Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 4
ARRÊT DU 09 MAI 2018
(n° , 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 15/11054
Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Avril 2015 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° J2015000181
APPELANTS
- Monsieur [P] [H], ès qualité de gérant de la SARL VICTOIRE SAINT HONORE
Demeurant : [Adresse 1]
[Localité 1]
- SARL VICTOIRE SAINT HONORE
Ayant son siège social : [Adresse 2]
[Localité 2]
N° SIRET : 488 770 744 (PARIS)
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
- SCP [B]-[B], prise en la personne de Maître [L] [B], ès qualités de mandataire judiciaire de la SARL VICTOIRE SAINT HONORE
Exerçant ses fonctions : [Adresse 3]
[Localité 3]
- SCP [D] - [W], prise en la personne de Maître [D] [D], ès qualités d'administrateur judiciaire de la SARL VICTOIRE SAINT HONORE
Exerçant ses fonctions : [Adresse 4]
[Localité 4]
Représentés par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480
Ayant pour avocat plaidant : Me Jean-Baptise LE ROY de la SELARL DTA, avocat au barreau de PARIS, toque : A0042
INTIMÉE
Société ITC SRL, société de droit italien, ayant pour enseigne GIANFRANCO FERRE
Ayant son siège social : [Adresse 5]
[Localité 5] (ITALIE)
N° SIRET : 07348700969 (MILAN)
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
Représentée par Me François TEYTAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : J125
Ayant pour avocat plaidant : Me Budes-Hilaire DE LA ROCHE, substituant Me Emmanuel MOULIN, de l'AARPI MIGUERES MOULIN, avocat au barreau de PARIS, toque : R016
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 21 Mars 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Irène LUC, Présidente de chambre
Madame Dominique MOUTHON VIDILLES, Conseillère, rédacteur
Madame Laure COMTE, Vice-Présidente Placée,
qui en ont délibéré.
Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Dominique MOUTHON VIDILLES dans les conditions prévues par l'article 785 du Code de Procédure Civile.
Greffier, lors des débats : Madame Cécile PENG
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Irène LUC, président et par Madame Cécile PENG, greffier présent lors de la mise à disposition.
FAITS ET PROCÉDURE
La société de droit italien ITC SpA fabriquait les articles de prêt-à-porter " Gianfranco FERRÉ " qu'elle commercialisait notamment par l'intermédiaire de fanchisés parmi lesquels, la société de droit français Victoire Saint Honoré (ci-après VSH Paris) qui disposait d'un magasin situé [Adresse 2] et d'un autre à Marbella en Espagne.
Des commandes de marchandises sur les collections Automne/hiver 2008, Printemps 2009 et Automne /Hiver 2009 étant demeurées impayées et la société ITC ayant décidé de suspendre toute livraison dans l'attente d'un engagement irrévocable de règlement des sommes dues, les parties se sont rapprochées et le 30 mars 2010, M. [P] [H] agissant en sa qualité de gérant tant de la société Victoire Saint Honoré ' Ci-après désignée VICTOIRE SAINT HONORÉ FRANCE ' que de ' la société BOUTIQUE GIANFRANCO FERRE MARBELLA, société de droit espagnol...Ci-après désignée VICTOIRE SAINT HONORÉ ESPAGNE ', la société ITC SpA et la société Gianfranco Ferré ont conclu un protocole transactionnel aux termes duquel :
- les sociétés VSH reconnaissaient devoir la somme totale de 687.689 euros correspondant à des factures visées en annexe 3,
- elles s'engageaient à régler leurs dettes en 24 échéances,
- il leur était accordé le droit de restituer des marchandises invendues dans la limite d'un montant global de 250.000 euros, réduisant d'autant leurs dettes,
- en garantie du paiement des dettes globales ainsi que des commandes en cours et à venir, la société VSH France s'engageait à procéder au nantissement de son fonds de commerce du [Adresse 2] à hauteur de 1.200.000 euros.
Le même jour, la société VSH Paris a nanti son fonds de commerce du [Adresse 2] au profit de la société ITC SpA à hauteur de 1.200.000 euros.
Le 13 juillet 2010, la société VSH Paris a émis 24 lettres de change à échéances successives du 13 juillet 2010 jusqu'au 30 juin 2012.
Les 14 et 15 juillet 2010, la société VSH Paris aurait commandé pour 345.258 euros de marchandises (211.701 euros et 133.557 euros) qui lui auraient été livrées à hauteur de 308.216,18 euros dans sa boutique du [Adresse 2] à Paris et pour 155.818 euros de marchandises qui auraient été livrées à hauteur de 85.687,86 euros dans la boutique de Marbella. En septembre 2010, invoquant le retour de traites impayées, la société ITC SpA aurait cessé toute livraison.
Suivant contrat notarié du 11 mars 2011 organisant la reprise du Groupe Gianfranco Ferre par la société emirati Paris Group, la société ITC Srl a acquis la société ITC SpA. L'étendue des créances ainsi acquises, objet du présent litige, est contestée.
La société ITC Srl a signifié sa créance à la société VSH Paris par actes extrajudiciaires délivrés les 2 janvier 2012, 31 janvier 2012 et 7 février 2013.
Par exploit du 3 janvier 2012, la société ITC Srl a assigné, en référé, la société VSH Paris en paiement provisionnel et par ordonnance du 6 avril 2012, la société VSH Paris a été condamnée à payer la somme de 1.081. 593,04 euros correspondant à :
- 687.689 euros au titre de la créance dite protocolaire,
- 308.216,18 euros au titre des marchandises livrées à la boutique du Faubourg Saint Honoré,
- 85.687,86 euros au titre des marchandises livrées à la boutique de Marbella.
Sur appel interjeté par la société VSH Paris, la cour d'appel a infirmé l'ordonnance au motif qu'aucune traduction complète et jurée du contrat de cession n'ayant été produite, la société ITC Srl ne justifiait pas de sa qualité à agir.
Par exploits des 25 février 2012 et 5 mars 2013, la société ITC Srl a assigné en paiement in solidum la société VSH Paris et M. [H] devant le tribunal de commerce de Paris.
Parallèlement, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte au bénéfice de la société VSH Paris par jugement du 28 novembre 2013 qui a désigné Maître [D] et Maître [B], respectivement ès-qualités d'administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire.
Par exploit du 4 février 2014, la société ITC Srl a assigné en intervention forcée Maître [D] et Maître [B], ès-qualités, dans l'instance en paiement devant le tribunal de commerce de Paris.
Par jugement du 15 mai 2014, le tribunal de commerce de Paris a arrêté un plan de cession du fonds de commerce de la société VSH Paris au profit de la société Porshe Design of France, a désigné Maître [D] en qualité de commissaire à l'exécution du plan et a ordonné la purge du nantissement inscrit au profit de la société ITC SpA à pour une créance de 1.200.000 euros. La cession est intervenue le 24 mai 2014.
Par jugement du 10 avril 2015, le tribunal de commerce de Paris a :
- dit que la société ITC Srl, vient aux droits de la société ITC Spa et est recevable à agir,
- fixé la créance de la société ITC Srl au passif de la société VSH Paris à la somme de 1.096.593,04 euros,
- ordonné la résiliation du nantissement conventionnel octroyé au bénéfice de la société ITC Spa à hauteur de 1.096.593,04 euros,
- condamné M. [P] [H] in solidum à payer à la société ITC Srl la somme de 1.081.593,04euros,
- condamné M. [P] [H] in solidum à payer à la société ITC Srl la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté les demandes des parties autres, plus amples ou contraires,- condamné M. [P] [H] aux dépens.
LA COUR
Vu la déclaration d'appel et les dernières conclusions déposées et notifiées le 4 décembre 2015 par lesquelles la société VSH et M. [P] [H] invitent la cour à :
- dire la société VSH, la SCP [D]- [W], la SCP [B]-[B] et M. [H] recevables et bien fondes en leur appel,
- infirmer le jugement en toutes ces dispositions,
- débouter la société ITC Srl de son appel incident,
- prendre acte de la mise hors de cause de Maître [D], ès-qualités d'administrateur judiciaire de la société VSH,
- condamner la société ITC Srl à payer à la société VSH la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société ITC Srl aux entiers dépens de 1ère instance et d'appel dont distraction au profit de la SCP Bolling Durand Lallement conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;
Vu les dernières conclusions déposées et notifiées 16 janvier 2018 par lesquelles la société ITC Srl, intimée ayant formé appel incident, demande à la cour de :
- confirmer la décision du tribunal de commerce de Paris du 10 avril 2015 en ce qu'elle a :
* dit que la société ITC Srl, vient aux droits de la société ITC SpA et est recevable à agir,
* fixé la créance de la société ITC Srl au passif de la SARL Victoire Saint Honoré à la somme de 1.096.593,04 euros,
* ordonné la réalisation du nantissement conventionnel octroyé au bénéfice de la société ITC SpA à hauteur de 1.096.593,04 euros
* condamné M. [P] [H] in solidum à payer à la société ITC Srl la somme de 1.094.593,04 euros,
* condamné M. [P] [H] in solidum à payer la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens
et de :
- condamner la société VSH aux intérêts à compter de la délivrance de la première assignation en référé le 3 janvier 2012 tels que majorés en application de l'article L. 441-6 du code de commerce calcules sur la base de trois fois le taux d'intérêt légal à compter de la date d'exigibilité des sommes (soit au 31 décembre 2017 une somme de 117.460,94 euros),
- condamner in solidum M. [P] [H] aux intérêts dus,
- condamner la société Victoire Saint Honoré et M. [P] [H] à payer une somme complémentaire de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner in solidum la société VSH et M. [P] [H] aux entiers dépens ;
SUR CE
Sur l'exception d'irrecevabilité pour défaut de qualité à agir de la société ITC Srl
Soutenant qu'elle vient aux droits de la société ITC SpA par suite de son acquisition, la société ITC Srl sollicite le paiement de la somme totale de 1.081. 593,04 euros se décomposant ainsi :
- 687.689 euros due au titre du Protocole Transactionnel conclu en mars 2010 et revêtu de l'autorité de chose jugée (créance dite protocolaire),
- 308.216,18 euros au titre de marchandises commandées et livrées postérieurement à la conclusion du Protocole Transactionnel pour le magasin'du [Adresse 2] ,
- 85.687,86 euros au titre de marchandises commandées et livrées postérieurement à la conclusion du Protocole Transactionnel pour le magasin'de Marbella en Espagne.
La société VSH lui opposant un défaut de qualité à agir, les créances dont elle réclame le paiement ne lui ayant pas été cédées par la société ITC SpA, la société ITC Srl fait valoir :
- qu'elle est recevable à agir du fait de l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt la cour d'appel de Paris du 25 juin 2014, comme l'a considéré le tribunal de commerce,
- qu'elle vient aux intérêts et aux droits de la société ITC SpA,
- que s'agissant de l'étendue des créances cédées, l'article 3.3.4 reprend la notion de transmission de l'universalité de patrimoine à l'exception des créances douteuses ou des créances antérieures à la procédure de redressement judiciaire de chacune des sociétés,
- que la société ITC SpA a été mise sous administration judiciaire par jugement du 24 février 2009 à la suite d'un jugement l'ayant déclarée en état d'insolvabilité le 18 février 2009,
- que les créances attachées à la branche d'activité de la société ITC SpA sur la société VSH lui sont toutes postérieures et n'ont fait l'objet d'aucune dévaluation comptable compte tenu des sûretés qui en garantissaient le règlement.
Or, d'une part, comme le font valoir à juste titre les appelants, la société VSH n'était pas partie à l'instance ayant donné lieu à l'arrêt auquel s'est référé le tribunal de commerce, de sorte qu'en l'absence d'identité de parties, l'arrêt n'a pas autorité de la chose jugée dans la présente instance.
D'autre part, les appelants ne contestent pas que, selon la traduction en langue française de l'acte de cession des actifs du groupe Gianfranco Ferré intervenu le 11 mars 2011, dans le cadre de la procédure d'administration extraordinaire dont les sociétés du groupe ont fait l'objet, la société ITC Srl, dénommée Nuova ITC dans le contrat, a repris la branche d'activité de la société ITC Spa ainsi que l'intégralité de ses actifs, notamment les créances qui relèvent de la branche d'activité transmise. Mais, ils font valoir :
- que toutes les créances de la société ITC SpA n'ont pas été cédées à la société ITC Srl,
- que les créances revendiquées par ITC Srl sont antérieures au placement sous administration extraordinaire de ITC Spa, le 24 février 2009 et n'ont ainsi pas été cédées à ITC Srl en vertu du point 3.3.4.2 de l'acte de cession de ITC Spa,
- que les premiers juges ont fait valoir, de façon péremptoire, que les créances que la société ITC SpA détenait sur VSH sont postérieures au jugement du 24 février 2009 ayant déclaré ITC SpA en état d'insolvabilité,
- que dans son arrêt du 4 décembre 2012, la présente cour statuant sur l'appel de l'ordonnance de référé, a déjà estimé ne pas être en état de déterminer si les créances en cause faisaient parties des branches cédées,
- les créances revendiquées sont en réalité antérieures à cette date, comme cela résulte du protocole transactionnel du 30 mars 2010,
- les marchandises de la collection automne/hiver 2009 ont nécessairement été achetées à la fin de l'année précédente,
- ces créances n'ont donc pas été cédées à la société ITC Srl de sorte qu'elle est irrecevable dans la présente procédure pour défaut de qualité pour agir.
L'article 3.3.4 du contrat de cession dispose que :
- ITC vend à Nuova ITC (ITC Srl) le Secteur d'Entreprise ITC lequel est constitué d'entreprises autonomes exerçant une activité de commercialisation en gros et au détail d'habillement et accessoires portant les marques liées au nom ' Gianfranco Ferré ',
- sont notamment cédées les créances commerciales faisant parties des Secteurs, à l'exclusion :
* des créances en souffrance qui ont fait l'objet d'une dévalorisation comptable et/ou pour lesquelles une procédure de recouvrement a été engagée,
* des créances survenues au cours et/ou se rapportant à des périodes précédant l'entrée en administration extraordinaire de Ferré et ITC.
L'acte de cession ne comportant aucune liste des créances cédées, il y a donc lieu de rechercher, pour déterminer la qualité à agir de la société ITC Srl, si les créances qu'elle invoque lui ont bien été cédées, ce qui ne peut être notamment le cas que de créances postérieures au 24 février 2009, date du jugement prononçant la mise sous administration judiciaire de la société ITC SpA.
La somme de 687.689 euros due au titre du Protocole Transactionnel conclu le 30 mars 2010
Le protocole transactionnel du 30 mars 2010 conclu entre la société VSH et la société ITC SpA indique en préambule que des commandes de marchandises sur les collections Automne/hiver 2008, Printemps 2009 et Automne /Hiver 2009 sont demeurées impayées, puis que la société VSH reconnaît devoir la somme totale de 687.689 euros correspondant à des factures visées en annexe 3.
Comme le soulignent justement les appelants, la société ITC Srl, qui supporte la charge de la preuve, s'abstient de communiquer aux débats cette annexe 3 du protocole. La cour observe qu'à cet égard, elle se garde de produire une quelconque explication et/ou observation sur sa carence. En outre, la société ITC Srl ne contredit pas les affirmations de la société VSH selon lesquelles les collections d'une année sont commandées l'année précédente de sorte que les collections Automne/hiver 2008, Printemps 2009 et Automne /Hiver 2009 ont nécessairement été commandées en 2007 et 2008, soit antérieurement au 24 février 2009. Enfin, la société ITC Srl ne communique ni les bons de commande de VSH Paris, ni les bons de livraison, ni les factures correspondant à la créance dite protocolaire, ni même les conditions générales de vente traduites en français qui permettraient, à tout le moins, de connaître la date convenue du paiement (à la commande, à la livraison...). Le fait qu'elle détienne 24 lettres de change est insuffisant à lui seul à démontrer la cession des créances qu'elle invoque à son profit. Par suite, elle ne justifie pas que la créance dite protocolaire lui a été cédée par la société ITC SpA et en conséquence de sa qualité à agir en paiement de cette créance. La demande formée à ce titre sera donc déclarée irrecevable et le jugement sera infirmé de ce chef.
Les sommes de 308.216,18 euros et de 85.687,86 euros
Ces sommes correspondent à des marchandises qui auraient été commandées et livrées postérieurement à la conclusion du Protocole Transactionnel dans les magasins du [Adresse 2] et de Marbella en Espagne.
Les appelants soutiennent qu'aucun bon de commande ni de livraison n'a été produit aux débats et que ces marchandises ont pour la plupart été retournées pour défaut de fabrication et contrefaçon. Mais, la société ITC Srl produit aux débats :
- des bons de commande des 14 et 15 juillet 2010 de VSH Paris (pièces intimée n°12.a à 12.g) pour 345.258 euros ( 211.701 euros + 133.557 euros) pour des marchandises à livrer au magasin de Paris,
- des bons de commande du 14 juillet 2010 de VSH Paris (pièces intimée n°16.1 à 16.8) pour 155.818 euros pour des marchandises à livrer au magasin de Marbella,
- des factures des 21 et 26 juillet 2010 (pièces intimées 3.32 à 3.38) correspondantes à hauteur de 308.216,18 euros pour le magasin de Paris et de 85.687,86 euros pour le magasin de Marbella.
Ces documents ne sont pas sérieusement contestés par les appelants qui se contentent d'indiquer que les marchandises étaient non conformes sans toutefois produire aucun élément au soutien de leur affirmation. Ces bons de commandes et factures attestent de la réalité de la créance, à hauteur de 308.216,18 euros et de 85.687,86 euros, détenue par la société ITC SpA envers la société VSH postérieurement au 24 février 2009 de sorte que ces créances ont bien été cédées à la société ITC Srl. Par suite, cette dernière est recevable à agir en paiement à l'encontre de la société VSH. L'exception d'irrecevabilité pour défaut de qualité à agir au titre de ces créances sera donc rejetée.
Sur l'opposabilité des créances et les demandes en paiement à l'encontre de la société VSH Paris et en réalisation du nantissement
Il n'est pas discuté qu la société ITC Srl a signifié à la société VSH les créances cédées par exploits des 2 et 31 janvier 2012 et 7 février 2013. La société VSH ne justifie s'être acquittée des sommes dues ni auprès de la société ITC SpA ni auprès de la société ITC Srl. Par suite, il y a lieu de fixer au passif de la société VSH Paris la seule somme totale de 393.904, 04 euros (308.216,18 + 85.687,86) et d'ordonner la réalisation du nantissement, inscrit au profit de la société ITC SpA, à hauteur de la somme de 393.904,04 euros au bénéfice de la société ITC Srl venant aux droits de la société ITC SpA.
Sur la demande en paiement au titre des intérêts
La société ITC Srl sollicite la condamnation de la société VSH aux intérêts sur les sommes dues en raison de sa réticence abusive à effectuer le moindre règlement. Elle considère que cette demande retrouve toute son actualité depuis que la société VSH a été déclarée in bonis à la suite du jugement ayant autorisé la vente de son fonds de commerce. Elle estime que la société VSH a sciemment pris le risque de mettre son créancier en situation d'insolvabilité en soutenant que la politique de la société VSH et de ses homologues consistant à refuser de s'acquitter de leurs dettes était déjà à l'origine du redressement judiciaire du Groupe Gianfranco Ferre.
Mais c'est à juste titre que les appelants font valoir que seule la date de clôture de la procédure de redressement judiciaire fait courir les intérêts dus par le débiteur redevenu in bonis. Cette clôture n'étant pas encore intervenue en l'espèce, aucun intérêt n'est dû. En conséquence, la société ITC Srl sera déboutée de la demande formée à ce titre.
Sur la demande de condamnation de M. [H] en paiement in solidum
La société ITC Srl soutient que si l'existence de la société VSH Paris résulte de son extrait k-bis, l'existence de la société VSH Marbella ne procède que des déclarations de M. [H] dès lors que l'entité VSH Marbella n'a jamais été inscrite au RCS en Espagne. Elle affirme qu'une société dépourvue d'inscription au registre du commerce et des sociétés est considérée comme une société créée de fait dont le régime applicable est celui de la société en nom collectif, lequel commande que les associés et dirigeants soient tenus solidairement à l'égard des tiers de l'intégralité des dettes contractées au nom de la société créée de fait. Elle ajoute que la responsabilité de M. [H] est également engagée, à titre personnel, compte tenu d'une faute d'une particulière gravité en raison de la concession d'un nantissement sur le fonds de commerce qui est nul de plein droit pour défaut d'objet à seule fin de masquer l'état d'insolvabilité de la société qu'il dirigeait. Enfin, elle affirme que la société VSH appartient à un groupe de sociétés ayant en commun un même gérant, M. [H], dont la politique assumée est manifestement de se soustraire à l'exécution de ses obligations.
Les appelants répliquent que la société VSH Marbella a été immatriculée au registre du commerce espagnol et qu'aucune société créée de fait n'a été animée par M. [H] dans la mesure où la société ITC SpA était parfaitement au courant de l'existence légale et de la consistance de la société VSH Marbella. Ils indiquent que conformément à l'article 1 du protocole d'accord établi entre les sociétés VSH et MGAM (propriétaire des murs), le 17 octobre 2005, un bail commercial s'est substitué au contrat de location gérance. Ils contestent toute organisation d'insolvabilité et toute faute commise par M. [H].
Lors du protocole transactionnel du 30 mars 2010, M. [P] [H] s'est présenté comme agissant en sa qualité de gérant tant de la société Victoire Saint Honoré que de ' la société BOUTIQUE GIANFRANCO FERRE MARBELLA, société de droit espagnol...Ci-après désignée VICTOIRE SAINT Honoré ESPAGNE '.
Or, les appelants ne produisent aux débats aucune pièce attestant de l'existence de la société VSH Marbella, de sorte que c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que M. [P] [H] avait commis une faute de gestion, séparable de ses fonctions de gérant, en dissimulant des informations concernant la solvabilité de VSH et en prétendant que la société VSH Marbella était une société à part entière, notamment lors du protocole transactionnel, créant ainsi une société de fait et l'ont donc condamné à paiement pour les dettes contractées par l'entité VSH Marbella, soit à hauteur de la créance ramenée en appel à la somme de 85.687,86 euros.
En revanche, c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'en signant un acte de nantissement conventionnel du fonds de commerce de la société VSH Paris alors que celle-ci n'en était pas propriétaire, M. [H] avait commis une faute d'une particulière gravité justifiant sa condamnation à hauteur de la créance totale due par la société VSH.
En effet et étant observé que la société ITC Srl ne peut, sans contradiction, simultanément demander la confirmation du jugement en ce qu'il ordonné la réalisation du nantissement conventionnel, tout en prétendant que ce nantissement serait nul de plein droit pour défaut d'objet, la société VSH n'étant que locataire gérant, il apparaît que le jugement arrêtant un plan de cession dans le cadre du redressement judiciaire de la société VSH du 15 mai 2014, a ordonné la cession, au profit de la société Porsche Design of France, du fonds de commerce du [Adresse 2], comprenant notamment le bail commercial conclu entre la société VSH et la société Merygreg et la purge du nantissement inscrit au profit de la société ITC SpA pour une créance de 1.200.000 euros, de sorte que la preuve d'une faute de M. [H] lors du nantissement du fonds de commerce, n'est pas rapportée.
Par suite, la société ITC Srl sera déboutée du surplus de sa demande en paiement in solidum formée à l'encontre de M. [H].
Sur les autres demandes
La société VSH et M. [H] qui succombent essentiellement, supporteront in solidum les dépens de première instance et d'appel et devront verser in solidum outre la somme de 15.000 euros allouée en première instance, celle supplémentaire de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
statuant à nouveau,
DÉCLARE irrecevable pour défaut de qualité à agir, la demande en paiement de la société ITC Srl de la somme de 687.689 euros au titre de la créance dite protocolaire ;
DÉCLARE recevable la demande en paiement de la somme de 393.904,04 euros ;
FIXE au passif de la société Victoire Saint Honoré (VSH) la créance de la société ITC Srl à hauteur de la somme de 393.904, 04 euros ;
ORDONNE la réalisation du nantissement sur le fonds de commerce de la société Victoire Saint Honoré (VSH) à hauteur de 393.904, 04 euros au bénéfice de la société ITC Srl ;
DIT M. [P] [H] redevable in solidum avec la société VSH de la somme de 85.687,86 euros envers la société ITC Srl et le condamne au paiement de cette somme ;
DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
CONDAMNE in solidum la société Victoire Saint Honoré (VSH) et M. [P] [H] aux dépens de première instance et d'appel ;
CONDAMNE in solidum la société Victoire Saint Honoré (VSH) et M. [P] [H] à verser à la société ITC Srl la somme totale de 30.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier La Présidente
Cécile PENG Irène LUC