Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 3
ARRET DU 07 MAI 2018
(n° 2018/82, 82 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 16/11155
Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Mars 2016 -Tribunal de Grande Instance d'Evry - RG n° 13/04068
APPELANT
Monsieur [W] [K]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représenté et assisté de Me Françoise ELLUL-GREFF de la SCP ELLUL-GREFF-ELLUL, avocat au barreau d'ESSONNE
INTIMES
Monsieur [F] [K]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Défaillant
Société CORA agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentée par Me Pascale NABOUDET-VOGEL de la SCP SCP NABOUDET - HATET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046
Société ROYAL & SUN ALLIANCE GROUP INSURANCE PLC 'RSA' agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège
[Adresse 4]
[Adresse 4]
Représentée par Me Pascale NABOUDET-VOGEL de la SCP SCP NABOUDET - HATET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046
Société FRANCE INDUSTRIELLE GESTION & ADMINISTRATION 'FIGA agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège
[Adresse 5]
[Adresse 5]
Représentée par Me Pascale NABOUDET-VOGEL de la SCP SCP NABOUDET - HATET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Mars 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Thierry RALINCOURT, Président de chambre, et Mme Clarisse GRILLON, Conseillère, chargée du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Thierry RALINCOURT, Président de chambre
Mme Clarisse GRILLON, Conseillère
MME Sophie REY, Conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Zahra BENTOUILA
ARRÊT : Réputé contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par M. Thierry RALINCOURT, président et par Mme Zahra BENTOUILA, greffier présent lors du prononcé.
******
Le 19 juillet 2011, vers 15 heures 30, [H] [C] épouse [K], née le [Date naissance 1] 1932 et alors âgée de 79 ans, a été victime d'une chute alors qu'elle se trouvait au niveau du sas de sortie de la galerie marchande de l'enseigne CORA à [Localité 1] (91).
Prise en charge par les sapeurs pompiers, elle a été transportée au centre hospitalier [Établissement 1] de [Localité 1], où a été diagnostiquée une fracture du col du fémur gauche.
Opérée le 21 juillet 2011 aux fins de pose d'une prothèse, [H] [C] épouse [K] est décédée à l'hôpital le 25 juillet 2011 à 19 heures 45.
[L] [K] a fait assigner la société CORA et son assureur, la société ROYAL & SUN ALLIANCE GROUP INSURANCE PLC, en réparation de son préjudice moral et remboursement des frais funéraires.
[L] [K] étant décédé le [Date décès 1] 2013, ses héritiers, [W] [K] et [F] [K], sont intervenus volontairement pour reprendre la procédure initiée par leur père, en réclamant en outre la réparation de leurs préjudices moraux, tout en appelant dans la cause le syndicat des copropriétaires de la SCI de l'Etang, pris en la personne de son syndic, la société FRANCE INDUSTRIELLE GESTION & ADMINISTRATION.
Par jugement du 25 mars 2016 (instance n° 13-04068), le Tribunal de grande instance d'Evry a, essentiellement :
- mis hors de cause la société CORA et son assureur, et en conséquence débouté [W] [K] et [F] [K] de leurs demandes à leur égard,
- retenu que le lien de causalité entre la chute d'[H] [C] épouse [K] le 19 juillet 2011 et son décès survenu le 25 juillet 2011 n'est pas établi, et en conséquence débouté [W] [K] et [F] [K] de leurs demandes en indemnisation des préjudices consécutifs au décès de leur mère,
- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné [W] [K] et [F] [K] aux dépens.
Sur appel interjeté par déclaration du 18 mai 2016, et selon dernières conclusions notifiées le 7 novembre 2016, il est demandé à la Cour par [W] [K] de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré le syndicat des copropriétaires de la SCI de l'Etang, pris en la personne de son syndic, la société FIGA, responsable, en sa qualité de gardien du tourniquet, de la chute d'[H] [C] épouse [K],
- infirmer le jugement en ce qu'il a refusé de reconnaître le lien de causalité entre cette chute et le décès survenu après l'opération du col du fémur le 25 juillet 2011 et refusé toute indemnisation au titre du préjudice moral de feu [L] [K] et du préjudice de [W] [K],
- statuant à nouveau, condamner le syndicat des copropriétaires au paiement de la somme de 15.000 euros correspondant à la part de [W] [K] venant aux droits de son père, du chef du préjudice moral subi par ce dernier, outre la moitié des frais funéraires soit la somme de 2.341,50 euros,
- condamner en la même solidarité (sic) le syndicat des copropriétaires de la SCI de l'Etang pris en la personne de son syndic, la société FIGA, au paiement de la somme de 15.000 euros au titre du préjudice moral subi personnellement par [W] [K],
- le condamner au paiement des sommes de 3.000 euros en première instance et 3.000 euros en cause d'appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile et dire la société CORA, son assureur et la société FIGA mal fondées en leurs demandes au même titre.
Selon dernières conclusions notifiées le 20 septembre 2016, il est demandé à la Cour par la société CORA, la société FRANCE INDUSTRIELLE GESTION & ADMINISTRATION (ci-après la société FIGA) ès qualités et la société ROYAL & SUN ALLIANCE INSURANCE PLC de :
$gt; à titre principal :
- confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté l'ensemble des demandes de [W] [K] à l'encontre des sociétés CORA, RSA et FIGA, et en conséquence, le débouter de l'ensemble de ses demandes à leur encontre et les mettre hors de cause,
$gt; à titre subsidiaire, en cas d'infirmation du jugement :
- débouter [W] [K] de sa demande au titre du préjudice moral de feu [L] [K],
- ramener la demande de [W] [K] au titre de son préjudice moral à la somme de 2.500 euros,
- le débouter de ses plus amples demandes,
$gt; en tout état de cause :
- condamner [W] [K] à leur payer la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS de l'ARRÊT
Les parties s'accordent sur la mise hors de cause de la société CORA et de son assureur, de sorte que le jugement entrepris sera confirmé sur ce point, l'action étant dirigée à l'encontre de la société FIGA en sa qualité de syndic du syndicat des copropriétaires de la SCI L'Etang, gardienne du tourniquet situé à l'entrée de la galerie commerciale CORA.
Elles s'opposent en revanche :
- sur la responsabilité du syndicat des copropriétaires en raison du rôle causal du tourniquet dans la chute accidentelle d'[H] [K] retenu par les premiers juges,
- sur le lien de causalité entre la chute et le décès de cette dernière.
1 - Sur la responsabilité du syndicat des copropriétaires
[W] [K] fait valoir :
- qu'il résulte de l'article 6 du règlement de copropriété communiqué par la société CORA que les parties communes comprennent 'les voies de desserte principales ou secondaires et les portes et portails d'accès à l'ensemble immobilier' ; que les pièces versées aux débats établissent que l'accident s'est produit à l'entrée du centre commercial et à proximité de la cafétéria, soit dans une voie de desserte principale, partie commune ; que la mise en cause du syndicat des copropriétaires, représenté par la société FIGA, syndic de copropriété, est ainsi justifiée et sa responsabilité susceptible d'être engagée en qualité de gardien des équipements installés sur les parties communes,
- qu'il y a concordance entre la déclaration d'[H] [K] faite au médecin urgentiste et le témoignage de son époux, [L] [K], sur la survenance de l'accident, le 19 juillet 2011 à 16h16, 'dans un tourniquet, avec arrêt brusque et redémarrage brusque du tourniquet',
- que le rapport établi par l'enquêteur désigné par la MAIF, assureur de [L] [K], corrobore les déclarations de la victime et de son époux, tandis que la brutalité du choc causé par le tourniquet, qui est venu heurter violemment la victime, est corroborée par la gravité de sa blessure (fracture du col du fémur),
- que le caractère dangereux de ce tourniquet, décrit par le manager de la cafétéria du centre commercial, est amplifié par la nature du sol à hauteur du sas, constitué de carreaux de carrelage poli et brillant, ce qui le rend particulièrement glissant lorsqu'il est mouillé, comme le jour de l'accident puisqu'il pleuvait, et que la chute pouvant ainsi avoir été causée par le fonctionnement dangereux du tourniquet et par le sol glissant en raison de la pluie, la responsabilité des défendeurs est engagée sur le fondement de l'article 1384 alinéa 1 du code civil, la chose dangereuse ayant été l'instrument du dommage,
- que le témoignage d'[U] [Y], manager de rayon, qui prétend que la victime aurait été bousculée par un tiers, ne saurait prévaloir en raison du lien de subordination l'unissant à la société CORA, alors qu'il a été recueilli trois mois après les faits et que ni le manager de la cafétéria du centre commercial ni aucun de ses collaborateurs n'a été témoin de la chute ; qu'il en est de même pour la déclaration de [I], secouriste, qui mentionne que la victime aurait été bousculée par un client sans avoir été témoin de la chute.
Les intimées contestent la matérialité des faits, aux motifs :
- que les premiers juges se sont fondés sur les seules déclarations du conjoint de la victime, en l'absence de témoin oculaire susceptible d'étayer sa version des faits, dont la matérialité ne repose sur aucune pièce suffisante ou sérieuse,
- qu'il existe une divergence entre cette version des faits et le témoignage d'[U] [Y] concernant le lieu exact de la chute, et que la déclaration du secouriste, [I], mentionne le fait d'un tiers,
- que compte tenu du lien marital de [L] [K] avec la victime, il ne peut être soutenu que ce témoignage serait probant alors que celui d'[U] [Y] ne le serait pas en raison de son lien de subordination avec la société CORA, bien que conforme aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile,
- que le certificat descriptif du médecin urgentiste a été établi sur la seule déclaration de la victime, que l'attestation établie par les pompiers ne contient aucun élément sur les circonstances exactes de l'accident, enfin que le rapport établi par l'enquêteur de la MAIF, pour servir la cause de son assuré, contient des éléments non étayés de manière contradictoire et ne leur est donc pas opposable.
Les intimées écrivent, en page 5 des conclusions, que le tourniquet incriminé, qui permet de pénétrer dans la galerie commerciale dans laquelle se trouvent le magasin exploité par la société CORA mais également d'autres commerces, est situé dans une partie commune, 'si bien que la question de la responsabilité du fait des choses concerne la copropriété, propriétaire des murs du centre commercial (ou son syndic) et non la société CORA'.
En droit, l'article 1242 alinéa 1er (anciennement 1384 alinéa 1er) du code civil dispose : on est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde.
Le syndicat des copropriétaires ne conteste pas sa qualité de gardien du tourniquet litigieux, mais la matérialité des faits du 19 juillet 2011, soit l'intervention du tourniquet comme instrument du dommage subi par [H] [K].
En fait, il est établi que le 19 juillet 2011 vers 15 heures 30, [H] [K], âgée de 79 ans, se trouvait au niveau du sas de sortie de la galerie marchande de l'enseigne CORA de [Localité 1] lorsqu'elle a été victime d'une chute.
Les déclarations de l'intéressée concernant les circonstances de l'accident ont donné lieu à la rédaction par le Docteur [N] [L], médecin urgentiste de l'hôpital [Établissement 1] de [Localité 1], d'un certificat médical daté du jour même, ainsi rédigé
'Je soussigné (...) certifie que Madame [H] [K], née le [Date naissance 2]/1932, a été examinée à la consultation des Urgences le 19/07/2011 à 16h16, et m'a déclaré avoir été victime d'un accident dans un centre commercial. L'accident était survenu dans un tourniquet, avec arrêt brusque et redémarrage brusque du tourniquet, entraînant la chute de la patiente. La patiente présentait un traumatisme de la hanche gauche, avec une fracture du col du fémur gauche nécessitant une intervention chirurgicale.'
[L] [K], époux de la victime et présent à ses côtés lors des faits, a rédigé le 21 juillet 2011, alors que son épouse était hospitalisée, une déclaration d'accident rédigée dans les termes suivants :
'Ma femme était engagée dans le sas de la porte-tourniquet pour sortir. La porte s'est soudain arrêtée (sans doute un enfant a-t-il heurté ou touché la porte, ce qui provoque son arrêt). Elle s'est brutalement remise en marche et a heurté violemment ma femme, la déséquilibrant et la projetant en avant avec force. Ma femme a chuté sur le côté gauche. Elle ne pouvait se relever, ne pouvant prendre appui sur sa jambe gauche. Un vigile est intervenu, appelant le service de sécurité. Elle a été transportée à l'infirmerie du magasin sur un fauteuil roulant. Les pompiers, appelés par le service sécurité, l'ont transportée aux urgences de l'hôpital [Établissement 1] de [Localité 1], où a été diagnostiqué une fracture du col du fémur gauche. Je, soussigné, certifie l'exactitude de cette déclaration.'
Les circonstances de l'accident sont ainsi rapportées par le médecin ayant recueilli les déclarations de la victime et de son époux, de manière précise et concordante s'agissant du rôle causal du tourniquet dans l'accident.
Aucun témoin ne s'est manifesté dans les suites immédiates de l'accident.
Le rapport d'intervention établi le jour même par [M] [I], secouriste du service sécurité incendie du magasin CORA, qui n'a pas été témoin de la scène, précise : 'D'après les dires de la dame, elle aurait été bousculée par un client'. Ainsi rapportés, les déclarations de la victime ne correspondent ni à celles mentionnées par le médecin des urgences dans le certificat précité, ni à la version présentée par [I] [K], témoin direct des faits et dont les premiers juges ont souligné avec justesse que sa qualité d'époux de la victime ne suffit pas à remettre en cause la sincérité de ses déclarations, dont le contenu est conforté par les éléments objectifs du dossier.
Etablie le 3 octobre 2011, soit plusieurs semaines après l'accident, l'attestation d'[U] [Y], manager de rayon, est rédigée comme suit : 'Le 19 juillet 2011 à 15h45, je me trouvais à l'extérieur du magasin CORA (illisible) l'entrée devant la cafétéria (voir croquis ci-joint [situant la victime à deux mètres du sas d'entrée de la galerie commerciale]). J'ai entendu un cri et en me retournant j'ai vu une dame qui tombait en arrière face au sas d'entrée. Cette dame est d'abord tombée sur les fesses puis le dos sans que la tête ne touche le sol. Deux clients, qui se trouvaient eux aussi à proximité, l'ont aidée à se relever et l'ont accompagnée sur un banc. J'ai aussitôt appelé par téléphone le SIAP de service qui l'a prise en charge en l'emmenant à l'infirmerie sur un fauteuil roulant.'
Il n'est pas contesté que ce témoin est un salarié de la société CORA. Il apparaît pour le moins étonnant que son témoignage n'ait pas été recueilli immédiatement après les faits, dont il semble n'avoir été témoin que pour partie puisqu'il ne s'est retourné qu'après avoir été alerté par un cri, de sorte qu'il n'explique pas les raisons de la chute. Il ne décrit pas davantage une bousculade par un tiers, telle qu'évoquée dans le rapport du secouriste, alors que ce tiers se serait nécessairement trouvé à proximité immédiate du lieu des faits et aurait été désigné comme le responsable de la chute, même involontairement, par les personnes présentes.
Enfin, l'appelant verse aux débats un rapport d'enquête dressé à la demande de la MAIF le 28 novembre 2011 par [O] [G], agent de recherches privées agréé en Préfecture. Régulièrement communiqué et soumis à la discussion contradictoire des parties, ce rapport, qui corrobore les éléments de preuve versés aux débats, est opposable aux intimées.
L'enquêteur a procédé aux constatations suivantes, lors d'un transport sur les lieux le 23 novembre 2011 (page 5 du rapport) :
'Le sol du sas-tourniquet est constitué de carreaux de carrelage poli et brillant, ce qui le rend particulièrement glissant lorsqu'il est mouillé, ce qui était le cas le jour du sinistre puisqu'il pleuvait ce jour-là. (...) Je constatais que ce sas-tourniquet est divisé en quatre compartiments et qu'il tourne automatiquement relativement vite, tant ses quatre cellules (deux à l'extérieur de la galerie marchande, deux à l'intérieur) détectent des personnes en approche ; sinon il s'arrête automatiquement et repart dès qu'une personne en approche à nouveau. Son mouvement est vif et rapide. Deux agents de sécurité du centre (...) m'indiquèrent aussi que le sas-tourniquet s'arrête également instantanément lorsque l'un des montants de ses quatre compartiments est poussé ou tiré par une personne ou un objet (chariot), et repart automatiquement après une temporisation de quelques secondes ; ils m'en firent la démonstration, concluante. Je remarquais que lorsque le tourniquet repart, sans signal sonore ou visuel préalable, sa vitesse paraît suffisante pour déséquilibrer une personne qui se trouverait poussée par le montant qui lui arriverait dans le dos'.
Il a pris contact téléphoniquement avec le manager de la cafétéria, qui lui a déclaré que ni lui ni ses collaborateurs n'avaient été témoins de la chute. Il précise : 'Il m'indiqua qu'il arrive de temps en temps que des gens, généralement des personnes âgées, chutent dans le sas-tourniquet situé à quelques mètres devant la cafétéria et qu'il arrive aussi que celui-ci s'arrête et reparte brusquement, suite à un arrêt de sécurité provoqué par un contact sur l'un des montants' (page 4 du rapport).
Parmi les deux seuls commerces dont les occupants auraient pu avoir été témoins des faits (soit la cafétéria et le service après-vente du magasin CORA), l'enquêteur indique n'avoir découvert aucun témoin oculaire de la chute du 19 juillet et ajoute :'La jeune femme tenant le comptoir du service après-vente de l'hypermarché CORA me déclara avoir été présente au mois de juillet 2011 mais 'ne pas se souvenir particulièrement' de la chute de Madame [K] le 19 juillet dans l'après-midi, car 'il est assez fréquent que des gens chutent dans le sas-tourniquet, à cause de sa vitesse trop élevée' (page 6 du rapport).
Il se déduit de l'ensemble de ces éléments que le tourniquet en mouvement situé à l'entrée de la galerie commerciale a bien été l'instrument du dommage subi par [H] [K] le 19 juillet 2011.
Faute pour le syndicat des copropriétaires de la SCI de l'Etang de prouver l'existence d'un cas fortuit ou de force majeure ou d'une cause étrangère, sa responsabilité est engagée sur le fondement du texte précité en sa qualité de gardien de la chose à l'origine du dommage.
2 - Sur le lien de causalité entre l'accident du 19 juillet 2011 et le décès survenu le 25 juillet 2011
[W] [K] soutient que le lien de causalité entre l'accident et le décès de sa mère est établi, aux motifs :
- qu'[H] [K] a été opérée le 21 juillet 2011 avec pose d'une prothèse intermédiaire et que les suites opératoires initiales ont été simples, l'intéressée ayant bénéficié d'un traitement antalgique et d'un traitement par HBPM, avec reprise rapide de la marche avec déambulateur associée à une kinésithérapie quotidienne,
- qu'aucune anomalie n'a été constatée au cours de l'intervention chirurgicale, l'embolie pulmonaire et le problème cardiaque s'étant déclarés en post-opératoire ainsi qu'il résulte du compte rendu opératoire ('arrêt cardiaque sur probable embolie pulmonaire à J3 post-opératoire d'une prothèse fémorale, chez une patiente de 79 ans, porteuse d'un asthme ancien avec possible c'ur pulmonaire chronique'),
- que l'embolie pulmonaire est une suite connue de l'opération du col du fémur, et que le compte rendu d'hospitalisation du 25 juillet 2011, qui fait état d'une complication post-opératoire consistant en un arrêt cardiaque sur embolie pulmonaire, permet d'établir un lien de causalité direct entre l'accident et le décès de sa mère, survenu trois jours après la pose d'une prothèse de hanche, le chirurgien évoquant dans son certificat du 3 août 2011 un décès 'consécutif à la chute et à la fracture du col du fémur survenue le 19 juillet 2011',
- que la fracture du col du fémur est une pathologie connue chez les personnes âgées dont la probabilité de réussite sans séquelle est des plus réduites, et que les premiers juges ne pouvaient considérer que le décès a eu pour cause l'état antérieur d'[H] [K], soit un asthme ancien et un problème pulmonaire alors qu'au regard de son âge (79 ans) et des risques inhérents à toute opération, notamment en post-opératoire, il ne saurait être contesté qu'en l'absence de chute, elle ne serait certainement pas décédée six jours plus tard d'une embolie pulmonaire, qui a été la suite de l'opération du col du fémur causée par l'accident.
Les intimées sollicitent la confirmation du jugement entrepris, en faisant valoir :
- qu'il suffit de lire le compte rendu d'hospitalisation du 25 juillet 2011 pour constater qu'[H] [K] est décédée d'un arrêt cardiaque sur probable embolie pulmonaire, 'chez une patiente de 79 ans porteuse d'un asthme ancien avec possible coeur pulmonaire chronique',
- qu'il apparaît par ailleurs, outre l'embolie pulmonaire et l'état asthmatique antérieur à l'accident, que suite à l'intervention du 21 juillet 2011, l'intéressée a suivi un traitement avec reprise de la marche en post-opératoire associée à une kinésithérapie quotidienne, éléments dont on ne peut exclure qu'ils aient pu jouer un rôle dans le malaise survenu le 25 juillet 2011,
- qu'en tout état de cause, [W] [K] ne rapporte pas la preuve d'un lien de causalité direct entre le décès de sa mère et la chute imputée au tourniquet du centre commercial.
Il est établi que le 19 juillet 2011, [H] [K] a été prise en charge par le service des urgences à son arrivée à l'hôpital [Établissement 1] de [Localité 1], 'pour une fracture du col fémoral gauche sur chute mécanique', comme indiqué dans le compte rendu d'hospitalisation versé aux débats.
Hospitalisée en orthopédie dans le service du Docteur [P] [A] et traitée par traction collée, elle a été opérée le 21 juillet 2011 pour la pose d'une prothèse intermédiaire, les suites opératoires initiales étant décrites comme 'simples', la patiente bénéficiant d'un traitement antalgique et par HBPM, avec reprise rapide de la marche avec déambulateur en post-opératoire, associée à une kinésithérapie quotidienne.
Le décès d'[H] [K] est survenu le 25 juillet 2011, dans les conditions décrites dans le compte rendu d'hospitalisation du Docteur [B] [Z], anesthésiste réanimateur du service de réanimation médicale polyvalente de l'hôpital [Établissement 1].
Suite à une chute avec malaise le 25 juillet 2011 dans l'après-midi, [H] [K] a été immédiatement prise en charge pour un grave problème cardiaque et transférée en réanimation, avec au cours du transport une nouvelle dégradation de son état hémodynamique. A son entrée dans le service, elle présentait sur le plan neurologique un Glasgow 3, de pupilles en mydriase non réactives, une absence de réflexes oculo-moteurs, les bruits du coeur étant lents et peu audibles avec une absence de souffle audible. L'évolution a été marquée par une récidive de bradycardie confinant à l'arrêt cardiaque. Les thérapeutiques instaurées ont permis de récupérer transitoirement une activité cardiaque, mais la persistance d'une tension artérielle imprenable, l'hypothèse d'une embolie pulmonaire sur coeur pulmonaire chronique étant évoquée au vu de l'échocardiographie réalisée dès son entrée dans le service.
Après un nouvel épisode d'arrêt cardiaque, le décès d'[H] [K] a été constaté à 19h45, une heure après sa prise en charge dans le service de réanimation.
Le Docteur [B] [Z] conclut comme suit son compte rendu d'hospitalisation : 'arrêt cardiaque sur probable embolie pulmonaire à J3 post-opératoire d'une prothèse fémorale, chez une patiente de 79 ans, porteuse d'un asthme ancien avec possible coeur pulmonaire chronique.'
La cause du décès est confirmée en ces termes par le Docteur [A] du service de chirurgie orthopédique et traumatologique de l'hôpital, dans un certificat établi le 3 août 2011 à la demande de [L] [K] : 'Cette patiente est décédée dans les suites d'une fracture du col du fémur, d'une probable embolie pulmonaire massive. Le décès est consécutif à la chute et à la fracture du col du fémur survenues le 19 juillet 2011'.
Le désaccord des parties porte sur l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre le décès constaté le 25 juillet 2011 et la chute accidentelle survenue le 19 juillet 2011.
Il n'est pas contestable que l'opération réalisée le 21 juillet 2011, pour la pose d'une prothèse, est en lien direct et certain avec la chute survenue dans les conditions rappelée ci-dessus. Aucune pièce versée aux débats ne démontre que cette opération n'aurait pas été réalisée dans les règles de l'art ou que l'état de santé d'[H] [K] se serait alors dégradé, puisque le Docteur [Z] écrit au titre de 'l'historique de la maladie' : 'Suites opératoires initialement simples. La patiente bénéficie d'un traitement antalgique et d'un traitement par HBPM. Reprise rapide de la marche avec déambulateur en post-opératoire associée à une kinésithérapie quotidienne'.
L'appelant ne produisant ni le compte rendu du Docteur [A] ayant réalisé cette intervention chirurgicale, ni aucun élément relatif à la prise en charge post-opératoire, la pose de la prothèse fémorale le 21 juillet 2011, consécutive à la chute accidentelle, est présumée avoir été réalisée dans le respect des règles de l'art et dans des conditions satisfaisantes pour la patiente.
Alors que cette dernière était toujours hospitalisée, sa chute en fin d'après-midi du 25 juillet 2011 a révélé un grave problème cardiaque, qui malgré une prise en charge immédiate a entraîné son décès, constaté une heure après son arrivée dans le service de réanimation. Aucun élément n'est communiqué relatif au déroulement de l'hospitalisation et à la prise en charge d'[H] [K] entre l'intervention réalisée le 21 juillet et la chute avec malaise du 25 juillet. Il semble dès lors que les arrêts cardiaques successifs à l'origine du décès sont survenus de manière soudaine et non prévisible, alors que la patiente était hospitalisée dans le service de chirurgie orthopédique et sous surveillance médicale, la marche étant reprise avec l'aide d'un déambulateur et une assistance quotidienne de kinésithérapie.
Il se déduit de ces éléments que le lien de causalité n'est établi de manière directe et certaine ni entre le décès et l'intervention de chirurgie orthopédique du 21 juillet 2011, dont les suites opératoires initiales n'ont révélé aucune difficulté particulière au vu des pièces médicales communiquées, ni a fortiori entre le décès et la chute accidentelle du 19 juillet 2011.
Tout en écrivant de manière contradictoire, en page 4 des conclusions : 'il résulte du compte rendu d'hospitalisation que ce n'est pas un épisode de l'opération chirurgicale qui est cause du décès', puis en page 5 : 'il s'avère que l'embolie pulmonaire est une suite connue d'une opération du col du fémur', l'appelant affirme que la fracture du col du fémur est 'une pathologie tristement connue chez les personnes âgées dont la probabilité de réussite sans séquelle est des plus réduites' (page 6). Ces affirmations concernant l'opération du col du fémur ne sont toutefois nullement documentées. De surcroît, le Docteur [A] a nécessairement pris la décision d'une intervention aux fins de pose d'une prothèse en considération des risques liés à la nature de l'intervention au regard à l'âge de la patiente.
[W] [K] soutient par ailleurs que le décès ne peut avoir eu pour cause l'état antérieur de la patiente, 'à savoir un asthme ancien et problème pulmonaire', et 'qu'il ne saurait être contesté qu'en l'absence de chute, la patiente ne serait certainement pas décédée six jours plus tard d'une embolie pulmonaire qui a été la suite de son opération du col du fémur' (page 6). Aucune indication en ce sens ne résulte des deux seules pièces médicales versées aux débats.
De plus, loin de se prononcer sur l'existence d'un lien de causalité entre le décès et la chute accidentelle survenue six auparavant, le Docteur [A], dans le certificat précité du 3 août 2011, rappelle uniquement - et chronologiquement - que la patiente est décédée 'dans les suites' d'une fracture du col du fémur et que le décès 'est consécutif' à la chute et à la fracture survenues le 19 juillet 2011.
Enfin, l'état antérieur d'[H] [K] décrit par le Docteur [Z], soit l'existence d'un asthme ancien avec possible coeur pulmonaire chronique, ne saurait être remis en cause par une simple allégation contraire, alors même qu'il n'est communiqué aucun certificat rédigé par le médecin traitant de l'intéressée, ni aucun élément concernant son état de santé (pathologie(s) éventuelle(s), suivi médical, traitement(s) en cours) avant la survenance des faits.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, la décision rendue par les premiers juges le 25 mars 2016 sera confirmée en ce qu'ils ont considéré, par une juste appréciation des faits de l'espèce, qu'il n'est pas possible 'de dire si l'arrêt cardiaque présenté par la victime est la conséquence directe et certaine de l'accident survenu le 19 juillet 2011, ou de l'intervention chirurgicale du 21 juillet 2011 ou encore de l'état antérieur de la patiente'.
[W] [K] sera par conséquent débouté de l'ensemble de ses demandes.
3 - Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens
Compte tenu de la solution du litige, les dépens d'appel incomberont à [W] [K].
L'équité ne commande pas de faire droit à la demande indemnitaire présentée par les intimées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS,
la Cour
Confirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de grande instance d'Evry en date du 25 mars 2016,
Y ajoutant,
Condamne [W] [K] aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
Rejette toutes demandes autres, plus amples ou contraires.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT