Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 2
ARRET DU 22 MARS 2018
(n° 177 , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 17/02123
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 14 Décembre 2016 - Président du TGI de PARIS - RG n° 16/57130
APPELANTE
SCI FRBIS agissant en la personne de son gérant domicilié en cette qualité au siège
[Adresse 1]
[Localité 1]
N° SIRET : 802 537 753
Représentée par Me Anne-Marie MAUPAS OUDINOT, avocat au barreau de PARIS, toque : B0653
Assistée par Me Annie GENETE BOUVIER, avocat au barreau de PARIS, toque : A0974
INTIMÉS
Syndicat des copropriétaires [Adresse 2] représenté par son syndic en exercice le cabinet ASTRAE GTC IMMOBILIER, lui-même pris en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représenté et assisté par Me Myriam TURJMAN de l'AARPI TURJMAN DES ROTOURS, avocat au barreau de PARIS, toque : G0228
Syndicat des copropriétaires SDC DU [Adresse 4] représenté par son syndic le cabinet PHILIPPE CROITORU
[Adresse 5]
[Localité 1]
Représenté et assisté par Me Emilie DECHEZLEPRETRE DESROUSSEAUX de la SELARL CABINET DECHEZLEPRETRE, avocat au barreau de PARIS, toque : E1155
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 22 Février 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Bernard CHEVALIER, Président
Mme Agnès BODARD-HERMANT, Conseillère
Mme Véronique DELLELIS, Présidente de chambre
Qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme Agnès BODARD-HERMANT, Conseillère, dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : M. Aymeric PINTIAU
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par M. Bernard CHEVALIER, président et par M. Aymeric PINTIAU, greffier.
La SCI FRBIS est propriétaire d'un lot [Cadastre 1] constitué d'un appartement en rez-de-chaussée de l'immeuble situé [Adresse 4] soumis au statut de la copropriété. Cet immeuble est voisin de celui qui se trouve au [Adresse 6] de la même rue et fait partie de la copropriété du [Adresse 2] de celle-ci.
La société FRBIS ayant entrepris des travaux de surélévation de son lot sur deux niveaux, le syndicat des copropriétaires du [Adresse 4] l'a mise en demeure de les cesser par courrier RAR du 21 juin 2016.
Par courrier recommandé avec avis de réception du 28 juin 2016, la SCI FRBIS a indiqué avoir obtenu un permis de construire pour les travaux, mais avoir fait stopper ceux-ci dans un souci d'apaisement et être disposée à se soumettre à une décision de l'assemblée générale des copropriétaires si nécessaire.
Par courrier RAR du 12 août 2016, le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] a mis en demeure la SCI FRBIS de détruire sa construction, indiquant que les travaux avaient endommagé le mur pignon de son bâtiment.
Par actes des 3 août et 19 octobre 2016, les syndicats des copropriétaires du [Adresse 4] et du [Adresse 2] de cette rue ont fait assigner la SCI FRBIS devant le président du tribunal de grande instance de Paris aux fins d'obtenir l'arrêt immédiat et la suppression des travaux entrepris, sous astreinte.
Les deux affaires ont été jointes et par ordonnance contradictoire rendue le 14 décembre 2016, cette juridiction a :
- ordonné l'arrêt immédiat des travaux de surélévation de son appentis entrepris par la SCI FRBIS ;
- condamné la SCI FRBIS à faire procéder, à ses frais, à la démolition de la surélévation de son appentis sur cour au [Adresse 4], avec remise des murs des deux copropriétés du [Adresse 4] et du [Adresse 2], sur lesquels l'appentis surélevé est adossé, en l'état où ils se trouvaient avant la réalisation des travaux litigieux, sous astreinte de 300 euros par jour de retard passé le délai de quinze jours suivant la signification de la présente décision ;
- dit que l'astreinte courra pendant six mois et s'en est réservé la liquidation à titre provisoire ;
- condamné la SCI FRBIS à payer au syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la SCI FRBIS à payer au syndicat des copropriétaires du [Adresse 4] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Par déclaration du 26 janvier 2017, la SCI FRBIS a fait appel de cette ordonnance et par conclusions communiquées par voie électronique le 6 juillet 2017, elle demande à la cour d'infirmer l'ordonnance entreprise, de dire n'y avoir lieu à référé, de débouter les syndicats de toutes leurs demandes et de les condamner chacun à payer une indemnité 2 000 euros pour procédure abusive, une indemnité de procédure 2 500 euros et les dépens, dont distraction.
La SCI FRBIS soutient que les travaux ont été autorisés par la Mairie [Localité 2] et ont été achevés le 15 août 2016 soit bien avant la décision du juge des référés, qu'ils n'affectent ni l'harmonie des deux immeubles riverains ni les parties communes, que les travaux réalisés à l'intérieur de parties privatives ne nécessitent aucun accord de l'assemblée générale des copropriétaires et qu'il existe une contestation sérieuse à la démolition qui aurait un caractère disproportionné, entraînant la suppression de deux chambres occupées par le couple de son gérant et leur enfant.
Le syndicat des copropriétaires du [Adresse 4] représenté par son syndic le cabinet Croitoru, intimé, par conclusions transmises par voie électronique le 15 juin 2017, demande à la cour de confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise, débouter la SCI FRBIS de l'ensemble de ses demandes et la condamner à lui payer une indemnité de procédure de 5 000 euros ainsi qu'aux dépens.
Il soutient que la SCI FRBIS a achevé les travaux alors qu'elle s'était engagée par courrier du 28 juin 2016 à les stopper, que les travaux entrepris sans autorisation portent atteinte aux parties communes et à l'harmonie de l'immeuble, que le gérant de la FRBIS est architecte et ne peut donc prétendre méconnaître les règles élémentaires de la copropriété.
Le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] représenté par son syndic en exercice, par conclusions transmises par voie électronique le 1er février 2018, demande à la cour de confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise et de condamner la SCI FRBIS à payer la somme de 3 000 euros au syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 6] en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Il soutient que la construction érigée par la SCI FRBIS a fortement endommagé le mur pignon de sa copropriété.
La cour renvoie à la décision entreprise et aux conclusions susvisées pour un exposé détaillé du litige et des prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
SUR CE LA COUR
En vertu de l'article 809 alinéa 1er du code de procédure civile, la juridiction des référés peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Le trouble manifestement illicite désigne toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou non, constitue une violation évidente de la règle de droit.
Au vu des pièces produites, en particulier les trois procès verbaux de constats des 14 avril, 21 et 30 juin 2016 et les correspondances des parties, il est établi avec l'évidence requise en référé que la SCI FRBIS a entrepris des travaux de surélévation de son lot, achevés à ce jour et constitués d'une construction en parpaing coiffée d'une verrière et 'accrochée sur le pignon de l'immeuble n° 38 (...), sur l'implantation du n° 38, entre les deux blocs d'immeubles n° 38 (...) et n° 30, (...) dont le ravalement sur cette façade est récent' (procès verbal de constat du 30 juin 2016) ce que confirment les conclusions de la SCI FRBIS selon lesquelles ' la construction de la propriété de la SCI était réalisée en procédant à la surélévation d'un mur en brique lui appartenant de 20 cm édifié contre le mur du bâtiment voisin. Il était prévu qu'entre les deux murs, une plaque de polystyrène serait mise en place '.
Il en résulte en outre que ces travaux l'ont été sans l'autorisation de la copropriété du [Adresse 4] qui n'a pas même été consultée au préalable et en infraction manifeste avec les dispositions des articles 25 b), 26 et 35 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965, que la copropriété voisine, du [Adresse 2] de cette rue, n'a pas davantage été consultée et qu'au minimum ces travaux, qui ont mécaniquement pour effet de modifier la répartition des charges de copropriété telles que visée à l'article 25 e) de cette loi, affectent l'aspect extérieur de la première et s'adossent au mur de la seconde.
Il en résulte enfin que malgré mise en demeure RAR du 21 juin 2016 d'avoir à stopper ces travaux et alors qu'elle s'était engagée par lettre RAR du 28 juin 2016 au syndic de sa copropriété (pièce 8) à les arrêter et à se soumettre à la décision de l'assemblée générale des copropriétaires sur ceux-ci si nécessaire, la SCI FRBIS n'a pas craint de les achever sans plus attendre.
Or, la SCI FRBIS ne justifie d'aucun droit de surélévation, que ne constitue pas le permis de construire qui lui a été délivré par arrêté du 27 mai 2016, lequel ne saurait préjudicier aux droits des tiers que sont ses copropriétaires et ceux de la copropriété voisine.
La SCI FRBIS ne démontre pas non plus que le refus des intimés d'accepter le fait accompli devant lequel elle les a mis en dépit de leur mise en garde est à l'évidence abusif, ce que ne suffit pas à établir la décision du tribunal administratif de Paris du 12 décembre 2016 rejetant comme manifestement irrecevable la requête en annulation de ce permis de construire formée par le syndicat des copropriétaires du [Adresse 4], dès lors que cette décision est fondée sur des motifs de procédure, sur lesquels précisément la SCI FRBIS ne s'explique pas.
Il en résulte pour les syndicats de copropriétaires intimés un trouble manifestement illicite qu'il appartient au juge des référés de faire cesser en ordonnant la remise en état des lieux.
A cet égard, la SCI FRBIS invoque vainement 'le caractère disproportionné des conséquences de la démolition pour elle' dans la mesure où le couple de son gérant qui attend un enfant occupe les lieux surélevés dont la démolition 'porterait une atteinte tout à fait disproportionnée au droit de jouissance de son gérant'.
En effet, la SCI FRBIS ne précise pas en appel lequel de ses droits fondamentaux devrait être mis en balance avec le droit de propriété de ses voisins concernés ni en quoi la démolition d'une construction selon lui sans chevillage ni fixation, donc sans caractère manifestement irréversible ou insurmontable, serait disproportionnée par rapport au but recherché par les textes précités, qui tendent à protéger les droits méconnus de ses copropriétaires à se voir consulter préalablement à une réalisation telle que celle en examen qu'ils sont fondés à autoriser ou refuser afin d'éviter qu'ils soient mis devant le fait accompli de celle-ci.
Au demeurant, l'impossibilité pour la famille du gérant de la SCI FRBIS de se reloger dans son lot qui comprend une entrée, une cuisine, un bureau, deux chambres, un débarras, une salle d'eau et un WC ne résulte d'aucune circonstance en débat.
Enfin, la SCI FRBIS est d'autant moins fondée à se prévaloir des conséquences prétendument 'disproportionnées' de la démolition sollicitée que son gérant est, en sa qualité d'architecte, un homme de l'art qui ne saurait ignorer les droits méconnus et qu'il résulte de ce qui précède que ces exigences lui ont été dûment rappelées en temps utile si bien qu'elle a méconnu en toute connaissance des risques encourus son propre engagement de s'y conformer.
Le prononcé d'une astreinte telle que fixée par le juge des référés est justifié par la résistance manifeste de la SCI FRBIS.
Le premier juge a fait une application fondée de l'article 696 du code de procédure civile et équitable de l'article 700 du même code.
L'ordonnance entreprise sera donc confirmée sauf en ce que le juge des référés s'est réservé la liquidation de l'astreinte qui relève du juge de l'exécution en vertu de l'article L131-3 du code des procédure civiles d'exécution et sauf à constater que la demande d'arrêt des travaux litigieux est désormais sans objet.
La SCI FRBIS, partie perdante, n'est pas fondée en sa demande d'indemnité pour procédure abusive et doit, conformément aux articles 696 et 700 du code de procédure civile, supporter la charge des dépens sans pouvoir prétendre à une indemnité de procédure.
Enfin, selon ce dernier texte, l'équité commande de la condamner dans les termes du dispositif.
PAR CES MOTIFS
CONFIRME l'ordonnance entreprise sauf en ce que le juge des référés s'est réservé la liquidation de l'astreinte et sauf à constater que la demande d'arrêt des travaux litigieux est désormais sans objet ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
DIT n'y avoir lieu à se réserver la liquidation de l'astreinte ;
CONDAMNE la SCI FRBIS aux dépens ;
CONDAMNE la SCI FRBIS à payer à chacun des syndicats de copropriétaires intimés une indemnité de procédure de 3.000 euros et REJETTE toute autre demande.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT