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06/04/2018 | FRANCE | N°15/01600

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 12, 06 avril 2018, 15/01600


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12



ARRÊT DU 06 Avril 2018



(n° , 4 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/01600



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 Janvier 2015 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d'EVRY RG n° 13/00009





APPELANTE

CAISSE NATIONALE D'ASSURANCE VIEILLESSE

[Adresse 1]

[Localité 1]

représenté par Mme [I] en vertu d'un po

uvoir spécial



INTIMES

Monsieur [H] [D]

[Adresse 2]

[Localité 2]

comparant en personne, assisté de Me Nicolas THOMAS-COLLOMBIER, avocat au barreau d'ESSONNE



CAISSE NATIONALE DES B...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12

ARRÊT DU 06 Avril 2018

(n° , 4 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/01600

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 Janvier 2015 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d'EVRY RG n° 13/00009

APPELANTE

CAISSE NATIONALE D'ASSURANCE VIEILLESSE

[Adresse 1]

[Localité 1]

représenté par Mme [I] en vertu d'un pouvoir spécial

INTIMES

Monsieur [H] [D]

[Adresse 2]

[Localité 2]

comparant en personne, assisté de Me Nicolas THOMAS-COLLOMBIER, avocat au barreau d'ESSONNE

CAISSE NATIONALE DES BARREAUX FRANCAIS (CNBF)

[Adresse 3]

[Localité 3]

non représentée à l'audience, ayant pour avocat Me Danielle SALLES, avocat au barreau de Paris

Monsieur le Ministre chargé de la sécurité sociale

[Adresse 4]

[Localité 4]

avisé - non comparant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Février 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Marie-Odile FABRE DEVILLERS, Conseillère, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Claire CHAUX, présidente de chambre

Madame Marie-Odile FABRE DEVILLERS, conseillère

Madame Chantal IHUELLOU LEVASSORT, conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Venusia DAMPIERRE, lors des débats

ARRET :

- REPUTE CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

L'arrêt mis à disposition initialement le 30 mars 2018 a été prorogé au 06 avril 2018.

-signé par Madame Claire CHAUX, présidente de chambre et par Mme Venusia DAMPIERRE, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par la Caisse Nationale d'Assurance Vieillesse à l'encontre d'un jugement rendu le 27 janvier 2015 par le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Evry dans un litige l'opposant à Monsieur [H] [D] en présence de la caisse nationale des Barreaux Francais.

FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Monsieur [H] [D], est né le [Date naissance 1] 1951. Il est père de deux enfants :

- [C], né le [Date naissance 2] 1975

- [G], né le [Date naissance 3] 1976 qu'il a élevés avec son épouse, [V] [T], décédée le [Date décès 1] 2002.

Il bénéficie d'une pension de vieillesse versée par le régime général depuis le 1er avril 2011.

Le 21 juin 2011, Monsieur [D] a demandé à bénéficier de la majoration pour durée d'assurance prévue par l'article L.351-4 du Code de la sécurité sociale pour avoir élevé ses deux enfants. Cette majoration lui a été refusée par la Caisse Nationale d'Assurance Vieillesse. Il a saisi la commission de recours amiable d'un recours contre ce refus, arguant d'une discrimination fondée sur le sexe et contraire à l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme.

La commission de recours amiable ayant rejeté son recours, il a saisi le Tribunal des affaires de sécurité sociale d'Evry qui, par jugement du 27 janvier 2015, a fait droit a sa demande de majoration au motif que l'application de l'avantage de l'article L351-4 du code de la sécurité sociale n'apparaît pas proportionnée et raisonnablement justifiée dès lors qu'en raison du décès de Madame [T] avant sa retraite, la majoration éducation ne lui avait pas été attribuée et que Monsieur [D] avait contribué à l'éducation de ses deux enfants.

La Caisse Nationale d'Assurance Vieillesse fait soutenir oralement à l'audience par son représentant des conclusions écrites dans lesquelles elle demande à la Cour d'infirmer le jugement déféré et statuant à nouveau ,de dire que la Caisse Nationale d'Assurance Vieillesse a fait une juste application des textes en vigueur en refusant d'attribuer à Monsieur [D] une majoration de durée d'assurances de huit trimestres au titre de l'éducation de ses deux fils.

Elle rappelle que la loi, qui n'accordait jusqu'en 2010 la majoration éducation qu'aux femmes, a évolué et que ce sont les pères qui peuvent en bénéficier aujourd'hui si les parents en font la demande conjointe; que cependant , lorsque Monsieur [D] a fait sa demande de retraite il ne pouvait bénéficier de la majoration "éducation" que s'il justifiait avoir élevé seul ses enfants, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Elle soutient que la Cour européenne des droits de l'Homme a jugé qu'une différence de traitement qui poursuivait un but légitime, objectif et raisonnable n'était pas discriminatoire et que si elle s'inscrivait en outre dans un processus d'égalisation, elle n'était pas non plus systématiquement discriminatoire. Elle fait valoir également que la Cour de Cassation a refusé de transmettre une question prioritaire de constitutionnalité sur les dispositions contestées par Monsieur [D] au motif que la différence de traitement était justifiée et n'était pas contraire au principe d'égalité.

Monsieur [D] fait soutenir oralement à l'audience par son avocat des conclusions écrites dans lesquelles il demande à la Cour de confirmer le jugement déféré et de condamner la Caisse Nationale d'Assurance Vieillesse lui payer la somme de 2.000€ sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Il soutient que le fait pour un père, qui démontre avoir élevé ses enfants au sens de l'article L.351-4 du code de la sécurité sociale, de ne pouvoir bénéficier de la majoration prévue au II du dit article est discriminatoire au sens de l'article 14 de la convention européenne des droits de l'Homme, puisque fondée seulement sur le sexe.

Il fait valoir que l'Etat qui a souhaité que la majoration ne puisse être cumulée par les deux parents discrimine les pères veufs avant que la mère ne bénéficie de la retraite et que l'impact financier est nul pour la Caisse de retraite puisqu'elle n'a pas versé la majoration à la mère.

La Caisse Nationale des Barreaux Français (la CNBF) était présente en première instance, Monsieur [D] étant ancien avocat. Elle s'en était remise à justice. Elle a été régulièrement convoquée mais n'était ni présente ni représentée.

MOTIFS

Jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi de financement de la sécurité sociale du 24 décembre 2009, applicable aux pensions de retraite prenant effet au 1er avril 2010, l'article L351-4 du code de la sécurité sociale était rédigé ainsi: "les femmes assurées sociales bénéficient d'une majoration de leur durée d'assurance d'un trimestre pour toute année durant laquelle elles ont élevé un enfant, dans la limite de huit trimestres par enfant".

La loi de financement de la sécurité sociale du 24 décembre 2009 a ,d'une part , créé une majoration de quatre trimestres par enfant pour les femmes au titre de l'incidence sur leur vie professionnelle de la maternité et notamment de la grossesse et de l'accouchement et d'autre part, modifié la majoration d'assurance pour éducation des enfants: l'article 351-4 modifié prévoit ainsi qu' "il est institué au bénéfice de l'un ou l'autre des deux parents assurés sociaux une majoration de durée d'assurance de quatre trimestres attribuée pour chaque enfant mineur au titre de son éducation pendant les quatre années suivant sa naissance ou son adoption.

Les parents désignent d'un commun accord le bénéficiaire de la majoration ou, le cas échéant, définissent la répartition entre eux de cet avantage..."

Les dispositions transitoires de la loi précisent que pour les enfants nés avant le 1er janvier 2010, les majorations d'assurance pour éducation des enfants, sont attribuées à la mère, sauf si le père de l'enfant apporte la preuve qu'il a élevé seul l'enfant pendant une ou plusieurs années au cours de ses quatre premières années.

En application de ces dispositions, les pères ne peuvent bénéficier de la majoration pour éducation des enfants nés avant 2010 que s'ils justifient avoir élevé ces enfants seuls sur les quatre premières années ou une partie.

En l'espèce, Monsieur [D] ne prétend pas avoir élevé ses enfants seul et les dispositions légales ne lui permettent donc pas de bénéficier de la majoration.

Il soutient que ces dispositions qui ne lui permettent pas de bénéficier de la majoration alors que son épouse était décédée avant de prendre sa retraite sont contraires à l'article 14 de la convention européenne des droits de l'Homme qui dispose que la jouissance des droits et libertés reconnus dans la Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe..."

Il ne peut être contesté que l'article L351-4 du code de la sécurité sociale, dans sa version antérieure à celle de la loi du 24 décembre 2009,qui réservait le droit à majoration d'assurance pour éducation aux mères , créait une différence de traitement entre les pères et les mères, ces dernières pouvant seules bénéficier de la majoration d'assurance retraite pour avoir éduqué des enfants nés avant 2010, et que l'exigence pour ces enfants que le père justifie les avoir élevés seul pour en bénéficier créée une différence de traitement en raison du sexe.

Cette différence de traitement serait contraire à l'article 14 de la convention seulement si elle n'était justifiée que par la différence de sexe. Cependant, le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que dans ces deux hypothèses la différence de traitement soit en rapport avec la loi qui l'établit.

En l'espèce, la différence de traitement instituée par l'article 351-4 du code de la sécurité sociale était justifiée par la volonté de compenser la différence de traitement des femmes dans leur carrière à une époque où il était avéré que les retraites des femmes étaient inférieures à celle des hommes en raison du temps qu'elle avaient passé à l'éducation de leurs enfants au détriment de leur carrière. Le législateur a pris en compte l'évolution de la société et la loi permet aujourd'hui aux quelques couples dont le père s'est investi dans l'éducation de ses enfants au détriment éventuel de sa carrière de faire le choix de donner cette majoration d'assurance à ce dernier.

La différence de traitement des pères ayant partagé l'éducation des enfants avec la mère, qui n'ont pas droit à la majoration d'assurance, avec ceux ayant élevé leurs enfants seuls, est justifiée également par le temps passé à cette éducation par les pères seuls, au détriment de leur carrière.

La différence de traitement, de caractère provisoire et qui a évolué, repose donc sur des critères objectifs et rationnels parfaitement établis au moment où la loi a été rédigée :la pénalisation de la carrière de celles, ou exceptionnellement de ceux, qui consacrent le plus de temps à l'éducation des enfants.

Le jugement a reconnu que la différence de traitement s'expliquait par des inégalités de fait dont les femmes ont fait l'objet qu'il n'a pas contestées, mais a estimé à tort et sans en justifier que l'application de ces dispositions ne serait pas "proportionnée et raisonnablement justifiée". En effet , la circonstance en l'espèce, que la mère des deux enfants de Monsieur [D] n'ait pas profité de la majoration éducation n'est en aucune façon une raison d'en faire profiter son époux, pas plus que le fait qu'il ait participé à leur éducation comme un certain nombre de pères, dont la conjointe seule a bénéficié de la majoration enfants.

Le jugement devra donc être infirmé et la décision de refus de la Caisse Nationale d'Assurance Vieillesse de faire bénéficier Monsieur [D] de la majoration éducation de l'article L351-4 du code de la sécurité sociale deva être confirmée.

PAR CES MOTIFS

La Cour

Infirme le jugement entrepris ,

Statuant à nouveau

Confirme le refus de la Caisse Nationale d'Assurance Vieillesse de faire bénéficier Monsieur [D] de la majoration éducation de l'article L351-4 du code de la sécurité sociale pour avoir participé à l'éducation de ses deux enfants [C] et [G].

Déboute Monsieur [D] de toutes ses demandes.

LE PRESIDENTLE GREFFIER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 12
Numéro d'arrêt : 15/01600
Date de la décision : 06/04/2018

Références :

Cour d'appel de Paris L3, arrêt n°15/01600 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-04-06;15.01600 ?
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