Pour qu'une gratification acquière la valeur d'un usage, elle doit présenter les trois caractères cumulatifs de constance, généralité et fixité ;
Si le salarié doit démontrer que l'avantage dont il se prévaut présente un caractère fixe et constant, il appartient à l'employeur, seul en possession de tous les éléments permettant d'en rapporter la preuve, d'établir que ledit avantage ne présente pas le caractère de généralité pour n'être pas consenti à l'ensemble du personnel ou à une catégorie déterminée de celui-ci;
C'est à juste titre que le Conseil de Prud'hommes après avoir constaté que monsieur [V] avait perçu cette prime de façon régulière pendant deux ans, a considéré qu'en raison de sa constance et de sa fixité, elle avait le caractère d'un usage ; la société ne produisant aucune pièce pour démontrer l'absence de généralité de cette prime en faveur des autres salariés exerçant, comme monsieur [V], des fonctions de coordinateur, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a fait droit à la demande sur ce point ;
Sur le licenciement
La validité d'un licenciement pour fin de chantier, tel que prévu par l'article L 1236-8 du code du travail est subordonnée à l'achèvement du chantier pour la réalisation duquel le contrat de travail avait été conclu ;
Cette possibilité de mettre fin au contrat à durée indéterminée dans des conditions plus souples que le droit commun a pour corollaire le respect d'un strict formalisme, le contrat devant expressément définir les missions auxquelles le salarié est affecté ;
Monsieur [V] a été embauché pour le chantier 'Travaux de parachèvement A380 pour AIRBUS SAINT NAZAIRE, objet du contrat de sous-traitance référencé contrat S.68/2005.A/NS conclu entre AAA et son client' ses tâches étaient ainsi définies à l'article 2 intitulé Emploi : 'Dans le cadre de ses fonctions, le salarié effectuera notamment les tâches suivantes : la coordination technique et la résolution des anomalies pour le chantier de parachèvement sur lequel il est affecté.
Toutefois, il pourra être occasionnellement demandé au salarié d'accomplir des tâches autres que celles stipulées au présent contrat, ces tâches restant dans le champ d'application des compétences du salarié, telles qu'il les a présentées à AAA dans son CV';
La société fait valoir, de façon inopérante, que la société AIRBUS lui avait confirmé, en décembre 2011, la 'réduction progressive des opérations de parachèvement sur l'A380 ' concernant 'essentiellement les opérations de mécanique et logistique', alors d'une part que selon l'article 2 précité, monsieur [V] était amené à exécuter d'autres tâches que la coordination et d'autre part que dans son courrier, la société AIRBUS annonce un 'calendrier de la baisse des activités de parachèvement de l'A380" qui n'est pas versé aux débats ;
En outre, monsieur [V] justifie avoir travaillé pendant la durée de son contrat de travail également sur l'A320 et il ressort des pièces produites que concomitamment à son licenciement par la société AAA, il a été recruté par sa filiale allemande AAA Gmbh pour exercer des fonctions similaires ; il en résulte que, contrairement aux énonciations de la lettre de licenciement, le chantier de parachèvement sur l'A380 n'était pas terminé, la société ayant seulement décidé, pour des raisons financières, de transférer les contrats sur sa filiale allemande et aucun élément ne permet d'accréditer la thèse selon laquelle la société A.A.A n'avait pu remporter le marché AIRBUS face à la AAA Gmbh ;
Le licenciement motivé par la fin du contrat de sous-traitance technique avec Airbus et la cessation des activités de ce chantier doit donc être déclaré sans cause réelle et sérieuse ;
Compte tenu de l'effectif de l'entreprise, de l'ancienneté de monsieur [V] lors de la rupture (moins de deux ans) de sa rémunération et des conséquences du licenciement à son égard, telles qu'elles résultent des pièces fournies, il lui sera alloué, en application des dispositions de l'article L 1235-5 du code du travail, une somme de 10.000 Euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la rupture ;
Sur l'indemnité spéciale de licenciement
Monsieur [V] fonde sa revendication à ce titre sur les dispositions de l'accord du 23 septembre 2005 lequel est relatif aux contrats de mission à l'exportation et non aux contrats de chantier ;
