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28/06/2018 | FRANCE | N°17/11111

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 9, 28 juin 2018, 17/11111


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 9



ARRÊT DU 28 juin 2018



(n° , 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 17/11111



Décisions déférées à la Cour : Arrêt de la Cour de Cassation de PARIS du 11 Mai 2017 - pourvoi n° P15-20.496

Arrêt de la Cour d'appel de PARIS du 12 mai 2015 RG 14/14240

Jugement du Tribunal de Commerce de PARIS du 20 juin 2014 RG j2013000645>




APPELANTES :



SASU IFB FRANCE agissant en la personne de son président domicilié en cette

qualité audit siège

Immatriculé au RCS de TOULOUSE sous le ...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 9

ARRÊT DU 28 juin 2018

(n° , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 17/11111

Décisions déférées à la Cour : Arrêt de la Cour de Cassation de PARIS du 11 Mai 2017 - pourvoi n° P15-20.496

Arrêt de la Cour d'appel de PARIS du 12 mai 2015 RG 14/14240

Jugement du Tribunal de Commerce de PARIS du 20 juin 2014 RG j2013000645

APPELANTES :

SASU IFB FRANCE agissant en la personne de son président domicilié en cette

qualité audit siège

Immatriculé au RCS de TOULOUSE sous le numéro 429 912 249

Ayant son siège social [...]

Représentée par Me Matthieu B... de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477, avocat postulant

Assistée de Me Claire X... de la SCP X... ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0534, avocat plaidant

SA TALIS venant aux droits de la société QUALIS, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Immatriculé au RCS de sous le numéro 404 387 748

Ayant son siège social [...]

Représentée par Me Claire X... de la SCP X... ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0534

Ayant pour avocat postulant Me Matthieu B... de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477, avocat postulant

INTIMÉ :

Monsieur Pascal Y...

né le [...] à BELFORT (90)

Demeurant [...]

Représenté par Me Jean Z..., avocat au barreau de TOULOUSE

Ayant pour avocat postulant Me Marie-catherine A... de la SCP SCP GRV ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010, avocat postulant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 2 mai 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Madame Michèle PICARD, Présidente de chambre et Madame Christine ROSSI, Conseillère

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Michèle PICARD, Présidente de chambre

Madame Christine ROSSI, Conseillère

Monsieur Laurent BEDOUET, Conseiller appelé d'une autre chambre afin de compléter la cour en application de l'article R.312-3 du code de l'organisation judiciaire,

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du Code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Marie-Gabrielle C...

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Madame Michèle PICARD, Présidente de chambre et par Madame Hanane AKARKACH, Greffière, présent lors de la mise à disposition.

*****

FAITS ET PROCÉDURE :

La société IFB France, qui appartient au groupe Akerys dont l'actionnaire de référence est la société sca Qualis, exerce à travers sa filiale Korreden une activité de placement de produits immobiliers défiscalisants.

M. Pascal Y..., engagé par la société IFB le 1er mai 1999 en qualité de chargé des relations bancaires, a été successivement nommé, en 2001, directeur des relations bancaires et en 2004 directeur général délégué, son contrat de travail salarié ayant été suspendu à compter de cette date.

La société IFB a été transformée en société par actions simplifiée en novembre 2004 et M. Y... en est devenu le directeur général, avant d'exercer à compter du 23 janvier 2006 un autre mandat social de directeur général de la sas IFB France à laquelle son contrat salarié a été transféré.

Lors d'une opération de modification du capital intervenue en juin 2006, à la faveur de laquelle l'actionnaire de référence sca Qualis a augmenté sa participation dans la société de tête du groupe Akerys, M. Y..., qui a cédé à la société filiale Korreden une partie de ses titres, s'est engagé par un pacte d'actionnaires du 26 octobre 2006 à céder à la société Korreden les actions Akerys dont il était encore titulaire en cas de départ du groupe. Une décote de 20% du prix de cession était stipulée en cas de départ pour faute lourde.

Ce pacte d'actionnaires comportait en outre une clause de non-concurrence à la charge de M. Y... d'une durée d'un an à compter de la cessation de ses fonctions dont la contrepartie financière était précisée, les parties étant convenues que cette dernière ne serait pas due « en cas de révocation pour une faute d'une gravité telle que la poursuite du mandat social est devenue impossible, ou de licenciement pour faute grave ou lourde ».

Par courrier du 3 mars 2009, la société Akerys Participations en sa qualité d'actionnaire unique de la société IFB France a révoqué M. Y... de son mandat social.

M. Y... a été licencié pour faute lourde par lettre du 30 mars 2009.

Contestant la régularité de son licenciement puis le défaut de paiement de la contrepartie pécuniaire de la clause de non-concurrence, M. Y... a saisi la juridiction prud'homale.

Par arrêt infirmatif de la cour d'appel de Toulouse en date du 10 mai 2012, le licenciement a été jugé sans cause réelle et sérieuse faute pour la société IFB France d'avoir respecté la procédure de licenciement, diverses indemnités ont été allouées à M. Y... et la cour d'appel s'est déclarée incompétente au profit du tribunal de commerce de Paris pour statuer sur la demande en paiement de la contrepartie pécuniaire de la clause de non-concurrence. Le pourvoi formé contre cette décision a été rejeté par arrêt de la Cour de cassation du 18 décembre 2013.

Il sera relevé dès ce stade qu'un litige a par ailleurs opposé les parties relativement à la promesse de cession d'actions, exerçable en cas de départ de M. Y... du groupe, telle que stipulée par le pacte d'actionnaires du 26 octobre 2006, lequel a donné lieu à un arrêt de cette cour - pôle 5, chambre 9 - en date du 30 avril 2014 qui a confirmé le jugement déféré du tribunal de commerce de Paris qui avait, pour l'essentiel, débouté M. Y... de ses demandes de nullité et de résiliation du pacte ainsi que de désignation d'un expert aux fins de fixer le prix de cession et avait dit n'y avoir lieu à appliquer la décote de 20% prévue en cas de faute lourde.

C'est dans ces circonstances et ensuite de l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse du 10 mai 2012 que le tribunal de commerce de Paris a été saisi de l'action en paiement de M. Y... au titre de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence stipulée par le pacte d'actionnaires, dirigée contre les sociétés IFB France et sca Qualis.

Par jugement du 20 juin 2014, le tribunal a condamné in solidum la société IFB France et la sca Qualis à payer à M. Y... la somme de 279.042 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 1er avril 2009, date de la rupture effective de son contrat de travail, outre la somme de 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, a ordonné l'exécution provisoire, a débouté les parties de leurs autres demandes et a condamné in solidum les sociétés IFB France et Sca Qualis aux dépens.

Les sociétés IFB France et sca Qualis ont relevé appel de cette décision par déclaration en date du 4 juillet 2014.

Par un arrêt du 12 mai 2015, la cour d'appel de Paris - pôle 5, chambre 8 - a infirmé le jugement déféré, et statuant à nouveau, a débouté M. Y... de ses demandes.

M. Y... a formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt.

Par un arrêt du 11 mai 2017, la chambre commerciale de la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt d'appel en toutes ses dispositions et a renvoyé les parties devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

La Cour a été saisie par déclaration d'appel du 16 mai 2017.

* * *

Dans leurs dernières conclusions auxquelles il est expressément référé, notifiées par voie électronique le 27 novembre 2017, les sociétés IFB France et Talis demandent à la Cour, à titre principal d'annuler en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Paris du 20 juin 2014 pour violation du contradictoire et défaut de motivation ;

statuant à nouveau, de constater que la société IFB France n'est ni partie, ni signataire du pacte d'actionnaires conclu le 26 juin 2006 entre la société Qualis (aujourd'hui dénommée Talis) et M. Pascal Y..., contenant la clause (article 7.3) fondement des demandes de M. Y... ; en conséquence, de déclarer irrecevables les demandes de M. Y... à l'encontre de la société IFB France et de la mettre hors de cause ;

au fond et à titre principal, de constater que M. Y... a été révoqué de son mandat de directeur général de la société IFB France tandis que des fautes graves, exclusives du versement de la contrepartie pécuniaire de la clause de non-concurrence dont il se prévaut étaient à lui reprocher au sens de l'article 7.3 du pacte d'actionnaires du 26 juin 2006 ;

à titre subsidiaire, de constater que M. Y... a exercé, dès son départ de la société IFB France, des activités directement concurrentes à celle du groupe Akerys, exclusives du paiement de toute contrepartie pécuniaire à la clause de non-concurrence insérée au pacte d'actionnaires du 26 juin 2006 ;

en conséquence, de débouter M. Y... de toutes ses demandes, fins et conclusions, et de le condamner à payer à chacune des sociétés IFB France et Talis la somme de 10.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions auxquelles il est expressément référé, notifiées par voie électronique le 12 septembre 2017, M. Pascal Y... demande à la Cour de confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;

vu l'arrêt rendu par la cour d'appel de Toulouse le 10 mai 2012 et l'arrêt de la Cour de cassation du 18 décembre 2013, de constater, dire et juger que le licenciement de M. Y... a été qualifié dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

vu le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 25 janvier 2013, de constater, dire et juger que la révocation de M. Y... a été jugée comme ne reposant pas sur une faute grave ou lourde, et qu'il avait la qualité de salarié au moment de la souscription de l'engagement de non-concurrence ;

dès lors, dire et juger que les dispositions relatives à l'absence de versement de la contrepartie pécuniaire en cas de faute grave ou lourde sont considérées comme non-écrites, sont dépourvues de cause, ne sont pas nécessaires à la préservation des intérêts légitimes des parties, et sont dès lors non écrites et inopposables ;

constater, dire et juger qu'aucun grief sérieux ne peut être reproché à M. Y... ;

rejeter les exceptions d'irrecevabilité invoquées par les sociétés IFB et Talis ;

condamner in solidum les sociétés IFB et Talis au paiement de la somme de 279.042 euros au titre de la contrepartie pécuniaire de la clause de non-concurrence imposée à M. Y... ;

dire et juger que cette somme portera intérêts au taux légal à dater du 1er avril 2009, date de la rupture effective du contrat de travail de M. Y... ;

ordonner la capitalisation des intérêts ;

condamner Talis au paiement de la somme de 10.000 euros pour résistance abusive et injustifiée;

condamner in solidum IFB France et Talis au paiement de la somme de 30.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de la présente procédure.

SUR CE

Sur la nullité du jugement du tribunal de commerce de Paris du 20 juin 2014

Les sociétés IFB France et Talis sollicitent à titre principal l'annulation du jugement du 20 juin 2014. Elles invoquent, d'une part, une violation du principe du contradictoire, les premiers juges s'étant fondés sur un arrêt de la cour d'appel de Paris du 30 avril 2014 qui selon IFB France et Talis n'avait été ni communiqué ni cité par les parties à l'instance, et, d'autre part, une violation de l'exigence de motivation.

Cependant, M. Y... oppose sans être contredit que l'arrêt du 30 avril 2014, rendu deux jours avant la date des plaidoiries devant le tribunal de commerce, a été produit par le conseil des sociétés IFB France et Talis, production à laquelle son propre conseil ne s'est pas opposé. La violation du principe du contradictoire n'est donc pas avérée. D'autre part, la référence faite par les premiers juges à la décision précitée, qui a retenu la validité du pacte d'actionnaires du 26 juin 2006 et exclu l'application de la décote du prix de cession prévue en cas de faute lourde de M. Y..., ne caractérise ni une absence totale de motivation ni une motivation inintelligible. IFB France et Talis seront donc déboutées de leurs demandes de nullité du jugement.

Sur la recevabilité des demandes de M. Y... à l'encontre d'IFB France

Les sociétés appelantes soutiennent que les demandes de M. Y... en paiement de la contrepartie de non-concurrence à l'encontre d'IFB France sont irrecevables, celle-ci n'étant pas signataire du pacte d'actionnaires du 26 octobre 2006 conclu entre la sca Qualis, M. Pascal Y..., et en la présence de Korreden. M. Y... se limite à justifier la présence dans la cause de la société IFB France, faisant valoir qu'il l'avait initialement attraite devant le conseil des prud'hommes de Toulouse en sa qualité d'employeur. Les demandes de M. Y... à l'encontre de la société IFB France, non signataire du pacte, sont donc irrecevables. Cette dernière sera mise hors de cause.

Sur la licéité de la clause conditionnant le versement de l'indemnité de non-concurrence

Les sociétés IFB France et Talis estiment licite la clause du pacte d'actionnaires du 26 octobre 2006 prévoyant des restrictions au versement de la contrepartie de l'engagement de non-concurrence de M. Y.... Elles soutiennent pour cela que ne s'appliquent pas à l'espèce les règles du droit du travail en vertu desquelles une clause de non-concurrence n'est valable que si, notamment, l'employeur a l'obligation de verser au salarié une contrepartie financière. Selon les appelantes, la seule qualité de salarié de M. Y... ne justifie pas de soumettre l'examen de la validité de la clause litigieuse aux règles du droit du travail, alors que M. Y... était également, lors de la signature du pacte, actionnaire de la société Arkedys et titulaire de deux mandats sociaux de directeur général des sociétés IFB France et IFB.

Cependant, comme l'oppose à juste titre M. Y..., en cas de cumul des qualités de dirigeant et de salarié, c'est cette dernière qui doit prévaloir pour déterminer les règles applicables en matière de non-concurrence à la contrepartie financière. Il est indifférent, à cet égard, que le contrat de travail de M. Y... ait été suspendu du fait de son accession à des fonctions de direction, ou que le pacte d'actionnaire comportant la clause de non-concurrence ait été conclu non pas avec l'employeur, mais avec une autre des sociétés du groupe. Ainsi, sans qu'il y ait lieu d'examiner l'équilibre des obligations consenties par les parties, seront réputées non écrites les dispositions conditionnant le paiement de la contrepartie financière à l'absence de faute grave ou lourde.

Il n'y a pas lieu en conséquence d'examiner les fautes reprochées à M. Y..., l'indemnité de non-concurrence étant due quel que soit le motif de révocation du dirigeant. En revanche, le versement de l'indemnité demeure soumis au respect par M. Y... de son engagement de non-concurrence, qu'il convient désormais d'examiner.

Sur le respect de l'obligation de non-concurrence par M. Y...

Les sociétés IFB France et Talis soutiennent que M. Y... a travaillé dès sa révocation pour les sociétés Force Distribution et Solerine Energie, qui exerçaient selon elles des activités pour partie concurrentes à celles d'IFB France. M. Y... n'aurait ainsi pas respecté les termes de la clause de non-concurrence, rédigés comme suit dans l'article 7.3 du pacte d'actionnaires :

«'A compter de la date des présentes et jusqu'à l'expiration de la durée de un (1) an à compter de la date à laquelle le Manager aura cessé ses fonctions (en qualité de mandataire social et / ou de salarié du Groupe), [...] le Manager ne devra en aucune façon :

a)exercer, seul ou conjointement avec d'autres personnes, directement ou indirectement, à quelque titre que ce soit (notamment exploitant individuel, salarié, mandataire social, agent ou consultant), l'Activité en France [...]

b)créer des sociétés, entreprises ou groupements exerçant, à titre principal ou accessoire, une activité de promotion immobilière et prendre ou détenir - directement ou indirectement par personne morale ou physique interposée - des participations (à l'exception des participations n'excédant pas 1% du capital et des droits de vote d'une société cotée) dans des sociétés, entreprises ou groupements exerçant, à titre principal ou accessoire, l'Activité en France [...] »

L''«'Activité'» est définie dans l'article 1 du pacte comme désignant «'les activités suivantes, exercées, directement ou indirectement, par Akérys : (i) la promotion immobilière, incluant les résidences de tourisme et d'étudiants, les résidences médicalisées pour personnes âgées et les résidences de tourisme d'affaires, (ii) la gestion immobilière, incluant, la location, la gestion, l'activité de syndicat de copropriété, (iii) la distribution de produits financiers ou d'assurance-vie, (iv) la distribution de produits immobiliers, (v) le courtage en assurance ou en produits financiers, et (vi) le télémarketing, ainsi que toutes autres activités qui seront exercées, directement ou indirectement, par Akérys jusqu'à la date de la cessation des fonctions du Manager.'»

S'agissant de la société Force Distribution, qui avait pour activité notamment celle d'«'agence immobilière, gestion et transaction immobilière'», les sociétés IFB France et Talis font valoir que M. Y... en était le directeur du développement depuis 2007, ce qu'elles entendent prouver par un courrier électronique le mentionnant en qualité de directeur de Force Distribution. Cette pièce, dont il ne peut qu'être souligné que certains des caractères ne sont pas imprimés, n'est pas probante et ne permet pas de démontrer que M. Y..., qui le conteste, occupait le poste prétendu au sein de la société Force Distribution. En tout état de cause, le courriel est daté du 2 juillet 2007, soit antérieurement à la cessation des fonctions de M. Y... au sein d'IFB France, laquelle cessation conditionnait la mise en oeuvre des obligations découlant de la clause de non-concurrence.

Les appelantes font également valoir que la société Solerine Energie, dont M. Y... ne conteste pas être actionnaire, exerçait des activités concurrentes à celles d'IFB France. Elles soutiennent, d'une part, que la commercialisation de panneaux photovoltaïques réalisée par Solerine Energie et la vente de biens immobiliers exercée par IFB France sont des activités similaires, puisqu'il s'agit dans les deux cas de proposer des produits bénéficiant d'une incitation fiscale. D'autre part, elles font valoir qu'IFB France vendait elle aussi des produits photovoltaïques au moment de la révocation de M. Y.... Elles soulignent la présence, constatée par huissier de justice en juillet 2010 de 19 anciens salariés d'IFB France, dont M. Y..., dans les locaux de Solerine Energie où ils avaient pris leurs fonctions à partir de fin 2008. M. Y... oppose que les activités de ces deux entreprises étaient non pas concurrentes mais complémentaires, et qu'IFB France n'a jamais développé une activité de vente de panneaux photovoltaïques au-delà du partenariat conclu avec Solerine Energie.

Sur le premier point, s'il peut être admis que la commercialisation de panneaux photovoltaïques ne correspond pas à «'la distribution de produits financiers'» ni au «'courtage en produits financiers'» visés par la définition de «'l'Activité'» dans le pacte d'actionnaire, en revanche, sur le second point, IFB France verse au débat des brochures commerciales par lesquelles elle proposait des produits «'énergies nouvelles renouvelables'» et un service de création de patrimoine «'en participant à la protection de l'environnement'», ainsi que deux conventions conclues avec Solerine Energie. La première, dite d'assistance, datée du 7 octobre 2008 et suivie d'un avenant du 29 janvier 2009, prévoyait la mise en disposition de Solerine Energie de deux salariés d'IFB France moyennant le versement d'une somme de 15.000 euros HT. Elle a été résiliée le 5 mars 2009, soit deux jours après la révocation de M. Y.... La seconde convention, dite de partenariat, conclue le 7 janvier 2009 et résiliée par lettre du 17 septembre de la même année, prévoyait une commission de 1% au profit d'IFB France pour le placement des produits de Solerine Energie. Il résulte sans ambigüité de ces pièces qu'IFB France s'était engagée sur le marché des produits photovoltaïques dès avant la date de cessation des fonctions de M. Y..., et postérieurement, de sorte que ce dernier ne peut valablement soutenir que les deux sociétés n'étaient pas en situation de concurrence. Aussi la preuve est-elle faite de ce qu'il a failli dans l'exécution de son obligation contractuelle de non-concurrence. En conséquence, la société Talis ne sera pas tenue de verser à M. Y... la contrepartie pécuniaire convenue et ce dernier sera débouté de sa demande en paiement. La décision déférée étant infirmée.

Sur la demande de dommages intérêts pour résistance abusive

M. Y..., débouté de sa prétention principale, verra sa demande de dommages intérêts pour résistance abusive rejetée.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

La solution retenue fonde de condamner M. Y... au paiement des dépens de première instance et d'appel.

L'équité justifie de condamner M. Y... à payer aux sociétés IFB France et Talis, chacune, la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel et d'infirmer la décision déférée de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

DIT n'y avoir lieu à annulation du jugement du tribunal de commerce de Paris rendu le 20 juin 2014,

DIT irrecevable M. Pascal Y... en sa demande en paiement de l'indemnité de non-concurrence formée à l'encontre de la société IFB France,

MET la société IFB France hors de cause,

INFIRME le jugement rendu le 20 juin 2014 par le tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a condamné in solidum les sociétés IFB France et sca Qualis à payer à M. Pascal Y... la somme de 279.042 euros avec intérêts,

Y substituant,

DIT non écrite la clause de non-concurrence conditionnant le paiement de la contrepartie financière à l'absence de faute grave ou lourde,

DÉBOUTE M. Pascal Y... de sa demande en paiement,

CONDAMNE M. Pascal Y... aux dépens de première instance et d'appel,

CONDAMNE M. Pascal Y... à payer aux sociétés IFB France et Talis, chacune, la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel,

REJETTE toute autre demande.

La Greffière La Présidente

Hanane AKARKACH Michèle PICARD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 17/11111
Date de la décision : 28/06/2018

Références :

Cour d'appel de Paris I9, arrêt n°17/11111 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-06-28;17.11111 ?
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