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14/06/2018 | FRANCE | N°17/14295

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 2, 14 juin 2018, 17/14295


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS


Pôle 6 - Chambre 2





ARRÊT DU 14 Juin 2018





(n° , 5 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S 17/14295





Décision déférée à la Cour : ordonnance rendue le 26 Octobre 2017 par le Conseil de prud'hommes de PARIS - RG n° 17/00914








APPELANT


Monsieur Georges X...


né le [...] à Alep (SYRIE)


[...]

r>comparant en personne, assisté de Me Michel Y..., avocat au barreau de PARIS, toque : P0099








INTIMEE


SA BNP PARIBAS


N° SIRET : 662 042 449


[...]


représentée par Me Matthieu B... de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 2

ARRÊT DU 14 Juin 2018

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 17/14295

Décision déférée à la Cour : ordonnance rendue le 26 Octobre 2017 par le Conseil de prud'hommes de PARIS - RG n° 17/00914

APPELANT

Monsieur Georges X...

né le [...] à Alep (SYRIE)

[...]

comparant en personne, assisté de Me Michel Y..., avocat au barreau de PARIS, toque : P0099

INTIMEE

SA BNP PARIBAS

N° SIRET : 662 042 449

[...]

représentée par Me Matthieu B... de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

représentée par Me Frédéric Z... et par Me Marine DE MONTECLER, avocats au barreau de PARIS, toque : L0099

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 avril 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine MÉTADIEU, Président, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Catherine MÉTADIEU, Président

Madame Patricia DUFOUR, Conseiller appelé à compléter la chambre par ordonnance de roulement en date du 05 janvier 2018

Monsieur Christophe ESTEVE, Conseiller

GREFFIER : Madame FOULON, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Catherine MÉTADIEU, Président et par Madame FOULON, Greffier.

Statuant sur l'appel interjeté le 9 novembre 2017 par Georges X... à l'encontre de l'ordonnance rendue le 26 octobre 2017 par le conseil de prud'hommes de PARIS en sa formation de départage et de référé qui a :

- dit irrecevables les demandes de Georges X... de prise en charge des honoraires d'avocats

- dit n'y avoir lieu à référé pour le surplus

- débouté la SA BNP PARIBAS de sa demande d'indemnité au titre des frais irrépétibles;

Vu les conclusions déposées le 16 mars 2018 sur le RPVA par Georges X... qui demande à la cour de :

Vu les articles R.1455-8 du code du travail, 2044 et 2048 du code civil

Vu les articles 1221-1, 1222-2 du code du travail, 1194 (anciennement 1135) et 1240 (anciennement 1382) du code civil

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré irrecevable sa demande tendant à la prise en charge de ses frais et honoraires de justice en lien avec les poursuites exercées à son encontre par les autorités américaines à raison des actes ou faits accomplis dans le cadre de l'exécution de son contrat de travail au service de la SA BNP PARIBAS

- condamner la SA BNP PARIBAS à lui verser à titre provisionnel la contre-valeur en euros de la somme de 59 664,11 $ américains

- condamner la SA BNP PARIBAS au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Vu les conclusions déposées le 27 mars 2018 sur le RPVA par la SA BNP PARIBAS qui demande à la cour de :

A titre principal,

- confirmer l'ordonnance déférée sauf en ce qu'elle l'a déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles

A titre subsidiaire,

- débouter Georges X... de ses demandes

En tout état de cause,

- condamner Georges X... au paiement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu l'ordonnance de clôture en date du 29 mars 2018 ;

SUR CE LA COUR,

Faits-Procédure :

Georges X... a été engagé à compter du 15 juillet 1997 par la société PARIBAS devenue BNP PARIBAS, en qualité de juriste, selon un contrat de travail à durée indéterminée.

Jusqu'en avril 2013, il a été responsable juridique à Paris auprès de la division des financements structurés, pôle de rattachement d'activités qui ont fait l'objet d'investigations de la part des autorités américaines concernant des transactions susceptibles d'être en infraction avec la législation des Etats Unis sur les embargos financiers.

Cette enquête commencée en 2007 a donné lieu le 30 juin 2014 à un accord aux termes duquel la SA BNP PARIBAS a accepté le paiement d'une amende.

Georges X... a été nommé «Coordinateur Global pour CIB Corporate Banking».

En 2014, il a été identifié parmi les salariés de la banque comme ayant participé aux opérations ayant donné lieu à la conclusion de l'accord sans que le nom de ces derniers ne soient toutefois expressément mentionnés.

La SA BNP PARIBAS a notifié à Georges X... son licenciement pour cause réelle et sérieuse licenciement par lettre recommandée datée du 26 juin 2014 puis a accepté de transiger.

Les parties ont conclu un protocole d'accord transactionnel en juillet 2014.

En 2017, la Réserve Fédérale (FED), banque centrale des ÉtatsÉtatsUnis a décidé de mettre en 'uvre une enquête en vue d'une éventuelle action personnelle contre Georges X....

C'est dans ces circonstances que Georges X... a, le 20 juin 2017 saisi la formation des référés du conseil de prud'hommes de PARIS.

Motivation :

Selon l'article R.1455-6 du même code du travail, la formation de référé peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Il est précisé à l'article R.1455-7 que dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, la formation des référés peut accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

La cour constate que Georges X... forme un appel partiel lequel ne porte que sur le rejet de sa demande de prise en charge de ses frais d'avocat qu'il a dû engager pour sa défense à l'occasion des poursuites exercées à son encontre par les autorités américaines.

Aux termes du protocole d'accord transactionnel, la SA BNP PARIBAS a accepté de verser à Georges X... une indemnité transactionnelle de 900 000 euros ainsi qu'une indemnité supplémentaire de 15 000 euros pour la perte de stock-options aux termes d'un protocole d'accord signé le 18 juillet 2014 (la cour observant à cet égard que si le jour de signature du protocole n'est pas expressément mentionné dans le protocole lui-même, en revanche il est mentionné dans les deux annexes), outre une somme de 25 000 euros de remboursement de frais liés à la recherche d'emploi, sur justification, et de 10 000 euros au titre de ses frais de déménagement et de stockage de ses effets personnels, également au vu de justificatifs, ce en vertu de deux annexes distinctes au protocole transactionnel.

Il est précisé à l'article 6 de ce protocole d'accord transactionnel :

' Sous réserve de la parfaite exécution de la présente transaction et en particulier du règlement des sommes mentionnées aux articles 1 et 2 du présent protocole, Monsieur X... se déclare entièrement rempli des droits actuels et futurs vis à vis de BNP PARIBAS ou toute autre société du Groupe BNP PARIBAS et à l'étranger du fait tant de l'exécution que de la cessation de son contrat de travail au sein de BNP PARIBAS à quelque titre et pour quelque cause que ce soit.

Monsieur X... déclare expressément n'avoir plus aucune autre demande à formuler contre BNP PARIBAS et/ou toute autre société du Groupe BNP PARIBAS du fait tant de l'exécution que de la cessation de son contrat de travail à quelque titre et pour quelque cause que ce soit. [...]

Monsieur X... reconnaît expressément que ces règlements mettent fin à tout différend né ou à naître concernant les rapports de droit ou de fait ayant pu exister entre lui et BNP PARIBAS ainsi que toute autre société du groupe et leurs dirigeants et salariés[...].

Monsieur X... reconnaît avoir disposé du temps et des conseils nécessaires pour apprécier l'étendue de ses droits dans le cadre de la présente transaction[...]'.

et à l'article 9 :

'Sans valoir reconnaissance par chacune des parties du bien-fondé des prétentions de l'autre, le présent accord vaut transaction ferme, définitive et sans réserve entre les parties, BNP PARIBAS et Monsieur X..., conformément aux dispositions de l'article 2044 et suivants du code civil et désistement et/ou renonciation réciproques d'instance et d'action pour toutes les causes liées au contrat de travail conclu entre Monsieur X... et BNP PARIBAS, à son exécution ou sa cessation. Il ne pourra être attaqué pour cause d'erreur de droit ou de lésion ; il a autorité de la chose jugée'.

Il résulte de la chronologie des faits que le 1er juillet 2014, la SA BNP PARIBAS a rédigé un communiqué à destination de ses clients par lequel elle annonçait être parvenu à un 'accord global avec les autorités des États Unis relatif à la revue de certaines transactions américaines' et indiquait avoir accepté de payer un total de 8,97 milliards de dollars (6,6 milliards d'euros).

Il n'est pas fait mention dans ce communiqué de l'engagement de la banque, pris dans le cadre de cet accord, de continuer à apporter au Ministère de la justice américain et au conseil des gouverneurs son concours 'concernant l'enquête sur les activités de compensation en dollars de BNP PARIBAS, y compris l'enquête sur les employés'.

Elle n'évoque pas plus à ce moment précis la possibilité que s'est expressément réservée, aux termes de cet accord, la Réserve Fédérale de prendre des 'mesures séparées à l'encontre de personnes qui sont ou étaient rattachées à BNP PARIBAS'.

Or il n'est pas contesté qu'à compter de la notification par le Trésor américain à la BNP de la procédure spécifique tendant à demander à la banque elle-même de procéder à une enquête sur les activités de sa filiale suisse avec les pays sous embargos, Georges X... a été chargé de coordonner cette enquête interne puis celle étendue en 2010 à huit autres pays et qu'il est ainsi devenu l'interlocuteur des avocats américains et le représentant de fait de la banque dans le cadre de cette procédure, ce jusqu'à sa promotion en qualité de coordinateur global.

Il n'est nullement établi qu'à la date de la signature de la transaction, la SA BNP PARIBAS avait expressément informé Georges X... du contenu précis de l'accord conclu avec les autorités américaines et notamment des risques encourus par les salariés postérieurement à cet accord.

Or l'objet du litige tel que circonscrit par la transaction liant les parties porte sur l'exécution du contrat de travail et sa rupture sur le fondement de l'article 27 de la convention collective des banques, pour un motif dont il y a lieu de noter qu'il est totalement étranger aux poursuites initiées par les autorités américaines, la banque reprochant à Georges X... 'une attitude d'opposition à l'égard de [sa] hiérarchie' et son 'refus de tout repositionnement'

Dès lors qu'il n'est pas démontré que Georges X... avait connaissance de la clause de collaboration de la SA BNP PARIBAS avec les autorités américaines en vue d'éventuelles poursuites, à titre individuel, de ses collaborateurs dont il faisait partie, l'intéressé n'a pu donner son accord que pour le seul règlement amiable de la contestation née de son licenciement et de ses conséquences.

Il est établi que ce n'est que postérieurement, en avril 2017, que Georges X... a été contraint de faire appel à un avocat américain, Paul A..., la Réserve fédérale procédant à des investigations, au vu des pièces rassemblées dans le cadre de son enquête contre la SA BNP PARIBAS, ainsi que l'indique cet avocat, aux fins d'une éventuelle sanction personnelle à l'encontre du salarié.

Il n'est pas contestable que c'est bien en exécution de son contrat de travail que Georges X... est intervenu dans le cadre du litige opposant son employeur aux autorités américaines et qu'aucun reproche quant à la manière dont il a assuré sa prestation de travail dans ce cadre ne lui a été fait par la BNP PARIBAS.

Dès lors le refus de l'intimée de prendre en charge les frais de défense de Georges X..., dont il est justifié et auxquels il doit faire face dans le cadre d'un contentieux né à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, alors qu'il était placé sous la subordination de la SA BNP PARIBAS, et l'exposant à des sanctions d'une gravité certaine (interdiction d'exercer ou amendes) est constitutif d'un trouble manifestement illicite qu'il convient de faire cesser.

Il y a lieu, infirmant l'ordonnance déférée, de faire droit à la demande de Georges X... et d'ordonner à la SA BNP PARIBAS de lui verser à titre provisionnel la contre-valeur en euros de la somme de 59 664,11 $ américains.

Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile :

L'équité commande qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et d'allouer à Georges X... la somme de 2 000 euros à ce titre.

PAR CES MOTIFS

Infirme l'ordonnance déférée en ce qu'elle a déclaré irrecevable la demande de Georges X... tendant à la prise en charge de ses frais et honoraires de justice en lien avec les poursuites exercées à son encontre par les autorités américaines à raison des actes ou faits accomplis dans le cadre de l'exécution de son contrat de travail au service de la SA BNP PARIBAS

Ordonne à la SA BNP PARIBAS de verser à Georges X... à titre provisionnel la contre-valeur en euros de la somme de 59 664,11 $ américains

Condamne la SA BNP PARIBAS à payer à Georges X... la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne la SA BNP PARIBAS aux entiers dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 17/14295
Date de la décision : 14/06/2018

Références :

Cour d'appel de Paris K2, arrêt n°17/14295 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-06-14;17.14295 ?
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