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29/06/2018 | FRANCE | N°15/09936

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 29 juin 2018, 15/09936


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13



ARRÊT DU 29 Juin 2018



(n° , 12 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 15/09936



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 10 Septembre 2015 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOBIGNY RG n° 13-00982



APPELANTE (intimée à titre incident)

URSSAF DE L'ILE-DE-FRANCE

N° SIRET : 788 617 793 00013

Division

des recours Amiables et Judiciaires D 123

TSA 80028

[...]

représentée par M. Pascal X... en vertu d'un pouvoir général



INTIMÉE (appelante à titre incident)

GIE KAUFMAN ET BROAD

[.....

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13

ARRÊT DU 29 Juin 2018

(n° , 12 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 15/09936

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 10 Septembre 2015 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOBIGNY RG n° 13-00982

APPELANTE (intimée à titre incident)

URSSAF DE L'ILE-DE-FRANCE

N° SIRET : 788 617 793 00013

Division des recours Amiables et Judiciaires D 123

TSA 80028

[...]

représentée par M. Pascal X... en vertu d'un pouvoir général

INTIMÉE (appelante à titre incident)

GIE KAUFMAN ET BROAD

[...]

représentée par Me Delphine Y..., avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE

Monsieur le Ministre chargé de la sécurité sociale

[...]

avisé - non comparant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Avril 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Elisabeth LAPASSET-SEITHER, Présidente de chambre, et

Mme Marie-Odile FABRE DEVILLERS, Conseillère, chargées du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Elisabeth LAPASSET-SEITHER, Présidente de chambre

Mme Marie-Odile FABRE DEVILLERS, Conseillère

Mme Chantal IHUELLOU-LEVASSORT, Conseillère

Greffier : Mme Typhaine RIQUET, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- délibéré du 15 juin 2018, prorgé au 22 juin 2018, puis au 29 juin 2018, prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Mme Elisabeth LAPASSET-SEITHER, Présidente de chambre et par Mme Typhaine RIQUET, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par l'Urssaf d'Ile de France à l'encontre d'un jugement rendu le 10 septembre 2015 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny dans un litige l'opposant au GIE Kaufman et Broad.

FAITS, PROCÉDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Les faits de la cause ont été exactement exposés dans la décision déférée à laquelle il est fait expressément référence à cet égard.

Il suffira de rappeler que le GIE Kaufman et Broad est une entreprise de promotion immobilière de logements et que cette structure fait partie du périmètre de contrôle des 437 entreprises admises au bénéfice du dispositif 'Très Grande Entreprise' réservé aux sociétés de plus de 2000 salariés.

L'Urssaf de Paris et de la Région parisienne a effectué un contrôle au sein des établissements du GIE KAUFMAN & BROAD, sur la période du 1er janvier 2008 au

31 décembre 2010 au titre des législations de sécurité sociale, de l'assurance chômage et de la garantie des salaires AGS.

Au terme du contrôle, l'inspecteur du recouvrement a adressé au GIE KAUFMAN & BROAD son courrier d'observations en date du 6 juillet 2011, reçu le 8 juillet 2011, formulant une observation sans redressement concernant l'évaluation de l'avantage en nature véhicule et relevant 12 points qui devaient faire l'objet d'une régularisation de cotisations et de contributions sociales pour un montant total de 2.339.294 euros, se décomposant, comme suit, sous réserve d'un crédit de 3.651 euros :

' Point n° 1 : Contribution sur les indemnités de mise à la retraite d'office : débit de 91.774 euros

' Point n° 2 : Cotisations liées à la rupture conventionnelle du contrat de travail : débit de 2.164 euros

' Point n° 3 : Cotisations liées à des cas de rupture non forcée du contrat de travail : débit de 30.264 euros

' Point n° 4 : Rémunérations non soumises à cotisations : débit de 55.826 euros

' Point n° 5 : Limites d'exonération en cas de rupture forcée du contrat de travail : débit de 202.753 euros

' Point n° 6 : Non-respect du caractère collectif du contrat de retraite supplémentaire: débit de 58.946 euros

' Point n° 7 : Limites d'exonération des régimes de retraite à cotisations définies en cas

de contrat conclu avant le 1er janvier 2005 : crédit de 3.651 euros

' Point n° 8 : Contribution FNAL : débit de 182 euros

' Point n° 9 : Versement transport : débit de 6.714 euros

' Point n° l0 : Forfait social : débit de 534 euros

' Point n° 11 : Cadeaux en nature offerts par l'employeur : débit de 31.054 euros

' Point n° 12 : Limites d'exonération et utilisation du véhicule personnel (indemnités kilométriques) : débit de 1.862.734 euros

Le GIE KAUFMAN & BROAD a fait part à l'inspecteur de ses remarques sur son courrier d'observations dans une lettre en date du 9 septembre 2011 portant sur :

- Les modalités de calcul des contributions d'assurance chômage et des cotisations AGS;

- Les points de redressement n° 3, 4, 5, 6 et 12 ;

- Le point relatif à l'observation pour l'avenir sur l'évaluation de l'avantage en nature véhicule.

Par courrier daté du 22 septembre 2011, l'inspecteur a indiqué rejeter l'ensemble de la contestation, à la seule exception du plafonnement des assiettes des «contributions d'assurance chômage» et des «cotisations AGS cas général» pour les points de redressement n° 3-3 et 4.

L'inspecteur a revu le montant de cotisations et contributions :

- Sur 2008 : 895.866 euros (au lieu de 903.126 euros) ;

- Sur 2009: 802.446 euros (au lieu de 802.582 euros) ;

- Sur 2010 : 633.586 euros,

soit un total de 2.331.898 euros

Le GIE KAUFMAN & BROAD a reçu une mise en demeure en date du 15 décembre 2011 d'avoir à procéder au règlement d'un montant de cotisations et contributions de 2.331. 898 euros, auquel s'ajoutent des majorations de retard pour un montant de 343.718 euros, soit un total de 2.675.616 euros.

Par courrier en date du 16 janvier 2012, le GIE KAUFMAN & BROAD a saisi la commission de recours amiable de l'Urssaf de Paris et de la Région Parisienne en sollicitant l'annulation du redressement et de la mise en demeure à hauteur des chefs de redressement n° 6 et n°12, tout en procédant le 16 janvier 2012 au règlement sous réserve du montant intégral des cotisations de 2.331.898 euros, y inclues celles correspondant aux deux chefs contestés sur le fond.

La commission de recours amiable a rejeté le recours du GIE par courrier du 27 mars 2012.

Le GIE KAUFMAN & BROAD a par conséquent saisi le 24 mai 2012 le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny aux fins d'obtenir l'annulation de cette décision de rejet ainsi que l'annulation du redressement à hauteur des chefs de redressement n° 6 et n°12 représentant un montant de cotisations de l.920.280 euros (dont 58.946 euros pour le chef n°6 et l.861.334 euros pour le chef n°12) et, par conséquent, d'obtenir qu'il soit procédé à l'annulation de la mise en demeure du 15 décembre 2011 à hauteur de ce montant de cotisations et des majorations y afférentes et qu'il soit ordonné à l'URSSAF d'Ile-de-France d'effectuer au bénéfice du GIE le remboursement des l.920.280 euros de cotisations réglées sous réserve, avec intérêt au taux légal à compter de la saisine du tribunal.

Il a sollicité à titre subsidiaire la réduction du point de redressement n°12 au montant de cotisations de 467.547 euros, emportant la restitution de l' excédent de cotisations réglé sous réserve à hauteur de l.861.334 - 467.547 = l.393.787 euros s'agissant de ce chef, avec intérêt au taux légal à compter de la saisine du tribunal.

Le GIE a par ailleurs saisi la commission de recours amiable d'une demande de remise à hauteur de l'intégralité des majorations de retard notifiées, soit 353.045 euros, qui a été rejetée par courrier daté du 11 juillet 2012.

Le GIE KAUFMAN & BROAD a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny d'une demande d'annulation du refus de lui accorder la remise par requête en date du 30 août 2012 et a également demandé au tribunal de lui accorder la remise intégrale ou, à tout le moins, partielle des majorations de retard.

Le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny a, par décision du l0 septembre 2015, joint les deux recours et a décidé :

« Sur le redressement n°6 portant sur le régime de retraite supplémentaire :

(. . .) c'est à tort que l'URSSAF a considéré que le contrat dont s'agit ne répondait pas à la condition tenant au caractère collectif. Il conviendra dès lors d'annuler la décision de la Commission de recours amiable sur ce chef de redressement et de faire droit à la demande de remboursement du GIE KA UFMAN & BROAD, assorti des intérêts au taux légal à compter de la saisine du Tribunal du 24 mai 2012.

Sur le redressement n°12 portant sur les indemnités kilométriques :

(. . .) Il convient par conséquent, sans recourir à l'expertise judiciaire, le Tribunal s'estimant suffisamment éclairé, d'annuler partiellement le redressement pour le réduire de 1.861.334 euros à 467.547 euros. Il sera dès lors ordonné à l'URSSAF de rembourser au GIE KAUFMAN & BROAD la somme de 1.393.787 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de la saisine du Tribunal.

Il y a ainsi lieu d'infirmer partiellement la décision de la Commission de recours amiable sur ce redressement et de condamner l'URSSAF.

Sur la demande de remise des majorations de retard :

(. . .) Dans le cadre de la présente instance, eu égard aux circonstances exceptionnelles de ce redressement tenant à la difficulté des points discutés au cours de la phase contradictoire du contrôle et à la bonne foi du cotisant, une remise totale lui sera accordée.

La Commission de recours amiable qui a rejeté la demande du requérant doit donc être réformée et l'URSSAF sera déboutée de sa demande reconventionnelle en paiement de la somme de 343.718 euros.

Sur les demandes accessoires :

L 'équité commande que chaque partie conserve à sa charge ses propres frais non compris dans les dépens par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire, en premier ressort,

JOINT d'office les deux instances enregistrées et instruites sous les numéros de rôle 12-00982/B et 13-01362/B ,"

DECLARE malfondé le redressement n° 6 de la lettre d'observations opéré au titre du régime de retraite supplémentaire ,"

ANNULE la mise en demeure de l'URSSAF d'Ile-de-France du 15 décembre 2011 ainsi que la décision de la Commission de recours amiable du 12 mars 2012 sur le point n° 6,

CONDAMNE l'URSSAF d'Ile-de-France à payer au G/E KAUFMAN & BROAD la somme de 58.946 euros assortie des intérêts au taux légal à compter de la saisine du

24 mai 2012 à titre de remboursement des cotisations sociales indûment payées concernant le redressement n°6,

DECLARE partiellement mal fondé le redressement n" 12-1 de la lettre d'observations opéré au titre des indemnités kilométriques pour la somme de 1.393.787 euros ,"

ANNULE partiellement la mise en demeure de l'URSSAF d'Ile-de-France du 15 décembre 2011 ainsi que la décision de la Commission de recours amiable du 12 mars 2012 sur le point n° 12-1,"

CONDAMNE l'URSSAF d'lIe de France à payer au GIE KAUFMAN & BROAD la somme de 1.393.787 euros assortie des intérêts au taux légal à compter de la saisine du 24 mai 2012 à titre de remboursement des cotisations sociales indûment payées concernant le redressement n° 12-1 ,"

ANNULE la décision de la Commission de recours amiable du 11 juillet 2012 portant sur les majorations de retard ,"

ORDONNE à l'URSSAF d'/le-de-France de remettre intégralement les majorations de retard mises à la charge du G/E KAUFMAN & BROAD, cette décision n'étant susceptible que de pourvoi en cassation;

DEBOUTE les parties de leurs plus amples demandes;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile;

RAPPELLE que tout appel du présent jugement doit, à peine de forclusion, être interjeté dans le délai d'un mois à compter de sa notification. »

C'est le jugement attaqué par l'URSSAF d'Ile-de-France qui fait déposer et soutenir oralement par son représentant des conclusions sollicitant :

- L'infirmation du jugement en toutes ses dispositions,

- Qu'il soit jugé que les recours dont a été saisi le tribunal doivent être disjoints,

- Que les redressements opérés au titre des frais professionnels - indemnités kilométriques et du régime de retraite supplémentaire soient confirmés,

- Que le GIE KAUFMAN & BROAD soit condamné au paiement de la somme de 343.718€ de majorations de retard,

- Que le GIE KAUFMAN & BROAD soit condamné au paiement de la somme de 2.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'URSSAF estime que c'est à tort que le tribunal a prononcé la jonction des procédures dès lors que le recours sur la remise des majorations est à charge de pourvoi alors que le recours sur la contestation du redressement est à charge d'appel.

Elle fait valoir qu'elle conteste le caractère collectif du contrat de retraite supplémentaire AFER que le GIE KAUFMAN & BROAD a conclu le 19 février 1979, au motif que la catégorie de personnel bénéficiaire de ce contrat est définie comme étant le comité de direction, que cette catégorie n' est «pas déterminée à partir de critères objectifs» au sens de l'article D. 242-1 du code de la sécurité sociale et qu'en conséquence, le financement patronal de ce contrat ne peut pas bénéficier de l'exonération de cotisations de sécurité sociale définie à l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale.

Sur la contestation relative aux exonérations des indemnités kilométriques, l'inspecteur a émis deux types d'observations :

-les premières concernant le «remboursement forfaitaire des indemnités kilométriques», et plus précisément le versement de «forfaits mensuels pour le remboursement des frais engagés liés à l'utilisation de leur véhicule personnel pour des déplacements professionnels», à hauteur d'un montant de cotisations et de contributions sociales de 1.861.334 euros (chef de redressement n° 12, 1er point),

- les deuxièmes relatives au remboursement d'indemnités kilométriques sur présentation d'états détaillés de leurs déplacements, ces indemnités «dépassant la limite d'exonération fixée par le barème fiscal », à hauteur d'un montant de cotisations et de contributions sociales de 1.400 euros (chef de redressement n°12, 2ème point). Les observations relatives au dépassement des limites d'exonérations n'étant pas contestées, l'Urssaf fait valoir que certains salariés du GIE bénéficient de forfaits mensuels pour le remboursement des frais engagés liés à l'utilisation de leur véhicule personnel pour les déplacements professionnels alors qu'aucun état des déplacements à titre professionnel n'est établi par ces salariés. Il estime qu'à défaut de preuve du caractère professionnel des dépenses, l'exonération de cotisations de ces forfaits ne peut pas être admise.

Le GIE KAUFMAN & BROAD, par la voix de son conseil, expose et dépose des conclusions écrites par lesquelles il sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a :

- joint les deux instances enregistrées et instruites sous les numéros de rôle 12-00982/8 et 13-01362/B ;

- déclaré mal fondé le redressement n°6 de la lettre d'observations opéré au titre du régime de retraite supplémentaire ;

- annulé la mise en demeure de l'URSSAF d'Ile-de-France du 15 décembre 2011 ainsi que la décision de la Commission de recours amiable du 12 mars 2012 sur le point n°6 ;

- condamné l'URSSAF d'Ile-de-France à payer au GIE KAUFMAN & BROAD la somme de 58.946 euros assortie des intérêts au taux légal à compter de la saisine du 24 mai 2012 à titre de remboursement des cotisations sociales indûment payées concernant le redressement n°6.

S'agissant du point de redressement n° 12 opéré au titre des indemnités kilométriques, le GIE KAUFMAN & BROAD demande :

- à titre principal, l'annulation intégrale de ce chef de redressement et en conséquence l'infirmation partielle du jugement en ce qu'il a maintenu partiellement ce chef de redressement; il en résulte que le GIE KAUFMAN & BROAD demande que la Cour :

' déclare mal fondé le redressement n°12 de la lettre d'observations opéré au titre des indemnités kilométriques pour la somme de 1.861.334 euros ;

' annule la mise en demeure de l'URSSAF d'Ile-de-France du 15 décembre 2011 ainsi que la décision de la Commission de recours amiable du 12 mars 2012 sur le point n°12;

' condamne l'URSSAF d'Ile de France à payer au GIE KAUFMAN & BROAD la somme de 1.861.334 euros assortie des intérêts au taux légal à compter de la saisine du

24 mai 2012 à titre de remboursement des cotisations sociales indûment payées concernant le redressement n°12 ;

- à titre subsidiaire, la confirmation du jugement en ce qu'il a :

' déclaré partiellement mal fondé le redressement n°12 de la lettre d'observations opéré au titre des indemnités kilométriques pour la somme de 1.393.787 euros;

' annulé partiellement la mise en demeure de l'URSSAF d'Ile-de-France du 15 décembre 2011 ainsi que la décision de la Commission de recours amiable du 12 mars 2012 sur le point n°12 ;

' condamné l'URSSAF d'Ile de France à payer au GIE KAUFMAN & BROAD la somme de 1.393.787 euros assortie des intérêts au taux légal à compter de la saisine du 24 mai 2012 à titre de remboursement des cotisations sociales indûment payées concernant le redressement n°12 ;

- à titre infiniment subsidiaire, dans la mesure où ni l'URSSAF ni la Cour ne procéderaient à l'étude des pièces justificatives produites par le GIE KAUFMAN & BROAD, et où la Cour ne confirmerait pas la position du tribunal, qu'elle désigne un expert aux fins d'examen de ces pièces.

Le GIE KAUFMAN & BROAD demande par ailleurs que l'URSSAF d'Ile-de-France soit condamnée au paiement de la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et demande à la Cour de rejeter la demande de condamnation présentée par l 'URSSAF sur ce fondement à son encontre.

A l'appui de ses demandes ,le GIE KAUFMAN & BROAD fait valoir que :

- sur la question de la remise des majorations de retard, l'appel de l'URSSAF est irrecevable et qu'elle doit en être déboutée puisque le jugement n'est pas susceptible d'appel sur ce point ; en tout état de cause, que la décision du tribunal d'accorder la remise intégrale des majorations de retard et d'annuler la décision de la commission de recours amiable du 11 juillet 2012 portant sur les majorations de retard est pleinement justifiée et que la demande de l'URSSAF de le condamner au paiement de la somme de 343.718 € de majorations de retard soit rejetée; que la jonctiona bien été prononcée «nonobstant les voies de recours» et qu'ainsi, la décision s'agissant de la question de la remise des majorations de retard n'est susceptible que de pourvoi en cassation conformément au texte de l'article R. 244-2 du Code de la sécurité sociale, les autres points du jugement étant susceptibles d'appel.

- sur le contrat de retraite supplémentaire AFER, les bénéficiaires du contrat sont les membres du comité de direction, le critère de l'appartenance au comité de direction a un caractère objectif, que seuls les président, directeurs généraux et directeurs généraux adjoints sont des cadres dirigeants exerçant des fonctions corporate, des fonctions- clés de direction de l' entreprise, et ayant en charge des responsabilités plus importantes, que le niveau des responsabilités constitue un critère objectif au sens de la jurisprudence, que lorsque des salariés exercent des responsabilités différentes dans le cadre de leur emploi, ils ne sont pas objectivement dans la même situation et que l'inégalité de traitement n'est donc pas établie, que la circulaire ministérielle du 25 août 2005 adopte une interprétation restrictive de la notion de catégorie de personnel et ajoute des conditions à la loi, qu'une circulaire ne lie pas les juges, que la Cour de cassation juge que les raisons objectives justifiant l'attribution d'avantages catégoriels doivent être liées aux spécificités de la situation des salariés relevant d'une catégorie déterminée, et notamment aux conditions d'exercice des fonctions, à l'évolution de carrière ou aux modalités de rémunération, qu'elle a déjà reconnu par un arrêt en date du 3 avril 2014 le respect du caractère collectif dans le cas d'un régime de retraite supplémentaire mis en place au bénéfice des «cadres avant le grade d'associés» au sein d'un cabinet d'expertise- comptable, que le respect du caractère collectif est démontré eu égard aux fonctions définies des bénéficiaires et à leur niveau de responsabilités qui déterminent l'appartenance au comité de direction, qui constitue sans conteste un critère objectif.

- sur la contestation relative aux exonérations des indemnités kilométriques, il conteste sur le fond la position de l'Urssaf relative au remboursement forfaitaire des indemnités kilométriques (chef de redressement n° 12, 1er point) mais ne conteste pas sur le fond la position concernant le remboursement d'indemnités kilométriques dépassant la limite d'exonération fixée par le barème fiscal; que les salariés qui bénéficient de ces forfaits mensuels exercent certaines fonctions qui les conduisent à utiliser régulièrement leur véhicule personnel à des fins professionnelles :

' Chargés, Responsables et Directeurs de Développement correspondant aux collaborateurs dits "fonciers", qui recherchent les terrains pour les opérations immobilières, se déplacent pour rencontrer les propriétaires, les notaires, le personnel des mairies, etc., jusqu' à la signature de la promesse de vente du terrain ;

' Chargés, Responsables et Directeurs de programme, qui travaillent au montage de l'opération jusqu'au dépôt du permis de construire (chiffrage prévisionnel, définition du produit, du type de logements), et se déplacent également beaucoup, par exemple pour rencontrer les services techniques de la mairie, participer aux réunions d'association ...

' Directeurs techniques, chargés et responsables techniques de projets, qui conçoivent le programme avec l'architecte, assurent la commande et le suivi des travaux jusqu'à la livraison: ils effectuent beaucoup de déplacements sur le chantier ;

' Conducteurs de travaux en régions, qui sont naturellement amenés à se déplacer très fréquemment sur les chantiers puisqu'ils y assurent la conduite des travaux ;

' Directeurs commerciaux, qui suivent l'installation du bureau de vente, se déplacent sur le chantier (vente en l'état futur d'achèvement) ;

' Chefs de vente et Directeurs d'agence, etc. qui interviennent en point d' appui avec les développeurs, bouclent les dossiers avec les propriétaires et les mairies, participent aux réunions avec les architectes, voient où en est le chantier, donc sont amenés à se déplacer;

Que dans le cadre de l'exercice de leurs fonctions, ces salariés sont contraints d'effectuer des déplacements professionnels avec leur véhicule personnel puisque aucun véhicule de fonction n'est mis à leur disposition et que les lieux de destination ne sont pas aisément accessibles par les transports en commun, compte tenu notamment des horaires.

Que, dans le cadre du contrôle portant sur les années 1998 et 1999, les forfaits kilométriques n'avaient pas été intégralement réintégrés dans l'assiette des cotisations par les inspecteurs du recouvrement qui avaient en effet considéré que le GIE pouvait ne pas assujettir le montant total des forfaits aux cotisations de sécurité sociale, quand bien même il ne produisait aucun état des déplacements effectués par les bénéficiaires; que l'Urssaf avait décidé d'assujettir à cotisations une fraction plus élevée du forfait correspondant à 20 % du coût total du "poste carburant" défini ci-dessus et avaient donc réintégré la différence, soit l0 % du coût du "poste carburant", dans l'assiette des cotisations en tant qu' "avantage en nature « véhicule »"; que le GIE a appliqué cette position, tant sur la période 2004-2005 ayant fait l'objet du dernier contrôle que sur la période 2008-2010 dernièrement contrôlée et qui donne lieu au présent litige, en continuant à intégrer dans l'assiette des cotisations la somme correspondant à 20 % du coût du "poste carburant" conformément à l' accord intervenu avec l'Urssaf et appliqué depuis 1999.

Que le GIE KAUFMAN & BROAD ayant maintenu sa pratique antérieure, il n'a pas été en mesure de fournir lors du contrôle les justificatifs des déplacements professionnels des salariés et a entrepris un travail considérable de collecte des justificatifs pour établir que les forfaits qu'il verse couvrent bien des déplacements professionnels, qu'il a travaillé sur un échantillon de salariés choisis de manière aléatoire parmi les salariés encore présents dans l'entreprise pour chacune des trois années redressées et a procédé à une extrapolation sur chaque année.

Que l'Urssaf ne s'est pas montrée opposée à une telle méthode mais n'a pas souhaité discuter précisément des modalités de détermination de l'échantillon et des modalités d'extrapolation et a souhaité réserver la position qui serait ultérieurement adoptée, une fois le travail effectué.

Que le GIE Kaufman et Broad a entrepris sur la base d'un constat d' huissier un travail de collecte par

- Recensement des effectifs bénéficiaires d'un forfait de déplacement en 2008, 2009 et 2010 ;

- Sélection des effectifs encore présents à l' effectif ;

- Recherche des agendas électroniques des personnes concernées ;

- Listing des déplacements mensuels effectués en les rapprochant des états des opérations immobilières en cours à ces époques ;

- Rapprochement avec les notes de frais établies à ces époques.

Que les résultats de ce travail de collecte ont été communiqués à l'URSSAF dès que le GIE a terminé ses investigations, en novembre et décembre 2014.

Que le résultat intégral de cette étude est produit aux débats.

Qu'il établit qu'une très grande partie (75 % en moyenne) du montant des forfaits alloués est justifiée et que le pourcentage de justification aurait été encore supérieur si le GIE avait pu récupérer les cartes grises de tous les salariés, compris ceux ayant quitté l'entreprise.

Que, par principe, les parties à un litige peuvent produire toutes pièces de nature à fonder leurs prétentions, et ce en application des droits de la défense dont le respect est lié au principe du droit à un procès équitable et au principe du contradictoire.

Le droit à un procès équitable est édicté par l' article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

Que les pièces versées au débat par le GIE, fussent-elles particulièrement abondantes et peu adaptées à un examen judiciaire, ne doivent donc pas être écartées pour apprécier le bien-fondé du redressement attaqué.

Si la Cour n'annulait pas intégralement ce chef de redressement, il lui est demandé, à tout le moins, d'en revoir le montant au regard des résultats de l'étude comme l'a décidé le tribunal et ainsi de confirmer le jugement déféré. La réduction du montant du redressement est sollicitée à hauteur du montant des forfaits non justifiés sur chacune des années concernées: Soit un total de : 239.262 + 133.496 + 94.789 = 467.547 €

Il en résulte à tout le moins une réduction du chef de redressement n°12-1 au montant de 467.547€ au lieu de 1.861.334 €. Les cotisations ayant été intégralement réglées sous réserve, l'URSSAF doit donc rembourser au minimum au GIE la somme de l.861.334 - 467.547 = 1.393.787 €, avec intérêt au taux légal à compter de la saisine.

Que subsidiairement il est sollicité de la Cour qu'elle désigne un expert aux fins :

' d' examen des pièces justificatives produites par le requérant,

' de rédaction d'un compte rendu de l'analyse effectuée eu égard au redressement notifié au GIE KAUFMAN & BROAD.

Il est fait référence aux écritures déposées pour un plus ample exposé des moyens proposés.

SUR CE,

-Sur la jonction des procédures et la recevabilité de l'appel de l'Urssaf sur la remise des majorations de retard :

Le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny a joint d'office les deux instances enregistrées et instruites sous les numéros de rôle 12-00982/B et 13-01362/B concernant respectivement la contestation de plusieurs chefs du redressement et la demande de remise des majorations de retard, en application de l'article 367 du code de procédure civile qui permet la jonction de plusieurs affaires pendantes lorsqu'il existe un lien tel qu'il soit de l'intérêt d'une bonne justice de les faire juger ensemble.

En l'espèce, les parties sont identiques et les deux instances ont trait au même redressement de cotisations sociales ; dés lors c'est à bon droit que le tribunal, qui a bien précisé que les voies de recours étaient distinctes, a pu décider pour une bonne administration de la justice d'ordonner la jonction des deux instances; il n'y a donc pas lieu de faire droit à la demande de disjonction de l'URSSAF d'Ile-de-France.

Par ailleurs, la question de la remise des majorations de retard n'étant susceptible que de pourvoi en cassation conformément au texte de l'article R. 244-2 du Code de la sécurité sociale, l'appel de l'URSSAF d'Ile-de-France sera déclaré irrecevable en ce qui concerne ce point.

-Sur le redressement portant sur le régime de retraite supplémentaire (chef n°6) :

L'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale prévoit que l'avantage en nature lié aux cotisations patronales servant à financer les régimes de retraite et de prévoyance ne peut être exonéré de cotisations de sécurité sociale que si, notamment, il correspond à un régime à caractère collectif.

Cet article prévoit ainsi, dans sa version en vigueur à l' époque de la période contrôlée, que:

«Pour le calcul des cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail (, . .).

Sont exclues de l'assiette des cotisations mentionnées au premier alinéa les contributions des employeurs destinées au financement des prestations complémentaires de retraite et de prévoyance (, . .) lorsqu'elles revêtent un caractère collectif et obligatoire déterminé dans le cadre d'une des procédures mentionnées à l 'article L. 911-1 du présent code».

S'agissant des régimes de retraite supplémentaire, l'article D.242-1, en vigueur sur la période contrôlée, précise :

«II- Les opérations de retraite mentionnées au septième alinéa de l'article L. 242-1 sont celles organisées par des contrats d'assurance souscrits par un ou plusieurs employeurs ou par tout groupe d'employeurs auprès d'entreprises relevant du code des assurances, d'institutions de prévoyance régies par le titre III du livre IX du présent code ou d'organismes mutualistes relevant du livre II du code de la mutualité au profit d'une ou plusieurs catégories objectives de salariés. La contribution de l'employeur est fixée à un taux uniforme pour chacune de ces catégories. »

Le caractère collectif, discuté en l'espèce par l'Urssaf, suppose que le régime de retraite supplémentaire mis en place bénéficie de façon générale et impersonnelle à une ou des catégories objectives de salariés, tous les salariés qui en bénéficient devant se trouver dans une situation identique au regard des garanties concernées ;

En l'espèce, le GIE Kaufman et Broad a conclu un contrat de retraite supplémentaire AFER le 19 février 1979 au profit des membres du comité de direction, soit le Président-Directeur Général, les Directeurs Généraux (Région Ile-de-France / Région Sud-Ouest / Autres Régions) et les Directeurs Généraux Adjoints (Finances / Ressources Humaines).

Ces personnes relèvent de la catégorie de cadres dirigeants au sens du code du travail, exerçant des fonctions corporate, des fonctions-clés de direction de l' entreprise, et ayant en charge des responsabilités plus importantes, et constituent donc de droit une catégorie objective selon l'article L. 3111-2 du code du travail .

L'exclusion de certains cadres dirigeants que sont les Directeurs d'agence de la Région Ile-de-France - Normandie et des Directeurs régionaux des régions Ouest, Rhône-Alpes et Sud-Est placés, qui sont sous la direction de Directeurs Généraux, ne contrevient pas au caractère objectif de la catégorie de salariés bénéficiaires du contrat AFER dés lors que ceux ci, en tant que membres du comité de direction, sont des dirigeants sociaux définis statutairement et objectivement compte tenu de leur degré de responsabilité, le niveau des responsabilités constituant un critère objectif.

La circulaire ministérielle du 25 août 2005 et la circulaire du 30 janvier 2009 , qui ne s'imposent pas au juge, adoptent une interprétation restrictive de la notion de catégorie de personnel et ajoutent des conditions à la loi qui n'ont pas lieu d'être retenues. Ainsi l'URSSAF ne peut pas utilement opposer le fait que le comité de direction n'appartiendrait à aucune catégorie déterminée par le code du travail puique les dispositions légales ne l'imposent pas.

La catégorie visée par le contrat AFER est donc déterminée à partir de critères objectifs au sens de l'article D. 242-1 du code de la sécurité sociale.

En conséquence, le financement patronal de ce contrat peut bénéficier de l'exonération de cotisations de sécurité sociale définie à l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale .Le chef de redressement sera déclaré mal fondé et le jugement, en ce qu'il a annulé ce chef de redressement ainsi que la mise en demeure du 15 décembre 2011 à hauteur du montant de cotisations, soit 58.946 euros, et de majorations afférentes à ce chef de redressement et ordonné le remboursement par l'URSSAF d'Ile-de-France des cotisations réglées sous réserve pour la même somme avec intérêt au taux légal à compter de la saisine du tribunal du 24 mai 2012, sera confirmé.

-Sur le redressement portant sur l'exonération des indemnités kilométriques

L'URSSAF d'Ile-de-France a opéré un redressement relatif au «remboursement forfaitaire des indemnités kilométriques », et plus précisément au versement de «forfaits mensuels pour le remboursement des frais engagés par des salariés liés à l'utilisation de leur véhicule personnel pour des déplacements professionnels», à hauteur d'un montant de cotisations et de contributions sociales de 1 .861.334 euros, au motif qu'à défaut de preuve du caractère professionnel des dépenses, l'exonération de cotisations de ces forfaits ne pouvait être admise.

Le jugement a fait droit à la demande du GIE Kaufman et Broad de minoration du redressement au motif que :

«En l'espèce, il a été constaté, lors du contrôle opéré par l'inspecteur de l'URSSAF, que certains salariés bénéficiaient de forfaits mensuels pour le remboursement de leurs frais liés à l'utilisation à des fins professionnelles de leur véhicule personnel.

Si, pendant la phase contradictoire du contrôle et devant la Commission de recours amiable, le cotisant n'a pas été en mesure de fournir les justificatifs requis indiquant les dates, lieux et motifs des déplacements, il s 'est toutefois acquitté du montant des cotisations réclamées.

En se bornant à alléguer pour les voir écarter que les pièces justificatives, d'une part, ne sont produites que devant la présente juridiction et, d'autre part, sont volumineuses, l 'URSSAF prive le requérant d'un débat judiciaire contradictoire dès lors que l'issue de la procédure dépend de ces pièces, ce qui caractérise une violation des dispositions de l'article 6 § 1 de la convention européenne des droits de l'homme qui garantit le droit à un procès équitable. En tout état de cause, aucun texte n'interdit à l'employeur de présenter de nouvelles pièces justificatives devant le juridiction saisie du recours contentieux. Les pièces versées au débat par le GIE KAUFMAN & BROAD, fussent-elles particulièrement abondantes et peu adaptées à un examen judiciaire, ne doivent donc pas être écartées pour apprécier le bien-fondé du redressement attaqué.

Sur le fond, le requérant, de manière certes fastidieuse mais néanmoins circonstanciée pour une partie des frais et donc efficace, rapporte la preuve que les indemnités forfaitaires mensuelles versées en 2008, 2009 et 2010 sous forme d'indemnités kilométriques exonérées de cotisations sociales avaient un caractère professionnel dès lors que les salariés concernés étaient exposés à des dépenses supplémentaires de transport et qu'elles n'étaient donc pas constitutives d'un avantage en nature soumis à cotisations sociales.

Il convient par conséquent, sans recourir à l'expertise judiciaire, le Tribunal s'estimant suffisamment éclairé, d'annuler partiellement le redressement pour le réduire de 1.861.334 euros à 467.547 euros. Il sera dès lors ordonné à l'URSSAF de rembourser au GIE KAUFMAN & BROAD la somme de 1.393.787 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de la saisine du Tribunal.

Il y a ainsi lieu d'infirmer partiellement la décision de la Commission de recours amiable sur ce redressement et de condamner l'Urssaf.'

