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10/04/2018 | FRANCE | N°15/16090

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 1, 10 avril 2018, 15/16090


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 1



ARRET DU 10 AVRIL 2018



(n° 177 , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 15/16090



Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Juin 2015 -Tribunal de Grande Instance de Paris - RG n° 13/08539





APPELANTE



SCI LA ROFRANNE

[Adresse 1]

[Localité 1]



Représentée par Me Florence GUERRE de la

SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018

Ayant pour avocat plaidant Me François MEUNIER, avocat au barreau de PARIS, toque : M 996



INTIMEES



Madame [R...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 1

ARRET DU 10 AVRIL 2018

(n° 177 , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 15/16090

Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Juin 2015 -Tribunal de Grande Instance de Paris - RG n° 13/08539

APPELANTE

SCI LA ROFRANNE

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée par Me Florence GUERRE de la SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018

Ayant pour avocat plaidant Me François MEUNIER, avocat au barreau de PARIS, toque : M 996

INTIMEES

Madame [R] [U]

[Adresse 2]

[Localité 2]

Madame [T] [U]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Madame [J] [U]

[Adresse 4]

[Localité 3]

SA ZURICH INSURANCE PLUBLIC LIMITED COMPANY

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentées par Me Jean-Michel HOCQUARD de la SCP HOCQUARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0087

Ayant pour avocat plaidant Me Vincent PERRAUT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0087

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 06 Février 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Christian HOURS, Président de chambre

Mme Marie-Claude HERVE, Conseillère

Mme Anne LACQUEMANT, Conseillère

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l'audience par Mme Marie-Claude HERVE dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile.

Greffière, lors des débats : Mme Nadyra MOUNIEN

ARRET :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par M. Christian HOURS, président et par Mme Lydie SUEUR, greffière présente lors du prononcé.

*****

En exécution d'un jugement du tribunal correctionnel de Créteil du 12 avril 1999 confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Paris du 28 mars 2000, la SCP [K] et [S] és qualités de liquidateur judiciaire des sociétés Sofratec et CITP, a fait procéder, le 28 mai 2002, à une saisie -attribution à l'encontre de M.[R] entre les mains de la SCI La Rofranne créée entre M.[R] et ses filles. Un certificat de non contestation a été signifié au tiers-saisi le 9 juillet 2002.

Un arrêt de la cour d'appel de Paris du 10 avril 2008 a confirmé le jugement du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Créteil du 4 septembre 2003, disant la saisie-attribution régulière et condamnant la SCI La Rofranne à payer à la SCP [K] et [S] és qualités, la somme de 3 451 521, 28 €.

Le 14 juin 2013, la SCI La Rofranne a fait assigner les ayants-droit de son conseil, maître [U], décédé en [Date décès 1] 2006, ainsi que son assureur, la société Zurich insurance , devant le tribunal de grande instance de Paris en responsabilité et indemnisation.

Par un jugement du 25 juin 2015, le tribunal a débouté la SCI La Rofranne de toutes ses demandes, a débouté Mmes [R], [T] et [J] [U] de leur demande en dommages-intérêts et a condamné la SCI La Rofranne aux dépens ainsi qu'à une indemnité de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La SCI La Rofranne a formé appel de cette décision le 23 juillet 2015.Par un arrêt avant dire droit du 28 juin 2017, la cour a re-ouvert les débats afin de recueillir les observations des parties sur les conclusions n°3 des intimées qui ne figuraient pas sur le RPVA.

Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 25 septembre 2017, la SCI La Rofranne demande à la cour d'écarter des débats les dernières écritures des intimées des 24 janvier et 11 juillet 2017, d'être déclarée recevable et bien fondée dans son appel, de confirmer le jugement pour ce qui est de la prescription et de l'estoppel, de l'infirmer quant à la responsabilité civile professionnelle de maître [U], de condamner Mmes [R], [T] et [J] [U], és qualités d'ayants-droit de maître [U], à payer à la SCI La Rofranne la somme de 7 403 046, 01€, d'assortir la décision de l'exécution provisoire, de condamner Mmes [R], [T] et [J] [U] es qualités, à payer la somme de 15 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens et d'appeler la société Zurich insurance à garantir les condamnations prononcées à l'encontre des intimées.

Dans leurs dernières conclusions communiquées par voie électronique le 11 juillet 2017, Mmes [R], [T] et [J] [U] et la société Zurich insurance demandent à la cour de prendre acte de leurs conclusions n°3 du 23 novembre 2016, à défaut de statuer ce que de droit au vu de leurs conclusions n°2, en tant que de besoin de leur donner acte du dépôt de leurs présentes écritures avec récapitulation aux lieu et place des précédentes écritures, de déclarer prescrite l'action de la SCI La Rofranne du chef du défaut de déclaration au procès-verbal de saisie-attribution par voie d'huissier depuis le 28 mai 2012, et par voie de conséquence irrecevable, de dire la SCI La Rofranne irrecevable en son action par application de l'article 122 du code de procédure civile, d'infirmer le jugement de ces chefs et déclarer la SCI La Rofranne irrecevable en ses appels, subsidiairement, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la SCI La Rofranne de toutes ses demandes, vu l'article 1382 du code civil, de condamner la SCI La Rofranne à payer la somme de 40 000 € aux intimées personnes physiques à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral, de condamner la SCI La Rofranne à tous les dépens et au paiement de la somme de 15 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION :

1 - Sur les conclusions des intimés :

Les intimées exposent quelles ne peuvent justifier de l'existence d'une communication par RPVA des conclusions n°3 malgré les mentions de leur propre système informatique.

L'appelant déclare que ces conclusions n°3 ne lui ont été signifiées ni par RPVA ni par huissier de justice et qu'elles doivent être écartées des débats ainsi que les conclusions nouvelles du 11 juillet 2017, la ré-ouverture des débats ordonnée par la cour n'ayant pour objet que de recueillir les observations des parties sur la communication des conclusions n°3 des intimées.

En l'absence de justification d'une communication par RPVA des conclusions n°3 des intimées, celles-ci doivent être écartées des débats.

Par ailleurs la réouverture des débats décidée par l'arrêt du 28 juin 2017 n'avait pour objet que de permettre aux parties de fournir leurs observations sur les conditions de la communication par RPVA desdites conclusions mais n'autorisait pas les intimées à remédier à une absence de communication électronique en procédant à celle-ci. Aussi les nouvelles conclusions ne sont elles recevables que dans leurs dispositions relatives à la réouverture des débats et les autres éléments du litige seront examinés en prenant en considération leurs conclusions n°2 régulièrement communiquées préalablement à l'arrêt du 28 juin 2017.

Il convient ensuite de relever que la demande de la SCI La Rofranne fondée sur l'article 24 du code de procédure civile n'est pas reprise dans le dispositif de ses conclusions de sorte que la cour n'en est pas valablement saisie.

2 - Sur la prescription :

Les intimées soutiennent que la prescription de l'action en responsabilité contre maître [U] a commencé à courir à compter du jour où la SCI La Rofranne tiers saisi aurait dû faire la déclaration sur les droits de M.[R] à l'huissier de justice en application de l'article 44 de la loi du 9 juillet 1991 tel que rappelé dans le procès-verbal de saisie-attribution soit le 28 mai 2002. Elles considèrent ainsi que l'ancien délai de prescription de 10 ans se trouvait expiré le 28 mai 2012. Elles ajoutent que la SCI La Rofranne avait invoqué la prétendue faute de maître [U] dans des correspondances échangées en février 2007 afin de ne pas payer les ultimes factures d'honoraires et que l'appelante connaissait donc le fait susceptible d'engager la responsabilité de maître [U] avant la loi du 17 juin 2008.

La SCI La Rofranne qui reproche à maître [U] de ne pas avoir répondu à l'acte d'huissier, de ne pas avoir inscrit la contestation de la saisie au greffe du tribunal de commerce et de ne pas avoir fait valoir devant le juge de l'exécution qu'elle n'était redevable d'aucune somme à M.[R], reprend les termes du jugement du 25 juin 2015 dont elle demande la confirmation sur ce point.

L'ancien article 2271-1 du code civil fixait le délai de prescription à 10 ans à compter de la fin de la mission de l'avocat.

Maître [U] a été l'avocat de la SCI Rofranne jusqu'à son décès survenu le [Date décès 1] 2006; à cette date, la procédure d'appel du jugement rendu par le juge de l'exécution était toujours en cours de sorte que sa mission consistant à défendre les intérêts de la SCI La Rofranne dans le cadre de la saisie-attribution du 28 mai 2002 n'était pas achevée. Le point de départ de la prescription est donc la date du décès de maître [U].

Le délai pour agir devait ainsi expirer le12 novembre 2016 selon le texte susvisé; néanmoins, il y a lieu de faire application des dispositions transitoires de la loi du 17 juin 2008 qui ont rendu applicable le nouveau délai de 5 ans qu'elle prévoit, au jour de son entrée en vigueur. Ainsi le délai pour agir à l'encontre de maître [U] ou de ses ayants-droit expirait le 19 juin 2013.

L'action engagée par la SCI Rofranne le 14 juin 2013 doit donc être déclarée recevable comme l'a retenu le jugement du 25 juin 2015.

2 - Sur l'estoppel :

Les intimées font valoir que la SCI Rofranne se contredit puisqu'elle prétend désormais qu'elle connaissait la saisie alors qu'elle a soutenu le contraire entre 2002 et 2008, déposant en 2004 une plainte avec constitution de partie civile dans laquelle elle affirmait ne pas avoir reçu l'acte.

L'appelante reprend les motifs du jugement dont elle demande la confirmation sur ce point.

Les intimées ne produisent pas de pièce provenant d'une procédure civile dans laquelle la SCI Rofranne aurait prétendu ne pas avoir reçu l'acte d'huissier.

Le 12 mai 2004, la SCI La Rofranne a déposé une plainte avec constitution de partie civile auprès du doyen des juges d'instruction du tribunal de grande instance de Créteil pour faux en raison d'une différence de date entre la signification de la saisie au débiteur datée du 5 juin 2002 et le certificat de non contestation du 9 juillet suivant, mentionnant le 6 juin 2002 comme date de dénonciation de ladite saisie à M.[R].

L'information suivie à la suite de cette plainte s'est achevée par une ordonnance de non-lieu rendue le 21 novembre 2005 et la condamnation de la SCI La Rofranne à une amende civile de 10 000 € pour constitution de partie civile abusive et dilatoire, décision confirmée par un arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris du 17 mars 2006.

La lecture des différentes pièces se rapportant à cette procédure de faux en écritures publiques mettant en cause les huissiers de justice ayant réalisé la saisie, fait apparaître que la discussion portait sur la date de l'acte et non pas sur la connaissance que la SCI La Rofranne a eu de la saisie.

Aussi même si la mauvaise foi de cette dernière a été spécialement relevée et sanctionnée, il n'y a pas lieu de faire application du principe de l'estoppel dans le cadre de l'instance en responsabilité dirigée contre les ayants -droit de maître [U].

3 - Sur le fond :

La SCI La Rofranne soutient que maître [U] qui était son avocat habituel depuis sa création, a eu connaissance de la saisie attribution effectuée le 28 mai 2002 ainsi qu'il résulte de plusieurs attestations et de divers courriers et elle considère qu'il a manqué à ses

obligations de diligence et de compétence en n'apportant pas de réponse à l'acte de l'huissier de justice malgré les instructions de sa cliente, en ne faisant pas inscrire de contestation de la saisie au greffe avant le 9 juillet 2002 et en n'écrivant pas à l'huissier instrumentaire pour déclarer que la SCI n'était pas créancière de M.[R]. Elle déclare que même si maître [U] n'a été informé de la saisie que le 4 juillet 2002, il disposait encore du temps nécessaire pour agir en faisant inscrire une contestation au greffe ou en écrivant à l'huissier de justice ou en répondant à la demande reconventionnelle de maître [S]. Elle invoque à ce sujet les termes du jugement du juge de l'exécution du 4 septembre 2003 et d'une lettre de maître [U] du 6 mars 2003.

La SCI La Rofranne reproche également à maître [U] de ne pas avoir fait enregistrer dans les délais ni déposé au greffe la cession de parts sociales de M.[R] intervenue le 6 mars 2002 aux termes de laquelle celui-ci perdait la qualité d'associé de la SCI, ce qui rendait irrecevable la saisie pratiquée auprès de cette dernière. La SCI Rofranne ajoute que même si la cession de parts n'avait pas été enregistrée et publiée dans les délais, maître [U] aurait dû faire valoir que M.[R] n'était plus qu'usufruitier de 60% des parts, ce qui compte tenu de son âge, aurait réduit de façon importante les conséquences de la saisie-attribution.

Enfin la SCI La Rofranne fait valoir que maître [U] a commis une faute en acceptant d'être l'avocat de M.[R] et de la SCI alors qu'ils étaient en conflit d'intérêt , celui-ci organisant l'insolvabilité de M.[R] en utilisant la société; elle ajoute à ces fautes le développement de moyens contraires à l'intérêt de sa cliente, la rédaction d'actes inefficaces, le défaut d'information et les demandes de renvoi systématiques et non appropriées.

Les intimées contestent l'existence de fautes faisant valoir qu'il ne ressort pas des pièces produites que maître [U] aurait été saisi en temps utile sur la procédure d'exécution et sur les obligations des parties dont le tiers saisi. Elles relèvent que l'avocat n'avait aucune possibilité d'agir avant d'être en possession de l'acte de saisie et d'en connaître la date exacte.

- sur la contestation de la saisie-attribution :

L'article R211-4 du code des procédures civiles d'exécution dispose que : 'le tiers saisi est tenu de fournir sur le champ à l'huissier de justice les renseignements prévus à l'article L211-3 et de lui communiquer les pièces justificatives.'

L'article R211-5 al1 du même code énonce que :' le tiers saisi qui , sans motif légitime, ne fournit pas les renseignements prévus est condamné à la demande du créancier à payer les sommes dues à ce dernier sans préjudice de son recours contre le débiteur.'

En l'espèce comme le relève l'arrêt du 10 avril 2008, la saisie-attribution a été signifiée à la SCI par acte remis en mairie à [Localité 4]. Ainsi faute d'interpellation par l'huissier instrumentaire, elle ne pouvait pas déclarer sur le champ les obligations qui la liaient à M.[R]

La SCI La Rofranne verse aux débats une attestation de M [P] qui déclare avoir conduit Mme [H], gérante de la SCI, chez maître [U] le 29 mai 2002 pour qu'elle l'informe de cette saisie. Néanmoins cette attestation a été rédigée en octobre 2015,13 ans après les faits, et cette seule déclaration non étayée sur la date, ne peut être considérée comme une preuve suffisante du moment auquel maître [U] a été informé de la saisie.

La lettre qui fournit des instructions à maître [U] au sujet de la saisie-attribution est une lettre de M.[R] du 4 juillet 2002 dans laquelle ce dernier en qualité de débiteur saisi, lui demande de faire valoir la caducité en raison de l'absence de dénonciation.

Les autres pièces produites par la SCI La Rofranne constituées d'attestations de tiers, ne font pas la preuve de propos échangés entre la SCI et l'avocat.

Par une lettre du 23 juillet 2002, maître [U] a écrit à l'avocat du créancier pour l'aviser que : 'à réception de la notification du procès verbal de non contestation, la SCI La Rofranne m'a donné instruction de saisir à nouveau le juge de l'exécution, ce que je fais par assignation dont copie ci-joint'.

Ainsi, maître [U] a saisi le juge de l'exécution d'une contestation de la saisie par une assignation en justice du 22 juillet 2002. Devant le juge de l'exécution la discussion a portée uniquement sur la régularité de la saisie et sa caducité et maître [U] n'a pas fait valoir même après que le créancier eut formé une demande reconventionnelle en paiement que le tiers-saisi n'était pas débiteur à l'égard de M.[R].

Néanmoins il n'est pas démontré que maître [U] dont la responsabilité est recherchée pour manquement à ses obligations de diligence et de compétence, aurait reçu instruction de la SCI La Rofranne de contester l'existence d'une dette à l'égard de M.[R] avant la saisine du juge de l'exécution puis devant celui-ci alors que l'avocat ne peut faire valoir ce moyen de défense qu'autant qu'il a reçu des instructions de sa cliente à ce sujet ou à tout le moins, des informations relatives à l'absence de toute dette à l'égard du débiteur principal.

En toute hypothèse, il y a lieu de constater que la discussion sur l'existence d'une créance de M.[R] sur la SCI La Rofranne a eu lieu devant la cour d'appel saisie d'un recours contre le jugement du juge de l'exécution du 4 septembre 2003 sans qu'aucune irrecevabilité ou forclusion ne soit soulevée. La SCI La Rofranne a alors fait valoir que le compte courant d'associé de M.[R] qui avait été soldé par compensation avec le prix de vente de meubles meublants, était débiteur de 489 143 €au 31 mai 2002 et qu'en outre M.[R] avait vendu l'usufruit de ses parts à sa fille qui en était déjà nu-propriétaire, le 6 mars 2002.

Cependant la cour a écarté ce moyen de défense relatif au compte courant d'associé de M.[R], constatant le caractère non exhaustif des documents comptables produits qui ne permettaient pas de valider la position dudit compte et ajoutant que la quote-part des sommes revenant éventuellement à M.[R] passé la date de la compensation, ne pouvait être appréhendées.

Il y a lieu de relever que la cour d'appel a rejeté la demande d'expertise formée par le créancier saisissant à laquelle la SCI ne s'opposait pas, en estimant qu'en l'absence de déclaration du tiers saisi sur ses obligations, celui-ci devait établir qu'il n'était pas débiteur de M.[R].

Néanmoins, la SCI ne démontre pas que l'absence de contestation de la créance avant la saisine de la cour d'appel serait due à un manquement de diligence ou de compétence de son conseil de sorte que le renversement de la charge de la preuve ne peut être imputé à l'avocat.

La SCI reproche également à maître [U] de n'avoir pas fait valoir qu'en toute hypothèse si on ne tenait pas compte de la cession non enregistrée du mois de mars 2002, il était uniquement usufruitier de 60% des parts sociales. Cependant elle ne démontre pas quelle incidence cette circonstance aurait pu avoir sur sa condamnation alors que la cour d'appel a fondé sa décision sur l'existence d'un compte courant d'associé.

- sur l'absence d'enregistrement des parts sociales :

La SCI fait valoir qu'elle aurait pu échapper à une condamnation si elle avait pu se prévaloir de la cession des droits sociaux de M.[R] à sa fille au mois de mars 2002 mais que faute par maître [U] qui l'avait rédigée, de l'avoir fait enregistrer, celle-ci s'est trouvée privée de date certaine et est donc devenue inopposable au créancier saisissant.

Néanmoins la saisie ne portait pas sur les parts sociales mais sur les créances de M.[R] à l'égard de la SCI et il y a lieu de constater que malgré la cession invoquée, M. [R] qui n'avait plus la qualité d'associé, continuait d'être titulaire d'un compte courant- débiteur selon la SCI - et que la discussion devant la cour d'appel a essentiellement porté sur celui-ci. Ainsi le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a retenu que la SCI La Rofranne n'établissait pas que l'enregistrement de cette cession aurait été de nature à modifier la décision de la cour.

- sur le conflit d'intérêt :

Il est constant que le fait d'être l'avocat de deux personnes dont les intérêts sont susceptibles de diverger, constitue une faute déontologique, néanmoins, celle-ci ne devient une faute civile que si elle cause un dommage à l'une ou l'autre des deux parties intéressées.

Or il n'est pas fait état de moyens de fait ou de droit que maître [U] aurait omis afin de préserver les intérêts de M.[R] au détriment de la SCI et même s'il avait été retenu que maître [U] avait manqué de diligence dans la défense des intérêts de la SCI, il n'existe aucun élément permettant de retenir qu'il l'aurait fait intentionnellement dans le but de protéger son autre client.

- sur le développement de moyens contraires à l'intérêt de son client ( assignation JEX, procédure pénale) :

La procédure devant le juge de l'exécution était la seule voie procédurale ouverte afin de contester les prétentions du créancier saisissant et le fait qu'elle ait été inefficace ne suffit pas à caractériser une faute de l'avocat. S'agissant de la procédure pénale de faux, qui a été qualifiée d'abusive et dilatoire par les juridictions d'instruction, elle est sans lien avec le préjudice financier dont la SCI La Rofranne réclame l'indemnisation.

- sur la rédaction d'actes inefficaces (bail et avenant Dragui transport):

Outre qu'une éventuelle faute de maître [U] dans la rédaction de ces actes serait tout à fait distincte de celles objet de la présente instance, la SCI La Rofranne n'expose pas en quoi celle-ci consisterait, ne mentionnant la société Dragui que dans le cadre du préjudice subi.

- sur le défaut d'information sur le déroulement de la procédure :

il n'est fourni aucune indication sur les informations non délivrées et leur conséquence sur le préjudice allégué.

- sur les demandes de renvoi systématiques et inappropriées :

Il n'est fourni aucune indication sur les dates de ces renvois ni aucune motivation sur leur caractère fautif.

Ainsi le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 25 juin 2015 doit être confirmé en ce qu'il a débouté la SCI Rofranne de ses demandes.

Il sera également confirmé en ce qu'il a débouté Mmes [R], [T] et [J] [U] de leur demande en dommages-intérêts pour procédure abusive, la cour en adoptant les motifs.

Enfin il n'ya pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Déclare les demandes de la SCI Rofranne recevables,

Confirme le jugement du 25 juin 2015,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SCI Rofranne aux entiers dépens.

LE GREFFIER,LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 15/16090
Date de la décision : 10/04/2018

Références :

Cour d'appel de Paris C1, arrêt n°15/16090 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-04-10;15.16090 ?
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