RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 4
ARRÊT DU 05 Juin 2018
(n° , 10 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 16/02419
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 20 Novembre 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 13/14256
APPELANT
Monsieur Patrick X...
né le [...] à MOISSAC (82200)
Demeurant [...]
comparant en personne, assisté de Me Nadège Y..., avocat au barreau de PARIS, toque : E1186
INTIMEE
L'association AURORE
Sise 1, [...]
représentée par Me Pascal Z..., avocat au barreau de PARIS, toque : D0037 substitué par Me Aymeric F..., avocat au barreau de PARIS, toque : D0037
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Avril 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marianne FEBVRE-MOCAER, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Bruno BLANC , Président
Madame Soleine HUNTER-FALCK, Conseillère
Madame Marianne FEBVRE-MOCAER, Conseillère
qui en ont délibéré,
En présence de Mme Audrey A..., stagiaire PPI
Greffier : Mme Marine BRUNIE, lors des débats,
En présence de Mme Laetitia MELY, greffier
ARRET :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile,
- signé par M. Bruno BLANC, président et par Mme Marine BRUNIE, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire
EXPOSE DU LITIGE
L'association Aurore est une association reconnue d'utilité publique qui a pour but la réinsertion sociale et professionnelle de personnes en situation d'exclusion ou de précarité. Son siège est [...], mais elle dispose d'une centaine d'établissements sur le territoire national et offre des prestations d'hébergement, de soins et d'insertion.
Le 19 janvier 2009, elle a embauché M. Patrick X..., né le [...], en qualité d'ouvrier hautement qualifié au sein du pôle maintenance dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à temps complet.
La relation de travail était soumise à la convention collective des établissements privés d'hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratifs.
Par un avenant du 1er février 2010, le salarié a été nommé surveillant d'entretien. Par un nouvel avenant du 1er avril 2011, il a été promu cadre logistique, chef du service entretien. Il percevait en dernier lieu une rémunération mensuelle brute de 3.403,63 €.
Le 15 mars 2013, M. X... a été convoqué à un entretien préalable à sanction pouvant aller jusqu'au licenciement fixé au 22 mars suivant, avec mise à pied conservatoire.
Il a été licencié 'pour motif personnel' par une lettre du 27 mars 2013 prévoyant une dispense de préavis et le règlement du salaire pendant la mise à pied.
Le 25 septembre 2013, le salarié a contesté cette décision devant le conseil des prud'hommes de Paris, auquel il a également présenté diverses demandes relatives à l'exécution de son contrat.
La cour est saisie de l'appel interjeté le 15 février 2016 par M. X... à l'encontre du jugement rendu le 20 novembre 2015 et notifié le 23 janvier 2016, qui a :
- condamné l'association Aurore à lui verser les sommes de 25.000 € à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du jugement, et 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- l'a débouté du surplus de ses demandes,
- a débouté l'association Aurore de sa demande reconventionnelle et l'a condamnée aux dépens.
Vu les conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience du 4 avril 2018 par M. X... qui demande à la cour de:
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit son licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamné l'association Aurore à lui payer de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- réformer le jugement sur le quantum de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner l'association Aurore à lui payer la somme de 42.600€ de ce chef,
- infirmer le jugement pour le surplus,
- lui reconnaître le bénéfice du coefficient 716,
- condamner l'association Aurore à lui payer les sommes suivantes :
* 26.510,46 € à titre de rappel de salaire au coefficient 716 du 1er avril 2011 au 27 juillet 2013,
* 2.651,04 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférents,
* 736€ à titre de rappel de prime différentielle de remplacement de novembre 2009 à janvier 2010,
* 73,60 € à titre de congés payés afférents,
* 12.108,10 € à titre de rappel de prime différentielle de remplacement d'avril 2010 à avril 2011,
* 1.210,81 € à titre de congés payés afférents,
* 10.200 € à titre de rappel de prime mensuelle de responsabilité financière,
* 1.020 € à titre de congés payés afférents,
* 6.300 € à titre de rappel de prime de tutorat,
* 630 € à titre de congés payés afférents,
* 1.725,18 € à titre de rappel d'heures supplémentaires,
* 172,51 € à titre de congés payés afférents,
* 1.157,13 € à titre de solde des congés payés,
* 21.300 € à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
* 10 .600 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par un comportement vexatoire,
* 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens y compris les éventuels frais d'exécution forcée.
Vu les conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience du 4 avril 2018 par l'association Aurore aux fins de voir :
- infirmer le jugement en ce qu'il a constaté l'absence de caractère réel et sérieux du licenciement,
- le confirmer sur le surplus,
- débouter M. X... de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- condamner ce dernier à lui verser 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- statuer ce que de droit sur les dépens.
A l'issue des plaidoiries le 4 avril 2018, la cour a proposé aux parties de procéder par voie de médiation et leur a demandé de lui faire connaître leur accord éventuel au plus tard le 16 avril 2018. Elles a avisées qu'à défaut l'affaire était mise en délibéré pour être rendue par mise à disposition au greffe le 5 juin 2018. Aucun accord en vue d'une médiation n'ayant été donné dans le délai imparti, la cour vide son délibéré.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère aux conclusions écrites susvisées.
SUR CE :
Sur la reclassification :
Si la position du salarié est notamment définie par le niveau et le coefficient hiérarchique qui lui est attribué, en matière de qualification, les fonctions exercées sont déterminantes. Un salarié est donc en droit de demander la réévaluation de son coefficient hiérarchique sans qu'il puisse lui être opposé qu'il aurait renoncé - en exécutant son contrat de travail - à solliciter les avantages que la convention collective attribue en fonction de la qualification de l'emploi effectivement exercé.
Par ailleurs, en vertu du principe «à travail égal, salaire égal», l'employeur est tenu d'assurer l'égalité de rémunération entre ses salariés pour autant qu'ils sont placés dans une situation identique.
Lorsqu'il est saisi d'une contestation à ce sujet, le juge compare les conditions prévues par la convention collective pour accéder à la qualification demandée et la situation exacte du salarié dans l'entreprise. Le salarié qui obtient son reclassement au niveau hiérarchique supérieur a droit à un rappel de salaire correspondant au minimum conventionnel de rémunération afférent à ce coefficient.
En l'espèce, M. X... réclame un rappel de salaire en faisant valoir que le 1er avril 2011, il avait été nommé chef du service technique en remplacement de M. B..., lequel était classé au coefficient 716 de la grille des emplois de la convention collective alors que lui-même s'est vu attribuer le coefficient 493. Il souligne qu'il était titulaire d'un BTS et d'une licence professionnelle et que la différence de traitement avec M. B... ne se justifiait pas puisque ce dernier - qui ne cumulait pas comme lui les fonctions de chef d'équipe et de chef de service - exerçait moins de responsabilité que celles qui lui avaient été attribuées.
L'association Aurore lui oppose que le coefficient 716 est attribué dans la convention collective aux cadres logistiques, à savoir les ingénieurs et chefs des services techniques et que M. X... ne remplissait pas les conditions d'octroi de la qualification de chef de service technique, défini comme celui qui 'coordonne l'ensemble de l'activité relevant de son domaine d'intervention (entretien, ...) dans les établissements de plus de 300 lits ou de plus de 300 ETP', et supposant d'être 'titulaire d'un diplôme de niveau Bac+4 ou bien d'un diplôme Bac+3 et justifier d'une expérience de la fonction d'au moins 3 ans'. L'employeur affirme par ailleurs que M. Luis B... - qui était titulaire d'une licence de science de l'éducation et d'une formation dispensée en 1992 par la Maison de la promotion sociale de Grenoble, et justifiait d'expériences professionnelles diverses - s'était vu accorder une surqualification, par le biais d'un positionnement équivalent à celui d'un directeur d'établissement au regard de son ancienneté et de ses compétences professionnelles incontestées et incontestables.
Pour débouter le salarié de sa demande de rappel de salaire, le conseil des prud'hommes a considéré qu'il n'apportait pas de 'preuve conséquente'.
Or la cour constate au contraire que l'association Aurore ne conteste pas que M. B... bénéficiait du coefficient 716 alors que, pour sa part, M. X... justifie par la production des échanges de mails avec M. C..., Directeur du service insertion et supérieur hiérarchique du salarié, entre juillet 2010 et février 2011, de la fiche de poste signée le 28 mars 2011 et de l'avenant du 1er avril 2011 qu'il a été promu à des fonctions précédemment exercées par M. B.... Par ailleurs, il justifie qu'il possédait les diplômes et l'expérience requis pour être nommé sur le poste de chef de services techniques occupé par la personne remplacée. De son côté, l'association Aurore ne justifie pas la différence de traitement invoquée par aucun élément objectif susceptible de l'expliquer. Notamment, le curriculum vitae non daté qu'elle verse aux débats par l'association Aurore n'est pas probant et il est tout à fait insuffisant pour expliquer que M. X... ne se soit pas vu attribuer le coefficient 716 de la grille des emplois de la filière logistique, en l'absence de tout autre élément de preuve, notamment la copie des diplômes, le contrat de travail, les bulletins de salaire et la fiche de poste de M. B... qui n'ont pas été produit en dépit d'une sommation de communiquer en date du 27 octobre 2014. Enfin, l'employeur ne fournit aucun élément établissant la surqualification de M. B... et les raisons de cette situation au regard des critères de classification prévus par la convention collective.
Il y a donc lieu d'infirmer le jugement entrepris, et de faire droit à la demande de rappel de salaire présentée par le salarié sur la base d'un calcul ne faisant l'objet d'aucune discussion entre les parties.
Sur le rappel d'indemnités et primes :
Le conseil des prud'hommes a également débouté M. X... de ses demandes d'indemnités et primes complémentaires sur la base du 'défaut de preuve conséquente'.
En cause d'appel, le salarié réitère sa demande de paiement d'une indemnité différentielle, sur le fondement de l'article 08.04.2 de la convention collective applicable, pour le remplacement de:
- M. D..., ancien chef d'équipe doté du coefficient 428, à compter du mois de novembre 2009 (trois mois, jusqu'à sa promotion de février 2010),
- M. B..., à compter d'avril 2010 (douze mois, sous déduction de la prime de responsabilité perçue de septembre 2010 à mars 2011 en reconnaissance officieuse de ce remplacement). Il justifie notamment que sa hiérarchie a reconnu que le remplacement de M. B... le conduisait à accomplir de nombreuses heures supplémentaires et a cherché à lui assurer une augmentation destinées à couvrir ce surcroît d'activité.
De son côté, l'association Aurore soutient que le salarié a été employé selon ses qualifications contractuelles et qu'il n'a nullement assuré un interim effectif et total des deux salariés absents. Elle affirme en effet qu'il a seulement pallié de manière ponctuelle leur absence et se réfère également aux insuffisances professionnelles qui lui ont été reprochées dans le cadre de son licenciement.
La convention collective nationale des établissements privés d'hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif du 31 octobre 1951 prévoit en son article 08.04.2 le paiement d'une indemnité différentielle de remplacement dans les termes suivants :' Si, pour des raisons d'ordre technique et en considération des besoins du service, l'employeur ou son représentant est amené à déplacer pendant plus de quinze jours un employé d'une catégorie quelconque en l'occupant à des travaux qui ne sont pas ceux qui lui sont habituellement confiés, notamment en le chargeant de remplacer un employé d'une catégorie professionnelle supérieure, il sera versé au remplaçant, sous les réserves exprimées ci-après, pendant toute la durée du remplacement, une indemnité différentielle dont le montant sera fixé dans les conditions suivantes :
- lorsqu'il s'agira d'un intérim effectif et total, le montant de l'indemnité est égal à la différence entre les coefficients de base conventionnels des deux agents intéressés ;
- lorsqu'il n'en sera pas ainsi, il est au moins égal à la moitié de cette différence.'
En l'occurrence, l'association Aurore ne conteste pas que M. X... a remplacé M. Simon D... puis M. Luis B... pendant leurs absences respectives. Si elle affirme qu'il ne s'agissait nullement d'un 'interim effectif et total' au sens de la convention collective, elle n'offre pas de prouver comme les responsabilités de ces deux salariés ont été réparties entre les différents membres du personnel. Par ailleurs, elle ne justifie pas avoir fait bénéficier le salarié de l'indemnité différentielle réduite prévue par la convention collective, ce qui aurait dû être le cas dans l'hypothèse de remplacements limités ou partiels.
Il y a donc lieu d'infirmer le jugement et d'accueillir la demande présentée par M. X... sur la base de calculs non contestés, intégrant les sommes qui étaient précisément destinées à compenser l'augmentation de sa charge de travail.
S'agissant de la prime mensuelle de responsabilité financière, M. X... fait valoir que trois au moins de ses collègues du service techniques bénéficiaient d'une prime mensuelle de 200€ destinée à compenser la responsabilité de la gestion d'une caisse. Il réclame un traitement identique en déclarant qu'à compter de novembre 2009, qu'il avait également assumé seul la responsabilité d'une caisse contenant des espèces nécessaires aux achats du matériel nécessaire pour les travaux et qu'il devait rendre compte de la ventilation de cet argent auprès de la directrice financière.
Or, la prime dont le bénéfice est réclamé par le salarié n'est prévu par aucun texte légal, réglementaire ou conventionnel, tandis que l'intéressé ne produit pas d'élément de preuve de la réalité de ses allégations quant à la situation de collègues dans une situation comparable à la sienne.
Par suite, le jugement qui l'a débouté de cette demande sera confirmé.
M. X... réclame enfin un rappel de prime de tutorat en faisant valoir qu'il avait bénéficié de cette prime de 150€ par mois, conformément à son contrat de travail, et que cet avantage financier lui avait été retiré lorsqu'il avait nommé surveillant d'entretien en février 2010, à l'inverse de l'un de ses collègues (M. E..., chef d'équipe à Gagny) qui avait continué à percevoir cette prime.
Pourtant, l'association Aurore justifie qu'il a continué à percevoir une prime de tutorat jusqu'en octobre 2012, date à laquelle elle a été supprimée pour toutes les personnes concernées, suite à une réorganisation du service de maintenance qui n'avait plus de mission de réinsertion, cette disparition ayant été compensée par des augmentations indiciaires ou de salaires après consultation du comité d'entreprise.
Il y a donc lieu de confirmer le jugement qui a débouté le salarié de cette demande.
Sur les heures supplémentaires et le travail dissimulé:
La durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles. En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Il appartient toutefois au salarié demandeur de fournir préalablement au juge les éléments de nature à étayer ses prétentions.
Le salarié demandeur doit donc produire des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.
Par ailleurs, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L.8221-5 du code du travail - notamment en mentionnant sciemment sur le bulletin de salaire un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli - a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire en cas de rupture de la relation de travail quel qu'en soit le mode. Le paiement de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé n'est pas subordonné à l'existence d'une décision pénale déclarant l'employeur coupable. En revanche, le travail dissimulé doit être caractérisé dans ses éléments matériel et intentionnel, ce dernier ne pouvant se déduire de la seule absence de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie.
M. X... réitère en cause d'appel sa demande de paiement d'une somme de 1.725,18€ outre les congés payés afférents au titre d'heures supplémentaires non régularisées.
Or il fournit ses bulletins de salaires ainsi que des échanges de courriers dont il résulte qu'il a en effet accompli des heures supplémentaires qui ont donné lieu à paiement ou à des repos compensateurs, ce qui ressort également des pièces versées aux débats par l'association Aurore (lettre d'explication à l'adresse de l'inspection du travail, demande d'autorisation d'absence pour une journée de récupération validée).
Le salarié produit par ailleurs un décompte récapitulatif d'heures supplémentaires dont il affirme qu'elles n'avaient pas été prises en compte par l'employeur, auxquelles il a appliqué le taux de majoration de 25% ou de 50%.
Cependant et comme l'objecte à juste titre l'association Aurore, ce tableau ne permet pas de déterminer le nombre d'heures supplémentaires accomplies chaque semaine concernée et de vérifier que les heures y figurant ne font pas partie de celles qui ont déjà été payées ou compensées par un jour de repos. La demande du salarié n'est donc pas étayée par des éléments suffisamment précis permettant à l'employeur d'y répondre en fournissant ses propres éléments.
Quant à la demande d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, elle repose sur l'existence d'heures supplémentaires délibérément non payées, ce qui n'est manifestement pas le cas au vu des pièces versées aux débats.
Le jugement qui a débouté le salarié de ses prétentions de ces deux chefs sera donc confirmé.
Sur le bien fondé et les conséquences du licenciement:
L'employeur qui prend l'initiative de rompre le contrat de travail doit énoncer son ou ses motifs dans la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige. Les motifs avancés doivent être précis et matériellement vérifiables, des motifs imprécis équivalant à une absence de motif. Le licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, c'est-à-dire être fondé sur des faits exacts, précis, objectifs et revêtant une certaine gravité.
En cas de litige, le juge à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
En l'espèce, le conseil des prud'hommes de Paris a condamné l'association Aurore à payer à M. X... une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de 25.000€ après avoir constaté que :
- l'employeur avait d'abord envisagé la faute grave et initié une procédure disciplinaire avec mise à pied conservatoire, avant d'annuler cette mesure conservatoire et de ne retenir qu'une faute simple,
- en application de l'article 34 du règlement intérieure, il ne pouvait cependant y avoir licenciement qu'après au moins deux sanctions,
- cette condition n'était pas remplie puisque M. X... n'avait fait l'objet d'aucune sanction disciplinaire préalable.
Le salarié demande la confirmation du jugement en ce qu'il a dit son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, et forme appel sur le montant de l'indemnité allouée qu'il estime insuffisante, réclamant une somme correspondant à douze mois de salaire. Il sollicite par ailleurs l'allocation de dommages et intérêts pour préjudice moral distinct, en relation avec la brutalité et le caractère vexatoire de la rupture.
De son côté, l'employeur oppose qu'elle a licencié M. X... pour insuffisance professionnelle et non pour faute disciplinaire, de sorte que les dispositions du règlement intérieur visées par les premiers juges ne trouvaient pas à s'appliquer. L'association Aurore rappelle à cet égard que l'insuffisance professionnelle peut constituer une cause légitime de licenciement dès lors qu'elle repose sur des éléments concrets et non sur une appréciation purement subjective de l'employeur.
Or, outre le fait que la procédure a été engagée sur le terrain disciplinaire, les termes même de la lettre de licenciement ne permettent pas d'accueillir la thèse de l'employeur qui invoque à l'encontre du salarié un certain nombre de manquement à ses obligations contractuelles constitutifs de fautes disciplinaires. Tel est le cas notamment des reproches suivants :
- 'depuis plusieurs années, vous êtes mis en cause sur votre management et votre relationnel irrespectueux, vexatoire et trop autoritariste',
- 'malgré les éléments probants qui commençaient à s'accumuler, nous avons décidé, à l'occasion de la mise en place de la nouvelle organisation des services
techniques en janvier 2013, de vous laisser une dernière chance et vous avons proposé un avenant à votre contrat de travail assort(i) d'une période probatoire de 6 mois. Ceci devait nous permettre d'évaluer et de mesurer concrètement les améliorations sur les aspects défaillants de votre management et sur lesquelles nous avions pris la peine de vous préciser de façon très détaillée nos attentes',
- 'Très rapidement, vous avez créé les conditions pour (que les nouveaux collaborateurs affectés en interne et en externe à votre équipe) demandent à partir alors qu'ils étaient fort appréciés de leurs précédentes hiérarchies par leur disponibilité, leur comportement général et leur abnégation. Deux d'entre eux ont quitté votre service à leur demande (que nous avons pu heureusement honorer), et un troisième est en arrêt maladie et nous demande un départ en rupture conventionnelle. Dans le même temps, de nouvelles plaintes ont été formulées à votre encontre venant de personnels nouvellement arrivés',
- 'Ces attitudes tyranniques ne vous permettent pas d'asseoir votre légitimité et empêchent le service dont vous avez la responsabilité de fonctionner dans des conditions normales.
Votre relationnel induit des comportements potentiellement agressifs de défense voire de peur que nous avons souhaités stopper par la mesure de mise à pied conservatoire afin de préserver les équipes.'
- 'Les éléments de votre discours auprès de vos équipes, retranscris par les divers témoignages que nous avons pu recueillir associés à vos propres communications écrites et verbales sont irrespectueux des personnes et en totale opposition avec les valeurs d'humanisme et de solidarité qui animent notre association.'
Cette lettre attribue ainsi au salarié une mauvaise volonté délibérée et persistante, malgré la 'dernière chance' dont il avait bénéficié et de l'obligation de faire ses preuves qui lui aurait été imposée à l'occasion d'une promotion, ainsi qu'un mépris des valeurs de l'association.
C'est donc à juste titre que le conseil des prud'hommes a considéré, au vu du règlement intérieur applicable, que le licenciement n'était pas justifié dès que le salarié n'avait fait l'objet d'aucune autre sanction disciplinaire préalable.
A titre superfaitatoire, la cour constate également que l'association Aurore qui reproche à M. X... une insuffisance professionnelle ne justifie pas avoir accompagné la promotion du salarié au statut de cadre d'une formation adaptée aux nouvelles responsabilités qu'elle lui confiait à partir du mois d'avril 2011. L'employeur n'établit pas davantage avoir attiré l'attention du salarié sur les insuffisances qu'il indique avoir constaté par le passé, que ce soit à l'occasion d'entretien d'évaluation ou de correspondance, et il ne fournit aucun élément sur la réalité de la période probatoire de six mois dont il fait état. Enfin, les pièces fournies par les parties ne permettent pas d'imputer à l'insuffisance professionnelle du salarié l'ensemble des dysfonctionnements ayant conduit aux difficultés relevées dans la lettre de notification.
Il y a donc lieu de confirmer le jugement sur l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement.
S'agissant du préjudice résultant de la perte de l'emploi, compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée, de l'âge de M. X..., de son ancienneté dans l'entreprise, de sa capacité à retrouver un emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences concrète du licenciement à son égard tel que cela résulte des pièces communiquées et des explications fournies à la cour, il y a lieu de confirmer le jugement sur le montant de l'indemnité allouée.
M. X... fait également état à juste titre du caractère brutal et vexatoire de la rupture, en relation avec une mise à pied conservatoire et des accusations injustifiées portées à son encontre sur fond de réorganisation et d'hésitations quant aux modalités de gestion du service technique auquel il était affecté. Compte tenu des responsabilités qui lui avaient été confiées et des relations procédant de la prise en charge de personnes en situation d'insertion, le salarié qui démontre par ailleurs son investissement en direction de fonctions nécessitant des qualités humaines (puisqu'il a passé avec succès le concours de conseiller pénitentiaire d'insertion et de probation) justifie d'un préjudice moral distinct qui sera réparé par l'octroi d'une somme de 2.000€ à titre de dommages et intérêts.
Par ailleurs, lorsque le licenciement est indemnisé en application des articles L.1235-3 du code du travail - comme c'est le cas en l'espèce -, la juridiction ordonne d'office, même en l'absence de Pôle emploi à l'audience et sur le fondement des dispositions de l'article L.1235-4 du même code, le remboursement par l'employeur, de toute ou partie des indemnités de chômage payées au salarié par les organismes concernés, du jour du licenciement au jour du jugement, dans la limite de six mois. En l'espèce au vu des circonstances de la cause il convient de condamner l'employeur à rembourser les indemnités à concurrence de six mois.
Le jugement rendu sera donc complété en ce sens.
Sur les autres demandes :
Il serait inéquitable que M. X... supporte l'intégralité des frais non compris dans les dépens tandis que l'association Aurore qui succombe doit en être déboutée.
En revanche, le salarié n'est pas légitime à demander à la cour de faire supporter à l'employeur le coût des frais d'exécution éventuels de la présente décision (les entiers dépens y compris les éventuels frais d'exécution). Conformément à l'article 10 du décret 2001-212 du 8 mars 2001 relatifs à la tarification des actes des huissiers de justice, ces frais restaient en effet à la charge du créancier. Pour leur part, les nouvelles dispositions de l'article L.111-8 du code des procédures civiles d'exécution prévoient la répartition des frais d'exécution forcée et de recouvrement entre le créancier et le débiteur, ainsi que le recours au juge de l'exécution dans certaines hypothèses. Il n'appartient donc pas au juge du fond de mettre à la charge de l'un ce que les textes ont prévu de faire supporter par l'autre.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement contradictoirement :
Déclare l'appel recevable ;
Confirme le jugement rendu le 20 novembre 2015 sauf sur le rappel de salaire suite à reclassification, l'indemnité différentielle et les dommages et intérêts pour licenciement vexatoire;
L'infirme de ces chefs;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit que le licenciement de M. X... est dépourvu de cause réelle et sérieuse;
Condamne l'association Aurore à payer à M. X... les sommes de :
- 26.510,46 € (Vingt-six mille cinq cent dix euros et quarante-six centimes) à titre de rappel de salaire au coefficient 716 du 1er avril 2011 au 27 juillet 2013, en brut,
- 2.651,04 € (Deux mille six cent cinquante et un euros et quatre centimes) au titre des congés payés afférents, en brut,
- 736€ (Sept cent trente-six euros) à titre de rappel de prime différentielle de remplacement de novembre 2009 à janvier 2010, en brut,
- 73,60 € (Soixante-treize euros et six centimes) à titre de congés payés afférents, en brut,
- 12.108,10 € (Douze mille cent huit euros et dix centimes) à titre de rappel de prime différentielle de remplacement d'avril 2010 à avril 2011, en brut,
- 1.210,81 € (Mille deux cent dix euros et quatre-vingt-un centimes) à titre de congés payés afférents, en brut,
- 2.000 € (Deux mille euros) à titre de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire, somme nette de tous prélèvements sociaux ;
Ordonne le remboursement par l'association Aurore au Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à M. X... du jour de son licenciement à ce jour, à concurrence de six mois ;
Dit que le secrétariat greffe adressera à la Direction générale de Pôle Emploi une copie certifiée conforme du jugement en application de l'article R 1235-2 du code du travail ;
Condamne l'association Aurore aux dépens d'appel, et à payer à M. X... la somme de 2.000 € (Deux mille euros) en vertu de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT