RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 2
ARRÊT DU 31 Mai 2018
(n° , 11 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 17/09933
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 Juillet 2017 par le Conseil de Prud'hommes de PARIS - section encadrement - RG n° F16/3331
DEMANDEURS AU CONTREDIT
SARL RESIDENCE ISIDORE
N° SIRET : 533 709 499
[...]
SARL METZ
[...]
SARL COTO
[...]
SCI RENE ISIDORE
[...]
Monsieur Sébastien X...
[...]
comparant en personne
Madame Y... Z..., ayant droit de M. Bruno Z..., décédé
[...]
Madame Laetitia Z..., ayant droit de M. Bruno Z..., décédé
[...]
Monsieur Alexandre Z..., ayant droit de M. Bruno Z..., décédé
[...]
Madame Solène Z..., ayant droit de M.Bruno Z..., décédé
[...]
représentés par Me Arnaud A..., avocat au barreau de PARIS, toque : L0119, substitué par Me N...
DEFENDERESSE AU CONTREDIT
Madame Virginie B...
née le [...] à Nice (06000)
[...]
comparante en personne, assistée de Me Nicolas C..., avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 mars 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Christophe ESTEVE, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de:
Madame Catherine MÉTADIEU, Président
Madame Patricia DUFOUR, Conseiller appelé à compléter la chambre par ordonnance de roulement en date du 05 janvier 2018
Monsieur Christophe ESTEVE, Conseiller
GREFFIER : Madame FOULON, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Catherine MÉTADIEU, Président et par Madame FOULON, Greffier.
**********
Statuant sur le contredit formé par la SARL RESIDENCE ISIDORE, la SCI René Isidore, la SARL METZ, la SARL COTO et M. Sébastien X... ainsi que les consorts Z... (Y..., Laetitia, Alexandre et Solène) venant aux droits de M. Bruno Z... à l'encontre d'un jugement rendu le 06 juillet 2017 par le conseil de prud'hommes de Paris lequel, saisi par Mme Virginie B... de demandes tendant essentiellement à voir juger que les défendeurs ont la qualité de coemployeurs, juger que la prise d'acte de la rupture produit les effets d'un licenciement nul ou subsidiairement ceux d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner les défendeurs à lui payer diverses sommes de nature salariale et indemnitaire liées à l'exécution et à la rupture du contrat de travail, demandes auxquelles les défendeurs ont opposé une exception d'incompétence au profit du tribunal de commerce de Paris, s'est déclaré compétent pour connaître du litige et a mis en demeure les parties de se mettre en état pour plaider le fond en réservant les dépens,
Vu le contredit formé le 10 juillet 2017 et les conclusions transmises le 08 décembre 2017, soutenus à l'audience du 16 mars 2018, aux termes desquels la SARL RESIDENCE ISIDORE, la SCI René Isidore, la SARL METZ, la SARL COTO et M. Sébastien X... ainsi que les consorts Z... demandent à la cour de':
- surseoir à statuer en application de l'article 4 du «'code pénal'» dans la mesure où toutes les pièces principales produites par Mme Virginie B... sont directement visées par la plainte avec constitution de partie civile de la société RESIDENCE ISIDORE pour faux, usage de faux, abus de confiance et faux témoignages,
- constater que les éléments produits par Mme Virginie B... à l'appui de sa demande sont insusceptibles de démontrer la réalité d'un lien de subordination,
- constater que Mme Virginie B... exerçait les prérogatives de gérante de fait de «'Residence Isidore'»,
- dire et juger que cette qualification exclut le lien de subordination et que le contrat de travail produit par Mme Virginie B... est fictif,
- en conséquence, infirmer le jugement entrepris, dire que le conseil de prud'hommes est incompétent et juger que seul le tribunal de commerce est compétent pour apprécier les demandes de Mme Virginie B...,
- renvoyer la connaissance des demandes de Mme Virginie B... au tribunal de commerce de Paris déjà saisi,
- débouter purement et simplement Mme Virginie B... de sa demande de dommages-intérêts pour procédure dilatoire et abusive,
- à titre infiniment subsidiaire, dire n'y avoir lieu à évocation si la cour venait à confirmer du chef de la compétence,
- plus généralement débouter Mme Virginie B... en tous ses moyens, fins et conclusions,
- condamner Mme Virginie B... à payer à la société RESIDENCE ISIDORE une somme de 6 000 € et à chacune des autres parties une somme de 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Mme Virginie B... en tous les dépens,
Vu les conclusions en réponse transmises et soutenus à l'audience du 16 mars 2018 par Mme Virginie B..., qui demande à la cour de':
- dire et juger que le conseil de prud'hommes de Paris est seul compétent pour connaître du litige l'opposant à ses anciens employeurs,
- dire et juger que les auteurs du contredit ont agi de façon dilatoire et abusive,
en conséquence, à titre principal':
- confirmer le jugement déféré,
à titre subsidiaire':
- ordonner l'évocation de l'affaire au fond,
en tout état de cause':
- condamner solidairement les auteurs du contredit au paiement des sommes de 3 000 € à titre d'amende civile pour procédure abusive et dilatoire, 10 000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et dilatoire et 2 500 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
La cour faisant expressément référence aux écrits susvisés pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties,
SUR CE, LA COUR
EXPOSE DU LITIGE
Souhaitant acquérir un bien immobilier situé à Fontenay aux Roses en vue de son exploitation après réhabilitation en résidence d'hébergement d'urgence, M. Sébastien X... a rencontré dans ce cadre en 2010 Mme Virginie B..., associée unique et gérant de la société AMOXIS, spécialiste du montage de projets immobiliers et de leur gestion, qui lui a proposé d'intervenir pour la maîtrise d'ouvrage, la commercialisation et la gestion de la future résidence.
La SARL METZ, détenue à 100 % par M. Sébastien X..., la SARL COTO, détenue à 100 % par M. Bruno Z... aujourd'hui décédé, et la SCI René Isidore, détenue à parts égales par les deux sociétés précitées, ont participé au montage financier de l'opération immobilière, la société civile, gérée par M. Sébastien X..., étant propriétaire de l'immeuble.
En vue de l'exploitation de la résidence, la SARL RESIDENCE ISIDORE a été créée et immatriculée le 21 juillet 2011, M. Sébastien X... en étant le gérant.
Après autorisation délivrée par arrêté municipal du 08 mars 2013, la résidence a officiellement ouvert au mois de juin 2013.
A cette date, aucune convention écrite n'avait été régularisée par les parties.
Dans des conditions qui sont contestées, Mme Virginie B... s'est occupée de l'exploitation commerciale de la résidence et a assuré la direction de l'établissement.
Un contrat de travail daté du 19 décembre 2013 a en définitive été conclu par les parties, de même qu'un contrat de commercialisation, daté du 07 juin 2013.
Par une longue lettre en date du 09 décembre 2014 communiquée également à son avocat, Mme Virginie B... a reproché à M. Sébastien X... le non-paiement d'arriérés de salaires ainsi que des agissements constitutifs selon elle de harcèlement moral et a pris acte de la rupture de son contrat de travail.
Par lettre presqu'aussi longue du 11 décembre 2014 à l'entête de la société RESIDENCE ISIDORE, M. Sébastien X... a':
- mis en demeure Mme Virginie B... de lui rendre compte de sa gestion de la résidence «'Villa Renaissance'» et des éléments comptables et financiers d'exploitation de la résidence depuis le mois de juin 2013, de lui adresser les sommes revenant à la société RESIDENCE ISIDORE au titre de l'exploitation de la résidence et de lui adresser les originaux du contrat dénommé «'contrat de commercialisation'», du contrat dénommé «'contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel'» et de la délégation générale de pouvoir et de signature,
- pris acte de la rupture du contrat de travail tout en contestant qu'elle lui soit imputable et tout en contestant l'existence même dudit contrat,
- révoqué la délégation générale de pouvoir et de signature consentie à l'intéressée,
- sommé également celle-ci de lui remettre «'toutes les clés, passes, badges, d'entrée, d'accès aux chambres, au sous-sol, à la chaufferie, au garage, à la machinerie d'ascenseur et plus généralement tous les moyens nous permettant l'accès à l'ensemble des locaux de la résidence'; les modalités de fonctionnement et de maintenance du SSI (système sécurité incendie)'», les modalités de programmation des badges d'entrée en stock actuellement inactifs, tous les contrats de maintenance, d'entretien et de sécurité de la résidence et tous les contrats de travaux ayant été effectués dans la résidence et tous documents qui y sont relatifs,
- invité la même à justifier de la détention d'une carte professionnelle l'autorisant à exercer une activité de gestion immobilière et d'une garantie financière.
Par courrier du 17 décembre 2014, la société RESIDENCE ISIDORE a notifié à Mme Virginie B... la résiliation du contrat de commercialisation.
Par assignation délivrée le 26 décembre 2014 à Mme Virginie B... et à la société VILLA RENAISSANCE créée par cette dernière, la société RESIDENCE ISIDORE a saisi le tribunal de grande instance de Nanterre de demandes tendant notamment à la requalification des conventions conclues entre les parties en un mandat de gestion de la résidence et à leur nullité pour défaut de détention par Mme Virginie B... d'une carte professionnelle délivrée par la préfecture lui permettant d'exercer à titre habituel une activité de gestion immobilière et subsidiairement à la résolution du contrat de commercialisation aux torts des défenderesses.
Par ordonnance du 19 octobre 2015, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Nanterre a':
- déclaré le tribunal de grande instance de Nanterre incompétent au profit du conseil de prud'hommes de Paris pour examiner les demandes tant principales qu'accessoires formées par la SARL RESIDENCE ISIDORE à l'encontre de Mme Virginie B... et de la SAS VILLA RENAISSANCE relatives à la convention dénommée «'contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel'» et à l'annexe au contrat de travail intitulée «'délégation générale de pouvoir et de signature à un directeur d'établissement'»,
- déclaré le tribunal de grande instance de Nanterre incompétent au profit du tribunal de commerce de Paris pour examiner les demandes tant principales qu'accessoires formées par la SARL RESIDENCE ISIDORE à l'encontre de Mme Virginie B... et de la SAS VILLA RENAISSANCE relatives à la convention dénommée «'contrat de commercialisation'»,
- débouté Mme Virginie B... et la SAS VILLA RENAISSANCE de leurs demandes de dommages-intérêts,
- condamné la SARL RESIDENCE ISIDORE à payer à Mme Virginie B... et à la SAS VILLA RENAISSANCE la somme de 1 500 € chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la SARL RESIDENCE ISIDORE aux dépens de l'incident.
La SARL RESIDENCE ISIDORE se désistera de l'appel interjeté à l'encontre de cette ordonnance par conclusions du 02 février 2017.
C'est dans ces conditions que le 25 mars 2016, Mme Virginie B... a saisi le conseil de prud'hommes de Paris de la procédure qui a donné lieu au jugement entrepris.
Plusieurs autres procédures ont opposé les parties, l'une d'entre elles étant pendante devant le tribunal de commerce de Paris.
Les plaintes déposées en particulier contre Mme Virginie B... pour abus de confiance, complicité d'abus de confiance et recel, pour subornation de témoin, pour faux et usage de faux, escroquerie ou tentative d'escroquerie et pour faux témoignages ayant été classées sans suite, la SARL RESIDENCE ISIDORE a régularisé une plainte avec constitution de partie civile le 09 octobre 2017.
MOTIFS
A titre liminaire, il doit être fait observer qu'après leur contredit tenant sur moins de deux pages et ne visant aucune pièce mais néanmoins suffisamment motivé, les demandeurs ont transmis à la cour [...] pages de conclusions contenant un bordereau de 145 pièces et 15 références jurisprudentielles, dans lesquelles ils formalisent leurs demandes et leurs moyens.
Or, il résulte de la combinaison des articles 82 et 85 du code de procédure civile dans leur rédaction applicable à la présente procédure que devant la cour, les parties peuvent présenter seulement, à l'appui de leur argumentation, des observations écrites sur la motivation développée dans le contredit.
Pour autant, la cour statuera sur la demande de sursis à statuer, dans la mesure où elle est fondée sur le dépôt d'une plainte avec constitution de partie civile qui est postérieur au contredit.
Sur la demande de sursis à statuer présentée par les demandeurs au contredit':
L'article 4 du code de procédure pénale dispose':
«'L'action civile en réparation du dommage causé par l'infraction prévue par l'article 2 peut être exercée devant une juridiction civile, séparément de l'action publique.
Toutefois, il est sursis au jugement de cette action tant qu'il n'a pas été prononcé définitivement sur l'action publique lorsque celle-ci a été mise en mouvement.
La mise en mouvement de l'action publique n'impose pas la suspension du jugement des autres actions exercées devant la juridiction civile, de quelque nature qu'elles soient, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d'exercer, directement ou indirectement, une influence sur la solution du procès civil.'»
Les demandeurs au contredit ont régularisé le 09 octobre 2017 une plainte avec constitution de partie civile à l'encontre de Mme Virginie B..., notamment des chefs de faux et usage de faux, ainsi que pour «'faux témoignages'» de MM. D..., E..., F..., O... et G....
Sont ainsi arguées de faux ses pièces n° 1, 3 et 4, respectivement un contrat de travail daté du 19 décembre 2013 que M. Sébastien X... dénie avoir lui-même signé, des bulletins de paie afférents aux neuf premiers mois de l'année 2014 et une déclaration préalable à l'embauche datée du 13 septembre 2014 et à effet au 1er janvier 2014.
Cependant, Mme Virginie B... a produit un second contrat de travail, similaire au premier et daté lui aussi du 19 décembre 2013 mais signé exclusivement par M. Sébastien X..., constituant sa pièce n° 2.
Or, M. Sébastien X... ne dénie pas sa signature sur ce contrat mais conteste seulement sa date en soutenant qu'il l'a signé au mois d'octobre 2014 (pages 54 et 66 de ses conclusions).
En sa qualité de représentant légal de la SARL RESIDENCE ISIDORE, M. Sébastien X... a d'ailleurs reconnu devant les premiers juges l'existence de ce document signé par ses soins ainsi qu'il ressort des termes du jugement entrepris.
Dans ces conditions et compte tenu des autres productions des parties, la cour considère qu'il n'y a pas lieu de surseoir à statuer.
Sur la nature de la relation contractuelle entre les parties':
En application de l'article L'1411-1 du code du travail, «'le conseil de prud'hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu'ils emploient'» et «'il juge les litiges lorsque la conciliation n'a pas abouti'».
Le contrat de travail se définit par l'engagement d'une personne à travailler pour le compte et sous la direction d'une autre moyennant rémunération, le lien de subordination juridique ainsi exigé se caractérisant par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
L'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité.
- S'agissant des relations contractuelles entre la SARL RESIDENCE ISIDORE et Mme Virginie B...':
Indépendamment même du premier contrat de travail (pièce n° 1 de la défenderesse), des bulletins de paie et de la déclaration préalable à l'embauche qui sont argués de faux, il existe un contrat de travail apparent dès lors que M. Sébastien X... ne dénie pas sa signature sur le second contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel qui lui est opposé (pièce n° 2 de la défenderesse).
Pour faire tomber cette apparence, la SARL RESIDENCE ISIDORE fait valoir que la signature de M. Sébastien X... a été obtenue par chantage et par violence.
Toutefois, le vice de consentement allégué n'est pas caractérisé, la circonstance que M. Sébastien X..., polytechnicien de formation, se soit trouvé légitimement en état de fragilité du fait de son divorce et de la grave maladie de sa mère (page 57 des conclusions) ainsi qu'en atteste une psychologue clinicienne (pièce n° 141) étant à cet égard insuffisante.
La SARL RESIDENCE ISIDORE relie également la signature, selon elle sous contrainte, en octobre 2014 du contrat de travail et du contrat de commercialisation aux menaces qu'aurait proférées Mme Virginie B... de vider la résidence de ses occupants mais elle ne démontre nullement la réalité de ces menaces, le différend lié au déplacement de certaines familles ne survenant que près de deux mois après les signatures litigieuses si celles-ci datent du mois d'octobre 2014.
Au demeurant, force est de constater que dans le cadre de son action initiée dès le 26 décembre 2014 devant le tribunal de grande instance de Nanterre, la SARL RESIDENCE ISIDORE n'a jamais fait ne serait-ce qu'une allusion à une signature sous contrainte des contrats de travail et de commercialisation, leur nullité n'étant alors recherchée que sur le fondement de la loi du 02 janvier 1970 réglementant les conditions d'exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce.
Si en revanche il est possible que ce contrat apparent ait été antidaté ' la cour y reviendra ' cette circonstance ne remet pas pour autant en cause son existence.
Dès lors, il appartient à la SARL RESIDENCE ISIDORE, demanderesse au contredit, de rapporter la preuve du caractère fictif de ce contrat de travail.
A cet effet, elle soutient en substance que Mme Virginie B... a effectué diverses prestations en qualité de commerçante et en toute indépendance et qu'elle a exercé de fait la gérance de la résidence.
Il ressort des productions que par le truchement de ses sociétés (la société AMOXIS puis la société VILLA RENAISSANCE créée en mai 2014), Mme Virginie B... s'est effectivement occupée en toute indépendance de la commercialisation des chambres de la résidence, notamment en souscrivant des contrats de collaboration avec les sociétés RESAO et VOYAGES SERVICES PLUS (VSP).
Ces prestations qui n'ont manifestement pas été exécutées dans un lien de subordination ne peuvent être rattachées qu'au contrat de commercialisation en définitive signé par M. Sébastien X... en qualité de gérant de la SARL RESIDENCE ISIDORE.
Mais Mme Virginie B... a également exercé en personne des fonctions administratives de directrice d'établissement, qui ne se confondent pas avec les précédentes, en étant chargée de la gestion du personnel ainsi que l'établissent en particulier les contrats de travail produits (pièces n° 6), les demandes de congés validées par l'intéressée et la lettre de démission de M. H... du 08 juillet 2013 à l'intention de cette dernière (pièces n° 46).
Le contrat de travail litigieux stipule que Mme Virginie B... est engagée au sein de la SARL RESIDENCE ISIDORE en qualité de directrice d'établissement de la résidence hôtelière, statut cadre, pour animer et diriger la résidence et notamment la gestion des salariés en place, effectuer des «'débriefings'» réguliers par tous moyens auprès du gérant et effectuer un «'reporting'» des chiffres de l'activité. Elle est placée sous la responsabilité du gérant et lui rendra compte directement. Il est précisé que sa fonction de directrice est totalement distincte de la commercialisation des chambres de la résidence qui a été confiée à une société extérieure. L'intéressée n'a aucune contrainte de présence et n'est pas tenue par une clause d'exclusivité mais seulement par une clause de discrétion. La durée mensuelle du travail est fixée à 24 heures moyennant une rémunération nette de 7 000 € sur treize mois. L'article 11 du contrat de travail prévoit une indemnité de rupture de 24 mois de salaire brut et l'article 12, une clause dite «'d'indemnité contractuelle de rupture en cas de changement de gouvernance ou du ou des titulaire(s) des titres'», ainsi libellée':
«'Dans le cas où, au cours des trois années suivant la date d'effet du présent contrat, le gérant au jour des présentes venait à quitter la société, ou s'il n'était plus gérant quelqu'en soit la raison ou si plus de 30 % du capital venait à être détenu par un ou d'autres associés que les associés au jour des présentes, Madame Virginie B... pourra quitter la société et obtenir une indemnité équivalent au double de la rémunération perçue au cours des 12 mois précédant le fait générateur'».
Cette rémunération mirobolante pour 24 heures par mois n'a toutefois jamais été versée alors que Madame Virginie B... a rempli à tout le moins certaines de ses obligations contractuelles notamment en matière de gestion du personnel.
Les messages téléphoniques échangés entre le 02 juin 2014 et le 15 novembre 2014 par M. Sébastien X... et Mme Virginie B... (pièces n° 42 de celle-ci) permettent d'en comprendre la raison':
- Mme Virginie B... a toujours espéré un retour sur son investissement en industrie par l'entrée au capital de la société'; en effet elle écrit le 06 septembre que soit elle «'se retire (contre paiement)'», soit il faut «'solidifier'» sa présence ce dont M. Sébastien X... convient';
- Les deux interlocuteurs sont préoccupés par la sortie de la société de M. Bruno Z... alors très malade et craignent de se retrouver face à un exécuteur testamentaire, M. Sébastien X... sollicitant l'aide de Mme Virginie B... sur ce point et les «'conventions'» dont fait état celle-ci le 03 septembre ayant aussi un rapport avec ces difficultés';
- Mme Virginie B... fait néanmoins également allusion à son contrat en écrivant le 06 septembre qu'elle va mettre une clause de changement de gouvernance dans son contrat, ladite clause figurant effectivement dans le contrat de travail';
- le 13 septembre, elle écrit': «'suis encore sur la résidence ça me fera 15h sur les 24 de ce mois rien qu'aujourd'hui'» avec des clins d'oeil sous forme d'émoticônes, M. Sébastien X... lui répond': «'' Accessoirement les 24 heures par mois de votre contrat, comme vous le savez très bien, ne me gênent en rien'! Mon principal souci consiste à exaucer, au moins en partie, les demandes raisonnables et réalisables de Bruno [Z...] en matière de déblocage de ses fonds bloqués et qu'il ne peut réutiliser.'», Mme Virginie B... lui dit alors': «'Je sais, je vous taquine'! On va trouver des solutions'» et M. Sébastien X... écrit': «'Oui j'avais un peu compris que vous me taquiniez avec les 15h'! Merci pour la recherche de solution'! J'espère de tout c'ur qu'on trouvera qqch qui vous satisfait tout en ne frustrant pas trop Bruno'!'»
Il s'infère de ces échanges d'une part que le contrat de travail litigieux a probablement été signé entre le 06 et le 13 septembre 2014 et d'autre part que les intéressés plaisantent sur le nombre d'heures réalisées par Mme Virginie B... sans envisager le moins du monde le versement du salaire correspondant, qui de fait n'a jamais été versé, ni l'application effective dudit contrat.
En outre, les négociations alors encore en cours pour l'entrée au capital de Mme Virginie B... ressortent aussi des courriels échangés le 03 septembre 2014 entre cette dernière et M. Bruno Z..., lequel notamment évoque un pacte d'associés entre les sociétés COTO et METZ devant être adapté «'à une gouvernance à 3, avec 45%, 45% et 10%'» (pièce n° 54 de la défenderesse au contredit).
Si ainsi que l'ont relevé avec pertinence les premiers juges la société RESIDENCE ISIDORE a donné le 16 novembre 2012 délégation de pouvoir à Mme Virginie B... pour tenir tout entretien préalable qui aura lieu en vue du licenciement de M. I... et que cette délégation pour conduire un tel entretien ne peut être donnée qu'à une personne appartenant à l'entreprise, ce document n'exclut pas pour autant que l'intéressée ait agi en tant que dirigeant de fait de la résidence, son appartenance à l'entreprise découlant alors de cette qualité de fait.
Mme Virginie B... n'est en définitive jamais entrée dans le capital social de la SARL RESIDENCE ISIDORE ou dans celui de la société civile du même nom, n'était investie d'aucun mandat social en bonne et due forme et n'avait pas la signature bancaire.
Il est cependant démontré que depuis l'année 2011, Mme Virginie B... était en possession de nombreux chèques vierges, pour certains pré-signés par M. Sébastien X..., et d'une carte bancaire au nom de celui-ci (pièces n° 92 à 111 et 130 des demandeurs au contredit).
Elle se qualifiait elle-même de gérante par délégation ou de «'dirigeante associé'» de la SARL RESIDENCE ISIDORE et de la SCI dans ses relations avec les salariés de l'entreprise ou avec les cocontractants.
Elle était en relation avec la mairie et les administrations.
Les témoignages communiqués par Mme Virginie B..., quelle que soit l'issue du dossier ouvert sur plainte avec constitution de partie civile, ne justifient pas de la nature exacte du lien contractuel entre les parties.
Par ailleurs, Mme Virginie B... ne saurait sérieusement soutenir que M. Sébastien X... supervisait ou avalisait toute décision relative à l'activité de la résidence, en l'absence d'éléments significatifs et probants en ce sens, et qu'il était impliqué dans toutes les décisions de gestion du personnel.
A cet égard, l'intéressée se prévaut uniquement d'une demande de sa part faite le 31 août 2014': «'Combien de resto puis-je accorder à Mme J... (REM en nature par mois vous pensez'')'», à laquelle M. Sébastien X..., bien peu concerné, répond': «'Ce que vous voulez'!!'» (pièce n° 42 précitée).
Ces allégations sont en outre contredites par les éléments au dossier, en particulier par le témoignage de M. Benoît K..., expert-comptable de la SARL RRESIDENCE ISIDORE jusqu'au mois de mai 2014 (pièce n° 20 des demandeurs au contredit)
Durant toute la relation litigieuse, aucune directive ou instruction n'est donnée à Mme Virginie B....
A cet égard, le message du 12 novembre 2014 relatif au vidage des poubelles de la résidence n'a pas du tout la portée que lui prête la défenderesse au contredit et il suffit à cet égard de lire la totalité des échanges consacrés à ce point.
C'est seulement après la dégradation irrémédiable des relations entre les parties ' courant novembre M. Sébastien X... avait en effet déjà demandé à Mme Virginie B... de lui restituer les formules de chèques et la carte bancaire en sa possession ainsi que les documents et la comptabilité de la SARL RESIDENCE ISIDORE ' que par courriels des 03 au 06 décembre 2014 le premier s'est ému du déplacement de certaines familles en écrivant à la seconde': «'(') Je ne vais pas vous redire ce que je vous ai déjà écrit pour la famille L.... Alors que je vous avais expressément demandé avant-hier 4 décembre de m'avertir de tous les départs envisagés'! (') Je vous demande donc que la famille M... reste à la résidence pour le moment. Ces situations m'atteignent personnellement et portent gravement atteinte à la réputation de la résidence par un traitement dégradant des familles. Au lieu de passer votre temps à essayer d'expédier à des dizaines de kilomètres de leurs écoles des enfants déjà scolarisés à Fontenay (scolarisation qui n'a comme vous le savez mieux que moi pas toujours été facile) j'apprécierais que vous preniez quelques minutes pour me donner les raisons de ces évictions brutales qui plongent les familles dans de grandes difficultés. Je vous demande aussi de déplacer comme convenu la famille L... dans une chambre plus grande (la 32 par exemple '). Je vous demande aussi de ne plus provoquer de blocages et de dysfonctionnements dans la résidence et je vous demande donc aussi de m'avertir 15 jours à l'avance des arrivées envisagées afin que nous puissions voir ensemble si elles sont compatibles, entre autres, avec le maintien dans la [...] (...)'».
Ces seules directives, compte tenu de la date à laquelle elles interviennent, sont insuffisantes à caractériser le lien de subordination qui aurait lié Mme Virginie B... à la SARL RESIDENCE ISIDORE et à son gérant de droit M. Sébastien X..., alors au contraire que les échanges de messages téléphoniques précités démontrent que ce dernier recevait des ordres ou instructions de l'intéressée.
Ainsi Mme Virginie B..., qui a repris la comptabilité de la SARL RESIDENCE ISIDORE à compter du 1er juin 2014, a pu en effet lui écrire par exemple':
- le 07 juin 2014': «'pas de virement avant de se parler'»,
- le 07 juillet 2014': «'Faut transférer le contrat de GDF de la SCI vers la SARL et leur faire un virement ou un chèque de la SARL. Et me dire si virement VSP ok'»,
- le 05 août 2014': «'Ok pour virement du loyer vers SCI. Virement sur SARL asap'»,
- le 14 août 2014': «'Donnez-moi le montant mensuel HT que je l'ajoute au bilan (...)'»,
- le 09 septembre 2014': «'Bonjour Sébastien, je vous avais demandé une attestation d'assurance de AXA où en êtes-vous'''»,
- le 15 octobre 2014': «'Faites le déblocage. Car un virement fait aujourd'hui ne sera pas sur le compte auj. Faites le virement du montant du loyer exact'» (pièces n° 42 précitées).
Il apparaît plus généralement qu'avant que Mme Virginie B... ne perde patience et que le conflit ne survienne, les protagonistes entretenaient d'excellents rapports sans commune mesure avec celles d'un employeur et de son salarié, Mme Virginie B... écrivant le 29 juillet 2014 à M. Sébastien X... à propos du tableau à clé': « Vous êtes un vilain je m'en charge'» avec un clin d'oeil sous forme d'émoticône et celui-ci répondant': «'Oui je suis un grogrovilain et je vous présente mes excuses'!'» (pièces n° 42 précitées).
Dans ses derniers messages téléphoniques, Mme Virginie B... écrit':
- le 15 octobre 2014': «'Et demandez vous si moi je ne suis pas spoliée quand vous me devez un an d'honoraire sur Metz ou encore mes 350 000 € sur le projet de Fontenay ou encore mes parts non cédées'!!!'»,
- le 29 octobre 2014': «'Vous cherchez à me sortir et vous établissez une stratégie pour profiter de mes années de travail sans avoir à me donner 10 % de parts promises sur les murs (hors de tout pacte) ni avoir à me payer. Alors même que j'ai passé 5 ans à m'échiner sur l'ensemble des difficultés de ce dossier en mettant entre parenthèses ma vie et mes clients pour mener à bien ce dossier.'»,
ces considérations spontanées de l'intéressée étant davantage évocatrices d'un conflit entre associés et en tout état de cause de relations commerciales litigieuses que d'un contrat de travail réellement exécuté.
Il résulte ainsi de l'ensemble de ces développements qu'en sus de ses attributions liées à la commercialisation des chambres de la résidence hôtelière, Mme Virginie B... a exercé la gérance de fait de l'établissement sans aucun lien de subordination avec le gérant de droit de la SARL RESIDENCE ISIDORE, de sorte que la preuve du caractère fictif du contrat de travail dont se prévaut Mme Virginie B... est suffisamment rapportée et que la décision des premiers juges sera par voie de conséquence infirmée en ce qu'ils ont retenu l'existence d'un contrat de travail.
- S'agissant des relations contractuelles entre les autres demandeurs au contredit et Mme Virginie B...':
Dans le cadre des relations alléguées entre d'une part la SCI René Isidore, la SARL METZ, la SARL COTO, M. Sébastien X... ainsi que les héritiers de M. Bruno Z... et d'autre part Mme Virginie B..., il n'existe aucun contrat de travail apparent et il appartient dès lors à cette dernière de rapporter la preuve de la situation de coemploi dont elle se prévaut.
Cette preuve fait défaut dès lors qu'aucun lien de subordination entre ces parties n'est caractérisé, les documents constituant les pièces n° 54 de la défenderesse au contredit étant à cet égard inopérants.
Il convient en conséquence d'accueillir le contredit de compétence, de dire que Mme Virginie B... n'a pas été liée à la SARL RESIDENCE ISIDORE par un contrat de travail, ni à la SCI René Isidore, à la SARL METZ, à la SARL COTO, à M. Sébastien X... et à M. Bruno Z..., d'infirmer le jugement déféré, de dire le conseil de prud'hommes de Paris incompétent pour connaître du litige opposant les parties et de renvoyer l'affaire devant le tribunal de commerce de Paris, sans qu'il y ait lieu d'évoquer le fond.
Sur les frais irrépétibles et les frais de contredit':
Il n'y a pas lieu en équité de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de quiconque.
Mme Virginie B... qui succombe en ses prétentions supportera les frais de contredit.
PAR CES MOTIFS
Dit n'y avoir lieu de surseoir à statuer';
Accueille le contredit formé par la SARL RESIDENCE ISIDORE, la SCI René Isidore, la SARL METZ, la SARL COTO et M. Sébastien X... ainsi que les consorts Z... (Y..., Laetitia, Alexandre et Solène) ;
Dit que Mme Virginie B... n'a pas été liée à la SARL RESIDENCE ISIDORE par un contrat de travail, ni à la SCI René Isidore, à la SARL METZ, à la SARL COTO, à M. Sébastien X... et à M. Bruno Z...';
Infirme le jugement déféré';
Déclare le conseil de prud'hommes de Paris incompétent pour connaître du litige opposant les parties';
Dit n'y avoir lieu à évocation';
Renvoie l'affaire devant le tribunal de commerce de Paris ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile';
Condamne Mme Virginie B... aux frais de contredit.
LE GREFFIER LE PRESIDENT