Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 3
ARRET DU 11 AVRIL 2018
(n° 265 , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 17/17148
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 04 Août 2017 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 17/56445
APPELANTE
SCI HOME agissant poursuites et diligences de son gérant
inscrite au RCS de Paris sous le numéro 535 143 002
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034
assistée de Me Olivier TABONE, avocat au barreau de PARIS, toque : D 1132
INTIMEE
SARL POLBATI-MMO prise en la personne de son gérant
[Adresse 2]
[Localité 2]
N° SIRET : 498 422 9300
Représentée par Me Evelyne ELBAZ de la SELARL CABINET ELBAZ, avocat au barreau de PARIS, toque : L0107
assistée de Me Benjamin SEMAN plaidant pour Me Evelyne ELBAZ de la SELARL CABINET ELBAZ, avocat au barreau de PARIS, toque : L0107
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Mars 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Christina DIAS DA SILVA, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Martine ROY-ZENATI, Premier Président de chambre
M. Renaud SORIEUL, Président de chambre
Mme Christina DIAS DA SILVA, Conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Véronique COUVET
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Martine ROY-ZENATI, président et par Mme Véronique COUVET, greffier.
FAITS ET PROCÉDURE
La société Home est propriétaire d'un appartement situé [Adresse 1]. Elle a confié à la société Polbati-MMO la réalisation des travaux de rénovation de ce bien pour la somme de 110.00 euros selon un devis accepté le 29 décembre 2011, les travaux ayant été achevés en novembre 2012.
En raison de désordres signalés dans les appartements voisins, une expertise a été ordonnée par le juge des référés le 5 novembre 2013 à la requête du syndicat des copropriétaires de l'immeuble dont le rapport a été déposé le 26 février 2015.
Faisant état d'un solde de facture impayé, la société Polbati-MMO a assigné le 17 juillet 2017 la société Home devant le juge des référés afin notamment de demander sa condamnation à lui payer, par provision, la somme de 37.690,92 euros.
Par ordonnance du 4 août 2017, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris a condamné la société Home à verser à la société Polbati-MMO une provision de 37 690,92 euros et la somme de 1.500 euros en application des dispositions de l'article700 du code de procédure civile et aux dépens.
Par déclaration du 6 septembre 2017, la société Home a interjeté appel de cette ordonnance.
Par ses conclusions transmises le 16 février 2018, elle demande à la cour de :
- réformer l'ordonnance,
- constater l'existence de contestations sérieuses en raison de l'absence de signature par la société Home, maître d'ouvrage, des devis suivants :
- devis de travaux supplémentaires n°499.12M du 15 janvier 2012 d'un montant de 25.658,60 € TTC,
- devis de travaux supplémentaires n°575.12M du 13 juillet 2012 d'un montant de 1.358,90 € TTC,
- devis de travaux supplémentaires n°581.12M du 7 août 2012 d'un montant de 1.412,40 € TTC,
- devis de travaux supplémentaires n°598.12M du 12 novembre 2012 d'un montant de 8.369,97 € TTC,
- devis de travaux supplémentaires n°622.13M du 28 janvier 2013 d'un montant de 3.183,25 € TTC,
- devis de travaux supplémentaires n°499.12M du 15 janvier 2012 d'un montant de 25.658,60 € TTC,
- devis de travaux supplémentaires n°541.12M du 16 avril 2012 d'un montant de 1.144,90 € TTC,
- outre l'absence de communication du devis n°488.11M,
- constater l'existence de contestations sérieuses en raison de l'absence d'accord préalable du maître d'ouvrage sur les travaux supplémentaires visés selon devis précités,
- constater l'existence de contestations sérieuses en raison de l'absence de réception des travaux,
En conséquence,
- débouter la société Polbati-MMO de sa demande de provision,
- condamner la société Polbati-MMO à lui payer la somme de 5.000 euros en application de l'article 32-1 du code civil pour procédure abusive et dilatoire,
- condamner la société Polbati-MMO au paiement de la somme de 4.000 euros HT au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Elle fait valoir :
- qu'elle oppose valablement des contestations sérieuses à la prétendue créance de la société Polbati-MMO justifiant le débouté de la demande de provision en raison de l'absence de signature des devis de travaux supplémentaires, de l'absence d'autorisation préalable du maître de l'ouvrage sur les travaux supplémentaires et de l'absence de réception des travaux qui conditionne pourtant le règlement du solde des travaux ;
- qu'il résulte du rapport d'expertise judiciaire du 26 février 2015 que la responsabilité de la société Polbati-MMO est retenue en raison de la survenance de désordres ayant affecté les copropriétaires voisins ;
- que la cour doit condamner la société Polbati-MMO au paiement de la somme de 5.000 euros en application de l'article 32-1 du code de procédure civile pour procédure abusive dès lors qu'elle a engagé la procédure de manière déloyale et en fraude des droits de la société Home.
-qu'il est faux de prétendre qu'elle n'a pas émis de contestations concernant les travaux indûment facturés et de faire croire qu'un accord serait intervenu au titre de la réalisation de travaux supplémentaires ;
- que la cour doit débouter la société Polbati-MMO de sa demande de condamnation par provision à la somme de 5.000 euros au titre d'un prétendu préjudice constitué par un incident de trésorerie dès lors qu'elle n'en rapporte pas la preuve et qu'au titre du principe selon lequel 'Nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude', elle est particulièrement mal fondée à solliciter une telle condamnation pour des préjudices hypothétiques.
Par ses conclusions transmises le 16 janvier 2018, la société Polbati-MM0 demande à la cour de :
- débouter la société Home de l'intégralité de ses demandes,
- confirmer l'ordonnance dont appel en ce qu'elle a condamné la société Home à lui verser, à titre provisionnel, la somme de 37.690,92 euros au titre du solde des factures émises, et la somme de 1.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens,
Statuant à nouveau et y ajoutant :
- dire que la condamnation principale de la société Home sera assortie du paiement des intérêts au taux légal de retard à compter de décembre 2013 et jusqu'au paiement effectif des sommes,
- condamner la société Home à lui payer la somme de 5.000 euros à titre de provision à valoir sur dommages intérêts,
- condamner la société Home à lui payer la somme de 4.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'appel.
Elle fait valoir :
- qu'elle est recevable et bien fondée à solliciter la confirmation de l'ordonnance en ce qu'elle a condamné la société Home à lui verser, à titre de provision, la somme de 37.690,92 euros au titre du solde de la facture, dès lors qu'il n'est pas contestable que cette dernière a conclu un contrat de marché de travaux et qu'en application de l'article 1194 du code civil, elle est tenue de payer le prix convenu au contrat d'autant plus qu'elle n'a jamais contesté l'exécution des travaux ;
- que c'est à bon droit qu'elle sollicite la condamnation de la société Home au règlement du solde des factures correspondant aux prestations effectuées dès lors qu'il n'existe aucune contestation sérieuse puisque :
- les deux factures contestées - n° 13.644M du 15 mars 2013 et n°13.813.2M du 20 décembre 2013 - ne portent pas sur les mêmes sommes et ne constituent pas des doublons,
- les travaux supplémentaires ont été intégralement réalisés et ce, dans les règles de l'art, comme en atteste le rapport de l'expert judiciaire,
- la société Home fait preuve d'incohérence sur les montants discutés puisqu'elle conteste être redevable de la somme de 39.983,12 euros au seul titre de la facture n°13.644M alors que la société Polbati-MMO sollicite le paiement de deux factures pour un montant total de 37.690,92 euros, que le devis n°499.12M à retenir et dont il est réclamé le paiement du solde est celui versé aux débats daté du 12 septembre 2012 pour un montant total de 13.000,50 euros TTC,
- la société Home a accepté les devis de travaux supplémentaires puisqu'elle s'est partiellement exécutée en réglant la somme de 1.000 euros par chèque n°2741404 et qu'ils ont fait l'objet d'une consultation préalable dans la mesure où ils comportent des corrections manuscrites conduisant à revoir le montant de certains d'entre eux à la baisse de sorte que ce n'est qu'en cours d'instance que la société Home nie avoir donné son accord pour l'accomplissement de certains travaux supplémentaires ;
- que la cour doit débouter la société Home de sa demande de condamnation au titre de l'article 32-1 du code de procédure civile puisque l'amende civile est perçue par la juridiction qui prononce la sanction et ne saurait lui profiter et que l'action de la société Polbati-Mmo n'est pas dilatoire puisque les factures sont incontestablement dues ;
- que la cour doit condamner la société Home au paiement, par provision, de la somme de 5.000 euros à valoir sur dommages et intérêts afin de sanctionner son comportement fautif et dilatoire dès lors qu'elle fait preuve d'une résistance abusive dans le non-paiement de ses factures et qu'elle a adopté un comportement dilatoire afin de retarder au maximum ce paiement de sorte que compte tenu du montant important de la somme requise, il est indéniable qu'elle a mis à mal la trésorerie de la société Polbati-Mmo.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Considérant qu'aux termes de l'article 809 alinéa 2 du code de procédure civile le président peut, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire ;
Considérant qu'il est constant que la SCI Home a confié à la société Polbati MMO, entreprise générale de bâtiment la réhabilitation de son appartement pour un coût total de 110.000 euros TTC selon devis accepté le 29 décembre 2011 ; que les travaux ont été réalisés de mars à novembre 2012 ;
Considérant que la société Polbati MMO soutient que de nombreux travaux supplémentaires lui ont été demandés par le maître de l'ouvrage et qu'ils n'ont fait l'objet d'aucune réserve de la part de ce dernier qui n'a cependant pas réglé les factures n° 13.813.2 M de 27.990,92 euros et n° 13.644 M de 10.700 euros sur laquelle il reste dû la somme de 9.700 euros ;
Que la SCI Home s'oppose au paiement de ces sommes au motif qu'elle n'a pas accepté les travaux supplémentaires réalisés alors que l'article 1793 du code civil impose une autorisation préalable du maître de l'ouvrage et qu'il n'y a pas eu de réception des travaux qui sont affectés de désordres ;
Considérant que l'article 1793 du code civil est vainement invoqué par l'appelante dans la mesure où il interdit aux entrepreneurs toute demande en supplément de prix pour les changements ou augmentations apportés au plan initial dans le cadre d'un marché à forfait pur et simple, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ;
Considérant par ailleurs qu'il est établi avec l'évidence requise en référé qu'au vu de l'examen des deux factures impayées produites ainsi que des devis relatifs aux travaux supplémentaires versés aux débats, dont seuls les devis n° 487.11, 499.12, 575.12, 581.12,598.12 et 622.13 ne sont pas signés, que la SCI Home a réglé partiellement les travaux supplémentaires réalisés après devis non signé par elle de sorte qu'elle a ainsi manifesté son autorisation pour leur réalisation ; qu'au demeurant elle ne conteste pas la réalité de ces travaux ni avoir formé la moindre réclamation sur leur réalisation ;
Considérant que l'absence de procès verbal de réception n'est pas non plus de nature à constituer une contestation sérieuse à la demande de provision dès lors qu'il est constant que le chantier est terminé depuis plusieurs années, qu'il a été livré et que la SCI Home n'a émis aucune réserve sur la qualité des prestations réalisées par la société Plobati-MMO ;
Considérant par ailleurs qu'il ressort du rapport d'expertise réalisé par M. [Q], désigné par ordonnance de référé du 5 novembre 2013 dans le cadre du litige opposant le syndicat des copropriétaires à la SCI Home du fait de la réalisation des travaux par la société Polbati MMO, que 'les travaux ont fait l'objet de plans et d'une note de calculs établis par le BET BT CONSULTING. L'examen de ces documents par l'expert n'a pas donné lieu à aucune observation particulière. La justification de la reprise ainsi que la description des conditions de mise en oeuvre des renforts est conforme aux règles de l'art' (page 29) ; que l'expert précise encore en page 39 de son rapport que 'la société (Polbati MMO) n'a commis aucune faute' et que ces travaux ne présentent aucune non conformité tant dans leur conception que dans leur étude technique et dans la méthodologie de mise en oeuvre ; qu'il s'ensuit que la société Home n'est pas fondée à soutenir que les travaux réalisés par la société Polbati-MMO seraient affectés de désordres et la demande de provision de cette dernière n'est pas sérieusement contestable, l'ordonnance entreprise étant confirmée de ce chef sauf à préciser que la somme de 37.690,92 euros portera intérêt au taux légal à compter du 17 juillet 2017, date de l'assignation en référé faute pour la société Polbati-MMO de justifier d'une mise en demeure antérieure à cette date ;
Considérant la société Polbati-MMO réclame la condamnation de la SCI Home à lui payer la somme de 5.000 euros à titre de provision à valoir sur les dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1240 du code civil exposant qu'elle a fait preuve de résistance abusive dans le non paiement de ses factures ;
Considérant que l'exercice d'une action en justice de même que la défense à une telle action constitue en principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner lieu à l'octroi de dommages-intérêts que lorsqu'est caractérisée une faute en lien de causalité directe avec un préjudice ; qu'en l'espèce, un tel comportement de la part de l'appelante n'est pas caractérisé ; que la demande de la société Polbati-MMO doit être rejetée ;
Considérant que la demande de la SCI Home au titre de l'article 32-1 du code de procédure civile doit être déclarée irrecevable dès lors qu'elle ne peut être mise en oeuvre que de la propre initiative de la juridiction, les parties ne pouvant avoir aucun intérêt moral au prononcé d'une amende civile à l'encontre de leur adversaire ;
Considérant que le sort des dépens et de l'indemnité de procédure a été exactement réglé par le premier juge ;
Qu'à hauteur de cour, il convient d'accorder à la société Polbati-MMO, contrainte d'exposer de nouveaux frais pour se défendre, une indemnité complémentaire sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile dans les conditions précisées au dispositif ci-après ;
Que partie perdante la SCI Home ne peut prétendre à l'allocation d'une indemnité de procédure et supportera les dépens d'appel ;
PAR CES MOTIFS
Confirme l'ordonnance entreprise ;
Y ajoutant ;
Dit que la somme de 37.690,92 euros due par la SCI Home à titre de provision à la société Polbati-MMO portera intérêts au taux légal à compter du 17 juillet 2017;
Déclare la SCI Home irrecevable en sa demande de condamnation de la société Polbati-MMO au paiement d'une amende civile ;
Dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de provision de la société Polbati-MMO fondée sur l'article 1240 du code civil ;
Condamne la SCI Home à payer à la société Polbati-MMO la somme de 2.000 euros au titre des dispositions prévues par l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SCI Home aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT