Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 1
ARRÊT DU 15 JUIN 2018
(no , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 16/21980
Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Septembre 2016 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG no 15/18254
APPELANTE
Madame Fatma X... dite Nelly Y...
née le [...] à TIPAZA (Algérie)
demeurant [...]
Représentée et assistée sur l'audience par Me Vincent Z..., avocat au barreau de PARIS, toque : E0869, substitué sur l'audience par Me Anne-sarah A..., avocat au barreau de PARIS, toque : R172
INTIMÉES
SARL QUAI OUEST prise en la personne de ses représentants légaux
No SIRET : 487 979 809
ayant son siège au [...]
Représentée et assistée sur l'audience par Me Sébastien B..., avocat au barreau de PARIS, toque : D1473
SCI SOCIETE [...] prise en la personne de ses représentants légaux
No SIRET : 440 969 657
ayant son siège au [...]
Représentée par Me Maryline C... de la SELARL Selarl MOREAU GERVAIS GUILLOU VERNADE E... C..., avocat au barreau de PARIS, toque : P0073
Assistée sur l'audience par Me Anne D..., avocat au barreau de PARIS, toque : C1825
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Mai 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Dominique DOS REIS, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Dominique DOS REIS, Présidente
Monsieur Dominique GILLES, Conseiller
Madame Christine BARBEROT, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : M. Christophe DECAIX
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Dominique DOS REIS, Présidente, et par Christophe DECAIX, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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Suivant acte de vente sous seing privé du 8 avril 2015, la SCI 12 rue des Élus a vendu à Mme Fatma Y... divers lots dépendant d'un immeuble sis [...] à Paris [...] , moyennant le prix de 353.000 € et sous condition suspensive d'obtention d'un prêt avant le 30 avril 2015 au plus tard, l'acte de réitération de la vente en la forme authentique devant intervenir le 15 mai 2015 au plus tard.
Mme Y... ayant rétracté son consentement à la vente, la SCI 12 rue des Élus l'a, par acte extra-judiciaire du 23 novembre 2015, assignée à l'effet de la voir condamner au paiement de la clause pénale de 35.300 €, de 9.000 € de dommages-intérêts complémentaires, et de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus des dépens.
Par jugement du 16 septembre 2016, le tribunal de grande instance de Paris a:
- condamné Mme Y... à verser à la SCI 12 rue des Élus une indemnité de 35.300 € au titre de la clause pénale stipulée à l'acte du 8 avril 2015,
- rejeté les autres demandes,
- condamné Mme Y... aux dépens.
Mme Y... a relevé appel de ce jugement dont elle poursuit l'infirmation, demandant à la Cour, par dernières conclusions du 23 mai 2018, de:
au visa des articles L. 271-1 du code de la construction et de l'habitation, 1108, 1152 (anciens) du code civil, L. 312-16 du code de la consommation, 6 de la CEDH,
- débouter la SCI 12 rue des Élus de ses demandes,
- dire qu'elle a valablement exercé son droit de rétractation,
- dire que la condition suspensive ne s'est pas réalisée,
- dire que l'acte du 8 avril 2015 est nul et de nul effet,
- en tout état de cause, condamner la SCI 12 rue des Élus à lui payer la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel, en sus des dépens.
La SCI 12 rue des Élus prie la Cour, par dernières conclusions du 16 avril 2018, de:
au visa des articles 1103, 1104, 1231-5, 1304-3, 1719 et suivants, 1984 et suivants (anciens) du code civil,
- dire recevable l'appel en intervention forcée de la SARL Quai Ouest,
- dire que le présent arrêt lui sera commun et opposable,
- débouter Mme Y... de ses demandes,
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a déboutée de sa demande de dommages-intérêts complémentaire,
- condamner Mme Y... à lui payer la somme de 9.000 € au titre du préjudice matériel consécutif à l'immobilisation de son bien par suite des agissements de Mme Y... ,
- la condamner au paiement des sommes de 5.000 € de dommages-intérêts pour procédure abusive, de 3.000 € d'amende civile et de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus des dépens.
La SARL Quai Ouest prie la Cour, par dernières conclusions du24 mai 2018, de:
au visa des articles 1314 et 1315 (anciens) du code civil,
- dire Mme Y... mal fondée en son appel, l'en débouter,
- dire que l'appel en garantie de la SCI 12 rue des Élus est dépourvu d'objet et de fondement et l'en débouter,
- condamner, en conséquence, Mme Y... et la SCI 12 rue des Élus au paiement de la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus des dépens.
SUR CE
LA COUR
Au soutien de son appel, Mme Y... indique que l'acte sous seing privé du 8 avril 2015 lui a été notifié par lettre recommandée avec avis de réception du 29 avril 2015 reçue le 30 avril suivant et qu'elle a informé le mandataire, la SARL Quai Ouest, de l'exercice de son droit de rétractation, tenu de l'article L. 271-1 du code de la construction et de l'habitation, par courriel du 7 mai 2015, soit dans le délai de sept jours prévu par ce texte; elle conteste avoir eu l'obligation de notifier cette rétractation dans la forme choisie pour la notification de l'acte, estimant que le législateur a entendu laisser le choix à l'acquéreur de la forme de sa rétractation; elle prétend encore que la condition suspensive d'obtention de prêt ne s'est pas réalisée sans faute de sa part, ce qui a pour effet de rendre la vente caduque;
L'article L. 271-1 du code de la construction et de l'habitation dispose que tout acte ayant pour objet l'acquisition d'un immeuble doit être notifié à l'acquéreur par lettre recommandée avec avis de réception ou par ou par tout autre moyen présentant des garanties équivalentes pour la détermination de la date de réception ou de remise, que la faculté de rétractation est exercée dans les mêmes formes;
Il s'en déduit que la faculté de rétractation peut être exercée par l'acquéreur par tout autre moyen qu'une lettre recommandée avec avis de réception mais présentant des garanties équivalentes pour la détermination de la date de réception à cette modalité: tel pourrait être le cas d'un courriel adressé au mandataire, s'il permettait de façon certaine de déterminer sa date de réception par le destinataire;
Au cas d'espèce, Mme Y... prétend avoir adressé à la SARL Quai Ouest, mandataire de la SCI 12 rue des Élus, le 7 mai 2015, soit dans le délai de rétractation qui lui était ouvert par le texte précité, et via le service de messagerie «outlooklive» un courriel indiquant: «Je vous annonce, monsieur qu'aujourd'hui le 7 mai 2015, je me rétracte de l'achat de l'appartement», mais la SARL Quai Ouest conteste avoir reçu ce courriel, de sorte que Mme Y..., qui ne produit qu'une photocopie dépourvue de force probante sur l'envoi effectif d'un courriel de rétractation à l'agence Quai Oust, ne fait la preuve ni de son envoi ni de sa réception ;
Mme Y... ne démontre donc pas s'être rétractée en temps utile;
S'agissant de la caducité alléguée de l'acte de vente, l'article L. 312-16 du code de la consommation prévoit que lorsqu'un acte de vente mentionne que le prix sera payé en tout ou partie à l'aide d'un emprunt, la durée de la validité de la condition suspensive d'obtention de prêt ne pourra être inférieure à un mois à compter de la date de signature de l'acte; au cas présent, Mme Y... souligne que l'acte sous seing privé de vente signé le 8 avril 2015 comportant une condition suspensive d'obtention de prêt ne respecte pas ce délai de trente jours dès lors qu'il indique que la condition suspensive devra être accomplie avant le 30 avril 2015; toutefois, cette circonstance n'a pas pour effet d'affecter de nullité l'acte de vente ni la condition suspensive d'obtention de prêt, dont le délai d'accomplissement était légalement reporté au 8 mai 2015 par l'effet du texte précité, soit une semaine avant la date de réitération de la vente fixée au 15 mai 2015; il importe peu à cet égard que l'acte ne mentionne pas le point de départ du délai de dix jours imparti à Mme Y... pour solliciter un ou des prêts, dès lors qu'un éventuel manquement à ce délai de la part de l'acquéreur serait sans conséquence au regard des dispositions d'ordre public du texte précité qui ne peuvent être aggravées par des prévisions plus restrictives; de même, il est indifférent que le délai de rétraction qui a été ouvert à Mme Y... jusqu'au 7 mai 2015 ait été trop court pour lui permettre d'obtenir un prêt ou de justifier d'un refus dans le délai d'une semaine qui restait à courir jusqu'au 15 mai suivant, date de réitération de la vente, alors que rien n'impose que les délais ouverts à l'acquéreur engagé sous condition suspensive d'obtention de prêt par les articles L. 271-1 du code de la construction et de l'habitation et par l'article L. 316-12 du code de la consommation se succèdent dans le temps et qu'ils peuvent courir simultanément;
Enfin, les «coquilles» relevées dans l'acte de vente, relatives à la mention de l'article L. 316-1 du code de la consommation au lieu de L. 312-16 du même code ne peuvent affecter de nullité ledit acte, en ce qu'elles n'ont en rien influé sur les démarches de Mme Y..., inexistantes;
Ayant refusé de signer l'acte de réitération de la vente en la forme authentique sans justifier d'un refus d'obtention de prêt qu'elle reconnaît n'avoir pas demandé, Mme Y... est redevable du paiement de la clause pénale ; le montant de cette clause, soit 35.300 €, apparaît manifestement excessif au regard du délai très court d'immobilisation du bien objet de la vente, soit 5 semaines entre le 8 avril et le 15 mai 2015, de sorte que la Cour la réduira à un montant de 5.000 €;
La clause pénale ayant pour objet de réparer forfaitairement les divers préjudices subis par le vendeur en relation avec l'échec de la vente, la SCI 12 rue des Élus sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts complémentaires ; elle sera de même déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive alors que la résistance apportée aux prétentions de son adversaire par une partie qui fait une appréciation inexacte de ses droits n'est pas, en soi, constitutive d'une faute, à moins que cet exercice ne soit accompagné de circonstances particulières de nature à le faire dégénérer en abus par malice, légèreté blâmable ou intention de nuire, circonstances non caractérisées au cas d'espèce;
La demande d'amende civile n'est pas recevable, l'application de l'article 559 du code de procédure civile ressortissant à la seule appréciation des juridictions;
En équité, Mme Y... sera condamnée à régler à la SCI 12 rue des Élus la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel;
La solution apportée au litige prive d'objet l'appel en garantie de la SCI 12 rue des Élus contre la SARL Quai Ouest; l'équité ne justifie pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de celle-ci.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement, sauf sur le quantum de la clause pénale,
Statuant à nouveau,
Réduit la clause pénale contractuelle à la somme de 5.000 € et condamne Mme Y... à payer cette somme à la SCI 12 rue des Élus,
Dit sans objet l'appel en garantie de la SARL Quai Ouest par la SCI 12 rue des Élus,
Condamne Mme Y... à payer à la SCI 12 rue des Élus la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel,
Rejette toute autre demande,
Condamne Mme Y... aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier, La Présidente,