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07/05/2018 | FRANCE | N°16/15172

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 3, 07 mai 2018, 16/15172


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 3



ARRÊT DU 7 MAI 2018



(n° , 14 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 16/15172



Décision déférée à la Cour : Jugement du 7 Juin 2016 - Tribunal de Grande Instance de Paris - RG n° 13/14563





APPELANTE :



SCI DU [Adresse 1] prise en la personne de ses représentants légaux

Immatriculée au RCS

de Paris sous le numéro 320 252 349

[Adresse 2]

75008 PARIS



Représentée par Me Charles-Hubert OLIVIER de la SCP LAGOURGUE & OLIVIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0029

Représentée...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 3

ARRÊT DU 7 MAI 2018

(n° , 14 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 16/15172

Décision déférée à la Cour : Jugement du 7 Juin 2016 - Tribunal de Grande Instance de Paris - RG n° 13/14563

APPELANTE :

SCI DU [Adresse 1] prise en la personne de ses représentants légaux

Immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 320 252 349

[Adresse 2]

75008 PARIS

Représentée par Me Charles-Hubert OLIVIER de la SCP LAGOURGUE & OLIVIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0029

Représentée de Me Caroline WOIRIN plaidant pour la SCPA ROUCH & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque P 395

INTIMÉE :

Société VIZONA, anciennement dénommée VITRA RETAIL, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé

Immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 352 680 318

[Adresse 3]

75017 PARIS

Représentée par Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D2090

Représentée par Me Gina MARUANI de la SCP JACQUIN - MARUANI ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0428

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 février 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Sandrine GIL, conseillère, chargée d'instruire l'affaire, laquelle a été préalablement entendue en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Agnès THAUNAT, présidente de chambre

Madame Marie-Brigitte FREMONT, conseillère

Madame Sandrine GIL, conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Madame Carole TREJAUT

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Madame Agnès THAUNAT, présidente de chambre et par Madame Anaïs CRUZ, greffier présent lors de la mise à disposition.

*****

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte sous seing privé en date du 19 décembre 2003, la SCI DU [Adresse 1] a donné à bail à la société VIZONA divers locaux commerciaux, faisant l'objet de précédents baux distincts entre les parties, situés dans un ensemble immobilier sis [Adresse 3] et [Adresse 1] 75017 Paris, à compter du 1er janvier 2004 pour se terminer le 31 décembre 2012, moyennant un loyer annuel de 91.470 euros HT/HC, la destination étant principalement l'achat, la vente, la représentation de mobiliers, d'installations et agencements pour les entreprises et particuliers.

Par acte d'huissier du 25 juillet 2012, la SCI DU [Adresse 1] a fait délivrer à la société VIZONA un congé comportant refus de renouvellement de bail et proposition d'une indemnité d'éviction, et ce à effet au 31 mars 2013.

Saisi à la requête de la SCI DU [Adresse 1], par ordonnance du 20 décembre 2012, le juge des référés a désigné M. [A] [V] en qualité d'expert aux fins de fournir les éléments permettant d'apprécier le montant de l'indemnité d'éviction et de l'indemnité d'occupation.

Par acte d'huissier du 18 septembre 2013, la SCI DU [Adresse 1] a délivré à la société VIZONA une "sommation valant mise en demeure préalable et congé avec refus de renouvellement sans indemnité d'éviction comportant rétractation du congé avec refus de renouvellement et proposition d'indemnité d'éviction signifié le 25 juillet 2012 à effet au 31 mars 2013."

Par acte d'huissier de justice du 8 octobre 2013, la société VIZONA a fait citer la SCI DU [Adresse 1] principalement aux fins de voir déclarer nulle cette sommation et condamner cette dernière à lui payer une indemnité d'éviction fixée provisionnellement à 1.800.000 euros.

Le 3 septembre 2014, M. [A] [V] a déposé son rapport d'expertise.

Par jugement en date du 7 juin 2016, le tribunal de grande instance de Paris :

- dit que l'existence d'un motif grave et légitime dispensant la SCI DU [Adresse 1] du paiement de l'indemnité d'éviction n'est pas démontrée et qu'en conséquence, la sommation délivrée le 18 septembre 2013 est de nul effet,

- dit que par l'effet du congé comportant refus de renouvellement signifié le 25 juillet 2012, le bail a pris fin le 31 mars 2013,

- dit que ce congé ouvre droit au profit de la société VIZONA au paiement de l'indemnité d'éviction, rappelle que la société VIZONA a droit au maintien dans les lieux jusqu'au paiement de l'indemnité d'éviction,

- débouté la SCI du [Adresse 1] de sa demande tendant à voir ordonner l'expulsion de la Sté VIZONA et de toutes ses demandes subséquentes,

- fixé à la somme de 1.141.610 € (un million cent quarante et un mille six cent dix euros) le montant de l'indemnité d'éviction toutes causes confondues due par la SCI DU [Adresse 1] à la société VIZONA,

- dit que la société VIZONA est redevable à l'égard de la SCI DU [Adresse 1] d'une indemnité d'occupation à compter du 7 novembre 2013 jusqu'à la restitution des lieux,

- fixé le montant de cette indemnité d'occupation à la somme annuelle de 212.633 euros HT/HC,

- dit que la compensation entre le montant de l'indemnité d'éviction et de l'indemnité d'occupation s'opérera de plein droit,

- débouté la société VIZONA de sa demande tendant à voir condamner la SCI DU [Adresse 1] à lui payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts,

- condamné la SCI DU [Adresse 1] à payer à la société VIZONA la somme de 5.000 euros (cinq mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la SCI DU [Adresse 1] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire,

- rejeté les autres demandes,

- condamné la SCI DU [Adresse 1] aux entiers dépens, en ce compris les faits d'expertise et dit qu'ils seront recouvrés avec distraction au profit de Maitre MARUANI, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

La SCI DU [Adresse 1] a relevé appel de ce jugement par déclaration en date du 11 juillet 2016.

Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 6 février 2017, la SCI [Adresse 1] demande à la Cour de :

- Dire et juger la SCI DU [Adresse 1] recevable et bien fondée en son appel,

Y faisant droit,

- Infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf en ce qui concerne le montant de l'indemnité d'occupation retenu et le rejet de la demande de dommages et intérêts de la société VITRA RETAIL,

Statuant à nouveau,

A titre principal,

- Dire et juger que la sociéte VITRA RETAIL anciennement VIZONA a commis une infraction constitutive d'un motif grave et légitime lui déniant tout droit à indemnité d'éviction,

En conséquence

- Valider le congé avec refus de renouvellement sans indemnité d'éviction délivré le 18 septembre 2013,

En conséquence,

- Ordonner l'expulsion immédiate et sans délai de la société VITRA RETAIL et celle de tous occupants de son chef des lieux occupés sis :[Adresse 3] et[Adresse 1], et ce avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier s'il y a lieu.

- Ordonner le transport et la séquestration des meubles et objets mobiliers gamissant les lieux loués dans tel garde-meubles de son choix ou dans tel autre lieu au choix du bailleur, et ce en garantie de toute somme qui pourra étre due.

- Fixer l'indemnité d'occupation due par la société VITRA RETAIL à la SCI DU [Adresse 1] jusqu'à la libération effective des lieux occupés au montant du loyer estimé par l'expert par rapport à la valeur locative, soit la somme de 19.688,25 euros hors taxes et hors charges par mois,

- Condamner la société VITRA RETAIL au paiement de la dite indemnité d'occupation mensuelle jusqu'à libération effective des lieux occupés.

A titre subsidiaire,

- Retenir l'hypothèse du transfert du fonds de commerce de la société VITRA RETAIL,

En conséquence,

- Voir fixer le montant de l'indemnité d'éviction à la somme de 246.080 euros,

- Voir fixer le montant de l'indemnité d'occupation à compter du 1er avril 2013 à la somme annuelle en principal de 212.633 euros hors taxes et hors charges,

- Dire et juger que la compensation entre l'indemnité d'éviction et l'indemnité d'occupation s'opèrera de plein droit,

En tout état de cause,

- Débouter la société VITRA RETAIL de toutes ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires,

- Condamner la société VITRA RETAIL à payer à la SCI DU [Adresse 1] la somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner la société VITRA RETAIL aux entiers dépens, et ce compris les frais d'expertise avancés par la SCI DU [Adresse 1], et les frais de première instance.

Par dernières conclusions en date du 24 avril 2017, la société VIZONA, SARL, demande à la Cour de :

- Dire irrecevable et mal fondée la SCI [Adresse 1] en toutes ses demandes, fins et conclusions, en conséquence, les rejeter,

- Dire recevable et bien fondée la société VIZONA en toutes ses demandes, fins et conclusions en conséquence,

- Confirmer le jugement en date du 7 juin 2016 en ce qu'il a :

' dit que l'existence d'un motif grave et légitime dispensant la SCI DU [Adresse 1] du paiement de l'indemnité d'éviction n'est pas démontrée et qu'en conséquence, la sommation délivrée le 18 septembre 2013 est de nul effet,

' dit que par l'effet du congé comportant refus de renouvellement signifié le 25 juillet 2012, le bail a pris fin le 31 mars 2013,

' dit que ce congé ouvre droit au profit de la Sté VIZONA au paiement d'une indemnité d'éviction,

' rappelé que la société locataire a droit au maintien dans les lieux jusqu'au paiement de l'indemnité d'éviction,

' débouté la SCI DU [Adresse 1] de sa demande tendant à voir ordonner l'expulsion de la locataire et de toutes demandes subséquentes,

' fixé à la somme de 615.000 le montant de l'indemnité principale d'éviction revenant la société locataire,

' fixé à la somme de 61.000 € le montant de l'indemnité de remploi,

' fixé à la somme de 29.000 € au titre des frais de déménagement/administratif,

' fixé à la somme de 39.377 € le montant de l'indemnité de double loyer,

' condamné la SCI DU [Adresse 1] en première instance au paiement d'une somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens comprenant le coût de l'expertise, y ajoutant au paiement d'une somme de 7.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'appel, dont distraction au profit de la SCP Jacquin-Maruani associés,

- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

' limité l'indemnité au titre du trouble commercial à la somme de 212.000 €,

' limité l'indemnité au titre des frais de réinstallation à la somme de 184.733 €,

' fixé à la somme de 212.633 €/an/HT/HC le montant de l'indemnité d'occupation,

' débouté la locataire de sa demande à titre de dommages intérêts,

- Faire droit aux demandes reconventionnelles de l'intimée et statuant à nouveau :

- Fixer le montant de l'indemnité due par la bailleresse au titre du trouble commercial à la somme de 424.000 € HT,

- Fixer le montant de l'indemnité due par la bailleresse au titre des frais de réinstallation et de communication à la somme de 664.000 € HT,

- Fixer en conséquence le montant des indemnités accessoires à la somme de 1.217.877 € HT,

- Fixer le montant de l'indemnité d'occupation due à la somme annuelle de 170.000 € HT/HC à compter du 1er avril 2013,

- Condamner la SCI DU [Adresse 1] à la somme de 100.000 € à titre de dommages intérêts.

