RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 9
ARRÊT DU 4 Avril 2018
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/02630
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 Décembre 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 14/04602
APPELANT
Monsieur [O] [F]
[Adresse 1]
[Localité 1]
né le [Date naissance 1] 1964 au SRI LANKA
comparant en personne, assisté de Me Florent HENNEQUIN, avocat au barreau de PARIS, toque : R222
INTIMEE
SARL VICTOR HUGO BY HURE
[Adresse 2]
[Localité 2]
représentée par Me Carine KALFON de la SELEURL KL AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : A0918
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Janvier 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Benoît HOLLEAUX, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Benoit HOLLEAUX, conseiller faisant fonction de président
Mme Christine LETHIEC, conseillère
Madame Laure TOUTENU, vice-présidente placée
Greffier : Mme Laurie TEIGELL, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Monsieur Benoit HOLLEAUX, conseiller faisant fonction de Président et par Madame Laurie TEIGELL, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 15 décembre 2014 ayant :
-annulé les sanctions disciplinaires prononcées contre M. [O] [F] les 17 juillet, 1er octobre et 27 novembre 2013
-condamné la Sarl VICTOR HUGO BY HURE à régler à M. [O] [F] les sommes de :
86,96 € de rappel de salaire au titre de la mise à pied disciplinaire du 21 juillet 2013, et 8 69 € de congés payés afférents
173,92 € de rappel de salaire au titre de la mise à pied disciplinaire des 30 novembre/1er décembre 2013, et 17,39 € d'incidence congés payés
2 000 € de dommages-intérêts pour l'ensemble des sanctions disciplinaires annulées
1 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile
-débouté M. [O] [F] de ses autres demandes
-condamné la Sarl VICTOR HUGO BY HURE aux dépens d'appel ;
Vu les écritures régulièrement communiquées et oralement soutenues à l'audience du 24 janvier 2018 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens de M. [O] [F] qui demande à la cour de :
-confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a annulé les sanctions disciplinaires de mise à pied le 21 juillet 2013 (rappel de salaire de 86,96 € + 8, 69 €), d'avertissement du 1er octobre 2013, et de mise à pied les 30 novembre/1er décembre 2013 (173,92 € + 17,39 €), ainsi qu'en ses dispositions sur l'article 700 du code de procédure civile
-l'infirmer sur le quantum des dommages-intérêts au titre des sanctions annulées en condamnant la Sarl VICTOR HUGO BY HURE à lui payer pour chacune d'elles la somme de 2 000 €
-l'infirmer pour le surplus et statuant à nouveau, juger infondé son licenciement pour faute grave en condamnant la Sarl VICTOR HUGO BY HURE à lui verser les autres sommes de :
2 520,97 € de rappel de salaire sur la période de mise à pied conservatoire du 7 février au 5 mars 2014, et 252,09 € de congés payés afférents
5 402,09 € d'indemnité compensatrice légale de préavis (2 mois de salaires), et 540,20 € d'incidence congés payés
13 416 € d'indemnité légale de licenciement
64 826 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (24 mois de salaires) au visa de l'article L. 1235-3 du code du travail
-en tout état de cause, d'ordonner à la Sarl VICTOR HUGO BY HURE de lui délivrer les bulletins de paie et documents sociaux conforme sous astreinte de 250 € par jour de retard, d'assortir les sommes lui revenant des intérêts au taux légal avec leur capitalisation, et de la condamner à lui payer la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;
Vu les écritures régulièrement communiquées et oralement soutenues à l'audience du 24 janvier 2018 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens de la Sarl VICTOR HUGO BY HURE qui demande à la cour de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a jugé justifié le licenciement pour faute grave de M. [O] [F] qui a été débouté de toutes ses demandes afférentes, et de l'infirmer pour le surplus en toutes ses dispositions au titre des sanctions disciplinaires de mises à pied et d'avertissement.
MOTIFS :
M. [O] [F] a été initialement embauché par la Sarl CARTON VICTOR HUGO en contrat de travail à durée indéterminée à temps plein ayant pris effet le 31 mars 1995 pour y occuper un emploi d'aide boulanger, avant que son contrat de travail ne soit transféré à compter du 1er février 2013 la Sarl VICTOR HUGO BY HURE qui a repris en location gérance le fonds de commerce de boulangerie.
Aux termes d'un avenant du 6 mars 2013 à son contrat de travail, M. [O] [F] a consenti une diminution de son temps de travail passant de 39 heures à 33 heures hebdomadaires -sa pièce 3.
Son employeur lui a notifié au plan disciplinaire une première mise à pied d'une journée effective le 21 juillet 2013, un avertissement du 1er octobre 2013, et une deuxième mise à pied de deux jours les 30 novembre/1er décembre 2013.
Puis, l'intimée a convoqué M. [O] [F] par une lettre du 7 février 2014 à un entretien préalable prévu le 18 février avec mise à pied conservatoire, avant de lui notifier le 5 mars 2014 son licenciement pour faute grave motivée en raison du fait qu'il refuse de respecter les consignes et impératifs d'hygiène malgré une précédente sanction de mise à pied, qu'il a oublié de saler le pain le dimanche 9 février, et qu'il a un « comportement inadmissible »vis-à-vis de ses collègues de travail, notamment son responsable en la personne de M. [W], cela en n'hésitant pas « à faire régner un climat de terreur au sein de l'entreprise ».
Dans le dernier état de la relation contractuelle de travail, M. [O] [F] percevait une rémunération en moyenne de 2 701,05 € bruts mensuels.
Sur les sanctions disciplinaires de mises à pied et d'avertissement :
L'employeur a notifié à M. [O] [F] le 17 juillet 2013 une première mise à pied disciplinaire d'une journée le 21 juillet au motif d'un incident survenu avec un apprenti le 27 juin, M. [J], qu'il aurait bousculé, en se fondant sur un courrier de protestation des parents de ce dernier - sa pièce 7 -, ce que l'appelant conteste en précisant lui-même dans une correspondance du 8 juillet 2013 qu'il n'a fait que pousser une porte pour l'ouvrir sans se douter que cet apprenti se trouvait derrière, et donc ne l'avoir pas fait exprès.
Aucun élément ne permettant de confirmer que M. [O] [F] aurait volontairement bousculé cet apprenti, en se montrant violent à son égard, il convient de confirmer le jugement entrepris qui a annulé cette sanction totalement injustifiée et condamné l'employeur à lui verser la somme de 86,96 € à titre de rappel de salaire, outre 8,69 € d'incidence congés payés.
*
L'appelant s'est vu notifier le 1er octobre 2013 un avertissement pour ne pas respecter la technologie de production du pain, ne pas nettoyer le matériel et manquer aux règles d'hygiène, ce qu'il a contesté dans un courrier en réponse du 14 octobre.
Dès lors que l'employeur ne verse aux débats aucun élément qui viendrait justifier cette même sanction, la décision déférée sera confirmée en ce qu'elle l'a annulée.
*
La deuxième mise à pied disciplinaire de deux journées, qui a été notifiée au salarié le 27 novembre 2013 pour prendre effet les 30 novembre/1er décembre, n'est pas davantage fondée, dès lors que les griefs d'insubordination et de travail bâclé ne reposent que sur un courrier du maître boulanger, M. [W], ce que M. [O] [F] a tout autant contesté par courriers des 5 décembre 2013 et 9 janvier 2014, contestation au soutien de laquelle il produit devant la cour de nombreuses attestations d'anciens collègues de travail louant ses qualités humaines et professionnelles - ses pièces 27 à 32.
Le jugement critiqué sera également confirmé pour l'avoir annulée, avec la condamnation de l'employeur à régler à l'appelant la somme de 173,92 € de rappel de salaire et 17,39 € de congés payés afférents.
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Il y a lieu tout autant à confirmation sur la condamnation de l'intimée à payer à M. [O] [F] la somme globale de 2 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi pour ces trois sanctions disciplinaires injustifiées.
Sur le licenciement :
La Sarl VICTOR HUGO BY HURE a la charge de la preuve de la faute grave.
Sur le premier grief de non-respect des règles d'hygiène, elle produit aux débats une circulaire interne (pièce 31), une déclaration co-signée par l'ensemble des salariés reconnaissant en avoir pris connaissance (32), ainsi qu'un procès-verbal de constat d'huissier du 5 février 2014 à sa demande (25) et à propos duquel il n'est pas permis de dire que les constatations ainsi faites seraient directement et exclusivement imputables à M. [O] [F].
Sur le deuxième grief pour avoir oublié de saler le pain le 9 février 2014, elle ne présente à la cour aucun élément qui viendrait le démontrer.
Sur le troisième grief tenant au comportement de l'intéressé à l'égard des autres salariés et de sa hiérarchie, elle ne fait que reprendre les courriers précités (pièces 27/28, et 34) de son maître boulanger, M. [W], à apprécier au regard des témoignages susvisés d'anciens collègues de travail qui ont apprécié les qualités tant professionnelles qu'humaines de M. [O] [F], tout en mettant l'accent sur l'attitude quelque peu agressive et inappropriée tant du gérant que de son épouse.
Pour l'ensemble de ces raisons, il convient de juger infondé le licenciement pour faute grave de l'appelant.
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Infirmant le jugement querellé, la Sarl VICTOR HUGO BY HURE sera en conséquence condamnée à régler à M. [O] [F] les autres sommes non discutées dans leur mode de calcul de :
-2 520,97 € de rappel de salaire sur la période de mise à pied conservatoire du 7 février au 5 mars 2014, et 252,09 € de congés payés afférents ;
-5 402,09 € d'indemnité compensatrice légale de préavis équivalant à deux mois de salaires, et 540,20 € d'incidence congés payés ;
-13 416 € d'indemnité légale de licenciement ;
-49 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l'article L. 1235-3 du code du travail, représentant l'équivalent de 18 mois de salaires, compte tenu de son âge (50 ans) et de son ancienneté dans l'entreprise (19 années) lors de la rupture du contrat de travail.
L'application de l'article L. 1235-3 du code du travail appelle celle de l'article L. 1235-4 concernant le remboursement par l'employeur fautif à Pôle emploi des indemnités de chômage versées à [O] [F] dans la limite de six mois.
Sur les autres demandes :
Les sommes allouées à M. [O] [F] au titre des rappels de salaires et des indemnités légales de rupture sont assorties des intérêts au taux légal partant du 9 avril 2014, date de réception par l'employeur de sa convocation en bureau de conciliation, et celles à titre de dommages-intérêts pour sanctions disciplinaires injustifiées et licenciement sans cause réelle et sérieuse le sont à compter du présent arrêt, avec leur capitalisation en application de l'article 1343-2 du code civil issu de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.
L'intimée devra délivrer à M. [O] [F] un certificat de travail, une attestation Pôle emploi, ainsi que les bulletins de paie, conformes au présent arrêt sans qu'il y ai lieu au prononcé d'une astreinte.
La Sarl VICTOR HUGO BY HURE sera condamnée en équité à payer à l'appelant la somme complémentaire de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR
CONFIRME le jugement entrepris en ses dispositions au titre des sanctions disciplinaires de mise à pied et d'avertissement, ainsi que sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens ;
L'INFIRME pour le surplus et STATUANT à nouveau,
DIT et JUGE injustifié le licenciement pour faute grave de M. [O] [F], en conséquence, CONDAMNE la Sarl VICTOR HUGO BY HURE à lui régler les autres sommes de :
2 520,97 € de rappel de salaire sur la période de mise à pied conservatoire du 7 février au 5 mars 2014, et 252,09 € de congés payés afférents
5 402,09 € d'indemnité compensatrice légale de préavis, et 540,20 € d'incidence congés payés
13 416 € d'indemnité légale de licenciement
49 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Y AJOUTANT,
RAPPELLE que les sommes allouées à M. [O] [F] au titre des rappels de salaires et des indemnités légales de rupture sont assorties des intérêts au taux légal partant du 9 avril 2014, et que celles à titre de dommages-intérêts pour sanctions disciplinaires injustifiées et licenciement sans cause réelle et sérieuse le sont à compter du présent arrêt, avec leur capitalisation en application de l'article 1343-2 du code civil issu de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016
ORDONNE à la Sarl VICTOR HUGO BY HURE la délivrance à M. [O] [F] d'un certificat de travail, d'une attestation Pôle emploi, ainsi que les bulletins de paie, conformes au présent arrêt
CONDAMNE la Sarl VICTOR HUGO BY HURE à payer à M. [O] [F] la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la Sarl VICTOR HUGO BY HURE aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE CONSEILLER FAISANT FONCTION DE PRÉSIDENT