Considérant que le GIE Kaufman et Broad reconnaît ne pas avoir été en mesure de fournir les justificatifs demandés par l'Urssaf lors du contrôle ;

Mais considérant d'une part que le GIE Kaufman et Broad ,qui fait état d'une pratique antérieure admise par l'Urssaf qui permettait de se passer de justificatifs détaillés et qui a payé sans attendre l'issue de la procédure le montant de ce chef de redressement, est incontestablement de bonne foi ; que d'autre part , elle a entamé dés septembre 2011, en en informant l'Urssaf, la procédure de récolement des pièces ;

Considérant que la durée très importante de ce travail qui a été de trois ans n'était certes pas compatible avec la procédure de contrôle ; que le volume des pièces justificatives rend le travail de contrôle considérable ;

Mais considérant que l'Urssaf aurait du en tout état de cause procéder à la vérification des pièces si elles avaient été prêtes au moment du contrôle ; qu'il est toujours possible à l'Urssaf de procéder par échantillonnage ;

Considérant que le GIE a travaillé sur un échantillon de salariés choisis de manière aléatoire parmi les salariés encore présents dans l' entreprise, et ce pour chacune des trois années redressées et a procédé ensuite à une extrapolation sur chaque année.

Considérant que la Cour de céans, qui n'était pas en mesure d'exploiter le volume entier des documents produits aux débats, représentant l'équivalent de quatre grands cartons, a du procéder avec l'accord de l'urssaf à l'audience par échantillonnage pour établir que ce travail de récolement était bien présenté par collaborateur et comportait pour chacun (dont la fonction et l'adresse sont précisées) et pour chaque année 2008-2009- 2010 :

' Le compte-rendu des déplacements exposé dans un tableau précisant :

- La date du déplacement,

- Le lieu de départ,

- Le lieu d'arrivée,

- Le nombre de kilomètres parcourus entre ces deux lieux,

- en fonction de l'objet du déplacement, l'origine de l'information (par exemple, calendrier Outlook, note de frais), ainsi que la nature de l'information (par exemple, visite de chantier, prospection, rendez-vous, réunion, déplacement attesté par la note de frais relative au coût du péage) et/ou la personne visitée ;

' La photocopie de la carte grise mentionnant la puissance fiscale du véhicule ;

' Les photocopies des justificatifs ;

' Un document synthétisant le calcul de l'indemnité kilométrique due en application du barème fiscal et ainsi du montant du forfait justifié compte tenu du nombre de kilomètres parcourus et de la puissance fiscale du véhicule.

Considérant que le sérieux de ce travail justifie que l'ensemble des pièces produites soient admises afin d'assurer au GIE Kaufman et Broad l'exercice plein et entier de ses droits à se défendre conformément à l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme qui garantit le droit à un procès équitable ;

Que l'Urssaf ne contredit d'ailleurs pas le sérieux et la sincérité de l'étude ;

Considérant le GIE Kaufman et Broad rapporte la preuve que les indemnités forfaitaires mensuelles versées de 2008 à 2010 sous forme d'indemnités kilométriques exonérées de cotisations sociales avaient bien un caractère professionnel et ne constituaient pas un avantage en nature ;

Qu'en synthèse, sans qu'il y ait lieu d'ordonner une expertise qui serait particulièrement longue et coûteuse, le résultat de l'étude établi à partir des fichiers récapitulatifs de chaque établissement du GIE valide les forfaits payés en 2008 à 65,33 % , en 2009 à 77,36 % et en 2010 à 83,62 %, soit en moyenne sur les trois années à 75,43 %.

Il en résulte que la justification n' a pas pu être apportée pour la totalité des forfaits et que la demande d'annulation de l'entier chef de redressement sera rejetée ;

Qu'en revanche, c'est donc par des motifs complets et pertinents qui ne sont pas remis en cause par les débats en appel et que la Cour, qui s'estime suffisamment motivée, adopte eu égard à la bonne foi établie de l'intimé , que les premiers juges ont considéré que la demande de minoration du montant de ce chef de redressement devait être admise à hauteur de la somme de 1.393.787 €, que l'URSSAF d'Ile-de-France devra rembourser au GIE Kaufman et Broad et que ce chef de redressement devait être validé pour la somme de 467.547 €.

-Sur les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile :

Considérant qu'il paraît inéquitable, compte tenu de la nécessité pour le GIE Kaufman et Broad d'engager des frais irrépétibles pour faire valoir son bon droit, de laisser à sa charge le poids des frais de la présente instance; qu'il est donc fondé à solliciter le paiement par l'URSSAF d'Ile-de-France de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Qu'eu égard à la nature de la décision, la demande de l'URSSAF d'Ile-de-France à ce titre sera rejetée.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Déclare l'appel de l'URSSAF d'Ile-de-France irrecevable en ce qu'il porte sur la remise des majorations de retard irrecevable,

Déclare l'appel recevable pour le surplus,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Déboute l'URSSAF d'Ile-de-France de ses demandes,

Condamne l'URSSAF d'Ile-de-France au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Fixe le droit d'appel prévu par l'article R 144-10 alinéa 2 du code de la sécurité sociale à la charge de l'appelante qui succombe au 10ème du montant mensuel du plafond prévu à l'article L241-3 du code de la sécurité sociale et condamne l'URSSAF d'Ile-de-France au paiement de ce droit ainsi fixé à la somme de 331,10 €.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 15/09936
Date de la décision : 29/06/2018

Références :

Cour d'appel de Paris L4, arrêt n°15/09936 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-06-29;15.09936 ?
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