A titre infiniment subsidiairement

- Octroyer à la locataire un délai de neuf mois à l'effet de faire libérer la partie des locaux sous loués par la société ANSORG, et ce à compter de la signification à partie de la décision à intervenir.

En tout état de cause,

- Condamner la SCI DU [Adresse 1] au paiement de la somme de 7.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens de première instance et d'appel comprenant les frais d'expertise, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux dernières conclusions précitées des parties pour ce qui concerne l'exposé détaillé de leurs moyens et prétentions.

La clôture est intervenue le 20 décembre 2017.

MOTIFS

A titre liminaire, la société VIZONA a en cours d'instance changé à deux reprises de dénomination sociale devenant la société VITRA RETAIL puis de nouveau la société VIZONA, SARL selon l'extrait Kbis de cette société.

Sur la sommation délivrée le 18 septembre 2013 rétractant l'offre d'une indemnité d'éviction pour motifs graves et légitimes :

La SCI DU [Adresse 1] expose avoir appris au cours des opérations d'expertise que la société VIZONA sous-louait une partie des locaux depuis plusieurs années à la société ANSORG ; que selon les termes du bail du 19 décembre 2003, la sous-location est interdite, sauf à une société du groupe et en ce cas avec l'autorisation préalable de la bailleresse et ce pour une durée de 23 mois. Elle prétend n'avoir donné à la société VIZONA aucune autorisation de sous-location. Elle ajoute que la société ANSORG est une société commerciale distincte de la société VIZONA et qu'il n'est pas démontré que ces deux sociétés feraient partie du même groupe. Elle relève qu'à supposer que le mandataire de l'ancien propriétaire ait autorisé une sous-location à cette société, selon le courrier produit par la société locataire du 16 avril 2004, l'autorisation n'a en tout état de cause été donnée que pour une durée limitée de 23 mois ; qu'il n'est justifié d'aucune autorisation à compter du 1er mars 2006 ; qu'il n'est d'ailleurs produit aucun contrat de sous-location écrit ; que la sous-location ayant excédé en ce cas la durée des 23 mois visée par le mandataire est une sous-location irrégulière. Elle précise que suite à la cession de parts sociales intervenue en décembre 2006, elle n'était pas informée de l'autorisation donnée, pour une courte durée, par le mandataire. Elle fait valoir qu'il n'a pas été mis fin à cette sous-location irrégulière dans le délai d'un mois suite à la délivrance de la sommation puisque la société ANSORG est toujours dans les lieux.

La société VIZONA fait valoir que selon les termes du bail, l'autorisation écrite et préalable de sous-location aux sociétés du même groupe n'est pas nécessaire et que la durée de 23 mois ne s'impose pas dans ce cas. Elle ajoute que la commune intention des parties était d'autoriser une telle sous-location, qu'en revanche si elle souhaitait louer à des sociétés tierces, alors elle devait obtenir l'autorisation préalable de la bailleresse et la limitation des 23 mois s'appliquait. Elle expose que la bailleresse avait connaissance avant la délivrance du congé avec offre de paiement d'indemnité d'éviction de la sous-location d'une partie des locaux à la société ANSORG tel que cela résulte du courrier du mandataire de la bailleresse en date du 16 avril 2004 et qu'elle ne peut donc la rétracter pour ce motif. Elle ajoute que la cession des parts sociales dont se prévaut la SCI DU [Adresse 1] est sans incidence puisque la bailleresse est restée la même personne morale. La société VIZONA conclut que la SCI DU [Adresse 1] ne justifie d'aucun motif grave et légitime pour justifier le refus de renouvellement sans offre d'une indemnité d'éviction.

La cour relève que le bailleur peut être amené à rétracter une offre d'indemnité d'éviction lorsque, postérieurement à la délivrance du congé, le preneur commet des infractions de nature à remettre en cause son droit à indemnité ou s'agissant d'infractions antérieures au congé, lorsque le bailleur en a eu connaissance postérieurement.

L'acte d'huissier du 18 septembre 2013 délivré à la société VIZONA intitulé : ' sommation valant mise en demeure préalable et congé avec refus de renouvellement sans indemnité d'éviction comportant rétractation du congé avec refus de renouvellement et proposition d'indemnité d'éviction ' signifié le 25 juillet 2012 constitue de la part du bailleur la rétractation de l'offre d'indemnité d'éviction qu'il avait faite lors de la délivrance du congé portant refus du renouvellement le 25 juillet 2012.

Ce acte expose notamment que lors du rendez-vous d'expertise du 12 septembre 2013, la société VIZONA a expressément reconnu que la société ANSORG, dont un représentant était présent au rendez-vous, occupait les lieux loués depuis plusieurs années, que l'autorisation préalable écrite du bailleur de sous-louer exigée par l'article 6 du contrat de bail n'a jamais été requise, qu'en outre la sous-location a duré plus de 23 mois durée maximum autorisée par cet article. Elle met en demeure sa locataire de mettre fin à ce manquement à ses obligations contractuelles dans le délai d'un mois sous peine de s'en prévaloir, comme motif gave et légitime de refus de renouvellement sans indemnité d'éviction en application de l'article L 145-17 du code de commerce.

Il n'est pas discuté qu'une partie des locaux donnés à bail à la société VIZONA est occupée par la société ANSORG depuis plusieurs années.

Cette situation est antérieure à la délivrance du congé le 25 juillet 2012 puisque par lettre du 16 avril 2004, M. [R], mandataire de la SCI DU [Adresse 1], accusait réception d'un courrier de la société VIZONA l'informant de l'entrée de la société ANSORG dans les locaux à compter du 1er avril 2004.

Toutefois, la lettre du mandataire faisant état de ce que le bail autorise la sous- location en bail précaire d'une durée de 23 mois, il n'est pas établi que la SCI DU [Adresse 1] avait connaissance de ce que cette société était toujours dans les lieux à la date de la délivrance du congé le 25 juillet 2012. La rétractation est d'ailleurs intervenue postérieurement à la visite contradictoire des lieux le 4 avril 2013 et à la réunion contradictoire organisée par l'expert judiciaire le 12 septembre 2013 à laquelle était présent un représentant de la société ANSORG.

Dans ces conditions, la SCI DU [Adresse 1] peut se prévaloir de la sous-location des locaux à la société ANSORG, qu'elle prétend irrégulière, pour contester le droit à une indemnité d'éviction.

Les dispositions de l'article L 145-31 du code de commerce relatives à la sous-location

n'étant pas d'ordre public en application de l'article L 145-15 du même code, les parties

peuvent y déroger dans leur contrat de bail.

Aux termes du bail commercial du 19 décembre 2003 liant les parties, la société VIZONA s'est expressément obligée à :

' CESSION- S0US-LOCATION

Sous peine de résiliation immédiate et sans préjudice de toutes autres indemnités et dommages-intérêts, le preneur s'engage :

(...)

2°) A ne concéder la jouissance des lieux loués et les sous-louer à qui que ce soit, hormis à une société du même groupe, en tout ou en partie, sous quelque forme que ce soit, même temporairement ou à titre précaire, sans l'autorisation préalable et écrite du bailleur.

La sous-location partielle, si elle venait à être autorisée, n 'entraînerait pas en tout état de cause renonciation à la clause d 'indivisibilité conventionnellement stipulée au profit du bailleur.

D'une façon générale, les conventions de sous-location autorisées devront :

- reproduire les termes du bail que le sous-locataire devra s'engager à respecter dans ses rapports avec le preneur,

- comporter une clause de renonciation à tous recours directs du sous-locataire contre le bailleur, soit en responsabilité, soit pour obtenir le renouvellement du bail directement à son profit,

- être faites pour un montant de loyer au moins égal à celui résultant du bail,

- avoir été approuvées préalablement par le bailleur,

- avoir une durée de 23 mois. '

La précision apportée dans les dispositions relatives à la sous-location par les termes ' hormis à une société du même groupe' introduit une exception quant aux modalités contractuelles de la sous-location : celle-ci ne doit en effet être autorisée par écrit et préalablement par le bailleur que pour les sous-locations à des sociétés n'appartenant pas au même groupe que la société VIZONA. L'emploi du terme ' d'une façon générale ' introduisant les modalités de la sous-location, notamment la durée de 23 mois, ne concerne que les 'conventions de sous-location autorisées ' et ces modalités sont donc exclues pour les sociétés du même groupe pour lesquelles la sous-location ne nécessite pas d'autorisation écrite et préalable.

D'ailleurs, le fait que cette exception attachée aux sociétés du même groupe ressort de l'intention commune des parties est corroborée par la manière dont cette clause a été rédigée à l'origine dans le contrat de renouvellement de bail du 7 novembre 2001 portant sur l'essentiel des locaux en cause, qui a été remplacé par le bail du 19 décembre 2003. L'acte du 7 novembre 2001 comporte en effet une clause dactylographiée relative à la sous- location dans laquelle a été ajoutée au 2°) de façon manuscrite et avec les paraphes des parties, après la mention: ' les sous-louer à qui que ce soit ', la mention: ' hormis une société du même groupe '. Il s'ensuit que si les parties ont ajouté expressément cette exception dans le bail depuis 2001 c'est qu'elles ont voulu lui donner un effet spécifique, de sorte que les dispositions relatives aux ' conventions de sous-location autorisées ' n'ont pas vocation à s'appliquer pour les sociétés du même groupe.

La société VIZONA verse aux débats une attestation de son expert-comptable en date du 26 février 2014 certifiant que les sociétés ANSORG FRANCE et VIZONA FRANCE font partie du même groupe de sociétés, à la tête duquel se trouve la société VITRASHOP HOLDING AG, société de droit suisse. Cette attestation est corroborée par la copie de la liste des comptes consolidés des sociétés du groupe VITRASHOP HOLDING AG pour l'année 2012 mentionnant plusieurs sociétés VIZONA dont celle de Paris et plusieurs sociétés ANSORG dont celle de Paris, la copie d'un organigramme du groupe. Il est ainsi démontré l'appartenance de la société ANSORG au même groupe que la société VIZONA.

La SCI DU [Adresse 1] se prévaut également du constat d'huissier du 19 décembre 2013 selon lequel d'autres sociétés dénommées VISPLAY et VITRASHOP seraient présentes dans les locaux. Mais la mise en demeure comportant rétractation de congé du 18 septembre 2013 ne reproche à la société VIZONA que la seule sous-location consentie à la société ANSORG, de sorte que l'occupation des locaux par d'autres sociétés ne saurait valablement constituer un motif grave et légitime.

En tout état de cause, il ressort du procès-verbal d'assemblée générale extraordinaire du 15 décembre 2000 que la société VITRASHOP est devenue la société VIZONA et qu'elle a pour nom commercial VISPLAY. En outre, la société VIZONA rapporte la preuve que les personnes nommément désignées par l'huissier de justice comme travaillant pour le compte de VISPLAY dans le constat précité sont salariées par la société VIZONA.

Il apparaît donc que la société ANSORG est la seule sous-locataire des locaux qu'elle partage avec la société VIZONA notamment pour l'espace show-room.

Enfin il résulte du courrier précité en date du 16 avril 2004 de M. [R], administrateur de biens représentant la SCI DU [Adresse 1] que les sociétés VIZONA et ANSORG ont informé la bailleresse de la sous-location à la société ANSORG à compter du 1er avril 2004 laquelle a, par la voie de son mandataire, reconnu la validité de la sous-location, bien que M. [R] ait de manière erronée fait référence à une durée de 23 mois. La circonstance que le 30 novembre 2006, l'intégralité des parts sociales de la SCI DU [Adresse 1] ait été cédée à la Sté FONCIERE DE LA MUETTE BROCHANT est inopérante puisque la bailleresse est restée la même personne morale.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, la SCI DU [Adresse 1] ne démontre pas justifier d'un motif grave et légitime la dispensant du versement d'une indemnité d'éviction.

Par conséquent, par l'effet du congé comportant refus de renouvellement signifié le 25 juillet 2012, le bail a pris fin le 31 mars 2013 et en l'absence d'un motif grave et légitime, ce congé ouvre droit au profit de la locataire au paiement de l'indemnité d'éviction prévue, de sorte que le jugement entrepris sera confirmé de ces chefs.

En application de l'article L145-28 du code de commerce, la locataire évincée pouvant prétendre à une indemnité d'éviction a droit au maintien dans les lieux jusqu'au paiement de celle-ci.

Le jugement sera donc également confirmé en ce qu'il a débouté la SCI DU [Adresse 1] de sa demande tendant à voir ordonner l'expulsion de la société VIZONA et des demandes subséquentes.

Sur l'indemnité d'éviction :

Aux termes de l'article L 145-14 du code de commerce, l'indemnité d'éviction est destinée à permettre au locataire évincé de voir réparer l'entier préjudice résultant du défaut de renouvellement.

1. Sur l'indemnité principale

Les parties ne contestent pas le jugement entrepris qui a retenu, suivant les préconisations de l'expert judiciaire, que le fonds est transférable et que l'indemnité principale est constituée par la valeur du droit au bail.

Cette valeur se calcule en fonction de la différence existant entre le loyer du marché et le loyer dû en cas de renouvellement du bail à laquelle un coefficient est appliqué.

Le jugement entrepris a retenu qu'il n'y avait pas de motif de déplafonnement et il s'est référé à un loyer plafonné de 125.410 euros en fonction duquel il a fixé la valeur du droit au bail à 615.000 euros, ce que la société VIZONA demande de confirmer.

La SCI DU [Adresse 1] considère qu'une modification notable des caractéristiques des locaux est intervenue au cours du bail expiré en raison de la création d'un show-room sur la quasi-totalité de la surface du rez-de-chaussée permettant de changer son affectation en créant une surface plus importante pour la réception de la clientèle de la locataire. Selon elle, il convient par conséquent de se référer au loyer déplafonné, soit la somme de 236.259 euros, et elle demande de fixer en conséquence la valeur du droit au bail à 171.644 euros.

Selon le contrat de bail du 19 décembre 2003, les locaux sont loués à destination de ' l'activité d'achat, de vente, de représentation de mobiliers, d'installations et d'agencements pour les entreprises et les particuliers, ainsi que la réalisation et le stockage de prototypes en découlant ', moyennant un loyer annuel de 91.470 euros HT/HC révisable automatiquement à l'issue de chaque période triennale.

Selon le rapport d'expertise judiciaire, les locaux sont situés au [Adresse 3] et à l'angle de la [Adresse 3] et de [Adresse 1], aux sous-sol, rez-de-chaussée, 1er et 2ème étage d'un ensemble composé d'immeubles anciens en maçonnerie enduite. L'expert judiciaire conclut que l'implantation des locaux, qui sont en bon état, est de qualité moyenne pour l'activité exercée, souffrant d'une visibilité médiocre mais bénéficiant d'une bonne accessibilité par les transports en commun. Ces points ne sont pas contestés par les parties.

Les locaux du rez-de-chaussée sont ainsi désignés dans le contrat de bail du 19 décembre 2003 :

. Immeuble [Adresse 3]

- un espace d'exposition et de vente + sanitaires d'environ 350 m²

- un atelier et une réserve de stockage d'environ 70 m²

. [Adresse 3]/[Adresse 1]

- un espace de bureaux d'environ 66 m².

Il ressort du projet d'architecte datant de 2004 que le bâtiment donnant sur la rue [Adresse 3] devait être à destination de show-room pour une surface de 325 m². Dans la mesure où le bail mentionne un espace d'exposition et de vente + sanitaires d'environ 350m², le bailleur ne démontre pas que les travaux entrepris par la société locataire aurait eu pour effet d'augmenter la surface affectée à la réception du public. En outre, selon les plans dressés en 2009, repris dans le rapport d'expertise, figurent au rez-de-chaussée des locaux donnés à bail un show-room de 264,44 m² ainsi les suites show-room et sanitaire pour une surface de 40,07m². Il n'est donc pas démontré par l'appelante une augmentation de la surface affectée à la réception du public entraînant une modification notable des caractéristiques des locaux.

Il s'ensuit que la SCI DU [Adresse 1] ne rapporte pas la preuve du déplafonnement qu'elle allègue et qu'il convient de se référer au loyer plafonné comme retenu par le jugement entrepris.

La cour renvoie à la motivation détaillée du jugement de première instance, en l'absence d'autres moyens de contestation de la valeur du droit au bail soulevés par les parties, qu'elle adopte, de sorte que la valeur du droit au bail s'établit comme suit :

- valeur du marché pour l'ensemble des locaux : 279 170 euros annuels,

- loyer contractuel plafonné résultant de l'application de l'indice : 125.410 euros au 31 mars 2013,

- coefficient de 4 qui n'est pas discuté par les parties et qui est justifié s'agissant d'une situation sans aucune commercialité mais d'un local de qualité constitué de bureaux et d'un show-room en partie sur rue,

soit (279 170 -125 410) x 4 = 615 040 euros.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a fixé l'indemnité principale d'éviction à 615 000 euros (somme arrondie).

2. Sur les indemnités accessoires

La SCI DU [Adresse 1] fait valoir qu'en cas de refus de renouvellement du bail et lorsque le bail comporte une clause d'indivisibilité comme en l'espèce, le sous-locataire est privé de tout recours et il ne peut rien réclamer ; que la société VIZONA ne peut donc prétendre à être indemnisée du préjudice résultant de l'éviction pour elle et pour la société ANSORG. La société VIZONA fait valoir qu'elle a droit à réparation du préjudice résultant de son éviction de la totalité des locaux, y compris la partie sous-louée.

La société locataire ne conteste que les montants de l'indemnité allouée au titre du trouble commercial et l'indemnité allouée au titre des frais de réinstallation alors que la SCI DU [Adresse 1] conteste l'ensemble des montants alloués au titre des indemnités accessoires.

Par application de l'article l'article L 145-32 du code du commerce, en cas de sous-location partielle, le sous-locataire n'a de droit direct au renouvellement que lorsque les lieux objet du bail principal ne forment pas un tout indivisible matériellement ou dans la commune intention des parties.

En l'espèce outre le fait que le bail contient une clause d'indivisibilité conventionnelle, la configuration des locaux, décrite dans le constat d'huissier du 19 décembre 2013 et le rapport d'expertise, révèle qu'ils forment un tout indivisible. Dans ces conditions, la société ANSORG n'a pas droit au renouvellement direct du bail de sorte qu'il n'y a pas lieu de distinguer le préjudice causé spécifiquement à la société VIZONA en raison de sa propre activité, l'ensemble des préjudices résultant de l'éviction devant être pris en compte sans distinguer les sociétés occupantes, la société VIZONA devant être indemnisée du fait de son éviction de la totalité des locaux sous-loués, y compris de la partie sous-louée.

- sur l'indemnité de remploi

Ces frais sont destinés à permettre au locataire évincé de faire face aux frais qu'il devra débourser à l'occasion de l'achat d'un fonds d'une valeur équivalente à celui dont il est évincé et comprennent notamment les droits de mutation et les frais d'agence et de rédaction d'acte.

L'expert judiciaire évalue à 56.810 euros les frais de remploi en appliquant les nouveaux barèmes des droits de mutation sur les cessions de fonds de commerce et estimant à 5% les honoraires de transaction et juridiques soit :

- droits de mutation pour la première tranche de 23 000 € : néant

- droits de mutation pour la seconde tranche de 177 000 € x 3% = 5310 €

- droits de mutation pour la troisième tranche de 415 000 € x 5% = 20 750 €

- frais et honoraires de transaction : 615 000 € x 5% = 30 750 €

La SCI DU [Adresse 1] reprend ces modalités de calcul en les appliquant à l'indemnité principale qu'elle réclamait à hauteur de à 171.644 euros et demande, en conséquence, de fixer l'indemnisation des frais de remploi à 13.041,52 €. La société VIZONA demande l'application du coefficient forfaitaire de 10%.

Le calcul ainsi fait par l'expert judiciaire sur la base des barèmes des droits étant plus précis que l'application d'une indemnité forfaitaire, l'indemnité de remploi sera fixée à la somme de 56.810 euros et non 61 500 euros comme retenu par le jugement de première instance.

- sur le trouble commercial

La SCI DU [Adresse 1] expose que le trouble commercial doit correspondre à trois mois d'EBE et elle critique le choix de l'expert qui s'est basé sur le chiffre d'affaires, ce qui ne correspond pas à la réalité du préjudice de la société VIZONA laquelle a un chiffre d'affaire important mais un taux de rentabilité négatif en 2010 et 2011. Elle propose de se référer à l'EBE retraitée positive de la seule l'année 2012.

La société VIZONA conteste le montant de l'indemnité retenu au titre du trouble commercial au motif qu'il convient de retenir un trouble égal à deux semaines du chiffres d'affaires HT, et non une semaine, comme l'a préconisé l'expert judiciaire.

Mais s'agissant d'une société qui, comme l'a relevé le jugement entrepris, n'a généralement pas d'E.B.E., il convient de se référer au chiffre d'affaires et de retenir une semaine de chiffre d'affaires HT, soit au regard du rapport d'expertise judiciaire, la somme de 212.000 euros, la préconisation de l'expert de retenir deux semaines soit 464 000 euros étant manifestement excessive eu égard à l'activité économique de la société VIZONA.

- sur les frais de déménagement et les frais administratifs

L'expert judiciaire a proposé, au regard des devis présentés dont il a fait la moyenne, une somme arrondie à 26 000 euros retenue par le jugement entrepris.

La SCI DU [Adresse 1] critique les devis retenus par l'expert judiciaire au motif qu'ils incluent le déménagement de la société ANSORG. Mais dés lors que l'ensemble des préjudices résultant de l'éviction doit être pris en compte sans distinguer les sociétés occupantes, ce moyen n'est pas fondé.

Par conséquent la somme de 26 000 euros sera retenue.

Pareillement la somme forfaitaire de 3 000 euros au titre des frais administratifs proposée par l'expert et retenue par le jugement de première instance est appropriée.

C'est donc de manière justifié que le jugement entrepris a retenu la somme de 29 000 euros au titre des frais de déménagement et des frais administratifs.

- sur les frais de réinstallation

L'expert a retenu la valeur d'acquisition actualisée des différents agencements des locaux loués et y a appliqué un coefficient de vétusté de 70% pour fixer les frais de réinstallation à 329.185 euros. Il y ajoute une somme forfaitaire de 4.000 euros au titre des frais de communication, soit un montant proposé de 333.000 euros au titre des frais de réinstallation.

La SCI DU [Adresse 1] estime que l'indemnité de réinstallation ne doit être réglée que sur justificatifs et elle demande de retenir une somme de 2.000 euros au titre des frais de communication faisant valoir qu'il n'y a pas lieu de prendre en compte ceux de la société ANSORG.

La société VIZONA demande de retenir un coefficient de vétusté de 40% ainsi que la valeur d'acquisition actualisée proposée par l'expert que le jugement entrepris n'a pas reprise.

Le locataire qui dispose d'un droit au maintien dans les lieux jusqu'au paiement de l'indemnité d'éviction est fondée à réclamer la prise en compte de ses frais de réinstallation sans que celle-ci ne soit différée comme le sollicite la SCI DU [Adresse 1].

Il ressort du rapport d'expertise judiciaire que des devis de dépose, démolition des agencements existants et nouveaux agencements et installations dans les locaux, d'installation réseau et infrastructure ainsi que des devis de fourniture de mobilier de bureau ont été fournis par la locataire et l'expert a recensé les travaux réalisés dans les locaux sous forme de tableau.

C'est à juste titre que le jugement entrepris a considéré qu'il n'y avait pas lieu de réactualiser la valeur d'acquisition des différents agencement qui seront conservés pour leur valeur nominale, soit un total de 602.446 euros.

Le coefficient de vétusté de 70% proposé par l'expert sera retenu étant observé que l'expert judiciaire a relevé que la valeur d'acquisition des agencements est sans rapport avec la valeur nette comptable et que certains des aménagements datent des années 90. En conséquence, les frais de réinstallations seront fixés à 180.733 euros (602.446 x 30%)

Les frais de communication de 4.000 euros proposés par l'expert seront retenus, le moyen soulevé par la SCI DU [Adresse 1] tiré du fait que ces frais comprennent pour partie la société ANSORG étant inopérant.

En conséquence, c'est de manière justifiée que le jugement de première instance a retenu la somme de 184.733 euros au titre des frais de réinstallation et de communication.

- sur les frais de double loyer

Il peut être pris en compte un poste spécifique de " double loyer ", correspondant à l'indemnisation du préjudice complémentaire subi par le preneur, contraint pour effectuer ses opérations de déménagement et réaménagement des nouveaux locaux, de conserver les anciens locaux parallèlement aux nouveaux.

Au regard de l'état des locaux et en l'absence d'aménagements spécifiques, l'expert retient deux mois de loyer sur la base de la valeur locative, soit 39.377 euros,

Faisant valoir que ce double loyer serait partagé avec la société ANSORG, la SCI DU 7RUE DARCET propose de n'en retenir que la moitié, soit la somme de 19.688 euros.

Comme exposé ci-dessus ce moyen n'est pas fondé de sorte qu'il convient de retenir la somme de 39.377 euros à ce titre à l'instar du jugement entrepris.

Il ressort de l'ensemble de ces éléments, que l'indemnité d'éviction totale due à la société VIZONA s'élève à la somme de :

- indemnité principale : .......................................................................................615.000 €

- indemnité de remploi : ........................................................................................56.810 €

- trouble commercial : .........................................................................................212.000 €

- frais réinstallation/communication : .................................................................184.733 €

- frais de déménagement/administratifs : ...............................................................29.000 €

- indemnité de double loyer : ................................................................................39.377 €

soit un total de 1.136.920 euros toutes causes confondues et non de 1.141.610 euros comme retenu par le jugement entrepris qui sera donc infirmé sur le montant total toutes causes confondues de l'indemnité d'éviction.

Sur l'indemnité d'occupation :

En application de l'article L145-28 du code de commerce, le locataire évincé qui se maintient dans les lieux est redevable d'une indemnité d'occupation jusqu'au paiement de l'indemnité d'éviction calculée d'après la valeur locative, tout en corrigeant cette dernière de tous éléments d'appréciation.

Le jugement entrepris a entériné la valeur locative proposée par l'expert judiciaire de 236 259 euros à laquelle a été appliqué un abattement de 10%, soit une valeur locative de 212 633 euros qui n'est pas contestée par la SCI DU [Adresse 1]. En revanche la société VIZONA demande l'application d'un abattement de 20% en raison de la durée de la procédure et d'un contexte économique dégradé.

Eu égard à la durée de la procédure alors que le congé portant refus de renouvellement du bail a été délivré le 25 juillet 2012, l'abattement sera porté à 12%.

Par conséquent il convient de fixer l'indemnité d'occupation à un montant de 207 908 euros (somme arrondie) par an HT/HC.

La SCI DU [Adresse 1] a fait délivrer à la société VIZONA un congé comportant refus de renouvellement de bail à effet au 31 mars 2013, de sorte que l'indemnité d'occupation doit être fixée à compter du 1er avril 2013 et non à la date du 7 novembre 2013 comme figurant par erreur dans le dispositif du jugement de première instance qui sera infirmé sur la date et le quantum.

Sur les dommages et intérêts :

La société VIZONA demande l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de condamnation de la SCI DU [Adresse 1] à lui payer 10.000 euros à titre de dommages et intérêts sollicitant en cause d'appel la somme de 100 000 euros. Elle fait valoir la mauvaise foi du bailleur qui lui a délivré la sommation du 18 septembre 2013 ; lui fait grief des conditions dans lesquelles le constat de Maître [W], huissier de justice, en date du 19 décembre 2013 a été réalisé. Elle ajoute qu'en interjetant appel la bailleresse aggrave sa situation en l'obligeant à provisionner un différentiel d'indemnité d'occupation alors que l'expert a estimé que le loyer de renouvellement aurait été plafonné.

La SCI du [Adresse 1] répond qu'elle a agi de bonne foi.

La délivrance de la sommation du 18 septembre 2013 constitue l'exercice d'un droit et le simple fait qu'elle n'était pas fondée ne suffit pas à caractériser l'intention de nuire ou la mauvaise foi.

La société VIZONA n'établit pas qu'en saisissant le juge des requêtes pour faire procéder à un constat d'huissier visant à faire constater la présence de la société ANSORG postérieurement à la sommation, la SCI DU [Adresse 1] ait agi de mauvaise foi ni qu'elle ait causé un préjudice. Dès lors que le recours à un serrurier et à un commissaire de police était autorisé ' si besoin est ' par le juge des requêtes dans l'ordonnance du 20 novembre 2013, le recours à leur assistance dès la première visite ne caractérise pas un abus de droit constitutif d'une faute.

Enfin, il n'est pas rapporté la preuve d'une intention de nuire de la part de la SCI du [Adresse 1] dans l'exercice de la voie de recours qui est un droit.

Elle sera donc déboutée de sa demande.

Sur les demandes accessoires :

Il n'est pas inéquitable de condamner la SCI DU [Adresse 1] à verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à la société VIZONA.

La SCI DU [Adresse 1] qui succombe sera condamnée aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement entrepris sur le montant total de l'indemnité d'éviction et sur le montant de l'indemnité d'occupation et la date à laquelle elle est due,

Statuant à nouveau et y ajoutant

Fixe à la somme de 1.136. 920 euros le montant de l'indemnité due par la SCI DU [Adresse 1] à la société VIZONA se décomposant de la manière suivante :

- indemnité principale : 615 000 €

- indemnité de remploi : 56.810 €

- trouble commercial : 212.000 €

- frais réinstallation/communication : 184.733 €

- frais de déménagement/administratifs : 29.000 €

- indemnité de double loyer : 39.377 €

Dit que la société VIZONA est redevable à l'égard de la SCI DU [Adresse 1] d'une indemnité d'occupation à compter du 1er avril 2013 jusqu'à la restitution des lieux,

Fixe le montant de cette indemnité d'occupation à la somme annuelle de 207 908 euros HT/HC,

Dit que la compensation entre le montant de l'indemnité d'éviction et de l'indemnité d'occupation s'opérera de plein droit,

Confirme les autres dispositions du jugement entrepris,

Y ajoutant,

Déboute la société VIZONA de sa demande de dommages et intérêts formée à hauteur de 100 000 euros,

Condamne la SCI DU [Adresse 1] à verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à la société VIZONA,

Condamne la SCI DU [Adresse 1] aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 16/15172
Date de la décision : 07/05/2018

Références :

Cour d'appel de Paris I3, arrêt n°16/15172 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-05-07;16.15172 ?
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