Le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a débouté de ce chef de demande;
Sur l'exécution déloyale du contrat de travail
Monsieur [V] expose que le 3 septembre 2013, les locaux de la société A.A.A ainsi que son domicile personnel et celui de très nombreux autres salariés ont été perquisitionnés par les contrôleurs du fisc allemand ; qu'en dépit de ses déclarations de revenus en France, il a fait l'objet d'un redressement fiscal par les autorités allemandes pour les années 2012 et 2013, assorti de diverses pénalités, pour un montant total de 41.582 Euros
Il prétend que le régime applicable à sa situation en Allemagne est celui du prélèvement à la source, que la société s'est pourtant abstenue de déclarer les revenus de ses salariés travaillant en Allemagne, alors même qu'elle connaissait parfaitement ses obligations fiscales par le biais de sa filiale allemande AAA Gmbh ; qu'elle n'a jamais pris la peine de l'informer sur le régime fiscal qui lui serait applicable et qu'il a découvert de façon particulièrement brutale à l'occasion de la perquisition à son domicile ; il ajoute que s'il avait été informé en amont de sa situation fiscale par l'employeur, il n'aurait jamais accepté de partir travailler en Allemagne à de telles conditions ; qu'il avait été convenu avec l'employeur un revenu brut déduit des charges et impôts français, en sorte que toute charge supplémentaire qui n'a pas été mentionnée dans son contrat et dont il n'a jamais été tenu informé, doit nécessairement être prise en charge par l'employeur ;
Il fait valoir qu'il a fait l'objet d'une procédure pour fraude fiscale et qu'il a dû pour éviter une condamnation pénale et obtenir un classement sans suite, payer une somme de 10.800 Euros ; que la perquisition à domicile, la procédure pour fraude fiscale, la procédure administrative pour obtenir un sursis de paiement ont eu un impact psychologique important, engendrant crise de nerfs et détresse morale ; qu'il a dû engager des honoraires d'avocat allemand pénaliste et fiscaliste à hauteur de 3.000 Euros ;
La société A.A.A réplique que la demande de monsieur [V] vise en réalité à lui faire supporter les impôts dont il était personnellement tenu au regard de la législation allemande; qu'en effet, à supposer qu'elle ait été tenue d'opérer un prélèvement à la source, ce qu'elle conteste, ce précompte aurait été déduit du salaire de monsieur [V] ; que celui-ci s'est abstenu de procéder aux vérifications nécessaires auprès de l'administration fiscale comme elle l'avait invité à le faire par une mention expresse de son contrat de travail, alors même qu'elle n'en avait pas l'obligation légale ; que monsieur [V] ne justifie pas avoir procédé à une déclaration de ses revenus en France, enfin qu'elle lui a adressé ainsi qu'aux autres salariés, un courrier en octobre 2013 pour lui offrir les services d'un conseiller fiscal ;
Toutefois, l'employeur est tenu dans l'exécution du contrat de travail d'une obligation de bonne foi qui lui impose d'informer le salarié expatrié non seulement de sa situation au regard de la protection sociale, mais également au regard du régime fiscal applicable ;
Or contrairement à ce qu'elle prétend, la société AAA n'a donné à monsieur [V] aucune information dans son contrat de travail sur ses obligations fiscales résultant de son expatriation ;
En outre, alors que la société A.A.A reproche à monsieur [V] de ne pas s'être lui-même renseigné sur ses obligations fiscales, elle explique que les différentes hypothèses de prélèvement à la source tiennent notamment au statut de la société employeur selon qu'elle a un établissement stable en Allemagne ou un représentant permanent 'au sens du droit interne', éléments qui sont donc relatifs à la situation de l'entreprise au regard du droit allemand que le salarié n'est pas censé connaître ; elle prétend que monsieur [V] ne démontre pas qu'elle était tenue de prélever les revenus à la source, alors même que celui-ci répond, sans être contredit, que cette obligation résulte de l'article 38 du code général des impôts allemands et que selon l'article 42d du même code, ce prélèvement est de sa responsabilité ;
Certes, comme le fait valoir la société, le montant du prélèvement à la source reste à la charge du salarié et doit en conséquence venir en déduction de son salaire ; il reste que, eu égard au montant de l'imposition sur le revenu en Allemagne tel qu'il ressort des documents produits par monsieur [V], il était susceptible d'amputer la rémunération du salarié de telle sorte que, dans le respect de son obligation de bonne foi contractuelle, la société devait prendre en compte cette problématique fiscale lors de la négociation des diverses composantes de la rémunération du salarié;
Quant au courrier du 15 octobre 2013 qui a été adressé à monsieur [V] après les perquisitions et postérieurement à son licenciement, force est de constater qu'il donne à l'intéressé des informations sur ses obligations fiscales au regard du droit allemand, de la convention fiscale franco-allemande, des crédits d'impôt dont il est susceptible de bénéficier, sans expliquer la raison pour laquelle ces informations concises et précises n'ont pas été données au salarié lors de son embauche ;
Il résulte de ce qui précède que la société A.A.A a commis un manquement caractérisé en s'abstenant de délivrer à monsieur [V] une information complète sur les conséquences fiscales du contrat de mission à l'exportation en Allemagne, en sorte que l'intéressé n'a pu négocier son salaire en connaissance de cause, qu'il a été soumis à une perquisition et à des procédures pénalisantes, et qu'il a dû payer des intérêts et des pénalités au titre de l'année 2012 ;
En tenant compte du fait que monsieur [V] ne justifie, ni d'ailleurs n'allègue, avoir effectué une déclaration de revenu et payé ses impôts en France pendant la période considérée, qu'il n'a travaillé pour le compte de la société AAA qu'une partie de l'année 2013, puisqu'il a été réembauché par la filiale allemande en septembre 2013 et n'a payé, au titre de cette année, aucune pénalité, il convient de fixer le montant des dommages et intérêts destinés à réparer son préjudice, tant matériel que moral, à la somme de 30.000 Euros.
Sur le travail dissimulé
Aux termes des dispositions de l'article L 8221-5 du code du travail, dans sa version issue de la loi du 16 juin 2011, est réputé travail dissimulé le fait, notamment, pour tout employeur, de s'être soustrait intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur les salaires auprès des organismes de recouvrement ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales ;
En l'état des pièces du dossier qui ne révèlent que des poursuites dirigées contre monsieur [V] et non contre l'employeur, l'intention de dissimulation de la société A.A.A de ses obligations fiscales auprès de l'administration n'est pas établie ;
Monsieur [V] doit être débouté de la demande de dommages et intérêts qu'il a formée de ce chef ;
La société A.A.A devra remettre à monsieur [V] des bulletins de paie conformes à l'arrêt, sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une astreinte ;
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement sauf sur le montant des indemnités de séjour, en ce qu'il a dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et débouté monsieur [V] de ses demandes à titre de primes de voyage détente et dommages et intérêts pour rupture abusive ;
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés ;
Dit le licenciement de monsieur [V] sans cause réelle et sérieuse ;
Condamne la société ASSISTANCE AÉRONAUTIQUE ET AÉROSPATIALE (A.A.A) à payer à monsieur [V] les sommes suivantes :
- 13.520 Euros à titre d'indemnité forfaitaire de frais de séjour ;
- 4.000 Euros à titre de rappel de primes voyage détente ;
- 10.000 Euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Ordonne à la société A.A.A de remettre à monsieur [V] des bulletins de paie conformes au présent arrêt ;
Ajoutant au jugement ;
Condamne la société A.A.A à payer à monsieur [V] la somme de 30.000 Euros à titre de dommages et intérêts pour non respect de son obligation d'information ;
Vu l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
Condamne la société A.A.A à payer à monsieur [V] une somme supplémentaire de 1.500 Euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel ;
Déboute les parties de toutes leurs autres demandes, plus amples ou contraires ;
Met les dépens à la charge de la société A.A.A.
LE GREFFIERLE PRESIDENT